Texte intégral
Monsieur le Président, Cher Monsieur LEMAITRE,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve aujourd'hui pour votre assemblée générale, à Bourg-en-Bresse, dans une région qui m'est chère et est habituellement peu mise en avant dans le domaine porcin.
Votre Assemblée Générale prend, cette année, une importance particulière, que je mesure bien dans un climat de morosité générale et d'incertitude quant à l'avenir des négociations internationales. Votre secteur subit, depuis de long mois, une crise de marché d'autant plus inquiétante qu'elle est atypique.
S'ajoute à ce tableau déjà sombre, de nombreuses interrogations quant à la pérennité des outils de votre filière et à sa viabilité économique devant les contraintes environnementales.
Comment ne pas comprendre alors le sentiment de malaise qui s'empare, de nos éleveurs, et que je ressens dans chacun des départements que je visite ?
Dès mon arrivée, j'ai tenté de trouver des réponses conjoncturelles aux questions que vous m'avez soumises.
Vous m'aviez tout d'abord demandé d'obtenir la réouverture sans délai, des marchés du Japon et de la Corée.
Le Président de la République est intervenu personnellement auprès du Premier Ministre japonais, et j'ai fait valoir mes arguments à mes homologues dans ces deux pays.
Dans le même temps, la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL) et les attachés agricoles font leur maximum pour répondre aux exigences de leurs interlocuteurs.
Nous avons dû mettre en place, dans les départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, un dispositif spécifique entraînant un renforcement des contrôles sanitaires et une surveillance des mouvements d'animaux. Grâce au sens des responsabilités des éleveurs et de leurs organisations, le foyer a été contenu. Je veux ici vous en remercier et vous dire que même si, pour des raisons, indépendantes de ma volonté, l'indemnisation qui vous est due a tardé, celle-ci est en train de vous parvenir.
Nos efforts ont enfin été récompensés, car la Corée a réouvert son marché aux exportations françaises le 2 octobre, et le Japon quelques semaines plus tard le 17 décembre. Nous avions ainsi mis fin à 21 mois successifs de fermeture, et pouvions ensemble avoir l'espoir d'une reprise des cours sur le marché.
Or, force est de constater que ce rebond n'a pas encore eu lieu.
Les raisons en sont à peu près établies :
- les exportateurs ont, d'abord, besoin de reconquérir leur clientèle, avant d'envisager d'y vendre de gros volumes ;
- les cours à l'achat ont ensuite baissé dans les deux pays ;
- enfin, des clauses de sauvegarde ont été mises en place.
J'espère que nous recueillerons très rapidement les fruits du déplacement en Corée et au Japon, pour lequel je souhaiterais féliciter l'interprofession nationale, la région Bretagne et l'OFIVAL.
Vous m'avez, ensuite demandé d'obtenir de la Commission une opération de stockage privé, de façon à soutenir les cours. Je l'ai obtenue à Bruxelles avec le soutien de plusieurs de nos partenaires.
Si les espoirs de remontée des cours ont été plutôt déçus, nous pouvons au moins être satisfaits d'avoir évité un engorgement encore plus dramatique de la filière européenne.
Ainsi malgré ces efforts, la situation des producteurs est demeurée préoccupante. D'autant plus préoccupante, sur le plan financier, que, comme vous l'avez souligné, Monsieur le Président, les producteurs français ont été plus touchés par les épisodes sanitaires récents que leurs homologues européens.
C'est la raison pour laquelle vous m'avez demandé de mettre en oeuvre des dispositifs de soutien à la trésorerie. Le contexte budgétaire que j'ai trouvé en arrivant, m'a privé de toute marge de manoeuvre au niveau de l'OFIVAL. De plus, l'intervention de cet Office, comme de tout organisme public nous aurait obligé de communiquer l'opération à la Commission de Bruxelles
Compte tenu du délai de réponse de la Commission, nous aurions dû encore attendre de longs mois avant de pouvoir agir.
C'est pourquoi, j'ai souhaité réunir un pool bancaire, qui profitera de l'expertise accumulée par les précédentes opérations STABIPORC.
Avec votre concours et celui du président FRITSCH, Yves BERGER, directeur de l'OFIVAL a réussi à réunir un nouveau pool bancaire et les premiers versements de ce mécanisme, entièrement privé, interviendront avant le 15 mai dans les groupements les plus rapides.
