Déclaration de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur les conditions nécessaires au développement du secteur privé dans les pays de la zone franc, Paris le 16 septembre 2003.

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Circonstance : Réunion des ministres des finances des pays de la zone franc le 16 septembre 2003 à Paris

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Gouverneurs,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de vous rencontrer aujourd'hui aux côtés de Francis Mer pour évoquer plus particulièrement, après lui, le sujet essentiel du développement du secteur privé.
Je ne reviendrai pas sur les aspects que Francis Mer vient de traiter. J'insisterai plus particulièrement sur plusieurs éléments des politiques nationales propres à favoriser le développement économique, c'est-à-dire à créer un contexte propice à la confiance des agents économiques.
Un premier élément :
L'essor du secteur privé dépend d'un facteur primordial : la sécurité. La sécurité des personnes, d'abord. Aucun pays ne s'est jamais développé sans que règne la paix civile. Je n'ai pas besoin de vous convaincre sur ce point. Tous les efforts doivent se conjuguer dans ce but. La tâche est parfois difficile car les situations de pauvreté suscitent des tensions de toutes sortes. Raison de plus pour faire de la sécurité et de la stabilité politique et sociale un axe majeur des politiques nationales. Cela implique d'avoir une vision prospective, et la capacité d'anticiper, c'est-à-dire une culture de la prévention. Prévenir les menaces qui pèsent sur la sécurité et la stabilité suppose de respecter quelques principes :
Le premier est le respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité des territoires ; il faut pouvoir neutraliser et désamorcer tout processus de désintégration qui pourrait être détecté.
Le second est le recours à la médiation, à l'intérieur aussi bien qu'avec les pays voisins, conformément d'ailleurs à des traditions et à des pratiques authentiquement africaines, qui ont fait leurs preuves chaque fois qu'elles ont été mises en application. Comme les crises et les conflits récents ou actuels le montrent, la déstabilisation d'un Etat affecte généralement ses voisins. L'impératif de sécurité est donc collectif.
C'est pourquoi la France n'entend pas intervenir isolément. En revanche, elle soutient résolument les efforts de médiation des organisations sous-régionales comme ceux de la communauté internationale.
Enfin, un dernier principe : le pouvoir doit s'exercer dans un cadre démocratique assurant à chaque citoyen le respect de ses droits et libertés.
C'est dans cet esprit que la France appuie la mise en place par des organisations sous-régionales, telles la CEDEAO ou encore la CEMAC, de mécanismes efficaces de prévention, de gestion et de règlement des conflits. C'est au demeurant l'un des principes directeurs du NEPAD auquel nous adhérons totalement.
Il y a un autre aspect de la sécurité sur lequel je veux insister, la sécurité juridique. Elle est indispensable au développement des affaires et aux investissements. Les opérateurs économiques comptent à cet égard sur la pérennité et sur le renforcement de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA). Ils ont déjà pu mesurer le rôle positif qu'a commencé à jouer cette jeune organisation dans la création d'un contexte juridique et judiciaire favorable aux investissements.
Dix ans après la signature du Traité de Port-Louis, le Conseil des ministres de l'OHADA se réunira à Libreville le 17 octobre prochain. C'est une étape cruciale dans l'histoire de l'OHADA car il s'agit de mettre en place à cette occasion un mécanisme assurant le financement pérenne des institutions. Le fonds de capitalisation qui les finance arrive en effet bientôt à épuisement. La participation, à cette réunion, des ministres des Finances aux côtés des ministres de la Justice des Etats membres apparaît donc nécessaire. Ensemble, sur la base d'un dossier finalisé par la présidence gabonaise, ils devront prendre une décision engageant les Etats. Il faudra par la suite mettre rapidement en place les dispositions concrètes qui doivent en découler afin d'éviter toute rupture dans le fonctionnement des institutions. La poursuite de notre appui, dans ce domaine, vous est bien entendu acquise.
Après la sécurité, je voudrais dire quelques mots de l'investissement.
Je parle ici tout autant de l'investissement physique - les infrastructures, les équipements publics - que de l'investissement humain qui touche à l'éducation, à la santé, à la culture. Lorsque les moyens financiers font défaut, ce sont souvent ces domaines qui subissent les restrictions budgétaires. On perçoit aujourd'hui les conséquences désastreuses de telles politiques. Cette observation a sans doute été trop sous-estimée, jusqu'à une date récente, par les Institutions financières internationales dans leurs plans d'ajustement.
Car éduquer les populations, les soigner, leur donner accès à la culture, cela relève bien sûr d'une exigence morale mais c'est aussi un impératif stratégique d'une politique de développement. En s'engageant à tripler la contribution de la France au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le président de la République répond à un devoir de solidarité. Il constate en même temps une évidence : il ne peut y avoir de croissance économique lorsque 10, 20, voire 30 % de la population d'un pays sont atteints d'une maladie infectieuse, le plus souvent mortelle, qui plus est, lorsque ce sont les forces vives de cette population qui sont frappées.
Il en va bien évidemment de même pour l'éducation : comment implanter une entreprise, un commerce et embaucher du personnel lorsque la population reste dans sa majorité privée des savoirs fondamentaux ?
Dans ce domaine, je rappelle le rôle moteur que nous avons joué et que nous continuons de jouer dans l'initiative de procédure accélérée en faveur de l'éducation pour tous que la France co-préside en 2003. Je me rends d'ailleurs à New Delhi en novembre prochain pour plaider à nouveau en faveur de ce programme international essentiel au sein du "Groupe de Haut niveau" réunissant les principaux bailleurs de fonds.
Il nous faut exercer une pression collective forte pour obtenir que ce programme reste une priorité et que les moyens nécessaires soient mobilisés.
Enfin, je voudrais évoquer les infrastructures.
L'aide française s'inscrit à cet égard résolument dans l'optique du NEPAD. Elle souhaite mobiliser ses divers instruments pour promouvoir des partenariats publics-privés. Car la solution au financement des infrastructures ne peut être apportée par la seule aide publique au développement, pas plus que par les seuls financements privés.
L'alternative que nous soutenons, notamment à travers les interventions du groupe de l'Agence française de développement et de la Société de promotion et de participation pour la coopération économique (PROPARCO), est de promouvoir des formes adaptées de partenariat entre acteurs publics et privés, permettant d'améliorer la gestion des projets et aussi de mobiliser l'épargne locale.
Je conclus par une observation qui vaut pour les trois sujets que je viens d'évoquer : qu'il s'agisse de la sécurité au sens large ou de la sécurité juridique, des investissements et des infrastructures, la dimension régionale de ces politiques apparaît comme une condition essentielle de leur succès. De ce point de vue, les institutions monétaires dont vous disposez montrent la voie. Il convient de s'inspirer de cet exemple dans bien d'autres domaines pour enclencher un processus de développement global des pays membres de la zone franc.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 septembre 2003)