Texte intégral
4 juillet 2003
Quand le Medef décide de la politique culturelle du pays
La grève des "intermittents" du spectacle peut sembler marginale, mais elle s'inscrit en fait dans l'ensemble des mouvements de protestation dirigés, à juste titre, contre les attaques du gouvernement et du patronat sur les retraites, les allocations chômage, la Sécurité sociale.
Ces "intermittents" sont en fait des travailleurs intérimaires, des comédiens certes, mais surtout des techniciens: éclairagistes, cameramen, machinistes, etc., dont les entrepreneurs de spectacles ont absolument besoin, comme le prouve le fait que leur grève risque d'empêcher la tenue de tous les festivals d'été.
Il faut un fier culot au ministre de la Culture, Aillagon, pour oser dire que ces grévistes "prennent les spectateurs en otages". Mais il est vrai que, pour les gouvernants, tous les travailleurs qui revendiquent sont des preneurs d'otages. Les enseignants en lutte par rapport à leurs élèves, les cheminots et les travailleurs des transports vis-à-vis des usagers. Par contre, pas un seul ministre n'oserait utiliser cette expression pour désigner les patrons qui n'hésitent pas à fermer des usines et à jeter à la rue des milliers de travailleurs.
La vérité, c'est qu'en augmentant le nombre d'heures de travail effectuées par ces intermittents nécessaires pour percevoir des indemnités de chômage, en raccourcissant la durée d'indemnisation, le Medef (ex-CNPF), avec la complicité des syndicats qui ont joint leur signature à la sienne, s'attaque à une nouvelle catégorie de travailleurs.
Il y aurait des "abus" de la part des intermittents, clament les dirigeants du Medef. Mais c'est aussi ce que ces gens-là ont dit des chômeurs, tout comme ils présentent les travailleurs de la fonction publique comme des "privilégiés". Mais ni le Medef ni le gouvernement ne dénoncent les employeurs (en particulier ceux des entreprises de l'audiovisuel, qui se sont multipliées et ont prospéré depuis l'éclatement de la radio-télévision publique et la privatisation de la production).
Pourtant, profitant de la pression du chômage, nombre d'entre eux ne déclarent les intermittents qu'ils emploient que pour des horaires bien inférieurs à la réalité... et des salaires réduits en conséquence.
Il faut aussi un fier culot au baron Seillière pour affirmer, comme il l'a fait: "Le milieu du spectacle est habitué à ce qu'on ne touche pas à ses privilèges. On y touche, comme à d'autres, et c'est ce qu'on appelle la réforme". Le seul mal que ce monsieur s'est donné, c'est d'être né dans la richissime famille des de Wendel. Et la "réforme" à laquelle aspire cet authentique privilégié, et avec lui tout le grand patronat, cela consiste à attaquer le monde du travail dans tous les domaines, en spéculant sur le fait que la crainte du chômage paralysera les travailleurs.
Depuis des années, sous les gouvernements dits de gauche comme sous ceux de droite, la part des richesses produites revenant aux travailleurs n'a cessé de diminuer. Les salaires, pour ceux qui ont eu la chance de conserver leur emploi, sont quasiment bloqués.
Les autres ont vu leurs revenus diminuer de manière souvent considérable. Conséquence de la baisse des impôts sur le revenu, qui bénéficie avant tout aux plus riches, et de l'instauration de la CSG qui touche les revenus les plus faibles, la répartition des impôts entre les différentes classes de la société n'a cessé de se modifier au détriment des travailleurs. La "réforme" sur les retraites va se traduire par un allongement de la durée du travail pour tous les salariés, et une diminution des pensions. Depuis des années les prestations de la Sécurité sociale se réduisent comme peau de chagrin, et une nouvelle "réforme" en ce sens est annoncée.
Face à cette offensive tous azimuts du patronat, une contre-offensive d'ensemble du monde du travail est plus que jamais nécessaire. Et le gouvernement a peut-être tort de croire qu'il a gagné la partie ce printemps. Car les mouvements sociaux qui ont secoué le pays ces deux derniers mois ne sont peut-être que le prélude de cette contre-offensive, que le patronat pourrait bien payer cher.
(Source http://www.lutte-ouvriere-journal.org, le 04 juillet 2003)
07/07/2003
LE BOOMERANG CORSE
Ça leur apprendra ! Le trio Chirac-Raffarin-Sarkozy voulait tirer gloire d'un succès du "oui" à leur référendum en Corse. Et ce fut "non" ! Il y a trois jours encore, Sarkozy, bouffi d'auto-satisfaction, se vantait de l'arrestation d'Yvan Colonna, en claironnant, mouvement de menton à l'appui, que désormais l'Etat de droit était respecté en France. A ce qu'il paraît, Chirac s'est écrié, en le félicitant : "C'est génial". En oubliant que, si l'arrestation de l'assassin présumé du préfet Erignac a eu lieu sous sa présidence, l'assassinat aussi...
Il faut croire que l'arrestation d'Yvan Colonna est apparue une ficelle un peu trop grosse aux yeux des Corses. Le coup médiatique rappelle en tout cas d'autres opérations tordues dont les chiraquiens sont coutumiers pour tenter de gagner des élections, celles précisément qu'ils finissent par perdre.
