Texte intégral
Luc Evrard : Bonjour Ernest-Antoine Seillière. Vous êtes président du MEDEF. La France syndicale est dans la rue contre la réforme des retraites du gouvernement. Je voudrais d'abord votre sentiment sur cette journée d'action.
Ernest-Antoine Seilliere : Après les journées d'inaction fériées, de pont, de RTT, voici la journée d'action à la française, c'est-à-dire la paralysie du pays par la descente dans la rue de ceux qui s'opposent à la réforme.
Luc Evrard : On n'est pas contre le droit de grève au MEDEF, quand même ?
Ernest-Antoine Seilliere : Bien entendu pas du tout contre le droit de grève. Mais nous souhaitons que l'on se rende compte de ce que oui, la France ne se gouverne pas dans la rue, mais oui la France s'appauvrit dans la rue quand on bloque les activités économiques de notre pays. Je voudrais tout de même dire également que si beaucoup en effet actuellement sont en grève, d'innombrables Français et Françaises se donnent beaucoup de mal pour prendre leur travail, le tenir et le spectacle de paris ce matin, inondé de cyclistes, de patineurs, de gens en trottinette et qui par tous moyens voulaient aller travailler prouve que notre pays en réalité est capable de progresser même si certains veulent l'empêcher de se réformer.
Luc Evrard : On dit que la réforme que prépare le gouvernement et qui provoque l'ire des grévistes et des manifestants du jour est la réforme du patronat, celle du MEDEF, c'est vrai ?
Ernest-Antoine Seilliere : Je crois que nous avons joué un grand rôle pour lancer le débat et faire en sorte que le gouvernement s'attaque au problème des retraites alors que depuis 10 ans, et spécialement d'ailleurs sous le dernier gouvernement, on souhaitait surtout ne pas s'en occuper. Nous avons beaucoup insisté pour que on se mette devant la réalité. Oui, il y a actuellement moins d'actifs en perspective, moins de gens au travail pour plus de retraités et donc il faut s'occuper de ce problème si on veut sauver la retraite des Français.
Luc Evrard : Et cette réforme, elle vous convient ?
Ernest-Antoine Seilliere : Le fait que le gouvernement se soit lancé dans cette affaire nous convient, le fait qu'il ait pris certains principes pour le faire n'est pas négligeable, notamment l'allongement de la durée de la cotisation, qui est essentiel pour arriver à traiter du problème, mais il y a dans la réforme proposée de nombreux aspects qui ne nous conviennent pas et pour l'essentiel nous savons que la manière dont on propose actuellement la réforme ne suffira pas. Et il y aura donc à prendre, dans les années qui suivent, de nouvelles initiatives pour assurer aux Français leur retraite et ceci bien entendu nous le savons.
Luc Evrard : Le ministre François Fillon a déjà dit qu'il recevrait demain les syndicats pour évoquer avec eux d'éventuels ajustements. Est-ce que ça vous inquiète ?
Ernest-Antoine Seilliere : La détermination du gouvernement à maintenir sa réforme pour l'essentiel nous convient, je pense que ce serait catastrophique si à la suite des manifestations d'aujourd'hui il décidait de revenir en arrière, qu'il y ait certains ajustements à faire, si on prend en compte les coûts, parce que dans tout ceci hélas il s'agit d'assurer les économies pour pouvoir financer les retraites, eh bien s'il y a des ajustements ce sera au gouvernement de les proposer, nous dirons ce que nous en pensons.
Luc Evrard : Le ressort essentiel de la réforme c'est l'allongement de la durée de cotisation, ça suppose de pouvoir maintenir dans l'emploi les seniors qui aujourd'hui sont souvent les premiers sur les listes en cas de restructuration des entreprises à partir en préretraite en particulier, et là on se dit qu'il y a un travail à faire du côté des entrepreneurs. Qu'est-ce que vous allez faire au MEDEF pour convaincre les entreprises que le senior n'est pas forcément celui dont on doit se débarrasser en priorité ?
Ernest-Antoine Seilliere : Nous avons dit au MEDEF depuis des années que nous étions hostiles à la manière dont on procédait dans notre pays, je dirais depuis des années et des années, qui consiste à anticiper sur la fin du travail, à mettre en préretraite les Françaises et les Français parfaitement capables de continuer à travailler efficacement dans les entreprises.
Luc Evrard : Il y a des branches au sein du patronat qui ont signé des accords qui prévoient spécifiquement qu'un certain nombre de salariés doivent partir un peu plus tôt. Est-ce que ce sera proscrit dans l'avenir ?
