Texte intégral
Quelle est votre interprétation de la journée de mardi sur la réforme des retraites ?
C'est un réflexe de peur compréhensible. La prise de conscience sur la question des retraites a été douloureuse. Aujourd'hui, la France est au pied du mur. Mais je pense que la grande majorité des Français approuve et la nécessité de la réforme et son architecture. Alors rien de plus normal qu'ils aient envie d'envoyer un signal aux politiques pour leur dire : " Vous légiférez sur une question très importante pour nous. Il faut mesurer les efforts demandés et corriger les injustices... " Je prends ces manifestations comme un appel à redoubler d'attention et de pédagogie sur les modalités de la réforme.
Comment rassurer les Français qui, tout en voulant la réforme, apportent leur soutien aux manifestations ?
Contrairement à ce qu'on peut lire sur des tracts, il s'agit de sauver le régime par répartition. Le but est de consolider ce socle incontournable. Sur ce sujet, le gouvernement est clair : la capitalisation ne saurait être une alternative, mais un complément. Tout le monde en est persuadé au sein de l'UMP, y compris l'aile libérale. Bien sûr les mécanismes d'épargne-retraite devront être rendus plus attractifs et simplifiés. Mais il ne s'agit que d'utiliser des outils qui existent déjà, je pense notamment au plan partenarial d'épargne salariale volontaire. Vous le voyez, le recours à la capitalisation est limité : pas question d'inventer un système alternatif basé sur des fonds de pension !
Il semble pourtant difficile de persuader les Français qu'ils ne seront pas perdants...
Après cette journée d'appréhension, il faut insister sur les prolongements positifs de la réforme. On ne peut pas, par exemple, demander aux Français de prolonger leur activité sans se pencher sur la revalorisation de la vie professionnelle. L'accord sur la formation doit être rapidement concrétisé. Et puis l'intéressement et la participation doivent être un moyen de faire participer les actifs à la prospérité du pays. Comprenez bien que le statu quo serait d'un coût social lourd car le système actuel génère beaucoup d'injustice. Or, sur les pensions de réversion, sur le temps partiel ou sur le cas des pluripensionnés, des anomalies disparaîtront. Enfin les actifs auront désormais en temps réel une connaissance très claire de leurs droits. C'est capital ! J'ajoute que les rendez-vous prévus tous les cinq ans par le gouvernement ne doivent pas être seulement des rendez-vous financiers mais de vrais rendez-vous de dialogue social avec les forces du pays.
Ce discours mobilisateur tient-il pour les fonctionnaires ?
Bien sûr. La réforme ouvre la porte à une vraie gestion des hommes et des femmes de la fonction publique. La possibilité de rachat des années d'études pour les enseignants et la meilleure prise en compte du temps partiel vont offrir à chacun une plus grande liberté d'organiser sa carrière. Le système complémentaire financé par une partie des primes et géré paritairement doit être obligatoire, comme tout régime de répartition. Il contribuera à dynamiser le dialogue social, qui s'essouffle aujourd'hui parce qu'il est trop centralisé. Les efforts ressentis comme douloureux doivent être porteurs de nouvelles chances.
L'UMP soutient la demande des syndicats de faire plus pour les petites pensions. Est-il possible d'aller au-delà de 75 % du smic ?
Entendons-nous bien sur l'objectif : il s'agit de prévenir une dégradation inévitable des retraites. Aujourd'hui, pour les salariés payés au smic, ce taux est de 81 %. Mais, sans réforme, il tomberait à 70 % en 2020, voire 60 %. Le coeur de notre action est justement d'assurer que cette détérioration ne se produise pas. La question est maintenant de savoir s'il faut s'engager sur un taux de 80 %. Oui, mais il faut aussi traiter le problème du " minimum contributif " (garanti aux personnes qui ont toujours travaillé) qui doit être rapproché du minimum vieillesse (versé lui à toute personne âgée même si elle n'a jamais travaillé). Ce pourrait être commencé dès l'an prochain.
Parmi les autres revendications figure la possibilité de partir en retraite avant soixante ans pour ceux qui ont commencé à travailler dès seize ans. Y êtes-vous favorable ?
Il est important de distinguer les mesures qui peuvent être prises tout de suite pour ceux qui ont commencé très tôt et pour les petites pensions, et celles qui, dans une seconde étape, pourront être prises en fonction de la croissance. Car toutes ces améliorations ne pourront se faire qu'à la condition de ne pas enlever à la réforme sa crédibilité sur le plan financier. Il y a aussi une attente forte sur la décote applicable à ceux qui partent en retraite avant l'heure. Il faudra hiérarchiser les priorités.
