Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer à "RMC" le 4 août 2003 sur les chiffres partiels du tourisme en France pour la saison estivale 2003.

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Texte intégral

O. Truchot-. Je sais que vous êtes en vacances, mais y a-t-il vraiment des vacances pour les ministres ?
- "On est toujours en état de veille !"
Je vous appelle, ce matin, pour votre casquette "Tourisme", parce qu'on va parler de mauvaise nouvelle : les chiffres partiels - parce que les chiffres définitifs, on les aura mi-août -, pour le mois de juillet ne sont pas bons. Les professionnels du tourisme, dans certaines régions, font grise mine. Mais avant cela, je voudrais que l'on parle de la route, parce qu'on vient de vivre le week-end le plus chargé de l'année. Tout s'est bien passé sur les routes, les Français ont été prudents samedi et dimanche ?
- "C'était contrasté. Evidemment, lorsque la circulation est ralentie, il y a moins d'accidents de vitesse, par obligation. Mais n'empêche, on a encore relevé beaucoup trop d'infractions, il y a quand même eu des accidents mortels, ici et là. Et dans ma région, la Picardie, par exemple, il y a eu dans la nuit de vendredi à samedi, deux morts dans l'Aisne, deux morts dans la Somme. Des jeunes, encore des jeunes, toujours des jeunes, souvent à cause d'excès de vitesse, souvent alcool, souvent drogue, toujours les mêmes causes, souvent des ceintures de sécurité qui manquaient... On a donc encore d'énormes progrès à faire."
Toujours dans le domaine des transports, des pics de pollution à l'ozone sont constatés depuis hier à cause de la canicule, mais surtout de la voiture, qui provoque cette pollution. Les préfets conseillent aux habitants de l'Ile-de-France de lever le pied. Est-ce vraiment efficace, ce genre de mesures ?
- "Oui, c'est efficace. Parce que si la moitié des véhicules ou des conducteurs lève le pied, cela fait la moitié des missions d'ozone en moins. Il n'y a pas actuellement évidemment de chauffage urbain en marche, donc ce sont vraiment les véhicules qui produisent ces nuisances. Et donc, si l'on pouvait être un peu plus raisonnable et prendre les transports en commun, je suis sûr que la couche d'ozone serait en meilleur état."
Parlons tourisme : on n'avait pas connu un été aussi beau et chaud depuis fort longtemps. Et pourtant, les restaurateurs, les hôteliers, les directeurs de camping font grise mine. Le mois de juillet a été mauvais, voire très mauvais, et rien ne dit d'ailleurs que le mois d'août sera meilleur. Un chiffre : fréquentation en baisse de 35 % en Aquitaine, le Sud-Est est également touché, notamment à cause des incendies, à cause également des festivals annulés - je pense à des villes comme Avignon. C'est un été noir pour le tourisme français ?
- "Non, pas du tout. Je pense que les hôteliers et les restaurateurs, même si actuellement certains souffrent dans les régions que vous avez citées, ne devraient pas le souligner urbi et orbi, parce que cela fait de la contre-publicité. Il y a des régions où ça marche bien, il y a des régions où, au contraire, il y a des hausses de fréquentation. Mais c'est vrai que dans le Sud-Est et dans le Sud-Ouest, pour des raisons tout à fait différentes et qui s'accumulent souvent, il y a moins de touristes et notamment moins de touristes étrangers. Pour le Sud-Ouest, on comprend que le Prestige ait pu faire s'interroger des touristes qui venaient notamment d'Allemagne habituellement ou du Bénélux. Il faut qu'ils sachent que les boulettes du Prestige, ça n'est pas quand même un inconvénient majeur pour aller se baigner et pour fréquenter les plages ou l'intérieur du pays..."
Mais il y en a tout de même, des boulettes de pétrole, il ne faut pas non plus ne pas le dire ?
- "Non, mais il faut dire la vérité. Il y en a périodiquement et elles sont immédiatement ramassées. C'est-à-dire qu'il y a vraiment une mobilisation exceptionnelle, extraordinaire, qui fait que la gêne n'est pas celle qu'on peut imaginer quand on est à 2. 000 km de là. Le beau temps, paradoxalement, est un facteur qui retient aussi des vacanciers en puissance à la maison. Lorsqu'il fait beau sur la totalité du continent européen, lorsqu'on est Allemand, par exemple, avec une croissance un petit peu faible en Allemagne, donc un peu moins de revenus, on reste chez soi. Alors si on fait un bilan global, l'hiver a été une saison touristique correcte et même bonne. Le printemps a été également un bon printemps touristique. C'est vrai qu'il y a une faiblesse au mois de juillet, il est temps de rattraper au mois d'août. Et lorsqu'on fera le bilan à la fin de l'année, je ne suis pas sûr qu'on aura une fréquentation moins importante qu'en 2002."