Eh oui, le trio Chirac-Raffarin-Sarkozy n'a pas bien réalisé qu'il était risqué d'organiser un référendum, sur quelque question que ce soit, dans la foulée du mouvement social des dernières semaines. Il a concocté un changement de statut qui ne pouvait intéresser que quelques dizaines de notables et qui satisfaisait les nationalistes qui appelaient à voter "oui". Mais, comme le disait en substance un syndicaliste à la télévision, "en Corse, il n'y a pas que des gens en cagoule, il y a des gens qui travaillent". Et il se trouve qu'une partie de ces gens qui travaillent sont des employés des services publics qui n'ont peut-être rien à faire du statut de la Corse mais qui, en revanche, n'acceptent pas l'attaque contre les retraites.
Le gouvernement s'est bien gardé d'organiser un référendum sur sa loi contre la retraite et les retraités. Il ne savait que trop bien que l'écrasante majorité des salariés était et reste hostile à sa "réforme". Qui aurait voté pour une loi destinée à allonger le temps de travail tout en réduisant les retraites, en dehors des patrons petits et grands, des politiciens à leur service, des inconscients et de quelques bonzes syndicaux plus proches des patrons que des salariés ?
Mais voilà que c'est le référendum sur lequel Chirac, Raffarin et Sarkozy comptaient, qui leur est revenu dans la figure. Réunir les deux départements corses en un seul - après les avoir séparés en deux il y a vingt-sept ans - n'avait vraiment pas de quoi enthousiasmer la population corse. Il y avait, en revanche, l'occasion d'exprimer un mécontentement.
Le gouvernement aurait dû pourtant se méfier. Il y a déjà eu un avertissement lorsque Raffarin et Sarkozy se sont rendus en couple sur l'île pour vendre leur référendum à la population. Leur grand meeting de soutien, prévu en ville à Bastia, a dû être limité à l'aéroport dont ils n'ont pas pu s'éloigner sous la pression des travailleurs des services publics de l'île, devant une petite centaine de fidèles. Les Corses ont dû bien s'amuser du spectacle des deux principaux membres du gouvernement juchés sur des chaises en plastique, essayant sous les huées et les sifflets de se faire entendre. Le préfet a fait les frais de la déconvenue ministérielle, limogé pour ne pas avoir assuré la claque et un service d'ordre efficace pour ces messieurs du gouvernement. Il n'y avait pas non plus, dans ce minable acte de vengeance, de quoi attirer la sympathie de la population. Et aujourd'hui, ils n'ont plus personne à limoger, à part eux-mêmes.
L'UMP, le parti de Chirac, qui appelait à voter "oui", a une écrasante majorité au Parlement. Le PS, qui appelait aussi à voter "oui", domine l'opposition parlementaire. Ces deux partis prétendent monopoliser la vie politique. Voilà de quoi donner une bonne image de leur véritable représentativité.
Le résultat du référendum en lui-même ne changera rien à rien. On peut cependant en tirer bon espoir que, si en septembre les salariés se remettent en mouvement contre les mesures anti-ouvrières que le gouvernement compte poursuivre, cette fois contre l'assurance maladie, les salariés corses ne seront pas les derniers à réagir.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 11 juillet 2003)
15/07/2003
CHIRAC, LA VOIX DU PATRONAT
Lors de la traditionnelle intervention télévisée du 14 juillet du chef de l'Etat, le président de la République a répété que "L'Etat ne peut pas décider de tout", en osant affirmer que sur la question des retraites il y aurait eu, "pour la première fois", "un dialogue et une concertation sociale". Mais quel dialogue ? Quelle concertation ? Le Medef du baron Seillière a posé ses conditions aux syndicats, à prendre ou à laisser. Il a trouvé deux confédérations syndicales qui ne représentent pas grand chose (et pas même leurs militants, à en juger par l'ampleur des remous qui secouent la CFDT) pour donner leur aval, sous prétexte que cela aurait pu être encore pire, à un texte de régression sociale. Et le gouvernement, qui ne peut pas "décider de tout", a tout de même décidé d'avaliser ce document, donc, quoi qu'en dise Chirac, de faire intervenir l'Etat.
C'est exactement au même scénario qu'on a assisté en ce qui concerne les intermittents du spectacle, le baron Seillière devenant cette fois-ci, de fait, le ministre de tutelle d'Aillagon, après avoir été celui de Fillon. La négociation s'est bornée là aussi à "ce sera comme ça et pas autrement !".
Pourtant, Chirac et Raffarin n'ont aucune difficulté à "décider" quand il s'agit de diminuer les impôts des plus riches, d'accorder des diminutions de charges sociales au patronat, ou de le subventionner.
Et c'est encore de la même logique que Chirac s'inspire, quand il déclare à propos du mouvement des intermittents du spectacle, que l'Etat va mettre en place "un système d'aide à la création culturelle". C'est à dire qu'il y aura (peut-être) des aides accordées aux directeurs de compagnies, aux promoteurs de festivals, mais rien pour les techniciens, machinistes, éclairagistes, comédiens, qui sont les victimes de la situation actuelle.