Le bouclage financier est déjà très fragile, puisque, dans le privé, la réforme ne dégage que 5 milliards d'euros sur les 15 milliards nécessaires...
Le bouclage financier est subordonné à deux facteurs déterminants. D'abord notre capacité à augmenter globalement le nombre d'heures travaillées. Et puis notre aptitude à relancer l'investissement. Il faut que la croissance réelle de la France rejoigne sa croissance potentielle, autour de 3 %. Grâce à la réforme engagée, la France sort d'un cercle vicieux dangereux. Avec le statu quo, les déficits cumulés de la branche vieillesse auraient mené à une remise en cause sournoise de notre système. Les pensions auraient diminué, puis les prélèvements se seraient alourdis, entravant par ricochet la croissance. Aujourd'hui, tout le financement n'est pas assuré mais le gouvernement a engagé le pays dans un cercle vertueux.
N'attendez-vous pas trop de la reprise économique ? Pourquoi s'interdire de toucher aux cotisations ?
Croyez-moi, ce n'est pas par dogmatisme ! La France évolue déjà dans une compétition internationale sans merci alors que son coût du travail reste élevé. Accroître les prélèvements reviendrait aujourd'hui à jouer contre l'emploi. Certes, l'État ne contrôle pas tout, notamment pas les régimes complémentaires. Raison de plus pour qu'il donne l'exemple avec le régime de base et qu'il ne donne pas le signal de la hausse des cotisations. C'est une contrainte que nous devons nous donner. Pour accroître les ressources, mieux vaut chercher à accroître la richesse qu'alourdir les taux.
Certains proposent d'affecter l'ISF au fonds de réserve des retraites. D'autres voudraient que l'on fasse payer davantage les entreprises ou la spéculation. Qu'en pensez-vous ?
Votre question sous-tend qu'il faudrait faire payer les " riches ". Mais leur premier devoir, selon moi, est d'investir dans l'économie du pays, pas de déposer de l'argent dans un fonds. Il faut combattre l'argent qui dort ou qui est mal utilisé et mobiliser l'épargne sur l'activité économique. Cap sur l'investissement !
Faut-il voir dans le gel des dépenses en 2004 un tournant dans la politique du gouvernement ?
Non. La loi de finances de 2003 était encore un budget de soudure, de transition. Dès lors que le gouvernement devenait pleinement maître des finances de l'État, il était indispensable qu'il se fixe des règles de discipline. Il était impossible de continuer sur la lancée. Imaginez que la dette a doublé en vingt ans ! Songez que l'endettement sert à financer des dépenses de fonctionnement ! Le gel des crédits en 2004 est une règle simple et de bon sens. Sans compter qu'il permet de mettre l'État sous tension et l'oblige à mieux s'organiser.
Le gel des crédits est donc un moyen d'imposer à l'administration la réforme de l'État ?
En quelque sorte. Il faut transformer ce budget austère en une vraie occasion de remembrer l'État, de mieux utiliser ses ressources humaines. Sur les retraites et le non-remplacement de certains départs, on dit que le gouvernement agresse les fonctionnaires. C'est faux ! Il va au contraire leur permettre de servir plus efficacement dans le cadre d'un État rénové. Et l'administration pourra pratiquer enfin une gestion des ressources humaines qu'elle ignorait jusqu'à présent.
Fallait-il dans la lettre de cadrage afficher l'objectif de ne remplacer qu'un départ en retraite de fonctionnaire sur deux ?
Non, il faut éviter de traiter de manière comptable la question des effectifs. Leur réduction doit être une conséquence de la réorganisation plutôt qu'un objectif en soi. Cela dit, le gouvernement a raison de dire aux ministères que les dividendes de la réforme leur reviendront. Les économies réalisées doivent servir à leurs initiateurs à engager des mesures nouvelles et à sauver l'investissement.
La réduction des prélèvements obligatoires peut-elle être poursuivie ?
Pour 2004, le gouvernement en sera réduit à réaliser des baisses ciblées en montrant bien leur impact sur le dynamisme économique. Il faut chercher l'effet de levier sur la croissance. La baisse de 19,6 % à 5,5 % de la TVA dans la restauration peut être un bon levier, à condition d'engager des négociations très claires avec la profession. Les allégements de prélèvements doivent se faire aujourd'hui au regard de leurs effets d'entraînement sur le dynamisme économique.
