Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, premier ministre, sur la politique de l'emploi et de la formation et sur le projet d'initiative de croissance et d'emploi de l'Union européenne, Paris le 8 septembre 2003.

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Circonstance : Visite de Jean-Pierre Raffarin au "Train de l'entreprise" à la gare du Nord, à Paris le 8 septembre 2003

Texte intégral

Je voudrais que cet automne 2003 soit pour nous l'occasion d'une grande mobilisation nationale pour l'emploi. L'emploi est la première préoccupation des Français. L'emploi doit faire l'objet d'une mobilisation de tous les acteurs : les pouvoirs publics évidemment, mais aussi l'ensemble des partenaires pour que le travail soit pour la France un atout, une force pour notre pays.
C'est pour nous une stratégie nationale. J'ai engagé ces derniers jours un dialogue avec les partenaires sociaux ; je verrai prochainement un grand nombre d'entre eux pour bâtir dans le dialogue social cette mobilisation nationale pour l'emploi. De mon point de vue, la règle d'or est le bon équilibre entre la dynamique économique et la dynamique sociale. Si l'économique oublie le social, il ne sera pas mobilisateur et si le social oublie l'économique, il ne sera pas créateur.
La dynamique économique est pour nous articulée autour de deux valeurs : d'abord une stratégie de croissance. Il nous faut de la croissance durable en France et en Europe. Un point de croissance, c'est plus de 150 000 emplois. La croissance est nécessaire ; quand nous ne l'avons pas, nous devons tout faire pour la conquérir, mais quand nous l'avons, il faut tout faire pour la conserver, pour installer l'économie française dans une stratégie de croissance durable. Nous pensons que nous pouvons accélérer le retour de la croissance, notamment par l'allégement de toutes les formes de charges qui pèsent sur les acteurs économiques. Dans le budget 2004, nous ajouterons aux 2 milliards d'allégements des charges qui étaient déjà prévus dans le budget 2003, 1,5 milliard d'euros d'allégements de charges supplémentaires, pour développer la dynamique économique.
Allégement des impôts, allégement des charges, création du contrat des jeunes en entreprise. Nous atteindrons prochainement 100 000 jeunes qui auront ainsi un vrai contrat dans de vraies entreprises, avec un bon équilibre pour l'entreprise et pour le jeune, l'un étant déchargé d'une partie des charges sociales, l'autre bénéficiant d'une formation sur le terrain, au plus près des réalités.
La croissance est nécessaire à la France. Nous faisons tout, aujourd'hui, pour accélérer ce retour de la croissance que nous sentons aujourd'hui aux Etats-Unis mais aussi dans d'autres pays du monde. Croissance, mais aussi création. Création d'entreprises, création d'emplois. Il est évident que la création d'entreprises est aujourd'hui en France un des leviers majeurs de l'emploi. Les chiffres qui sont atteints depuis maintenant plus de seize mois sont positifs. Nous sommes sur le rythme des 200 000 créations d'entreprises par an. 200 000 créations d'entreprise par an, c'est 500 000 créations d'emplois par an. C'est la logique de la politique qui a été menée notamment avec les lois Dutreil.
C'est la dynamique que nous voulons créer par une création d'entreprise plus facile, mais aussi, mieux charpentée, plus musclée dès son départ, parce que nous connaissons les accidents des entreprises qui partent sans les conseils, sans la validation du projet au départ. Vous faites en sorte que l'entrepreneur s'engage dans cette aventure de la création avec le muscle de la réussite. Nous tiendrons l'objectif de création pendant le quinquennat d'un million d'entreprises nouvelles. C'est, quand on regarde le passé, une performance. Mais quand on regarde le Royaume-Uni, et qu'on compare la France au Royaume-Uni, ce n'est jamais que rattraper le retard que nous avons par rapport au Royaume-Uni. Dynamique économique donc autour de ces deux valeurs : la croissance et la création. Mais également l'équilibre avec le social. C'est, je crois, très important, dans un pays comme le nôtre, si attaché à la cohésion sociale.
Je vois là, deux priorités : la première, c'est ce que font les partenaires sociaux en ce moment sur le texte de la formation et de la formation tout au long de la vie. Je compte vraiment sur tous les partenaires sociaux, pour que nous puissions intégrer vos propositions dans un projet de loi pour la formation et pour l'emploi avant la fin de l'année. Nous avons besoin de ce coup de pouce à la formation pour l'emploi, pour donner véritablement à l'emploi la durabilité nécessaire. Il est clair que nous voulons qu'il soit possible une alternance entre emploi et formation pour chasser le chômage et que les personnes puissent, dans les périodes de non-emploi avoir des périodes de formation. Je compte sur le dialogue social, sur sa détermination, sur sa capacité à déboucher sur du concret pour, dans le courant du mois de septembre, nous faire des propositions que nous intégrerons immédiatement. La place est réservée dans le programme parlementaire avant la fin de l'année.
