Texte intégral
A. Hausser - La mobilisation a été massive hier, même s'il y a une querelle sur les chiffres. Vous dites à peu près 2 millions de manifestants, le ministère de l'Intérieur dit 1 million. Comment se fait-il qu'il y ait ce différentiel d'abord ?
- "C'est malheureusement classique entre les chiffres repérés par les services officiels du ministère de l'Intérieur et les organisations syndicales. Il y a une différence. Mais je crois que tous les observateurs sérieux ont pu examiner et relever la mobilisation exceptionnelle dans la journée d'hier, avec une participation très significative de l'ensemble du secteur public nationalisé, entreprises publiques. Mais aussi, fait nouveau, et j'invite le Gouvernement, comme chacun des observateurs, à ne pas minorer ce qui s'est passé dans le secteur privé. Nous avons eu des arrêts de travail dans des secteurs tout à fait nouveaux - dans la métallurgie, dans l'industrie, dans le commerce. Il faut dire que, dans les conséquences de cette réforme, la situation faite aux femmes, en particulier, et aux femmes aux statuts précaires, qui sont parmi les premières victimes, a débouché sur une sensibilisation nouvelle. Il y a eu donc une journée exceptionnelle, hier, qui doit nous permettre d'engager un nouvel horizon sur ce débat des retraites."
Vous dites "journée exceptionnelle", hier matin vous disiez : "Nous serons exigeants". Et hier soir, au vu de ce qui s'est passé, vous avez dit : "nouvelles bases". Ca veut dire quoi ? Retrait du texte ?
- "Cela veut dire que le Gouvernement doit admettre, vu la mobilisation d'hier, qu'on ne peut pas aller à la mise en oeuvre de cette réforme telle qu'il l'a arrêté. Nous n'avons pas eu de négociations jusqu'à présent. J'entends le ministre du Travail, aujourd'hui, parler de négociations, s'agissant de la séance de ce soir. Nous allons voir. Mais jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de négociations. La conséquence..."
C'était quoi ? Parce que vous vous êtes vus quand même ?
- "Il l'a dit lui-même... Oui, nous avons passé un grand nombre d'heures avec les conseillers du ministre, différentes formes de réunions pour aborder toute une série de sujets."
Ils ont testé ?
- "Nous avons même proposé des rédactions de textes nous permettant de vérifier que les sept objectifs syndicaux que nous avions arrêtés dans l'unité au début de l'année, étaient susceptibles d'être repris par le Gouvernement."
Je vous arrête, parce que le Gouvernement et ses porte-parole disent que ces sept objectifs y sont.
- "Premier objectif : améliorer le niveau des retraites. Une des conséquences très importantes de la réforme telle qu'elle est suggérée, c'est un abaissement considérable du niveau des pensions - le Gouvernement est obligé de le concéder - pour le secteur public comme pour le secteur privé. Deuxième objectif syndical que nous nous étions donné : consolider le droit au départ à 60 ans, à taux plein. Autre conséquence de la réforme prévisible : par l'allongement de la durée de cotisation, chacun voit bien que l'âge de départ en retraite ne sera plus collectif, il n'y aura plus un droit collectif au départ à 60 ans, mais chacun partira en retraite en fonction de ce qu'aura été sa carrière professionnelle. Et l'on sait..."
Malgré le rachat possible des années d'études ?
- "Le rachat possible d'années pour lesquelles on ne travaille pas va aussi dépendre de son niveau de ressources. C'est un autre élément qui risque d'accroître des inégalités. Les salariés ne sont pas tous à la même enseigne de ce point de vue-là. On a donc, sur le niveau des retraites et l'âge de départ en retraite, deux reculs considérables qui sont inscrits dans le projet de loi. Et j'ajoute que, contrairement à ce que dit le Gouvernement, ce n'est pas une consolidation du système par répartition, puisque deux dispositions majeures qui sont proposées dans le texte, que nous possédons, instaurent, introduisent le principe des fonds de pension pour compléter effectivement ce que les droits collectifs ne pourront plus assurer en niveau de retraite à l'avenir. Les retraités vont s'appauvrir et on va leur proposer des dispositions : ils devront épargner, chacun d'eux. Ce qui renvoie à la capitalisation à la fragilité du système de retraite à la française."
C'est quand même ce que font les fonctionnaires déjà ?
- "Non, non, ce n'est pas sur ce principe qu'est accolé le système très particulier qui, de plus ne reçoit l'adhésion de tous les fonctionnaires. On est sur une autre logique. Donc, tout cela confirme, et je crois que les salariés qui ont manifesté très nombreux encore une fois hier, sont bien conscients des risques que comporterait un changement de système qui est proposé par cette réforme."