Ernest-Antoine Seilliere : Je pense que dès à présent nous savons qu'il n'y aura plus la moindre incitation financière à la préretraite. Or il faut le savoir, si de nombreuses entreprises se sont livrées à des préretraites, avec d'ailleurs souvent l'accord des salariés, c'est parce que le gouvernement a mis en place des aides pour cela et qu'il y avait des incitations financières à traiter ainsi les problèmes sociaux dans les entreprises. Ceci est fini, c'est une contrainte nouvelle à la fois certainement pour les salariés et pour les entreprises mais par la négociation nous sommes au MEDEF décidés à aller dans le bon sens, c'est-à-dire dans l'organisation du travail des salariés seniors dans l'entreprise dans des conditions qui peuvent leur convenir.
Luc Evrard : Il y a une mesure qui va vous être imposée par la loi ou par le décret, c'est l'augmentation du smic au 1er juillet, 6 % d'un coup, pour tenir compte des effets de rattrapage liés aux 35 heures, c'est un inconvénient pour l'économie ?
Ernest-Antoine Seilliere : Cette hausse de 6 % du smic est une des conséquences techniques des 35 heures, c'est une très lourde charge pour l'économie française et augmenter notamment dans le contexte de la croissance très, très molle que nous avons actuellement, le smic de 6 % ça veut dire supprimer des emplois. Il y aura notamment des emplois notamment non-qualifiés qui seront supprimés et en même temps, et c'est très grave, cela remonte par rapport à la moyenne des salaires le smic, si bien que vos voyez actuellement des cadres qui commencent à être payés au smic, ça a des conséquences très lourdes sur la hiérarchie des salaires.
Luc Evrard : Vous soulignez qu'il n'est pas forcément opportun d'alourdir les coûts salariaux en cette période un peu difficile pour l'économie, vous êtes toujours assez pessimiste sur la conjoncture et son évolution ?
Ernest-Antoine Seilliere : C'est-à-dire si vous voulez , nous n'avons pas du tout vu le rebond attendu de la fin des événements irakiens, peut-être surviendra-t-il mais rien ne l'annonce aujourd'hui et donc nous sommes du sentiment que nous n'avons aucune facilité devant nous avec la reprise, ça veut dire qu'il faut être extrêmement rigoureux pour le futur budget, ça veut dire qu'il faut être extrêmement rigoureux dans la gestion de la fonction publique, notamment avec les départs qui s'annoncent, ça veut dire que les déficits sociaux ne peuvent plus être tolérés, ça veut dire donc qu'il faut gérer notre pays avec beaucoup de sérieux parce que attendre d'une croissance hypothétique le salut c'est faire preuve d'un défaut de clairvoyance et de gestion.
Luc Evrard : Merci Ernest-Antoine Seillière
(source http://www.medef.fr, le 15 mai 2003)
Ernest-Antoine Seilliere : Après les journées d'inaction fériées, de pont, de RTT, voici la journée d'action à la française, c'est-à-dire la paralysie du pays par la descente dans la rue de ceux qui s'opposent à la réforme.
Luc Evrard : On n'est pas contre le droit de grève au MEDEF, quand même ?
Ernest-Antoine Seilliere : Bien entendu pas du tout contre le droit de grève. Mais nous souhaitons que l'on se rende compte de ce que oui, la France ne se gouverne pas dans la rue, mais oui la France s'appauvrit dans la rue quand on bloque les activités économiques de notre pays. Je voudrais tout de même dire également que si beaucoup en effet actuellement sont en grève, d'innombrables Français et Françaises se donnent beaucoup de mal pour prendre leur travail, le tenir et le spectacle de paris ce matin, inondé de cyclistes, de patineurs, de gens en trottinette et qui par tous moyens voulaient aller travailler prouve que notre pays en réalité est capable de progresser même si certains veulent l'empêcher de se réformer.
Luc Evrard : On dit que la réforme que prépare le gouvernement et qui provoque l'ire des grévistes et des manifestants du jour est la réforme du patronat, celle du MEDEF, c'est vrai ?
Ernest-Antoine Seilliere : Je crois que nous avons joué un grand rôle pour lancer le débat et faire en sorte que le gouvernement s'attaque au problème des retraites alors que depuis 10 ans, et spécialement d'ailleurs sous le dernier gouvernement, on souhaitait surtout ne pas s'en occuper. Nous avons beaucoup insisté pour que on se mette devant la réalité. Oui, il y a actuellement moins d'actifs en perspective, moins de gens au travail pour plus de retraités et donc il faut s'occuper de ce problème si on veut sauver la retraite des Français.
Luc Evrard : Et cette réforme, elle vous convient ?
Ernest-Antoine Seilliere : Le fait que le gouvernement se soit lancé dans cette affaire nous convient, le fait qu'il ait pris certains principes pour le faire n'est pas négligeable, notamment l'allongement de la durée de la cotisation, qui est essentiel pour arriver à traiter du problème, mais il y a dans la réforme proposée de nombreux aspects qui ne nous conviennent pas et pour l'essentiel nous savons que la manière dont on propose actuellement la réforme ne suffira pas. Et il y aura donc à prendre, dans les années qui suivent, de nouvelles initiatives pour assurer aux Français leur retraite et ceci bien entendu nous le savons.