Chirac a certes eu quelques mots pour condamner les entreprises qui ont "sciemment détourné à leur profit" le système actuel, en utilisant le chantage au chômage pour faire travailler des intermittents en ne les déclarant que pour des périodes d'activité bien inférieures à la réalité. Mais depuis les déclarations du président de la République sur les "patrons voyous", au moment de la fermeture de Métaleurop, restées sans aucune suite, on sait ce que valent les déclarations de Chirac en la matière.
Et les patrons de l'audio-visuel qui se livrent à ce genre de pratique font partie de la confédération patronale du baron Seillière.
Ils sont d'ailleurs les dignes représentants des moeurs du patronat, car tous les travailleurs savent comment la législation sur le travail intérimaire, sur les contrats à durée déterminée, (qui d'après les textes ne devraient concerner que des situations de remplacement momentané de travailleurs, ou de surcroît exceptionnel d'activité), est contournée chaque jour dans de nombreuses entreprises avec la bénédiction des autorités gouvernementales. Comme est violée en permanence la législation sur les accidents du travail, quand l'encadrement fait pression sur des travailleurs pour qu'ils ne déclarent pas les accidents dont ils ont été victimes.
Ce discours hypocrite était tenu à l'occasion d'une garden-party donnée à l'Elysée pour commémorer le 14 juillet 1789. Mais Chirac, qui face à la contestation sociale affirme que les mécontents feraient mieux de "s'adapter", et Raffarin qui joue volontiers les matamores en répétant que "ce n'est pas la rue qui gouverne", feraient bien de ne pas oublier que c'est "la rue" qui le 14 juillet 1789 a brisé la tentative des privilégiés de l'ancien régime d'étouffer dans l'oeuf la révolution montante ; que c'est encore "la rue" qui trois ans plus tard, le 10 août 1792, a jeté bas la monarchie. Et que "la rue", c'est-à-dire l'ensemble des travailleurs en colère, pourrait bien leur imposer demain un changement de politique, et même la démission.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 17 juillet 2003)
21 juillet 2003
Pendant les vacances, l'offensive contre le niveau de vie des travailleurs continue
Il y a quelques semaines, après les grèves et les manifestations dirigées contre les attaques remettant en cause le régime des retraites, et après le mouvement des enseignants, le gouvernement avait affirmé qu'il prendrait son temps pour ouvrir, à la rentrée, le dossier de la Sécurité sociale. Mais cela ne l'a pas empêché de publier une liste de 84 produits qui ne seront plus remboursés du tout par la Sécurité sociale.
Pour justifier ces déremboursements, le ministre de la Santé, Mattéi, a eu le culot d'affirmer que ce n'était pas seulement une mesure d'économie, mais dans l'intérêt des malades qui ne s'en porteraient pas plus mal, qui s'en porteraient peut-être même mieux, s'ils ne prenaient pas ces médicaments ! Mais de qui se moque-t-il ? Car de deux choses l'une, ou ces produits sont réellement nocifs, et le problème ne devrait pas être de les dérembourser, mais de les retirer du marché. Ou ils peuvent rendre des services, et ils doivent rester remboursés.
Le résultat, c'est que ceux des malades qui iront voir leur médecin se verront le plus souvent prescrire des médicaments toujours remboursés, généralement bien plus chers. Et que les plus démunis économiseront le prix d'une visite médicale et recourront à l'automédication, avec ce que cela comporte de risques.
En fait d'économies, le bilan risque d'être d'autant plus maigre que le gouvernement a libéré les prix des médicaments dits "innovants", qu'il négociait auparavant avec les laboratoires. C'est dire que les profits des trusts pharmaceutiques ne sont pas menacés, et qu'on va voir fleurir des médicaments "innovants", dont beaucoup n'apporteront rien de nouveau sur le plan thérapeutique... mais des profits supplémentaires aux gros laboratoires.
Ces attaques contre la Sécurité sociale, qui avaient commencé sous les gouvernements socialistes, ne sont pas terminées. Le pire est sans doute à venir, comme le montre cette proposition de la direction de la Caisse nationale d'assurances maladie, qui propose aux médecins de limiter à cinq par ordonnance le nombre de médicaments prescrits aux personnes de plus de 70 ans. Evidemment les personnes âgées, par la force des choses, consomment plus de produits pharmaceutiques que les plus jeunes. Mais si ce projet est adopté, cela signifiera, pour les plus démunis, plus de difficultés pour se soigner correctement.
C'est que pour le grand patronat, pour le Medef qui le représente directement, comme pour le gouvernement qui est à leur service, les travailleurs ont le tort de vivre trop longtemps lorsqu'ils ont cessé d'être exploitables. Pour Seillière, Raffarin et Chirac, l'argent de l'Etat, et même l'argent de la Sécurité sociale (c'est-à-dire celui provenant des cotisations des salariés), est destiné en priorité, aux classes possédantes.
C'est la même politique qui préside à l'annonce de la baisse du taux d'intérêt du livret A de 3% à 2,25%. Les porte-parole du gouvernement osent affirmer que c'est une nécessité pour relancer la consommation et favoriser la construction de logements sociaux. Mais c'est à la demande des banques (qui réclamaient une baisse encore plus importante) que cette décision a été prise.