Bien entendu, de tels soutiens ne remplacent pas - j'en suis conscient - une hausse des cours du cadran.
Ils sont pourtant déjà très surveillés par la Commission. A peine le Salon de l'Agriculture venait-il de fermer que la Commission m'écrivait, pour vérifier que l'Etat français n'introduisait pas de distorsions de concurrence abusive.
Cette " réaction éclair " de la Commission contraste avec le détachement observé à ce jour vis à vis du marché porcin, et ceci - je ne vous le cache pas - ne cesse de me troubler.
Il est clair, en effet, que les marges de manoeuvres budgétaires et nos engagements devant l'OMC autoriseraient l'Union Européenne à accroître nos restitutions, ce qui dégagerait d'autant notre marché intérieur.
J'ai adressé au commissaire FISCHLER une demande écrite en ce sens.
Mais, plus fondamentalement, je lui demande instamment, dans le cadre de sa revue à mi-parcours, d'accorder la plus grande attention aux secteurs du porc, ainsi, d'ailleurs, qu'à celui de la volaille.
Car ces deux secteurs, fortement consommateurs de céréales européennes et créateurs d'emploi, traversent une crise profonde. Dans les deux cas, leurs OCM sont notoirement insuffisantes, pour ne pas dire inexistantes. J'ai eu l'occasion d'évoquer ce sujet avec mes collègues européens, et j'ai ressenti chez chacun d'entre eux le même besoin de disposer d'outils plus efficaces.
Je sais que d'autres que moi ont déjà échoué à améliorer l'OCM, mais je n'y vois pas, pour autant, une raison de renoncer.
Si je me suis d'abord heurté à des réactions goguenardes quand j'ai voulu restaurer la préférence communautaire sur le marché de la volaille, je constate aujourd'hui que la Commission entreprend désormais de la défendre.
C'est pourquoi je souhaite que nous puissions élaborer ensemble un projet de cadre européen et le soutenir à Bruxelles.
Vous m'avez également interpellé sur le problème de la relation avec la grande distribution.
L'OFIVAL a conduit un travail d'observation minutieux des difficultés rencontrées par votre secteur.
Cette étude a fait clairement ressortir l'évolution des marges, ces dernières années. Je n'ignore pas que les conclusions donnent lieu à des divergences d'appréciation notamment avec la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD). Sachez toutefois, que je partage le constat que beaucoup d'entre vous avez fait. Quant on est tour à tour producteur de porc et client d'une GMS, on voit bien que la baisse des cours à la production ne se retrouve pas dans les prix des consommateurs.
La concentration de la distribution aboutit à un rapport de force déséquilibré, dont vous faîtes avec d'autres la très difficile expérience.
Comme vous le savez, je m'étais engagé cet automne, à rééquilibrer le rapport de force par la loi. Car on sait depuis SIEYES qu' " entre le fort et le faible, c'est la liberté qui asservit et la loi qui protège ".
Jeudi dernier, un amendement a été déposé au Sénat dans ce sens.
Deux innovations importantes ont ainsi été adoptées par la Haute Assemblée :
- d'une part, les dispositions de gestion du marché en temps de crise ont été étendues à tous les secteurs de produits frais, et notamment le vôtre ;
- d'autre part, la notion de prix d'achat abusivement bas, en usage dans d'autres secteurs, a été étendue au secteur agricole. Elle donnera désormais à l'Etat les moyens de sanctionner les manquements.
Parce que les relations avec la grande distribution nous amènent à envisager différemment l'organisation même de votre filière, elles soulèvent la question même de son avenir.
Après une entrevue que nous avions eu à l'automne, Monsieur le Président, j'avais demandé à MM. PORRY, GUIBE, MANFREDI et TRAVERS, de travailler avec tous les représentants de la filière à la rédaction d'un tel rapport.
Le rapport d'étape, qui m'a été transmis il y a quelques jours, vous a été également remis. Vous en avez, je crois, débattu hier.
Ce rapport, bien sûr, n'est pas définitif, et pourra faire l'objet de modifications. Il constitue cependant une bonne synthèse des très nombreux entretiens et travaux conduits ces derniers mois par les rapporteurs.
Il soulève également des questions - nous nous y attendions - sur l'avenir de la filière française. Il comporte déjà quelques propositions, et je devine que les échanges que vous avez eus, sur la base de son résumé, viendront encore les enrichir.
