Texte intégral
Qu'est-ce qui a amené la CFDT, mécontente jeudi à 4 h 30, à donner son accord quinze heures plus tard ? N'y a-t-il pas une part de mise en scène savamment orchestrée ?
François Chérèque. Il n'y a eu aucune théâtralisation de notre part. A 4 heures, nous avions un réel désaccord avec François Fillon qui restait flou sur les mesures les plus importantes à nos yeux. Je pense notamment au calendrier de revalorisation des basses pensions qui ne prévoyait rien avant 2008. Nous avons obtenu, outre une augmentation - les bas salaires auront une pension minimale d'environ 88 % du Smic -, le démarrage de la mesure dès janvier 2004. Autre acquis : les salariés ayant commencé à travailler jeunes pourront partir plus tôt. A 56 ans au lieu de 58 ans, par exemple, pour celui qui travaille depuis l'âge de 14 ans. Autre mesure : la décote pour les fonctionnaires s'appliquera sur dix-sept ans, jusqu'en 2020, alors qu'elle devait se mettre en place beaucoup plus rapidement. Avantage : ceux qui partiront d'ici 5 ans ne seront pas du tout pénalisés. Enfin, on a obtenu des mesures spécifiques pour le personnel soignant des hôpitaux, ils pourront continuer de partir dès 55 ans.
Mais la hausse des cotisations n'est pas une bonne nouvelle pour la majorité des salariés qui, eux, consentiront les plus gros efforts !
Elle n'interviendra qu'en 2006 mais s'effectuera par le biais d'un transfert de cotisation de l'assurance chômage sur les retraites. En tout état de cause, elle reste minime - 0,1 % pour les salariés et 0,1 % pour les entreprises - au regard des mesures prises en faveur des salariés du privé.
Compte tenu de la très forte mobilisation du 13, n'était-il pas possible d'obtenir plus de concessions de la part du gouvernement ?
On peut toujours dire qu'il était possible d'obtenir plus. Mais qui aurait pu imaginer il y a six mois qu'on serait parvenu à écarter les fonds de pension, tout en améliorant substantiellement les conditions de retraites des salariés du privé avec, par exemple, + 18 % par rapport aux 70 % programmés par la réforme Balladur ? Amélioration aussi pour les carrières longues qui pourront partir avant 60 ans dès 2004. Amélioration toujours avec une diminution de moitié du malus pour ceux qui souhaitent anticiper leur départ. Quant aux fonctionnaires, on a obtenu une retraite complémentaire obligatoire qui permettra d'intégrer jusqu'à 20 % du montant des primes dans le calcul des pensions. Sans oublier les mesures spécifiques pour l'Education nationale, le temps partiel, le rachat de cotisations pour durées d'études ... Tout cela représente pour nous un ensemble acceptable alors que le gouvernement était sur le principe d'une réforme drastique.
Les Français ont mis dix ans à comprendre les subtilités de la réforme Balladur. N'en sera-t-il pas de même avec la réforme Fillon ?
Je ne crois pas. Beaucoup de jeunes apprentis commencent à travailler avant 20 ans, ils bénéficieront donc des dispositifs en leur faveur. Grâce à la retraite à la carte, ceux qui font des études longues pourront racheter des années de cotisation et ne pas être pénalisés. Enfin, les pluripensionnés, ceux qui ont travaillé dans le public puis dans le privé, pourront cumuler leurs droits et donc avoir des niveaux de retraite plus intéressants. Ce qui n'était pas possible avant. Voilà des acquis durables non négligeables.
Il n'y a plus de front syndical depuis hier. Qui en porte la responsabilité ?
J'estime que ceux qui l'ont rompu sont ceux qui n'ont pas participé à la dernière journée de négociations. Croyez-moi, on s'était retrouvé un peu seul à négocier à trois hier après-midi. La CFDT a pris ses responsabilités au regard du contenu de la réforme, nous sommes à l'aise dans nos baskets contrairement à ceux qui dès le 7 mai appelaient déjà à manifester le 25 mai, c'est-à-dire avaient parié sur l'échec des négociations. Cela les a empêchés de peser par la suite.
La réforme des retraites est-elle bien partie ?
Elle est sur les rails. La pire des choses aurait été l'absence de réforme. Les jeunes et les salariés les plus modestes auraient été particulièrement pénalisés. Il faut savoir qu'après la réforme, la France gardera le meilleur système de retraite par répartition d'Europe, et ce sans intégrer les fonds de pension.