Décidément, le gouvernement n'a pas la même attitude vis-à-vis des travailleurs, et vis-à-vis du grand patronat. Quand leurs entreprises ne leur rapportent pas 15% l'an, les capitalistes n'hésitent pas à jeter des milliers de travailleurs à la rue, à fermer des usines, à seule fin d'augmenter leurs profits. Et non seulement les gouvernants se déclarent impuissants pour empêcher cela, mais ils multiplient les cadeaux en leur direction pour "encourager l'investissement", comme ils disent. Mais vis-à-vis des travailleurs, les mêmes gouvernants estiment qu'ils devraient s'estimer heureux si leurs maigres économies ne fondent pas à cause de l'inflation.
Seulement, tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. Et la bourgeoisie et ses hommes politiques pourraient bien regretter un jour prochain, quand éclatera la colère du monde du travail, d'avoir fait preuve d'un cynisme aussi éhonté.
(Source http://www.lutte-ouvriere-journal.org, le 25 juillet 2003
28/07/2003
SECURITE SOCIALE : DE NOUVELLES ATTAQUES SE PREPARENT
Raffarin a eu beau affirmer qu'en ce qui concerne la "réforme" de la Sécurité sociale il prendrait son temps, il est clair que le gouvernement prépare de nouveaux mauvais coups à ce sujet. Après la baisse du taux de remboursement de nombreux médicaments en avril, puis le déremboursement total d'autres produits il y a huit jours, une campagne de mise en condition est engagée pour persuader le public que les personnes âgées se soignent trop, et qu'elles seraient parmi les principales responsables du déficit de la Sécurité sociale.
La direction de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie avait déjà décidé d'inciter les médecins à ne pas dépasser cinq produits par ordonnance pour les plus de soixante-dix ans. Et voilà que la Cour des comptes vient d'établir un rapport allant dans le même sens. D'après le quotidien "Aujourd'hui" ("Le Parisien") qui en publie des extraits "en 2001, les plus de 65 ans, soit 16 % de la population", consommeraient "39 % des médicaments". Ce rapport affirmerait aussi que les personnes âgées "consomment de trois à quatre fois plus (de médicaments) que les autres".
La belle affaire : il n'y a pas besoin de sortir de l'ENA, ni de faire intervenir des statistiques, pour savoir que les rhumatismes chroniques ou les maladies cardio-vasculaires augmentent avec l'âge. Mais cette manière d'enfoncer les portes ouvertes n'est pas innocente : il s'agit à la fois de culpabiliser les retraités, pour qu'ils acceptent de restreindre leur consommation, et de préparer des mesures pour les y contraindre. Et c'est évidemment les retraités les plus pauvres, ceux qui sans la Sécurité Sociale n'auraient pas les moyens de se soigner, qui seront les plus touchés.
Et comme toujours cette mise en condition par la Cour des comptes se fait avec des discours hypocrites, mêlant des arguments contradictoires : c'est dans l'intérêt des malades qu'il conviendrait de leur prescrire moins de médicaments, qui seraient inactifs, qui auraient des effets secondaires gênants... et que les malades oublieraient de prendre !
On ne savait pas que les conseillers de la Cour des comptes étaient aussi des experts dans le domaine médical ! Mais quand les a-t-on vus s'indigner du gaspillage sans aucune utilité pour la population que représentent les porte-avions nucléaires construits ou en projet, ou les cadeaux faits au grand patronat, sous forme de dégrèvements de charges sociales ou de subventions directes, et qui représentent bien plus que le "trou" de la Sécurité sociale ? Mais c'est justement pour donner à l'Etat les moyens d'être encore plus généreux avec le grand patronat que ministres et hauts fonctionnaires s'attaquent aux conditions de vie de la population laborieuse.
Tous ces gens qui prétendent que la lutte des classes est dépassée la mènent de manière systématique contre les travailleurs. Les salaires sont bloqués de fait depuis des années. Le gouvernement se refuse à prendre quelque mesure que ce soit contre les licenciements collectifs. La "réforme" des retraites qui vient d'être adoptée par le parlement marque une véritable régression sociale. L'accès aux soins médicaux devient de plus en plus difficile pour la population pauvre.
Mais si l'offensive menée par Chirac et Raffarin contre les conditions de vie des travailleurs se poursuit, le gouvernement n'est qu'à moitié sûr de lui. Les mouvements sociaux de ces derniers mois lui ont montré que la colère grandit parmi les salariés. Raffarin vient d'ailleurs d'annoncer une série de mesures concernant l'Education nationale, qui ne sont que des médications sans effet, des emplâtres sur une jambe de bois comme on disait, mais qui montrent qu'il craint d'avoir à affronter de nouveau à la rentrée le mécontentement des enseignants.
Mais c'est le mécontentement de tout le monde du travail qu'il faut lui faire craindre. Ce sont les mêmes problèmes, salaires, chômage, retraites, conditions de vie, qui se posent à tous les travailleurs. Et ce n'est que la colère du monde du travail qui pourra faire reculer Chirac, Raffarin et le patronat.
( Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 30 juillet 2003)
Quand le Medef décide de la politique culturelle du pays
La grève des "intermittents" du spectacle peut sembler marginale, mais elle s'inscrit en fait dans l'ensemble des mouvements de protestation dirigés, à juste titre, contre les attaques du gouvernement et du patronat sur les retraites, les allocations chômage, la Sécurité sociale.
Ces "intermittents" sont en fait des travailleurs intérimaires, des comédiens certes, mais surtout des techniciens: éclairagistes, cameramen, machinistes, etc., dont les entrepreneurs de spectacles ont absolument besoin, comme le prouve le fait que leur grève risque d'empêcher la tenue de tous les festivals d'été.
Il faut un fier culot au ministre de la Culture, Aillagon, pour oser dire que ces grévistes "prennent les spectateurs en otages". Mais il est vrai que, pour les gouvernants, tous les travailleurs qui revendiquent sont des preneurs d'otages. Les enseignants en lutte par rapport à leurs élèves, les cheminots et les travailleurs des transports vis-à-vis des usagers. Par contre, pas un seul ministre n'oserait utiliser cette expression pour désigner les patrons qui n'hésitent pas à fermer des usines et à jeter à la rue des milliers de travailleurs.
La vérité, c'est qu'en augmentant le nombre d'heures de travail effectuées par ces intermittents nécessaires pour percevoir des indemnités de chômage, en raccourcissant la durée d'indemnisation, le Medef (ex-CNPF), avec la complicité des syndicats qui ont joint leur signature à la sienne, s'attaque à une nouvelle catégorie de travailleurs.
Il y aurait des "abus" de la part des intermittents, clament les dirigeants du Medef. Mais c'est aussi ce que ces gens-là ont dit des chômeurs, tout comme ils présentent les travailleurs de la fonction publique comme des "privilégiés". Mais ni le Medef ni le gouvernement ne dénoncent les employeurs (en particulier ceux des entreprises de l'audiovisuel, qui se sont multipliées et ont prospéré depuis l'éclatement de la radio-télévision publique et la privatisation de la production).
Pourtant, profitant de la pression du chômage, nombre d'entre eux ne déclarent les intermittents qu'ils emploient que pour des horaires bien inférieurs à la réalité... et des salaires réduits en conséquence.
Il faut aussi un fier culot au baron Seillière pour affirmer, comme il l'a fait: "Le milieu du spectacle est habitué à ce qu'on ne touche pas à ses privilèges. On y touche, comme à d'autres, et c'est ce qu'on appelle la réforme". Le seul mal que ce monsieur s'est donné, c'est d'être né dans la richissime famille des de Wendel. Et la "réforme" à laquelle aspire cet authentique privilégié, et avec lui tout le grand patronat, cela consiste à attaquer le monde du travail dans tous les domaines, en spéculant sur le fait que la crainte du chômage paralysera les travailleurs.
Depuis des années, sous les gouvernements dits de gauche comme sous ceux de droite, la part des richesses produites revenant aux travailleurs n'a cessé de diminuer. Les salaires, pour ceux qui ont eu la chance de conserver leur emploi, sont quasiment bloqués.
Les autres ont vu leurs revenus diminuer de manière souvent considérable. Conséquence de la baisse des impôts sur le revenu, qui bénéficie avant tout aux plus riches, et de l'instauration de la CSG qui touche les revenus les plus faibles, la répartition des impôts entre les différentes classes de la société n'a cessé de se modifier au détriment des travailleurs. La "réforme" sur les retraites va se traduire par un allongement de la durée du travail pour tous les salariés, et une diminution des pensions. Depuis des années les prestations de la Sécurité sociale se réduisent comme peau de chagrin, et une nouvelle "réforme" en ce sens est annoncée.
Face à cette offensive tous azimuts du patronat, une contre-offensive d'ensemble du monde du travail est plus que jamais nécessaire. Et le gouvernement a peut-être tort de croire qu'il a gagné la partie ce printemps. Car les mouvements sociaux qui ont secoué le pays ces deux derniers mois ne sont peut-être que le prélude de cette contre-offensive, que le patronat pourrait bien payer cher.
(Source http://www.lutte-ouvriere-journal.org, le 04 juillet 2003)
07/07/2003
LE BOOMERANG CORSE
Ça leur apprendra ! Le trio Chirac-Raffarin-Sarkozy voulait tirer gloire d'un succès du "oui" à leur référendum en Corse. Et ce fut "non" ! Il y a trois jours encore, Sarkozy, bouffi d'auto-satisfaction, se vantait de l'arrestation d'Yvan Colonna, en claironnant, mouvement de menton à l'appui, que désormais l'Etat de droit était respecté en France. A ce qu'il paraît, Chirac s'est écrié, en le félicitant : "C'est génial". En oubliant que, si l'arrestation de l'assassin présumé du préfet Erignac a eu lieu sous sa présidence, l'assassinat aussi...
Il faut croire que l'arrestation d'Yvan Colonna est apparue une ficelle un peu trop grosse aux yeux des Corses. Le coup médiatique rappelle en tout cas d'autres opérations tordues dont les chiraquiens sont coutumiers pour tenter de gagner des élections, celles précisément qu'ils finissent par perdre.