Vous me permettrez toutefois de retenir d'ores et déjà quelques uns de ses points les plus saillants.
Si le rapport dresse un constat heureux du développement récent de la filière porcine, il évoque néanmoins quelques pesanteurs qui devront être levées si nous voulons donner à la filière tout son dynamisme.
En tout premier lieu, il y a bien sûr, la contrainte environnementale.
Je suis très frappé par le contraste entre les attentes de l'opinion et la réalité des efforts conduits par la profession sur le terrain. Celle-ci s'est dotée de spécialistes au niveau de ses structures d'encadrement. Ils ont permis des progrès spectaculaires dans le domaine de l'environnement, tandis que l'opinion a encore trop conservé le souvenir du passé. D'un côté, une excellente technicité et la volonté de faire mieux. De l'autre, des griefs qui avaient été légitimes, mais qui ne le sont plus tout à fait.
On voit bien l'effet dévastateur de ce décalage : la pression des contrôles qui a augmenté, les difficultés qui s'accumulent sur les investisseurs, et le risque de désaffection du secteur.
Nous devons trouver les moyens de réduire ce décalage. Les agriculteurs reçoivent trop de leçons de la part des milieux urbains, où l'on ne sait plus grand chose de la nature.
Notre propre administration doit bien sûr faire preuve de la même évolution dans ses pratiques. Je suis heureux d'être en parfait accord sur ce point, avec ma collègue Roselyne BACHELOT.
Nous nous sommes rendus ensemble en juillet dans une exploitation porcine. Depuis, nous avons eu l'occasion de refaire des déplacements communs. Nos services ont travaillé ensemble à la remise à plat des contraintes réglementaires. Ce travail n'est pas achevé, mais je peux d'ores et déjà, vous en livrer quelques résultats :
Une circulaire paraîtra d'ici quatre semaines. Elle prend en compte les propositions du groupe de simplification et permettra d'engager sans délai l'instruction des dossiers.
- Elle porte tout d'abord sur le dossier de demande d'aide lui-même :
Certaines pièces du dossier sont supprimées, d'autres sont remplacées par une simple déclaration sur l'honneur, les dernières enfin, sont remplacées par leur référence, chaque fois que l'administration dispose d'une copie.
- La méthode de diagnostic est également simplifiée :
Dans la méthode dexel, la partie bâtiment est maintenue, tandis que la partie épandage est considérablement simplifiée. Les pratiques d'épandage seront décrites par culture et non plus par parcelle. Elles seront synthétisées pour l'éleveur, au travers de quatre indicateurs seulement.
- Les multiples documents d'enregistrement sont harmonisés :
Le plan d'épandage, le plan de fumure et le cahier d'enregistrement sont identiques pour le PMPOA, la directive Nitrates et la réglementation Installations classées. Ces documents ne seront exigés qu'à partir de l'année du dépôt du dossier de demande de financement.
- Les investissements qui peuvent être pris en compte sont plus nombreux :
L'éleveur peut choisir, sans qu'il lui soit demandé une justification technico-économique, de couvrir les aires d'exercices des bovins, ce qui réduit les capacités de stockage nécessaires.
Des dispositifs de traitement des effluents peu chargés ont été validés, constituant une alternative au tout stockage.
Le calcul de la capacité agronomique de stockage des effluents est remplacé par une méthode plus transparente pour l'éleveur. Cela évite, en particulier, de recourir à un projet fictif quand l'on change de pratique.
S'agissant du projet agronomique, atteindre durant la première année d'expertise le niveau des indicateurs en fin de programme ne sera plus une condition d'éligibilité aux aides.
- Enfin des clarifications sont apportées aux barèmes des calculs.
Cet ensemble de simplifications doit démontrer que l'on arrive à mieux comprendre les éleveurs, à prendre en compte leurs difficultés. J'espère ainsi contribuer à rassurer les jeunes, ce que préconise le rapport.
Au-delà de problèmes cruciaux liés à l'environnement, ce rapport met aussi l'accent sur la nécessité de concevoir une stratégie collective, notamment en matière de commercialisation.
Je reprends un chiffre, cité dans le texte : au Danemark, 90 % de la production est dans les mains d'un seul groupement.
En France, pour parvenir aux mêmes 90 % il nous faut 90 groupements. Un peu plus loin dans le texte, il est, d'ailleurs, rappelé que le porc danois est sensiblement mieux payé que le porc français.