Il y a un problème démographique qui va se poser, personne ne peut le nier. L'âge, l'espérance de durée de vie augmente, donc, forcément, il faut payer les retraites. Seriez-vous prêt à accepter une augmentation des cotisations ?
- "Mais nous avons dit que nous ne contestions pas... nous avons participé des travaux du Conseil d'orientation des retraites, en tant qu'organisation syndicale, avec les autres, avec des experts, avec les représentants du Gouvernement. Nous avons participé au diagnostic sur la situation des retraites. Et nous avons dit qu'au vu du diagnostic, il fallait que les pouvoirs publics acceptent, sur un sujet, sur un enjeu aussi important que l'avenir des salariés sur une cinquantaine d'années, que pour arrêter les dispositions à venir, il fallait accepter des négociations sur un sujet aussi fondamental et structurant. C'est vrai que la population retraitée va augmenter, c'est vrai que l'espérance de vie augmente. Je vous fais remarquer qu'elle n'augmente pas pour tous les salariés de la même manière. C'est un des sujets, par exemple, que nous aurions aimé traiter. L'espérance de vie en moyenne pour un ouvrier est de 7 ans inférieure à son directeur d'usine."
Il faut quand même que le Gouvernement se garde des cartouches non ?
- "... La pénibilité du travaiL. Bref, nous aurions aimé pouvoir redéfinir effectivement, par une négociation, les règles à partir desquelles nous pouvions assurer les droits à la retraite en ayant l'objectif d'un certain progrès social."
Vous pensez que la négociation va commencer ce soir ?
- "Je ne sais pas, je vais voir. Je vais m'efforcer de convaincre le Gouvernement qu'il faut repartir sur d'autres bases, dans une vraie négociation, pour définir les contours de cette réforme."
D'autres bases, c'est : "Réécrivez votre texte" ?
- "C'est d'accepter d'avoir une approche du problème qui ne soit pas celle que le Gouvernement a retenu de manière unilatérale, en reprenant la philosophie principale du Medef ou que d'autres gouvernements n'auront pas..."
Le Medef n'est pas content non plus...
- "Oui, non, mais le Medef est dans la stratégie du "toujours plus". Cela ne me surprend pas qu'il ne soit pas content. Il a aussi intérêt à tirer le maximum d'avantages de cette période de réforme."
Qu'allez-vous faire aujourd'hui ? Vous allez téléphoner à vos fédérations, préparer la réunion de ce soir pour vous, tout est clair ?
- "Je vais, bien sûr, préparer un peu la réunion de ce soir. Mais mon message principal est évident, vu du succès de la mobilisation d'hier, ce sur quoi elle s'est positionnée, non pas une contestation qu'il faille discuter de l'avenir des retraites, nous voulons discuter de l'avenir de nos retraites, nous sommes prêts, comme première confédération syndicale, à participer de négociations réelles et sérieuses, mais pour que les efforts soient équitables. L'un des aspects de la réforme, c'est de ne pas faire appel du tout à d'autres besoins de financement, alors qu'il y a besoin d'accroître les financements, d'épargner la responsabilité des entreprises dans cette problématique. Nous souhaitons donc obtenir du Gouvernement qu'il reconnaisse les interlocuteurs syndicaux pour ce qu'ils sont, et d'avoir l'ouverture de véritables négociations. Sinon, je le dis, les prochains jours et les prochaines semaines confirmeront que, si d'aventure le Gouvernement choisissait un passage en force, s'appuyant sur sa majorité, avec un Conseil des ministres qui intervient le 28 mai pour décider du sort de ce projet de loi, pour ce qui nous concerne, nous avons une nouvelle initiative le 25 mai à Paris. Si nous ne sommes toujours pas entendus, je pense que nous parviendrons à une situation de blocage qui aura été principalement provoquée par l'attitude du Gouvernement."
Et d'ici là ?
- "Nous continuons à informer des conséquences de la réforme, et nous pensons - plusieurs enquêtes d'opinion le confirment - qu'il y a une plus grande majorité de salariés qui vont s'opposer à un projet qui aurait des conséquences sociales très douloureuses."
Avez-vous le sentiment de détenir la clé dans cette opération, la CGT, parce que FO est strictement contre la réforme, la CFDT, est prête à négocier...
- "Pour moi, ce sont les salariés qui détiennent la clé quant à l'issue de ce dossier. Si la mobilisation se maintient voire se développe, comme je pense qu'il est possible que ça soit le cas, compte tenu des informations que nous allons diffuser, je pense que, au plus tôt, le Gouvernement doit prendre conscience de cette situation et avoir la bonne attitude qui, de mon point de vue, doit absolument éviter le passage en force. Sinon, il va se compliquer très rapidement la situation."