(source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 2 juillet 2003)
C'est un réflexe de peur compréhensible. La prise de conscience sur la question des retraites a été douloureuse. Aujourd'hui, la France est au pied du mur. Mais je pense que la grande majorité des Français approuve et la nécessité de la réforme et son architecture. Alors rien de plus normal qu'ils aient envie d'envoyer un signal aux politiques pour leur dire : " Vous légiférez sur une question très importante pour nous. Il faut mesurer les efforts demandés et corriger les injustices... " Je prends ces manifestations comme un appel à redoubler d'attention et de pédagogie sur les modalités de la réforme.
Comment rassurer les Français qui, tout en voulant la réforme, apportent leur soutien aux manifestations ?
Contrairement à ce qu'on peut lire sur des tracts, il s'agit de sauver le régime par répartition. Le but est de consolider ce socle incontournable. Sur ce sujet, le gouvernement est clair : la capitalisation ne saurait être une alternative, mais un complément. Tout le monde en est persuadé au sein de l'UMP, y compris l'aile libérale. Bien sûr les mécanismes d'épargne-retraite devront être rendus plus attractifs et simplifiés. Mais il ne s'agit que d'utiliser des outils qui existent déjà, je pense notamment au plan partenarial d'épargne salariale volontaire. Vous le voyez, le recours à la capitalisation est limité : pas question d'inventer un système alternatif basé sur des fonds de pension !
Il semble pourtant difficile de persuader les Français qu'ils ne seront pas perdants...
Après cette journée d'appréhension, il faut insister sur les prolongements positifs de la réforme. On ne peut pas, par exemple, demander aux Français de prolonger leur activité sans se pencher sur la revalorisation de la vie professionnelle. L'accord sur la formation doit être rapidement concrétisé. Et puis l'intéressement et la participation doivent être un moyen de faire participer les actifs à la prospérité du pays. Comprenez bien que le statu quo serait d'un coût social lourd car le système actuel génère beaucoup d'injustice. Or, sur les pensions de réversion, sur le temps partiel ou sur le cas des pluripensionnés, des anomalies disparaîtront. Enfin les actifs auront désormais en temps réel une connaissance très claire de leurs droits. C'est capital ! J'ajoute que les rendez-vous prévus tous les cinq ans par le gouvernement ne doivent pas être seulement des rendez-vous financiers mais de vrais rendez-vous de dialogue social avec les forces du pays.
Ce discours mobilisateur tient-il pour les fonctionnaires ?
Bien sûr. La réforme ouvre la porte à une vraie gestion des hommes et des femmes de la fonction publique. La possibilité de rachat des années d'études pour les enseignants et la meilleure prise en compte du temps partiel vont offrir à chacun une plus grande liberté d'organiser sa carrière. Le système complémentaire financé par une partie des primes et géré paritairement doit être obligatoire, comme tout régime de répartition. Il contribuera à dynamiser le dialogue social, qui s'essouffle aujourd'hui parce qu'il est trop centralisé. Les efforts ressentis comme douloureux doivent être porteurs de nouvelles chances.
L'UMP soutient la demande des syndicats de faire plus pour les petites pensions. Est-il possible d'aller au-delà de 75 % du smic ?
Entendons-nous bien sur l'objectif : il s'agit de prévenir une dégradation inévitable des retraites. Aujourd'hui, pour les salariés payés au smic, ce taux est de 81 %. Mais, sans réforme, il tomberait à 70 % en 2020, voire 60 %. Le coeur de notre action est justement d'assurer que cette détérioration ne se produise pas. La question est maintenant de savoir s'il faut s'engager sur un taux de 80 %. Oui, mais il faut aussi traiter le problème du " minimum contributif " (garanti aux personnes qui ont toujours travaillé) qui doit être rapproché du minimum vieillesse (versé lui à toute personne âgée même si elle n'a jamais travaillé). Ce pourrait être commencé dès l'an prochain.
Parmi les autres revendications figure la possibilité de partir en retraite avant soixante ans pour ceux qui ont commencé à travailler dès seize ans. Y êtes-vous favorable ?
Il est important de distinguer les mesures qui peuvent être prises tout de suite pour ceux qui ont commencé très tôt et pour les petites pensions, et celles qui, dans une seconde étape, pourront être prises en fonction de la croissance. Car toutes ces améliorations ne pourront se faire qu'à la condition de ne pas enlever à la réforme sa crédibilité sur le plan financier. Il y a aussi une attente forte sur la décote applicable à ceux qui partent en retraite avant l'heure. Il faudra hiérarchiser les priorités.