Dans une phase de croissance de la production française, la multiplicité de nos opérateurs a entretenu une forte émulation. Mais il en a résulté un rapport de force aujourd'hui déséquilibré. C'est ainsi que, comme vous le savez, certains ateliers se fournissent toutes les semaines sur Internet par enchères décroissantes.
Bien que très concurrentiel, le marché national bénéficie peu au consommateur. Il interdit, en revanche, aux transformateurs de réaliser leurs marges, de conquérir des marchés d'export et d'innover. Si la concentration de la transformation ne vient pas compenser celle des acheteurs, seule une stratégie collective peut constituer un palliatif efficace.
INAPORC a vocation à accueillir l'élaboration de la stratégie collective. Après une lente gestation, cette association attend toujours d'être agréée.
Là encore, un amendement déposé jeudi dernier a permis de lever les derniers obstacles. Dès que la loi sera votée, je procéderai à l'agrément d'INAPORC.
Enfin, toujours pour favoriser le regroupement des acteurs, j'ai demandé, s'agissant de la gestion de l'aide à la qualité du porc en zone de montagne, de soumettre les versements à l'avis de l'interprofession nationale, ou d'en faire même une condition. Le Directeur de l'OFIVAL réunira un groupe de travail prochainement sur ce sujet.
La situation de crise que vivent tous les éleveurs doit être une occasion de faire bouger les lignes. Car lorsque les cours renouent avec les sommets, chacun est encore moins enclin à modifier l'organisation de la filière.
Encore faut-il que les responsables y croient, osent et agissent ! Pour ma part, je suis prêt à continuer à vous aider. Les discussions qui vont maintenant se tenir avec les rapporteurs que j'ai désignés seront une occasion, une " fenêtre de tir ", que vous aurez à coeur de ne pas laisser passer.
Je vous invite, Monsieur le Président, à y " peser de tout votre poids ", pour que les responsables de bonne volonté unissent, ensemble, leurs efforts et que nous fassions fi de la crainte et de la morosité, et rien alors - j'en suis sûr - ne résistera à la résolution et à l'audace dont je vous sais capable.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 4 avril 2003)
Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve aujourd'hui pour votre assemblée générale, à Bourg-en-Bresse, dans une région qui m'est chère et est habituellement peu mise en avant dans le domaine porcin.
Votre Assemblée Générale prend, cette année, une importance particulière, que je mesure bien dans un climat de morosité générale et d'incertitude quant à l'avenir des négociations internationales. Votre secteur subit, depuis de long mois, une crise de marché d'autant plus inquiétante qu'elle est atypique.
S'ajoute à ce tableau déjà sombre, de nombreuses interrogations quant à la pérennité des outils de votre filière et à sa viabilité économique devant les contraintes environnementales.
Comment ne pas comprendre alors le sentiment de malaise qui s'empare, de nos éleveurs, et que je ressens dans chacun des départements que je visite ?
Dès mon arrivée, j'ai tenté de trouver des réponses conjoncturelles aux questions que vous m'avez soumises.
Vous m'aviez tout d'abord demandé d'obtenir la réouverture sans délai, des marchés du Japon et de la Corée.
Le Président de la République est intervenu personnellement auprès du Premier Ministre japonais, et j'ai fait valoir mes arguments à mes homologues dans ces deux pays.
Dans le même temps, la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL) et les attachés agricoles font leur maximum pour répondre aux exigences de leurs interlocuteurs.
Nous avons dû mettre en place, dans les départements de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, un dispositif spécifique entraînant un renforcement des contrôles sanitaires et une surveillance des mouvements d'animaux. Grâce au sens des responsabilités des éleveurs et de leurs organisations, le foyer a été contenu. Je veux ici vous en remercier et vous dire que même si, pour des raisons, indépendantes de ma volonté, l'indemnisation qui vous est due a tardé, celle-ci est en train de vous parvenir.
Nos efforts ont enfin été récompensés, car la Corée a réouvert son marché aux exportations françaises le 2 octobre, et le Japon quelques semaines plus tard le 17 décembre. Nous avions ainsi mis fin à 21 mois successifs de fermeture, et pouvions ensemble avoir l'espoir d'une reprise des cours sur le marché.
Or, force est de constater que ce rebond n'a pas encore eu lieu.