Eh oui, le trio Chirac-Raffarin-Sarkozy n'a pas bien réalisé qu'il était risqué d'organiser un référendum, sur quelque question que ce soit, dans la foulée du mouvement social des dernières semaines. Il a concocté un changement de statut qui ne pouvait intéresser que quelques dizaines de notables et qui satisfaisait les nationalistes qui appelaient à voter "oui". Mais, comme le disait en substance un syndicaliste à la télévision, "en Corse, il n'y a pas que des gens en cagoule, il y a des gens qui travaillent". Et il se trouve qu'une partie de ces gens qui travaillent sont des employés des services publics qui n'ont peut-être rien à faire du statut de la Corse mais qui, en revanche, n'acceptent pas l'attaque contre les retraites.
Le gouvernement s'est bien gardé d'organiser un référendum sur sa loi contre la retraite et les retraités. Il ne savait que trop bien que l'écrasante majorité des salariés était et reste hostile à sa "réforme". Qui aurait voté pour une loi destinée à allonger le temps de travail tout en réduisant les retraites, en dehors des patrons petits et grands, des politiciens à leur service, des inconscients et de quelques bonzes syndicaux plus proches des patrons que des salariés ?
Mais voilà que c'est le référendum sur lequel Chirac, Raffarin et Sarkozy comptaient, qui leur est revenu dans la figure. Réunir les deux départements corses en un seul - après les avoir séparés en deux il y a vingt-sept ans - n'avait vraiment pas de quoi enthousiasmer la population corse. Il y avait, en revanche, l'occasion d'exprimer un mécontentement.
Le gouvernement aurait dû pourtant se méfier. Il y a déjà eu un avertissement lorsque Raffarin et Sarkozy se sont rendus en couple sur l'île pour vendre leur référendum à la population. Leur grand meeting de soutien, prévu en ville à Bastia, a dû être limité à l'aéroport dont ils n'ont pas pu s'éloigner sous la pression des travailleurs des services publics de l'île, devant une petite centaine de fidèles. Les Corses ont dû bien s'amuser du spectacle des deux principaux membres du gouvernement juchés sur des chaises en plastique, essayant sous les huées et les sifflets de se faire entendre. Le préfet a fait les frais de la déconvenue ministérielle, limogé pour ne pas avoir assuré la claque et un service d'ordre efficace pour ces messieurs du gouvernement. Il n'y avait pas non plus, dans ce minable acte de vengeance, de quoi attirer la sympathie de la population. Et aujourd'hui, ils n'ont plus personne à limoger, à part eux-mêmes.
L'UMP, le parti de Chirac, qui appelait à voter "oui", a une écrasante majorité au Parlement. Le PS, qui appelait aussi à voter "oui", domine l'opposition parlementaire. Ces deux partis prétendent monopoliser la vie politique. Voilà de quoi donner une bonne image de leur véritable représentativité.
Le résultat du référendum en lui-même ne changera rien à rien. On peut cependant en tirer bon espoir que, si en septembre les salariés se remettent en mouvement contre les mesures anti-ouvrières que le gouvernement compte poursuivre, cette fois contre l'assurance maladie, les salariés corses ne seront pas les derniers à réagir.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 11 juillet 2003)
15/07/2003
CHIRAC, LA VOIX DU PATRONAT
Lors de la traditionnelle intervention télévisée du 14 juillet du chef de l'Etat, le président de la République a répété que "L'Etat ne peut pas décider de tout", en osant affirmer que sur la question des retraites il y aurait eu, "pour la première fois", "un dialogue et une concertation sociale". Mais quel dialogue ? Quelle concertation ? Le Medef du baron Seillière a posé ses conditions aux syndicats, à prendre ou à laisser. Il a trouvé deux confédérations syndicales qui ne représentent pas grand chose (et pas même leurs militants, à en juger par l'ampleur des remous qui secouent la CFDT) pour donner leur aval, sous prétexte que cela aurait pu être encore pire, à un texte de régression sociale. Et le gouvernement, qui ne peut pas "décider de tout", a tout de même décidé d'avaliser ce document, donc, quoi qu'en dise Chirac, de faire intervenir l'Etat.
C'est exactement au même scénario qu'on a assisté en ce qui concerne les intermittents du spectacle, le baron Seillière devenant cette fois-ci, de fait, le ministre de tutelle d'Aillagon, après avoir été celui de Fillon. La négociation s'est bornée là aussi à "ce sera comme ça et pas autrement !".
Pourtant, Chirac et Raffarin n'ont aucune difficulté à "décider" quand il s'agit de diminuer les impôts des plus riches, d'accorder des diminutions de charges sociales au patronat, ou de le subventionner.
Et c'est encore de la même logique que Chirac s'inspire, quand il déclare à propos du mouvement des intermittents du spectacle, que l'Etat va mettre en place "un système d'aide à la création culturelle". C'est à dire qu'il y aura (peut-être) des aides accordées aux directeurs de compagnies, aux promoteurs de festivals, mais rien pour les techniciens, machinistes, éclairagistes, comédiens, qui sont les victimes de la situation actuelle.