Luc Evrard : Le ministre François Fillon a déjà dit qu'il recevrait demain les syndicats pour évoquer avec eux d'éventuels ajustements. Est-ce que ça vous inquiète ?
Ernest-Antoine Seilliere : La détermination du gouvernement à maintenir sa réforme pour l'essentiel nous convient, je pense que ce serait catastrophique si à la suite des manifestations d'aujourd'hui il décidait de revenir en arrière, qu'il y ait certains ajustements à faire, si on prend en compte les coûts, parce que dans tout ceci hélas il s'agit d'assurer les économies pour pouvoir financer les retraites, eh bien s'il y a des ajustements ce sera au gouvernement de les proposer, nous dirons ce que nous en pensons.
Luc Evrard : Le ressort essentiel de la réforme c'est l'allongement de la durée de cotisation, ça suppose de pouvoir maintenir dans l'emploi les seniors qui aujourd'hui sont souvent les premiers sur les listes en cas de restructuration des entreprises à partir en préretraite en particulier, et là on se dit qu'il y a un travail à faire du côté des entrepreneurs. Qu'est-ce que vous allez faire au MEDEF pour convaincre les entreprises que le senior n'est pas forcément celui dont on doit se débarrasser en priorité ?
Ernest-Antoine Seilliere : Nous avons dit au MEDEF depuis des années que nous étions hostiles à la manière dont on procédait dans notre pays, je dirais depuis des années et des années, qui consiste à anticiper sur la fin du travail, à mettre en préretraite les Françaises et les Français parfaitement capables de continuer à travailler efficacement dans les entreprises.
Luc Evrard : Il y a des branches au sein du patronat qui ont signé des accords qui prévoient spécifiquement qu'un certain nombre de salariés doivent partir un peu plus tôt. Est-ce que ce sera proscrit dans l'avenir ?
Ernest-Antoine Seilliere : Je pense que dès à présent nous savons qu'il n'y aura plus la moindre incitation financière à la préretraite. Or il faut le savoir, si de nombreuses entreprises se sont livrées à des préretraites, avec d'ailleurs souvent l'accord des salariés, c'est parce que le gouvernement a mis en place des aides pour cela et qu'il y avait des incitations financières à traiter ainsi les problèmes sociaux dans les entreprises. Ceci est fini, c'est une contrainte nouvelle à la fois certainement pour les salariés et pour les entreprises mais par la négociation nous sommes au MEDEF décidés à aller dans le bon sens, c'est-à-dire dans l'organisation du travail des salariés seniors dans l'entreprise dans des conditions qui peuvent leur convenir.
Luc Evrard : Il y a une mesure qui va vous être imposée par la loi ou par le décret, c'est l'augmentation du smic au 1er juillet, 6 % d'un coup, pour tenir compte des effets de rattrapage liés aux 35 heures, c'est un inconvénient pour l'économie ?
Ernest-Antoine Seilliere : Cette hausse de 6 % du smic est une des conséquences techniques des 35 heures, c'est une très lourde charge pour l'économie française et augmenter notamment dans le contexte de la croissance très, très molle que nous avons actuellement, le smic de 6 % ça veut dire supprimer des emplois. Il y aura notamment des emplois notamment non-qualifiés qui seront supprimés et en même temps, et c'est très grave, cela remonte par rapport à la moyenne des salaires le smic, si bien que vos voyez actuellement des cadres qui commencent à être payés au smic, ça a des conséquences très lourdes sur la hiérarchie des salaires.
Luc Evrard : Vous soulignez qu'il n'est pas forcément opportun d'alourdir les coûts salariaux en cette période un peu difficile pour l'économie, vous êtes toujours assez pessimiste sur la conjoncture et son évolution ?
Ernest-Antoine Seilliere : C'est-à-dire si vous voulez , nous n'avons pas du tout vu le rebond attendu de la fin des événements irakiens, peut-être surviendra-t-il mais rien ne l'annonce aujourd'hui et donc nous sommes du sentiment que nous n'avons aucune facilité devant nous avec la reprise, ça veut dire qu'il faut être extrêmement rigoureux pour le futur budget, ça veut dire qu'il faut être extrêmement rigoureux dans la gestion de la fonction publique, notamment avec les départs qui s'annoncent, ça veut dire que les déficits sociaux ne peuvent plus être tolérés, ça veut dire donc qu'il faut gérer notre pays avec beaucoup de sérieux parce que attendre d'une croissance hypothétique le salut c'est faire preuve d'un défaut de clairvoyance et de gestion.
Luc Evrard : Merci Ernest-Antoine Seillière
(source http://www.medef.fr, le 15 mai 2003)