Deuxième élément très important : faire face tous ensemble à un problème qui touche toute l'Europe, la désindustrialisation. Je suis très préoccupé par la désindustrialisation qui, aujourd'hui, est une caractéristique de l'Union européenne. C'est le problème majeur du Chancelier Schröder, de S. Berlusconi ; c'est un problème majeur aujourd'hui au Royaume-Uni. Je vois, partout en Europe, des risques importants de désindustrialisation.
Ceci doit nous conduire à la mobilisation. Et j'ai demandé à F. Fillon, le ministre des Affaires sociales, d'être au plus près de toutes les entreprises aujourd'hui qui connaissent des difficultés et qui doivent gérer des plans sociaux. C'est pour cela, que je me suis engagé sans hésiter avec F. Mer dans le plan pour Alstom, car nous sommes là sur 100 000 emplois d'une part, et sur deux secteurs industriels majeurs : le ferroviaire, mais aussi l'énergie. Ce sont deux valeurs de l'industrie française et de l'industrie européenne pour lesquelles il nous faut évidemment avoir des soutiens.
Je ne souhaite pas évidemment, durablement inscrire l'action de l'Etat dans ce type d'action, mais quand il s'agit de sauver des secteurs industriels, d'éviter des dépôts de bilan, je crois qu'il faut agir avec détermination. Nous faisons cela en partenariat avec la Commission européenne. Et je souhaite que nous puissions trouver les accords nécessaires pour qu'il puisse y avoir cette proximité sociale dans la bataille que nous devons mener aussi pour l'industrie. Je sais que l'artisanat est la première entreprise de France, je sais aussi que nous avons besoin des autres secteurs, y compris de l'industrie et des services. Nous avons besoin d'une économie équilibrée. La logique sociale pour toutes les entreprises en difficultés doit pouvoir s'exprimer par une proximité du service public de l'emploi que je souhaite renforcer.
Enfin, et pour terminer, je crois que l'équilibre entre le social et l'économique, doit aujourd'hui impliquer l'Union européenne, et que l'Union européenne, puisse montrer aux citoyens qu'elle est intéressée par l'élargissement, la Convention et la réforme de ses institutions, pour lesquelles nous sommes intéressés et nous sommes très favorables, mais aussi, qu'elle est intéressée par la vie quotidienne des Français.
C'est pour cela que samedi, rencontrant le président de l'Union européenne, S. Berlusconi, j'ai proposé que nous puissions ensemble renforcer le projet d'initiative de croissance et d'emploi. Plusieurs secteurs sont très importants : les infrastructures, comme le propose l'Italie, les grandes infrastructures, infrastructures matérielles, qui sont celles d'équipements, de transport, mais aussi, les infrastructures immatérielles pour les technologies nouvelles. Là, il y a des investissements à faire. Je souhaite également que nous puissions faire des investissements en matière de recherche et de technologie, pour la réindustrialisation de l'Union européenne. Je souhaite que nous puissions intégrer dans ce projet européen d'initiative de croissance et d'emploi, un volet important pour la recherche, qui est l'avenir de nos secteurs industriels et de nos secteurs technologiques.
C'est pour cela que le 11 septembre prochain, je serai avec le ministre de l'Economie et le ministre des Affaires sociales, avec T. Blair, pour valider l'expérience britannique et le souhait français et faire en sorte que nous ayons des positions communes. Nous tiendrons un Conseil des ministres commun, allemand et français, le 18 septembre.
Ainsi, je pense qu'à la fin septembre, nous pourrons communiquer à l'Europe, avec la présidence italienne, un projet de mobilisation européenne pour l'emploi. C'est très important d'avoir cette volonté aujourd'hui d'inscrire, dans les grandes échéances européennes, la bataille pour la croissance et pour l'emploi. C'est un élément de la cohésion économique et sociale, qui a toujours fait partie de l'engagement européen.
Ancien député européen, je reste un européen convaincu, je suis très attaché, évidemment, au grand objectif de l'Union européenne. Je suis aussi très attaché à la cohésion sociale, économique, à la cohésion populaire de l'Europe qui passe par la dynamique de l'emploi et qui passe par une mobilisation européenne nationale. Et je suis très heureux que dans cette mobilisation-là, vous donniez un exemple d'innovation et en même temps, un exemple de proximité en allant au-devant des Françaises et des Français pour leur parler de l'emploi par l'entreprise.
Merci à tous pour votre engagement.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 10 septembre 2003)