Les raisons en sont à peu près établies :
- les exportateurs ont, d'abord, besoin de reconquérir leur clientèle, avant d'envisager d'y vendre de gros volumes ;
- les cours à l'achat ont ensuite baissé dans les deux pays ;
- enfin, des clauses de sauvegarde ont été mises en place.
J'espère que nous recueillerons très rapidement les fruits du déplacement en Corée et au Japon, pour lequel je souhaiterais féliciter l'interprofession nationale, la région Bretagne et l'OFIVAL.
Vous m'avez, ensuite demandé d'obtenir de la Commission une opération de stockage privé, de façon à soutenir les cours. Je l'ai obtenue à Bruxelles avec le soutien de plusieurs de nos partenaires.
Si les espoirs de remontée des cours ont été plutôt déçus, nous pouvons au moins être satisfaits d'avoir évité un engorgement encore plus dramatique de la filière européenne.
Ainsi malgré ces efforts, la situation des producteurs est demeurée préoccupante. D'autant plus préoccupante, sur le plan financier, que, comme vous l'avez souligné, Monsieur le Président, les producteurs français ont été plus touchés par les épisodes sanitaires récents que leurs homologues européens.
C'est la raison pour laquelle vous m'avez demandé de mettre en oeuvre des dispositifs de soutien à la trésorerie. Le contexte budgétaire que j'ai trouvé en arrivant, m'a privé de toute marge de manoeuvre au niveau de l'OFIVAL. De plus, l'intervention de cet Office, comme de tout organisme public nous aurait obligé de communiquer l'opération à la Commission de Bruxelles
Compte tenu du délai de réponse de la Commission, nous aurions dû encore attendre de longs mois avant de pouvoir agir.
C'est pourquoi, j'ai souhaité réunir un pool bancaire, qui profitera de l'expertise accumulée par les précédentes opérations STABIPORC.
Avec votre concours et celui du président FRITSCH, Yves BERGER, directeur de l'OFIVAL a réussi à réunir un nouveau pool bancaire et les premiers versements de ce mécanisme, entièrement privé, interviendront avant le 15 mai dans les groupements les plus rapides.
Bien entendu, de tels soutiens ne remplacent pas - j'en suis conscient - une hausse des cours du cadran.
Ils sont pourtant déjà très surveillés par la Commission. A peine le Salon de l'Agriculture venait-il de fermer que la Commission m'écrivait, pour vérifier que l'Etat français n'introduisait pas de distorsions de concurrence abusive.
Cette " réaction éclair " de la Commission contraste avec le détachement observé à ce jour vis à vis du marché porcin, et ceci - je ne vous le cache pas - ne cesse de me troubler.
Il est clair, en effet, que les marges de manoeuvres budgétaires et nos engagements devant l'OMC autoriseraient l'Union Européenne à accroître nos restitutions, ce qui dégagerait d'autant notre marché intérieur.
J'ai adressé au commissaire FISCHLER une demande écrite en ce sens.
Mais, plus fondamentalement, je lui demande instamment, dans le cadre de sa revue à mi-parcours, d'accorder la plus grande attention aux secteurs du porc, ainsi, d'ailleurs, qu'à celui de la volaille.
Car ces deux secteurs, fortement consommateurs de céréales européennes et créateurs d'emploi, traversent une crise profonde. Dans les deux cas, leurs OCM sont notoirement insuffisantes, pour ne pas dire inexistantes. J'ai eu l'occasion d'évoquer ce sujet avec mes collègues européens, et j'ai ressenti chez chacun d'entre eux le même besoin de disposer d'outils plus efficaces.
Je sais que d'autres que moi ont déjà échoué à améliorer l'OCM, mais je n'y vois pas, pour autant, une raison de renoncer.
Si je me suis d'abord heurté à des réactions goguenardes quand j'ai voulu restaurer la préférence communautaire sur le marché de la volaille, je constate aujourd'hui que la Commission entreprend désormais de la défendre.
C'est pourquoi je souhaite que nous puissions élaborer ensemble un projet de cadre européen et le soutenir à Bruxelles.
Vous m'avez également interpellé sur le problème de la relation avec la grande distribution.
L'OFIVAL a conduit un travail d'observation minutieux des difficultés rencontrées par votre secteur.