Chirac a certes eu quelques mots pour condamner les entreprises qui ont "sciemment détourné à leur profit" le système actuel, en utilisant le chantage au chômage pour faire travailler des intermittents en ne les déclarant que pour des périodes d'activité bien inférieures à la réalité. Mais depuis les déclarations du président de la République sur les "patrons voyous", au moment de la fermeture de Métaleurop, restées sans aucune suite, on sait ce que valent les déclarations de Chirac en la matière.
Et les patrons de l'audio-visuel qui se livrent à ce genre de pratique font partie de la confédération patronale du baron Seillière.
Ils sont d'ailleurs les dignes représentants des moeurs du patronat, car tous les travailleurs savent comment la législation sur le travail intérimaire, sur les contrats à durée déterminée, (qui d'après les textes ne devraient concerner que des situations de remplacement momentané de travailleurs, ou de surcroît exceptionnel d'activité), est contournée chaque jour dans de nombreuses entreprises avec la bénédiction des autorités gouvernementales. Comme est violée en permanence la législation sur les accidents du travail, quand l'encadrement fait pression sur des travailleurs pour qu'ils ne déclarent pas les accidents dont ils ont été victimes.
Ce discours hypocrite était tenu à l'occasion d'une garden-party donnée à l'Elysée pour commémorer le 14 juillet 1789. Mais Chirac, qui face à la contestation sociale affirme que les mécontents feraient mieux de "s'adapter", et Raffarin qui joue volontiers les matamores en répétant que "ce n'est pas la rue qui gouverne", feraient bien de ne pas oublier que c'est "la rue" qui le 14 juillet 1789 a brisé la tentative des privilégiés de l'ancien régime d'étouffer dans l'oeuf la révolution montante ; que c'est encore "la rue" qui trois ans plus tard, le 10 août 1792, a jeté bas la monarchie. Et que "la rue", c'est-à-dire l'ensemble des travailleurs en colère, pourrait bien leur imposer demain un changement de politique, et même la démission.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 17 juillet 2003)
21 juillet 2003
Pendant les vacances, l'offensive contre le niveau de vie des travailleurs continue
Il y a quelques semaines, après les grèves et les manifestations dirigées contre les attaques remettant en cause le régime des retraites, et après le mouvement des enseignants, le gouvernement avait affirmé qu'il prendrait son temps pour ouvrir, à la rentrée, le dossier de la Sécurité sociale. Mais cela ne l'a pas empêché de publier une liste de 84 produits qui ne seront plus remboursés du tout par la Sécurité sociale.
Pour justifier ces déremboursements, le ministre de la Santé, Mattéi, a eu le culot d'affirmer que ce n'était pas seulement une mesure d'économie, mais dans l'intérêt des malades qui ne s'en porteraient pas plus mal, qui s'en porteraient peut-être même mieux, s'ils ne prenaient pas ces médicaments ! Mais de qui se moque-t-il ? Car de deux choses l'une, ou ces produits sont réellement nocifs, et le problème ne devrait pas être de les dérembourser, mais de les retirer du marché. Ou ils peuvent rendre des services, et ils doivent rester remboursés.
Le résultat, c'est que ceux des malades qui iront voir leur médecin se verront le plus souvent prescrire des médicaments toujours remboursés, généralement bien plus chers. Et que les plus démunis économiseront le prix d'une visite médicale et recourront à l'automédication, avec ce que cela comporte de risques.
En fait d'économies, le bilan risque d'être d'autant plus maigre que le gouvernement a libéré les prix des médicaments dits "innovants", qu'il négociait auparavant avec les laboratoires. C'est dire que les profits des trusts pharmaceutiques ne sont pas menacés, et qu'on va voir fleurir des médicaments "innovants", dont beaucoup n'apporteront rien de nouveau sur le plan thérapeutique... mais des profits supplémentaires aux gros laboratoires.
Ces attaques contre la Sécurité sociale, qui avaient commencé sous les gouvernements socialistes, ne sont pas terminées. Le pire est sans doute à venir, comme le montre cette proposition de la direction de la Caisse nationale d'assurances maladie, qui propose aux médecins de limiter à cinq par ordonnance le nombre de médicaments prescrits aux personnes de plus de 70 ans. Evidemment les personnes âgées, par la force des choses, consomment plus de produits pharmaceutiques que les plus jeunes. Mais si ce projet est adopté, cela signifiera, pour les plus démunis, plus de difficultés pour se soigner correctement.
C'est que pour le grand patronat, pour le Medef qui le représente directement, comme pour le gouvernement qui est à leur service, les travailleurs ont le tort de vivre trop longtemps lorsqu'ils ont cessé d'être exploitables. Pour Seillière, Raffarin et Chirac, l'argent de l'Etat, et même l'argent de la Sécurité sociale (c'est-à-dire celui provenant des cotisations des salariés), est destiné en priorité, aux classes possédantes.
C'est la même politique qui préside à l'annonce de la baisse du taux d'intérêt du livret A de 3% à 2,25%. Les porte-parole du gouvernement osent affirmer que c'est une nécessité pour relancer la consommation et favoriser la construction de logements sociaux. Mais c'est à la demande des banques (qui réclamaient une baisse encore plus importante) que cette décision a été prise.
