Texte intégral
Depuis cinquante ans, l'Europe se construit sans avoir jamais connu de recul. L'originalité du processus d'intégration européenne a en effet consisté à faire avancer l'Europe par des réalisations concrètes et en créant progressivement entre les Etats européens des liens si forts qu'il n'existe plus, entre ces Etats au moins, aucune alternative à la paix. Pour tisser ces liens, il fallait des institutions d'un type nouveau, capables de promouvoir le projet européen pas à pas, sans prendre de front les souverainetés nationales.
Ce fut la tâche de la Commission européenne que d'appliquer cette méthode (dite "méthode communautaire") en animant les synergies entre le Conseil des ministres en tant qu'instance décisionnaire représentant les Etats souverains, le Parlement européen qui joue avec le Conseil le rôle de colégislateur et la Cour de Justice de Luxembourg garante du respect du droit européen dans tous les pays. S'il appartient au Conseil européen des chefs d'Etat ou de gouvernement de donner l'impulsion politique, c'est pour incarner l'intérêt général - notion française s'il en est - de l'Europe que la Commission a été conçue.
La Commission est à la fois architecte et aiguillon : elle construit les décisions en amont. Elle agit également en aval, en particulier pour rappeler les Etats au respect de leurs engagements communautaires. Je dois à la vérité de dire que, sans la pression de la Commission, la France n'aurait peut-être pas fait les notables progrès réalisés ces derniers mois en matière de transposition des directives européennes. Enfin, la Commission exécute et gère les politiques communautaires, telle que celle des fonds structurels, véritable concrétisation de la solidarité européenne sur le terrain.
Alors que l'Union européenne, confrontée à l'une des crises majeures de son histoire, est à la veille d'accueillir en son sein dix nouveaux Etats qui, pour de multiples raisons, ne sont pas familiarisés avec la méthode communautaire, d'aucuns s'interrogent sur le rôle de la Commission dans l'Europe élargie. La dynamique communautaire suffira-t-elle pour transcender les différences entre Etats ? Leur permettra-t-elle de continuer à construire ensemble un projet européen qui apparaît désormais nettement plus politique qu'économique ? J'en suis convaincue.
La crise actuelle n'est pas la première. Que n'a-t-on entendu lorsque les Etats membres ont réagi en ordre dispersé aux chocs pétroliers, ou que l'Europe étalait son impuissance lors de l'éclatement de la région des Balkans ! A chaque fois, la clairvoyance des dirigeants européens et la constance de la Commission ont confirmé la pertinence de la voie européenne pour résoudre les différends européens et aller de l'avant.
Certes, les nouveaux enjeux - politique étrangère, politique de défense - relèvent essentiellement de procédures intergouvernementales. Pour autant, le rôle de la Commission ne diminuera pas. Soyons clairs : en proposant dans le cadre de la future Constitution européenne la création d'un poste stable de président du Conseil des chefs d'Etat ou de gouvernement, les ministres français et allemand des Affaires étrangères n'ont pas entendu restreindre les compétences et l'autorité de la Commission.
Pour respecter l'équilibre institutionnel qui a fait du rêve européen de stabilité et de prospérité une réalité, ils ont aussi suggéré un renforcement de la Commission : en confortant son rôle d'initiative, en augmentant la portée de ses propositions grâce à l'extension du recours à la majorité qualifiée pour l'adoption de la législation européenne, en donnant au président de la Commission un véritable pouvoir de direction politique vis-à-vis de ses commissaires, voire en admettant, sous des conditions à préciser, la désignation de ce dernier par le Parlement européen.
Faut-il aller plus loin ? Nous considérons que c'est nécessaire pour faire fonctionner une Europe à vingt-cinq. Et c'est pourquoi nous venons de déposer avec les Pays-Bas une contribution à la Convention sur l'avenir de l'Europe sur le rôle de la Commission. Il s'agit de conforter l'autonomie de cette institution en lui offrant la faculté de demander la dissolution du Parlement européen, juste contrepartie au pouvoir du Parlement européen de la renverser. Il s'agit de conforter le pouvoir d'initiative de la Commission, en généralisant son monopole d'initiative dans les matières communautaires et en créant une possibilité d'initiative pour le programme stratégique pluriannuel du Conseil ou pour les coopérations renforcées. Il s'agit de consacrer et de renforcer son pouvoir d'adopter des actes d'exécution ou des actes adaptant la législation communautaire. Il s'agit enfin de lui reconnaître un pouvoir d'analyse objective des politiques budgétaires menées par les Etats membres. Car la Convention sur l'avenir de l'Europe doit aussi donner un nouveau souffle à la Commission, pour qu'elle soit pleinement partie prenante à cette "nouvelle phase de notre combat historique pour la maîtrise de notre destin" (pour reprendre la formule de Raymond Barre) qui s'ouvre avec l'élargissement à nos nouveaux partenaires de l'Europe centrale et orientale.