(source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2003)
- "C'est malheureusement classique entre les chiffres repérés par les services officiels du ministère de l'Intérieur et les organisations syndicales. Il y a une différence. Mais je crois que tous les observateurs sérieux ont pu examiner et relever la mobilisation exceptionnelle dans la journée d'hier, avec une participation très significative de l'ensemble du secteur public nationalisé, entreprises publiques. Mais aussi, fait nouveau, et j'invite le Gouvernement, comme chacun des observateurs, à ne pas minorer ce qui s'est passé dans le secteur privé. Nous avons eu des arrêts de travail dans des secteurs tout à fait nouveaux - dans la métallurgie, dans l'industrie, dans le commerce. Il faut dire que, dans les conséquences de cette réforme, la situation faite aux femmes, en particulier, et aux femmes aux statuts précaires, qui sont parmi les premières victimes, a débouché sur une sensibilisation nouvelle. Il y a eu donc une journée exceptionnelle, hier, qui doit nous permettre d'engager un nouvel horizon sur ce débat des retraites."
Vous dites "journée exceptionnelle", hier matin vous disiez : "Nous serons exigeants". Et hier soir, au vu de ce qui s'est passé, vous avez dit : "nouvelles bases". Ca veut dire quoi ? Retrait du texte ?
- "Cela veut dire que le Gouvernement doit admettre, vu la mobilisation d'hier, qu'on ne peut pas aller à la mise en oeuvre de cette réforme telle qu'il l'a arrêté. Nous n'avons pas eu de négociations jusqu'à présent. J'entends le ministre du Travail, aujourd'hui, parler de négociations, s'agissant de la séance de ce soir. Nous allons voir. Mais jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de négociations. La conséquence..."
C'était quoi ? Parce que vous vous êtes vus quand même ?
- "Il l'a dit lui-même... Oui, nous avons passé un grand nombre d'heures avec les conseillers du ministre, différentes formes de réunions pour aborder toute une série de sujets."
Ils ont testé ?
- "Nous avons même proposé des rédactions de textes nous permettant de vérifier que les sept objectifs syndicaux que nous avions arrêtés dans l'unité au début de l'année, étaient susceptibles d'être repris par le Gouvernement."
Je vous arrête, parce que le Gouvernement et ses porte-parole disent que ces sept objectifs y sont.
- "Premier objectif : améliorer le niveau des retraites. Une des conséquences très importantes de la réforme telle qu'elle est suggérée, c'est un abaissement considérable du niveau des pensions - le Gouvernement est obligé de le concéder - pour le secteur public comme pour le secteur privé. Deuxième objectif syndical que nous nous étions donné : consolider le droit au départ à 60 ans, à taux plein. Autre conséquence de la réforme prévisible : par l'allongement de la durée de cotisation, chacun voit bien que l'âge de départ en retraite ne sera plus collectif, il n'y aura plus un droit collectif au départ à 60 ans, mais chacun partira en retraite en fonction de ce qu'aura été sa carrière professionnelle. Et l'on sait..."
Malgré le rachat possible des années d'études ?
- "Le rachat possible d'années pour lesquelles on ne travaille pas va aussi dépendre de son niveau de ressources. C'est un autre élément qui risque d'accroître des inégalités. Les salariés ne sont pas tous à la même enseigne de ce point de vue-là. On a donc, sur le niveau des retraites et l'âge de départ en retraite, deux reculs considérables qui sont inscrits dans le projet de loi. Et j'ajoute que, contrairement à ce que dit le Gouvernement, ce n'est pas une consolidation du système par répartition, puisque deux dispositions majeures qui sont proposées dans le texte, que nous possédons, instaurent, introduisent le principe des fonds de pension pour compléter effectivement ce que les droits collectifs ne pourront plus assurer en niveau de retraite à l'avenir. Les retraités vont s'appauvrir et on va leur proposer des dispositions : ils devront épargner, chacun d'eux. Ce qui renvoie à la capitalisation à la fragilité du système de retraite à la française."
C'est quand même ce que font les fonctionnaires déjà ?
- "Non, non, ce n'est pas sur ce principe qu'est accolé le système très particulier qui, de plus ne reçoit l'adhésion de tous les fonctionnaires. On est sur une autre logique. Donc, tout cela confirme, et je crois que les salariés qui ont manifesté très nombreux encore une fois hier, sont bien conscients des risques que comporterait un changement de système qui est proposé par cette réforme."