On ne peut pas obliger les touristes à venir sur nos plages ou dans nos régions. Parce que c'est vrai qu'il y a eu une accumulation de mauvaises nouvelles qui a sans doute fait fuir des vacanciers - on parlait du Prestige, mais il y a eu la tempête, également dans un autre domaine, la grève des intermittents. C'est vrai que ceux qui avaient prévu de fêter l'été en allant de Festival en Festival, ont été obligés de changer leur fusil d'épaule ?
- "Vous avez complètement raison. Et donc, lorsqu'on regarde un peu la clientèle qui vient en France, c'est vrai que la clientèle américaine ou asiatique vient moins pour des raisons que l'on connaît, mais la clientèle britannique vient beaucoup plus nombreuse en ce moment, en France, pour prendre des vacances, le cas échéant, même pour acheter une résidence secondaire. Il y a quand même des créneaux, des niches qui nous permettent de rester optimistes. On fera le bilan en fin d'année."
Autre explication : l'euro qui est fort. Et l'euro fort fait fuir les Américains semble-t-il ?
- "Oui, bien entendu que, pour les Américains ou pour la zone dollar, il est plus cher de venir en Europe aujourd'hui qu'il y a environ un an. Ceci est temporaire. Mais cette clientèle qui manque est largement rattrapée par une clientèle du Bénélux et de la Grande-Bretagne, qui vient en bon nombre en tout cas actuellement en France. La faiblesse de la France, chacun la connaît : c'est une destination tout à fait privilégiée, cela reste toujours la première destination, mais les touristes étrangers ne restent pas assez longtemps, ils ne dépensent pas assez d'argent. Quelquefois, ils viennent avec leur pique-nique et traversent la France pour aller ailleurs - en Espagne, en Italie, au Portugal ou en Afrique du Nord par exemple. Il faudrait pouvoir les retenir plus longtemps, de façon à ce que la balance des paiements soit largement améliorée par ces séjours prolongés."
On a donné quelques explications à ce mauvais mois de juillet, mais il y en a peut-être d'autres, et notamment cette question de Sébastien. Vous, ce qui pourrait vous inciter à ne pas partir en vacances, c'est le prix des locations.
Un auditeur : "Oui, ou tout à fait aller ailleurs. Je trouve que c'est absolument exubérant, j'ai quelques exemples très concrets. Je suis actuellement en vacances sur la côte Atlantique, j'y vais depuis plusieurs années, et quand on voit que l'on affiche le prix de ce qui passe au téléphone pour être un studio et qu'on arrive dans une chambre avec un clic-clac, en guise de lit, et deux lits-tiroirs en guise de lits superposés, et le tout pour la modique somme de 750 euros la semaine ; quand on voit qu'on vous loue des mobile home pour 800 euros la semaine ; et quand on voit les prix affichés sur les terrasses des cafés et dans les restaurants, il ne faut absolument pas que les restaurateurs, les hôteliers et les gens du tourisme s'étonnent que les Français aillent ailleurs. Pour ce qui me concerne, c'est sûrement ce que je ferai l'année prochaine d'ailleurs. Parce que je trouve que c'est énorme, c'est exubérant, c'est de la folie ! Alors, peut-être doivent-ils se pencher sur cette question, et ils trouveront la solution à pas mal de maux."
- "La réponse dans ce cas particulier, je ne peux pas répondre. Si la prestation ne correspond pas effectivement vraiment au niveau de prix, je comprend le mécontentement voire la colère de ce client. Mais qu'il n'aille pas à l'étranger, qu'il cherche autre chose en France. Je peux vous dire que, cette année, en France, la fréquentation, par exemple des campings et des meublés de tourisme, est en augmentation. La fréquentation des restaurants - malgré la baisse de la TVA qui n'est pas encore efficiente, puisque ça serait au mieux qu'en 2004 -, cette fréquentation est en augmentation. Cela veut dire quand même que l'on a des gisements, des arguments et des rapports prix-qualité, qui conviennent à beaucoup. Mais c'est vrai qu'il y a des exceptions, elles doivent être à la fois signalées et dénoncées. Et je comprends, bien sûr, la colère de ce vacancier."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 août 2003)