Texte intégral
Arlette Chabot .- Après un été marqué par la mobilisation des intermittents, les conséquences tragiques de la canicule, alors qu'on annonce une rentrée sociale difficile, que la croissance est en berne, il paraît que vous êtes optimistes. Pouvez-vous nous dire comment on arrive à être zen ?
Ernest-Antoine Seillière .- "Oui, enfin, raisonnablement optimiste, et sur la base de faits et de sentiments assez précis. Ce qui est important, c'est de penser, et nous le pensons, que la conjoncture va désormais donner à notre pays un petit mieux. C'est-à-dire qu'on a touché le fond du ralentissement, d'ailleurs, vous le savez, le deuxième trimestre a été en récession..."
Moins 0,3 de PIB. A votre avis on est fond de la piscine, et ça peut remonter ?
- "Oui, les Etats-Unis mettent en place actuellement une reprise progressive mais qui paraît tout de même sérieuse. Le Japon, qui est depuis des années et des années dans le marasme, marque également une certaine tendance au redressement, et l'économie mondiale, dont nous sommes vraiment dépendants, et l'Europe aussi, est pour nous en convalescence avec la possibilité donc de considérer que, désormais, il y aura, en effet, un redressement de croissance. Cela est important. Mais ce qui est encore plus important, c'est que nous avons également le sentiment, en profondeur, par l'ensemble de notre réseau, que derrière les langages, les attitudes, de fait, notre pays a compris la nécessité de la réforme, que le Gouvernement, en réalité, avec prudence mais détermination, est décidé à traiter nos sujets de structures, comme on dit - c'est-à-dire, en fait les retraites, l'assurance-maladie -, autrement dit la structure des coûts pour les entrepreneurs, et que, évidemment, par rapport à ce que nous connaissons ces dernières années, où, un, on ne faisait rien, et deux, on ne reconnaissait même pas l'existence des problèmes, c'est tout de même un très fort changement. Enfin, il nous semble que la contrainte européenne, - M. Raffarin est aujourd'hui à... - joue maintenant son rôle à plein pour orienter notre pays dans le sens d'une certaine forme de réformes. Et enfin, il y a la conscience, je crois que la compétition, je crois que la réussite des entreprises est la clé de l'avenir de notre société."
Enfin, vous dites "les Français... nécessité de la réforme....". Vous avez vu le succès de la mobilisation, les altermondialistes, comment l'extrême gauche progresse dans ce pays ! Vous ne dites pas, quand même, qu'il y a des gens qui sont totalement opposés à la politique que vous souhaitez et qui sont forts ?
- "C'est tout à fait normal que dans une démocratie, il y ait des extrêmes qui, peut-être, se renforcent, s'organisent et s'expriment. D'ailleurs, ils fascinent. Vous savez "Un autre monde est possible", est une formule extraordinairement romantique, extraordinaire désespérée, d'ailleurs. Nous, nous pensons qu'il n'y a en réalité qu'un seul monde, celui dans lequel nous sommes et celui dans lequel il faut réformer pour réussir. C'est d'ailleurs ce qu'on fait de manière générale en Europe autour de nous. Et je crois que nous y sommes. C'est la raison pour laquelle l'Université d'été que nous rassemblons dans les jours qui viennent, avec le thème de "La grande transformation", essayera de trouver les voies de ce nouveau positivisme qui va faire en sorte que la France va réussir, en dépit, bien entendu, des résistances."
Quelles leçons tirez-vous de la gestion par le Gouvernement de la canicule, ses conséquences ?
- "Nous n'avons pas de jugement à porter sur cette affaire en tant que telle. Mais nous avons tout de même tiré un enseignement assez précis de ce qui s'est passé cet été. D'abord, on a découvert avec stupeur, que c'était l'entreprise privée qui finançait une grande partie de la culture."
Ca, c'est pour les intermittents du spectacle.