Le bouclage financier est déjà très fragile, puisque, dans le privé, la réforme ne dégage que 5 milliards d'euros sur les 15 milliards nécessaires...
Le bouclage financier est subordonné à deux facteurs déterminants. D'abord notre capacité à augmenter globalement le nombre d'heures travaillées. Et puis notre aptitude à relancer l'investissement. Il faut que la croissance réelle de la France rejoigne sa croissance potentielle, autour de 3 %. Grâce à la réforme engagée, la France sort d'un cercle vicieux dangereux. Avec le statu quo, les déficits cumulés de la branche vieillesse auraient mené à une remise en cause sournoise de notre système. Les pensions auraient diminué, puis les prélèvements se seraient alourdis, entravant par ricochet la croissance. Aujourd'hui, tout le financement n'est pas assuré mais le gouvernement a engagé le pays dans un cercle vertueux.
N'attendez-vous pas trop de la reprise économique ? Pourquoi s'interdire de toucher aux cotisations ?
Croyez-moi, ce n'est pas par dogmatisme ! La France évolue déjà dans une compétition internationale sans merci alors que son coût du travail reste élevé. Accroître les prélèvements reviendrait aujourd'hui à jouer contre l'emploi. Certes, l'État ne contrôle pas tout, notamment pas les régimes complémentaires. Raison de plus pour qu'il donne l'exemple avec le régime de base et qu'il ne donne pas le signal de la hausse des cotisations. C'est une contrainte que nous devons nous donner. Pour accroître les ressources, mieux vaut chercher à accroître la richesse qu'alourdir les taux.
Certains proposent d'affecter l'ISF au fonds de réserve des retraites. D'autres voudraient que l'on fasse payer davantage les entreprises ou la spéculation. Qu'en pensez-vous ?
Votre question sous-tend qu'il faudrait faire payer les " riches ". Mais leur premier devoir, selon moi, est d'investir dans l'économie du pays, pas de déposer de l'argent dans un fonds. Il faut combattre l'argent qui dort ou qui est mal utilisé et mobiliser l'épargne sur l'activité économique. Cap sur l'investissement !
Faut-il voir dans le gel des dépenses en 2004 un tournant dans la politique du gouvernement ?
Non. La loi de finances de 2003 était encore un budget de soudure, de transition. Dès lors que le gouvernement devenait pleinement maître des finances de l'État, il était indispensable qu'il se fixe des règles de discipline. Il était impossible de continuer sur la lancée. Imaginez que la dette a doublé en vingt ans ! Songez que l'endettement sert à financer des dépenses de fonctionnement ! Le gel des crédits en 2004 est une règle simple et de bon sens. Sans compter qu'il permet de mettre l'État sous tension et l'oblige à mieux s'organiser.
Le gel des crédits est donc un moyen d'imposer à l'administration la réforme de l'État ?
En quelque sorte. Il faut transformer ce budget austère en une vraie occasion de remembrer l'État, de mieux utiliser ses ressources humaines. Sur les retraites et le non-remplacement de certains départs, on dit que le gouvernement agresse les fonctionnaires. C'est faux ! Il va au contraire leur permettre de servir plus efficacement dans le cadre d'un État rénové. Et l'administration pourra pratiquer enfin une gestion des ressources humaines qu'elle ignorait jusqu'à présent.
Fallait-il dans la lettre de cadrage afficher l'objectif de ne remplacer qu'un départ en retraite de fonctionnaire sur deux ?
Non, il faut éviter de traiter de manière comptable la question des effectifs. Leur réduction doit être une conséquence de la réorganisation plutôt qu'un objectif en soi. Cela dit, le gouvernement a raison de dire aux ministères que les dividendes de la réforme leur reviendront. Les économies réalisées doivent servir à leurs initiateurs à engager des mesures nouvelles et à sauver l'investissement.
La réduction des prélèvements obligatoires peut-elle être poursuivie ?
Pour 2004, le gouvernement en sera réduit à réaliser des baisses ciblées en montrant bien leur impact sur le dynamisme économique. Il faut chercher l'effet de levier sur la croissance. La baisse de 19,6 % à 5,5 % de la TVA dans la restauration peut être un bon levier, à condition d'engager des négociations très claires avec la profession. Les allégements de prélèvements doivent se faire aujourd'hui au regard de leurs effets d'entraînement sur le dynamisme économique.
(source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 2 juillet 2003)