Propos recueillis par Jean-Marc Plantade
(source http://www.cfdt.fr, le 16 mai 2003)
François Chérèque. Il n'y a eu aucune théâtralisation de notre part. A 4 heures, nous avions un réel désaccord avec François Fillon qui restait flou sur les mesures les plus importantes à nos yeux. Je pense notamment au calendrier de revalorisation des basses pensions qui ne prévoyait rien avant 2008. Nous avons obtenu, outre une augmentation - les bas salaires auront une pension minimale d'environ 88 % du Smic -, le démarrage de la mesure dès janvier 2004. Autre acquis : les salariés ayant commencé à travailler jeunes pourront partir plus tôt. A 56 ans au lieu de 58 ans, par exemple, pour celui qui travaille depuis l'âge de 14 ans. Autre mesure : la décote pour les fonctionnaires s'appliquera sur dix-sept ans, jusqu'en 2020, alors qu'elle devait se mettre en place beaucoup plus rapidement. Avantage : ceux qui partiront d'ici 5 ans ne seront pas du tout pénalisés. Enfin, on a obtenu des mesures spécifiques pour le personnel soignant des hôpitaux, ils pourront continuer de partir dès 55 ans.
Mais la hausse des cotisations n'est pas une bonne nouvelle pour la majorité des salariés qui, eux, consentiront les plus gros efforts !
Elle n'interviendra qu'en 2006 mais s'effectuera par le biais d'un transfert de cotisation de l'assurance chômage sur les retraites. En tout état de cause, elle reste minime - 0,1 % pour les salariés et 0,1 % pour les entreprises - au regard des mesures prises en faveur des salariés du privé.
Compte tenu de la très forte mobilisation du 13, n'était-il pas possible d'obtenir plus de concessions de la part du gouvernement ?
On peut toujours dire qu'il était possible d'obtenir plus. Mais qui aurait pu imaginer il y a six mois qu'on serait parvenu à écarter les fonds de pension, tout en améliorant substantiellement les conditions de retraites des salariés du privé avec, par exemple, + 18 % par rapport aux 70 % programmés par la réforme Balladur ? Amélioration aussi pour les carrières longues qui pourront partir avant 60 ans dès 2004. Amélioration toujours avec une diminution de moitié du malus pour ceux qui souhaitent anticiper leur départ. Quant aux fonctionnaires, on a obtenu une retraite complémentaire obligatoire qui permettra d'intégrer jusqu'à 20 % du montant des primes dans le calcul des pensions. Sans oublier les mesures spécifiques pour l'Education nationale, le temps partiel, le rachat de cotisations pour durées d'études ... Tout cela représente pour nous un ensemble acceptable alors que le gouvernement était sur le principe d'une réforme drastique.
Les Français ont mis dix ans à comprendre les subtilités de la réforme Balladur. N'en sera-t-il pas de même avec la réforme Fillon ?
Je ne crois pas. Beaucoup de jeunes apprentis commencent à travailler avant 20 ans, ils bénéficieront donc des dispositifs en leur faveur. Grâce à la retraite à la carte, ceux qui font des études longues pourront racheter des années de cotisation et ne pas être pénalisés. Enfin, les pluripensionnés, ceux qui ont travaillé dans le public puis dans le privé, pourront cumuler leurs droits et donc avoir des niveaux de retraite plus intéressants. Ce qui n'était pas possible avant. Voilà des acquis durables non négligeables.
Il n'y a plus de front syndical depuis hier. Qui en porte la responsabilité ?
J'estime que ceux qui l'ont rompu sont ceux qui n'ont pas participé à la dernière journée de négociations. Croyez-moi, on s'était retrouvé un peu seul à négocier à trois hier après-midi. La CFDT a pris ses responsabilités au regard du contenu de la réforme, nous sommes à l'aise dans nos baskets contrairement à ceux qui dès le 7 mai appelaient déjà à manifester le 25 mai, c'est-à-dire avaient parié sur l'échec des négociations. Cela les a empêchés de peser par la suite.
La réforme des retraites est-elle bien partie ?
Elle est sur les rails. La pire des choses aurait été l'absence de réforme. Les jeunes et les salariés les plus modestes auraient été particulièrement pénalisés. Il faut savoir qu'après la réforme, la France gardera le meilleur système de retraite par répartition d'Europe, et ce sans intégrer les fonds de pension.
Propos recueillis par Jean-Marc Plantade
(source http://www.cfdt.fr, le 16 mai 2003)