Cette étude a fait clairement ressortir l'évolution des marges, ces dernières années. Je n'ignore pas que les conclusions donnent lieu à des divergences d'appréciation notamment avec la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD). Sachez toutefois, que je partage le constat que beaucoup d'entre vous avez fait. Quant on est tour à tour producteur de porc et client d'une GMS, on voit bien que la baisse des cours à la production ne se retrouve pas dans les prix des consommateurs.
La concentration de la distribution aboutit à un rapport de force déséquilibré, dont vous faîtes avec d'autres la très difficile expérience.
Comme vous le savez, je m'étais engagé cet automne, à rééquilibrer le rapport de force par la loi. Car on sait depuis SIEYES qu' " entre le fort et le faible, c'est la liberté qui asservit et la loi qui protège ".
Jeudi dernier, un amendement a été déposé au Sénat dans ce sens.
Deux innovations importantes ont ainsi été adoptées par la Haute Assemblée :
- d'une part, les dispositions de gestion du marché en temps de crise ont été étendues à tous les secteurs de produits frais, et notamment le vôtre ;
- d'autre part, la notion de prix d'achat abusivement bas, en usage dans d'autres secteurs, a été étendue au secteur agricole. Elle donnera désormais à l'Etat les moyens de sanctionner les manquements.
Parce que les relations avec la grande distribution nous amènent à envisager différemment l'organisation même de votre filière, elles soulèvent la question même de son avenir.
Après une entrevue que nous avions eu à l'automne, Monsieur le Président, j'avais demandé à MM. PORRY, GUIBE, MANFREDI et TRAVERS, de travailler avec tous les représentants de la filière à la rédaction d'un tel rapport.
Le rapport d'étape, qui m'a été transmis il y a quelques jours, vous a été également remis. Vous en avez, je crois, débattu hier.
Ce rapport, bien sûr, n'est pas définitif, et pourra faire l'objet de modifications. Il constitue cependant une bonne synthèse des très nombreux entretiens et travaux conduits ces derniers mois par les rapporteurs.
Il soulève également des questions - nous nous y attendions - sur l'avenir de la filière française. Il comporte déjà quelques propositions, et je devine que les échanges que vous avez eus, sur la base de son résumé, viendront encore les enrichir.
Vous me permettrez toutefois de retenir d'ores et déjà quelques uns de ses points les plus saillants.
Si le rapport dresse un constat heureux du développement récent de la filière porcine, il évoque néanmoins quelques pesanteurs qui devront être levées si nous voulons donner à la filière tout son dynamisme.
En tout premier lieu, il y a bien sûr, la contrainte environnementale.
Je suis très frappé par le contraste entre les attentes de l'opinion et la réalité des efforts conduits par la profession sur le terrain. Celle-ci s'est dotée de spécialistes au niveau de ses structures d'encadrement. Ils ont permis des progrès spectaculaires dans le domaine de l'environnement, tandis que l'opinion a encore trop conservé le souvenir du passé. D'un côté, une excellente technicité et la volonté de faire mieux. De l'autre, des griefs qui avaient été légitimes, mais qui ne le sont plus tout à fait.
On voit bien l'effet dévastateur de ce décalage : la pression des contrôles qui a augmenté, les difficultés qui s'accumulent sur les investisseurs, et le risque de désaffection du secteur.
Nous devons trouver les moyens de réduire ce décalage. Les agriculteurs reçoivent trop de leçons de la part des milieux urbains, où l'on ne sait plus grand chose de la nature.
Notre propre administration doit bien sûr faire preuve de la même évolution dans ses pratiques. Je suis heureux d'être en parfait accord sur ce point, avec ma collègue Roselyne BACHELOT.
Nous nous sommes rendus ensemble en juillet dans une exploitation porcine. Depuis, nous avons eu l'occasion de refaire des déplacements communs. Nos services ont travaillé ensemble à la remise à plat des contraintes réglementaires. Ce travail n'est pas achevé, mais je peux d'ores et déjà, vous en livrer quelques résultats :
Une circulaire paraîtra d'ici quatre semaines. Elle prend en compte les propositions du groupe de simplification et permettra d'engager sans délai l'instruction des dossiers.
- Elle porte tout d'abord sur le dossier de demande d'aide lui-même :
Certaines pièces du dossier sont supprimées, d'autres sont remplacées par une simple déclaration sur l'honneur, les dernières enfin, sont remplacées par leur référence, chaque fois que l'administration dispose d'une copie.
