Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement, à LCI le 29 mars 2003, sur la mise en oeuvre de l'aide humanitaire de la France à l'Irak, le nouveau plan Vigipirate et la situation économique.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser Quelle est l'importance que la France va accorder pour l'aide humanitaire à l'Irak ?
- "La guerre est là, avec ce cortège d'images d'horreur, que votre télévision comme beaucoup d'autres montrent. Et dans ce contexte, le président de la République comme le Gouvernement, ont été très attentifs à tout ce qui touche à la question de l'aide humanitaire. Donc, dans ce domaine, il y a eu une réunion de ministres, hier, présidée par le Premier ministre, à l'occasion de laquelle a été décidé de débloquer une première enveloppe de 10 millions d'euros, qui est un montant assez comparable à ce que les Allemands ont décidé. L'objectif, c'est de travailler, évidemment, dans un partenariat étroit avec les pays de l'Union européenne, avec les ONG. Et le tout, bien sûr, dans le cadre des Nations unies, qui est évidemment un élément essentiel."
C'est une première aide. La deuxième étape est prévue pour quand ? Puisque vous parlez de "partenariat", est-ce qu'il y a des réunions qui sont prévues ?
- "A partir de ce premier principe qui est décidé, il faut maintenant travailler dans le détail. Et par exemple, aujourd'hui, le ministre des Affaires étrangères, D. de Villepin, et R. Muselier, vont recevoir un certain nombre d'ONG, qui sont directement impliquées. Donc, on va commencer un peu à rentrer dans le détail de l'évaluation des besoins. Et puis, de la même manière..."
On parle déjà de deux milliards de dollars ou deux milliards d'euros, puisque c'est à peu près la même chose. C'est ce que dit la Croix Rouge, pour l'ensemble.
- "Pour l'instant, nous sommes au stade de l'évaluation des besoins. Le Gouvernement travaille de manière très attentive et très précise sur ces questions. Mais l'important est de le faire en nouant vraiment des partenariats avec les ONG, je le disais, avec les pays de l'Union européenne, et dans le cadre des Nations unies, ce qui est absolument indispensable."
Le Gouvernement a également adopté un nouveau plan Vigipirate. Pourquoi un nouveau plan puisque c'est un plan avec quatre degrés de gravité ? Et je crois qu'on en est au degré 3 sur 4, c'est ça ?
- "Au degré 2. Le plan Vigipirate avait ceci de particulier, qu'il était ancien. Il avait été créé en 1981, et donc les temps ont passé depuis. Il y avait un peu ce sentiment d'accoutumance qui nuisait à son efficacité, et il n'était pas suffisamment affiné aux différentes forces de menaces. Donc, le Premier ministre avait demandé, dès le mois de juin dernier, d'ailleurs, dans une logique d'anticipation de toutes les menaces que l'on peut imaginer, de travailler à affiner ce plan, à le rendre plus réactif, notamment pour ce qui concerne les services de l'Etat. C'est donc maintenant un programme qui est prêt, sur lequel les services sont tout à fait sensibilisés et informés. Et donc, il y a quatre niveaux d'alerte et non pas deux. Nous sommes au deuxième niveau en partant du bas, cela concerne, naturellement, tout ce qui concerne la mobilisation des services par rapport, en particulier, à la menace terroriste."
Le niveau extrême ce sera quoi ?
- "C'est le niveau 4, en l'occurrence. Et en l'occurrence, pour ce qui concerne ce niveau extrême, ce serait, bien entendu, dans l'hypothèse d'une menace extrêmement grave, extrêmement précise et conduisant à des mesures très spécifiques de restrictions nombreuses. Il y a toute une liste de mesures qui seraient à prendre à ce moment-là, y compris pour la population. Et nous ne sommes pas du tout dans contexte-là aujourd'hui."
Il n'y a pas de menaces terroristes en France actuellement ?
- "La menace a été évaluée de manière particulière depuis les attentats du 11 septembre 2001. Depuis cette date, il y a une mobilisation constante de tous les moyens. D'ailleurs, le Gouvernement précédent l'avait aussi fait. C'est tout à fait légitime, c'est une menace qui est globale, sur l'ensemble de la planète, on le sait bien. Et par rapport à cela, notre pays, comme toutes les démocraties, a le devoir de prendre des mesures de précaution."
J'en viens à l'actualité intérieure. Les chiffres du chômage sont connus depuis quelques minutes : le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté de 19 000 le mois dernier, soit 0,8 % de plus, ce qui fait une augmentation de 5,7 % en un an. Cela nécessite des mesures très sérieuses avec une telle augmentation !