Il y a un problème démographique qui va se poser, personne ne peut le nier. L'âge, l'espérance de durée de vie augmente, donc, forcément, il faut payer les retraites. Seriez-vous prêt à accepter une augmentation des cotisations ?
- "Mais nous avons dit que nous ne contestions pas... nous avons participé des travaux du Conseil d'orientation des retraites, en tant qu'organisation syndicale, avec les autres, avec des experts, avec les représentants du Gouvernement. Nous avons participé au diagnostic sur la situation des retraites. Et nous avons dit qu'au vu du diagnostic, il fallait que les pouvoirs publics acceptent, sur un sujet, sur un enjeu aussi important que l'avenir des salariés sur une cinquantaine d'années, que pour arrêter les dispositions à venir, il fallait accepter des négociations sur un sujet aussi fondamental et structurant. C'est vrai que la population retraitée va augmenter, c'est vrai que l'espérance de vie augmente. Je vous fais remarquer qu'elle n'augmente pas pour tous les salariés de la même manière. C'est un des sujets, par exemple, que nous aurions aimé traiter. L'espérance de vie en moyenne pour un ouvrier est de 7 ans inférieure à son directeur d'usine."
Il faut quand même que le Gouvernement se garde des cartouches non ?
- "... La pénibilité du travaiL. Bref, nous aurions aimé pouvoir redéfinir effectivement, par une négociation, les règles à partir desquelles nous pouvions assurer les droits à la retraite en ayant l'objectif d'un certain progrès social."
Vous pensez que la négociation va commencer ce soir ?
- "Je ne sais pas, je vais voir. Je vais m'efforcer de convaincre le Gouvernement qu'il faut repartir sur d'autres bases, dans une vraie négociation, pour définir les contours de cette réforme."
D'autres bases, c'est : "Réécrivez votre texte" ?
- "C'est d'accepter d'avoir une approche du problème qui ne soit pas celle que le Gouvernement a retenu de manière unilatérale, en reprenant la philosophie principale du Medef ou que d'autres gouvernements n'auront pas..."
Le Medef n'est pas content non plus...
- "Oui, non, mais le Medef est dans la stratégie du "toujours plus". Cela ne me surprend pas qu'il ne soit pas content. Il a aussi intérêt à tirer le maximum d'avantages de cette période de réforme."
Qu'allez-vous faire aujourd'hui ? Vous allez téléphoner à vos fédérations, préparer la réunion de ce soir pour vous, tout est clair ?
- "Je vais, bien sûr, préparer un peu la réunion de ce soir. Mais mon message principal est évident, vu du succès de la mobilisation d'hier, ce sur quoi elle s'est positionnée, non pas une contestation qu'il faille discuter de l'avenir des retraites, nous voulons discuter de l'avenir de nos retraites, nous sommes prêts, comme première confédération syndicale, à participer de négociations réelles et sérieuses, mais pour que les efforts soient équitables. L'un des aspects de la réforme, c'est de ne pas faire appel du tout à d'autres besoins de financement, alors qu'il y a besoin d'accroître les financements, d'épargner la responsabilité des entreprises dans cette problématique. Nous souhaitons donc obtenir du Gouvernement qu'il reconnaisse les interlocuteurs syndicaux pour ce qu'ils sont, et d'avoir l'ouverture de véritables négociations. Sinon, je le dis, les prochains jours et les prochaines semaines confirmeront que, si d'aventure le Gouvernement choisissait un passage en force, s'appuyant sur sa majorité, avec un Conseil des ministres qui intervient le 28 mai pour décider du sort de ce projet de loi, pour ce qui nous concerne, nous avons une nouvelle initiative le 25 mai à Paris. Si nous ne sommes toujours pas entendus, je pense que nous parviendrons à une situation de blocage qui aura été principalement provoquée par l'attitude du Gouvernement."
Et d'ici là ?
- "Nous continuons à informer des conséquences de la réforme, et nous pensons - plusieurs enquêtes d'opinion le confirment - qu'il y a une plus grande majorité de salariés qui vont s'opposer à un projet qui aurait des conséquences sociales très douloureuses."
Avez-vous le sentiment de détenir la clé dans cette opération, la CGT, parce que FO est strictement contre la réforme, la CFDT, est prête à négocier...
- "Pour moi, ce sont les salariés qui détiennent la clé quant à l'issue de ce dossier. Si la mobilisation se maintient voire se développe, comme je pense qu'il est possible que ça soit le cas, compte tenu des informations que nous allons diffuser, je pense que, au plus tôt, le Gouvernement doit prendre conscience de cette situation et avoir la bonne attitude qui, de mon point de vue, doit absolument éviter le passage en force. Sinon, il va se compliquer très rapidement la situation."
(source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2003)