Décidément, le gouvernement n'a pas la même attitude vis-à-vis des travailleurs, et vis-à-vis du grand patronat. Quand leurs entreprises ne leur rapportent pas 15% l'an, les capitalistes n'hésitent pas à jeter des milliers de travailleurs à la rue, à fermer des usines, à seule fin d'augmenter leurs profits. Et non seulement les gouvernants se déclarent impuissants pour empêcher cela, mais ils multiplient les cadeaux en leur direction pour "encourager l'investissement", comme ils disent. Mais vis-à-vis des travailleurs, les mêmes gouvernants estiment qu'ils devraient s'estimer heureux si leurs maigres économies ne fondent pas à cause de l'inflation.
Seulement, tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. Et la bourgeoisie et ses hommes politiques pourraient bien regretter un jour prochain, quand éclatera la colère du monde du travail, d'avoir fait preuve d'un cynisme aussi éhonté.
(Source http://www.lutte-ouvriere-journal.org, le 25 juillet 2003
28/07/2003
SECURITE SOCIALE : DE NOUVELLES ATTAQUES SE PREPARENT
Raffarin a eu beau affirmer qu'en ce qui concerne la "réforme" de la Sécurité sociale il prendrait son temps, il est clair que le gouvernement prépare de nouveaux mauvais coups à ce sujet. Après la baisse du taux de remboursement de nombreux médicaments en avril, puis le déremboursement total d'autres produits il y a huit jours, une campagne de mise en condition est engagée pour persuader le public que les personnes âgées se soignent trop, et qu'elles seraient parmi les principales responsables du déficit de la Sécurité sociale.
La direction de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie avait déjà décidé d'inciter les médecins à ne pas dépasser cinq produits par ordonnance pour les plus de soixante-dix ans. Et voilà que la Cour des comptes vient d'établir un rapport allant dans le même sens. D'après le quotidien "Aujourd'hui" ("Le Parisien") qui en publie des extraits "en 2001, les plus de 65 ans, soit 16 % de la population", consommeraient "39 % des médicaments". Ce rapport affirmerait aussi que les personnes âgées "consomment de trois à quatre fois plus (de médicaments) que les autres".
La belle affaire : il n'y a pas besoin de sortir de l'ENA, ni de faire intervenir des statistiques, pour savoir que les rhumatismes chroniques ou les maladies cardio-vasculaires augmentent avec l'âge. Mais cette manière d'enfoncer les portes ouvertes n'est pas innocente : il s'agit à la fois de culpabiliser les retraités, pour qu'ils acceptent de restreindre leur consommation, et de préparer des mesures pour les y contraindre. Et c'est évidemment les retraités les plus pauvres, ceux qui sans la Sécurité Sociale n'auraient pas les moyens de se soigner, qui seront les plus touchés.
Et comme toujours cette mise en condition par la Cour des comptes se fait avec des discours hypocrites, mêlant des arguments contradictoires : c'est dans l'intérêt des malades qu'il conviendrait de leur prescrire moins de médicaments, qui seraient inactifs, qui auraient des effets secondaires gênants... et que les malades oublieraient de prendre !
On ne savait pas que les conseillers de la Cour des comptes étaient aussi des experts dans le domaine médical ! Mais quand les a-t-on vus s'indigner du gaspillage sans aucune utilité pour la population que représentent les porte-avions nucléaires construits ou en projet, ou les cadeaux faits au grand patronat, sous forme de dégrèvements de charges sociales ou de subventions directes, et qui représentent bien plus que le "trou" de la Sécurité sociale ? Mais c'est justement pour donner à l'Etat les moyens d'être encore plus généreux avec le grand patronat que ministres et hauts fonctionnaires s'attaquent aux conditions de vie de la population laborieuse.
Tous ces gens qui prétendent que la lutte des classes est dépassée la mènent de manière systématique contre les travailleurs. Les salaires sont bloqués de fait depuis des années. Le gouvernement se refuse à prendre quelque mesure que ce soit contre les licenciements collectifs. La "réforme" des retraites qui vient d'être adoptée par le parlement marque une véritable régression sociale. L'accès aux soins médicaux devient de plus en plus difficile pour la population pauvre.
Mais si l'offensive menée par Chirac et Raffarin contre les conditions de vie des travailleurs se poursuit, le gouvernement n'est qu'à moitié sûr de lui. Les mouvements sociaux de ces derniers mois lui ont montré que la colère grandit parmi les salariés. Raffarin vient d'ailleurs d'annoncer une série de mesures concernant l'Education nationale, qui ne sont que des médications sans effet, des emplâtres sur une jambe de bois comme on disait, mais qui montrent qu'il craint d'avoir à affronter de nouveau à la rentrée le mécontentement des enseignants.
Mais c'est le mécontentement de tout le monde du travail qu'il faut lui faire craindre. Ce sont les mêmes problèmes, salaires, chômage, retraites, conditions de vie, qui se posent à tous les travailleurs. Et ce n'est que la colère du monde du travail qui pourra faire reculer Chirac, Raffarin et le patronat.
( Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 30 juillet 2003)