C'est dans cet esprit que, le 25 mars dernier, date anniversaire de la signature du Traité de Rome de 1957, j'ai réuni les anciens commissaires français qui, tous, ont accepté de constituer un Comité des sages dont l'expérience me sera précieuse. Les nouveaux progrès de la grande Europe s'inscrivent en effet dans un monde incertain, à l'équilibre duquel l'Europe sera plus que jamais indispensable. L'Europe est en marche ! .
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 avril 2003)
Ce fut la tâche de la Commission européenne que d'appliquer cette méthode (dite "méthode communautaire") en animant les synergies entre le Conseil des ministres en tant qu'instance décisionnaire représentant les Etats souverains, le Parlement européen qui joue avec le Conseil le rôle de colégislateur et la Cour de Justice de Luxembourg garante du respect du droit européen dans tous les pays. S'il appartient au Conseil européen des chefs d'Etat ou de gouvernement de donner l'impulsion politique, c'est pour incarner l'intérêt général - notion française s'il en est - de l'Europe que la Commission a été conçue.
La Commission est à la fois architecte et aiguillon : elle construit les décisions en amont. Elle agit également en aval, en particulier pour rappeler les Etats au respect de leurs engagements communautaires. Je dois à la vérité de dire que, sans la pression de la Commission, la France n'aurait peut-être pas fait les notables progrès réalisés ces derniers mois en matière de transposition des directives européennes. Enfin, la Commission exécute et gère les politiques communautaires, telle que celle des fonds structurels, véritable concrétisation de la solidarité européenne sur le terrain.
Alors que l'Union européenne, confrontée à l'une des crises majeures de son histoire, est à la veille d'accueillir en son sein dix nouveaux Etats qui, pour de multiples raisons, ne sont pas familiarisés avec la méthode communautaire, d'aucuns s'interrogent sur le rôle de la Commission dans l'Europe élargie. La dynamique communautaire suffira-t-elle pour transcender les différences entre Etats ? Leur permettra-t-elle de continuer à construire ensemble un projet européen qui apparaît désormais nettement plus politique qu'économique ? J'en suis convaincue.
La crise actuelle n'est pas la première. Que n'a-t-on entendu lorsque les Etats membres ont réagi en ordre dispersé aux chocs pétroliers, ou que l'Europe étalait son impuissance lors de l'éclatement de la région des Balkans ! A chaque fois, la clairvoyance des dirigeants européens et la constance de la Commission ont confirmé la pertinence de la voie européenne pour résoudre les différends européens et aller de l'avant.
Certes, les nouveaux enjeux - politique étrangère, politique de défense - relèvent essentiellement de procédures intergouvernementales. Pour autant, le rôle de la Commission ne diminuera pas. Soyons clairs : en proposant dans le cadre de la future Constitution européenne la création d'un poste stable de président du Conseil des chefs d'Etat ou de gouvernement, les ministres français et allemand des Affaires étrangères n'ont pas entendu restreindre les compétences et l'autorité de la Commission.
Pour respecter l'équilibre institutionnel qui a fait du rêve européen de stabilité et de prospérité une réalité, ils ont aussi suggéré un renforcement de la Commission : en confortant son rôle d'initiative, en augmentant la portée de ses propositions grâce à l'extension du recours à la majorité qualifiée pour l'adoption de la législation européenne, en donnant au président de la Commission un véritable pouvoir de direction politique vis-à-vis de ses commissaires, voire en admettant, sous des conditions à préciser, la désignation de ce dernier par le Parlement européen.
Faut-il aller plus loin ? Nous considérons que c'est nécessaire pour faire fonctionner une Europe à vingt-cinq. Et c'est pourquoi nous venons de déposer avec les Pays-Bas une contribution à la Convention sur l'avenir de l'Europe sur le rôle de la Commission. Il s'agit de conforter l'autonomie de cette institution en lui offrant la faculté de demander la dissolution du Parlement européen, juste contrepartie au pouvoir du Parlement européen de la renverser. Il s'agit de conforter le pouvoir d'initiative de la Commission, en généralisant son monopole d'initiative dans les matières communautaires et en créant une possibilité d'initiative pour le programme stratégique pluriannuel du Conseil ou pour les coopérations renforcées. Il s'agit de consacrer et de renforcer son pouvoir d'adopter des actes d'exécution ou des actes adaptant la législation communautaire. Il s'agit enfin de lui reconnaître un pouvoir d'analyse objective des politiques budgétaires menées par les Etats membres. Car la Convention sur l'avenir de l'Europe doit aussi donner un nouveau souffle à la Commission, pour qu'elle soit pleinement partie prenante à cette "nouvelle phase de notre combat historique pour la maîtrise de notre destin" (pour reprendre la formule de Raymond Barre) qui s'ouvre avec l'élargissement à nos nouveaux partenaires de l'Europe centrale et orientale.
C'est dans cet esprit que, le 25 mars dernier, date anniversaire de la signature du Traité de Rome de 1957, j'ai réuni les anciens commissaires français qui, tous, ont accepté de constituer un Comité des sages dont l'expérience me sera précieuse. Les nouveaux progrès de la grande Europe s'inscrivent en effet dans un monde incertain, à l'équilibre duquel l'Europe sera plus que jamais indispensable. L'Europe est en marche ! .
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 avril 2003)