- La méthode de diagnostic est également simplifiée :
Dans la méthode dexel, la partie bâtiment est maintenue, tandis que la partie épandage est considérablement simplifiée. Les pratiques d'épandage seront décrites par culture et non plus par parcelle. Elles seront synthétisées pour l'éleveur, au travers de quatre indicateurs seulement.
- Les multiples documents d'enregistrement sont harmonisés :
Le plan d'épandage, le plan de fumure et le cahier d'enregistrement sont identiques pour le PMPOA, la directive Nitrates et la réglementation Installations classées. Ces documents ne seront exigés qu'à partir de l'année du dépôt du dossier de demande de financement.
- Les investissements qui peuvent être pris en compte sont plus nombreux :
L'éleveur peut choisir, sans qu'il lui soit demandé une justification technico-économique, de couvrir les aires d'exercices des bovins, ce qui réduit les capacités de stockage nécessaires.
Des dispositifs de traitement des effluents peu chargés ont été validés, constituant une alternative au tout stockage.
Le calcul de la capacité agronomique de stockage des effluents est remplacé par une méthode plus transparente pour l'éleveur. Cela évite, en particulier, de recourir à un projet fictif quand l'on change de pratique.
S'agissant du projet agronomique, atteindre durant la première année d'expertise le niveau des indicateurs en fin de programme ne sera plus une condition d'éligibilité aux aides.
- Enfin des clarifications sont apportées aux barèmes des calculs.
Cet ensemble de simplifications doit démontrer que l'on arrive à mieux comprendre les éleveurs, à prendre en compte leurs difficultés. J'espère ainsi contribuer à rassurer les jeunes, ce que préconise le rapport.
Au-delà de problèmes cruciaux liés à l'environnement, ce rapport met aussi l'accent sur la nécessité de concevoir une stratégie collective, notamment en matière de commercialisation.
Je reprends un chiffre, cité dans le texte : au Danemark, 90 % de la production est dans les mains d'un seul groupement.
En France, pour parvenir aux mêmes 90 % il nous faut 90 groupements. Un peu plus loin dans le texte, il est, d'ailleurs, rappelé que le porc danois est sensiblement mieux payé que le porc français.
Dans une phase de croissance de la production française, la multiplicité de nos opérateurs a entretenu une forte émulation. Mais il en a résulté un rapport de force aujourd'hui déséquilibré. C'est ainsi que, comme vous le savez, certains ateliers se fournissent toutes les semaines sur Internet par enchères décroissantes.
Bien que très concurrentiel, le marché national bénéficie peu au consommateur. Il interdit, en revanche, aux transformateurs de réaliser leurs marges, de conquérir des marchés d'export et d'innover. Si la concentration de la transformation ne vient pas compenser celle des acheteurs, seule une stratégie collective peut constituer un palliatif efficace.
INAPORC a vocation à accueillir l'élaboration de la stratégie collective. Après une lente gestation, cette association attend toujours d'être agréée.
Là encore, un amendement déposé jeudi dernier a permis de lever les derniers obstacles. Dès que la loi sera votée, je procéderai à l'agrément d'INAPORC.
Enfin, toujours pour favoriser le regroupement des acteurs, j'ai demandé, s'agissant de la gestion de l'aide à la qualité du porc en zone de montagne, de soumettre les versements à l'avis de l'interprofession nationale, ou d'en faire même une condition. Le Directeur de l'OFIVAL réunira un groupe de travail prochainement sur ce sujet.
La situation de crise que vivent tous les éleveurs doit être une occasion de faire bouger les lignes. Car lorsque les cours renouent avec les sommets, chacun est encore moins enclin à modifier l'organisation de la filière.
Encore faut-il que les responsables y croient, osent et agissent ! Pour ma part, je suis prêt à continuer à vous aider. Les discussions qui vont maintenant se tenir avec les rapporteurs que j'ai désignés seront une occasion, une " fenêtre de tir ", que vous aurez à coeur de ne pas laisser passer.
Je vous invite, Monsieur le Président, à y " peser de tout votre poids ", pour que les responsables de bonne volonté unissent, ensemble, leurs efforts et que nous fassions fi de la crainte et de la morosité, et rien alors - j'en suis sûr - ne résistera à la résolution et à l'audace dont je vous sais capable.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 4 avril 2003)