- "Malheureusement, on est tous obligés de constater le lien étroit qui existe en le niveau de chômage et le niveau de croissance. Voilà maintenant 18 mois, un peu plus de 18 mois, même - ça fait presque deux ans maintenant -, depuis le mois de mai 2001, que le chômage remonte, et ce, en corrélation avec le ralentissement de la croissance. Alors, c'est vrai que toute la politique économique qui est conduite a pour objectif, à la fois, d'agir sur l'emploi et d'agir sur le pouvoir d'achat. Car nous avons bien le sentiment, face à cette incertitude internationale, que par exemple, harmoniser le Smic vers le haut, élargir la politique pour l'emploi, baisser l'impôt sur le revenu, sont des éléments qui stimulent le pouvoir d'achat et qui permettent de maintenir le niveau de consommation, et donc de tenir dans cette situation internationale difficile, de tenir le marché intérieur."
Cela stimule davantage que les baisses d'impôts ?
- "Mais non, en l'occurrence, la baisse d'impôt sur le revenu a été un élément tout à fait majeur pour stimuler la consommation."
Pas accord de langage là-dessus au Gouvernement...
- "L'Insee a redit ce matin que c'était un élément important, mais effectivement dans un contexte difficile. L'autre élément, c'est que cette baisse d'impôts a permis aussi de renforcer l'épargne, pour les moments difficiles. Les agents sont finalement très attentifs à ce qui se passe et ça peut nous être très utile dans les semaines et les mois qui viennent. L'épargne, c'est aussi une manière d'abonder les fonds propres des entreprises, et c'est utile en cette période. Et puis l'autre aspect, c'est la politique pour l'emploi. Et dans ce domaine-là, vous le savez, il y a une mobilisation importante. A la fois, on réagit sur les plans sociaux, de manière spécifique, quand on crée les zones franches, quand on crée des contrats types. Et puis, en même temps, la baisse des charges sociales - on l'a vu, et c'est un résultat positif dans ces moments difficiles - : 50 000 contrats sans charge pour des jeunes sans qualification signés en entreprises sous forme de CDI. C'est une mesure qui a été mise en place il y a huit semaines et qui, maintenant, marche bien et prouve que nous avons sur les baisses de charges sociales, un élément majeur pour lutter contre le chômage."
Je reviens l'Irak : Le Figaro fait sa manchette sur "L'Amérique peut-elle punir la France ?". Est-ce que nous avons à redouter des représailles économiques ?
- "Non, je ne le crois pas..."
Pourtant, les appels au boycott se multiplient là-bas.
- "Il est normal que, dans les périodes de tension, il puisse y avoir un peu de polémique. Nous ne sommes pas, nous, dans une logique de polémique, en aucun cas. Et nous considérons qu'il n'y a dans la démarche qui est la nôtre, aucune forme d'anti-américanisme, de quelle que nature que ce soit. C'est une position par rapport à cette situation que le président de la République a exprimé, celle de rappeler que tout devait se faire dans le cadre de l'ONU. Pour le reste, nous en appelons naturellement, comme d'ailleurs le ministre des Affaires étrangères l'a encore fait hier, à une confiance renouvelée avec nos amis américains. Et je n'imagine pas qu'il pourrait y avoir de conséquences économiques, parce que les règles de l'économie sont suffisamment intégrées. L'activité des entreprises n'est pas simplement nationale, elle est liée à d'autres pays. Nous avons, nous, des entreprises qui sont à taille européenne maintenant, qui travaillent de manière très présentes dans les échanges, avec le reste de l'économie mondiale, avec l'économie américaine. Et donc rien de tout cela ne changera."
Cela ne change rien, car s'il y a une marque qui est présente aux Etats-Unis et qu'elle est boycottée, elle est boycottée, même si elle est "intégrée" comme vous dites.
- "Je ne crois pas que cela soit véritablement de nature à modifier les relations économiques entre nos pays. Je n'imagine pas cela un instant..."
C'est un souhait ?
- "...Même si je peux comprendre les moments, ici ou là, de tension qui peuvent donner lieu à des polémiques. Nous ignorons tout cela. Il ne s'agit pas, pour nous, de quelques polémiques. Les Américains restent naturellement dans la logique qui est la leur, dans des relations d'amitié avec l'ensemble des pays d'Europe, et évidemment la France. Pour autant, vous le savez, la position de la France sur cette guerre est connue. Il nous appartient maintenant de travailler ensemble à l'avenir, dans le cadre des Nations unies."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 mars 2003)