- "Oui, mais enfin, on a trouvé curieux que l'entreprise paye 800 millions d'euros les spectacles de rue des Français, et je crois que cette prise de conscience est utile. L'entreprise n'a pas à être là où elle n'a pas à être. Et donc, il faut sortir l'entreprise du financement de la culture, trouver d'autres moyens, je crois que tout le monde le reconnaît. Même si, bien entendu, à partir du moment où on prend cette attitude, il y a énormément de conséquences, notamment au niveau des intermittents et je dirais que c'est bien normal. Pour la canicule, que s'est-il passé ? En réalité, dans la France entière, on a entendu un cri immense : que fait l'Etat ! Que fait le Président de la République ! Que fait le Premier ministre ! Ce qui montre que, là aussi, l'entreprise et la santé - il y a trois ans que nous sommes sortis de la gestion de l'assurance-maladie -, parce que nous pensons, là aussi, que le paritarisme d'hier, les structures de commandement qui mettaient tout cela dans les mains et la responsabilité supposée des syndicats et des entrepreneurs, que ceci est dépassé, qu'il faut réformer."
C'est-à-dire, que vous n'allez pas revenir, demain, à la table pour gérer la Sécurité sociale, l'assurance-maladie ? Pas question d'y revenir ?
- "Nous pensons que la réforme de l'assurance-maladie est une exigence et qu'en réalité, quand on se tourne vers l'Etat, on lui demande, à la fois évidemment d'assumer ses responsabilités, mais également de réformer. A preuve d'ailleurs, l'ensemble des responsables des affaires de retraités, des affaires de gens âgés, étaient, hier, en masse auprès du Premier ministre. Tout ceci prouve que notre société a conscience de la nécessité de la réforme. D'ailleurs, j'ajouterais qu'on pense à travailler peut-être un jour de plus en France, vous rendez compte !".
Vous êtes favorable à cela ? Si le Gouvernement propose qu'on supprime un jour férié pour financer la dépendance, l'aide aux personnes âgées, vous dites : d'accord, nous on trouve que c'est bien ?
- "C'est formidable. L'idée qu'on puisse se dire qu'on va résoudre les problèmes en travaillant plus dans notre pays, c'est une grande première, en tout cas depuis cinq ou six ans."
C'est cela. Mais en-dehors de la plaisanterie, de l'allusion aux 35 heures, vous êtes d'accord, vous trouvez que c'est une bonne idée ?
- "Ce n'est pas une plaisanterie. Nous ne réglerons nos problèmes, bien entendu, que si nous travaillons plus, et nous le savons tous. L'illusion qu'on peut avoir une solidarité plus forte, faire fonctionner le système français, avec, en fait, l'oeil sur les loisirs, est une époque révolue."
La grande préoccupation des Français aujourd'hui, on le voit, c'est quand même le chômage. Pensez-vous que l'augmentation du chômage va progresser, on aura les chiffres vendredi, et qu'on sera à 10 % de chômeurs à la fin de l'année ?
- "Je ne suis pas capable de donner, bien entendu, un chiffre précis. Mais il est évident que, lorsqu'on a connu, comme on l'a connu, un ralentissement de croissance - on est passé de 3 % de croissance à moins 0,3 -, il y a eu évidemment des conséquences très lourdes sur beaucoup d'entreprises, certaines n'ont pas tenu le coup, se sont arrêté, et d'autres se sont restructurées toutes seules. Cela crée du chômage et c'est, bien entendu, pour nous une énorme préoccupation. Mais nous sommes, et vous le savez, rentrés dans une phase d'intenses négociations sociales. Le dialogue social est aujourd'hui appuyé par le Gouvernement, il y a toute une partie du syndicalisme français qui est réformiste et qui est prêt à la discussion pour progresser..."
La CFDT...
- "La CFDT, CFTC, CGC et peut-être, un jour, FO, pourquoi pas. Quant à la CGT, on le sait, elle a sur ce plan-là également des débats. Nous pensons que le syndicalisme français, en réalité, se mettra de plus en plus au dialogue pour la réforme, parce que c'est ce qu'on fait dans l'Europe entière. Le syndicalisme européen est un syndicalisme de dialogue. Et donc, nous avons actuellement des négociations en cours sur la formation professionnelle, dont nous attendons beaucoup, nous allons parler, bien entendu..."
Vous allez faire des efforts, vous aussi, par exemple, faire une part du travail pour, qu'effectivement, le chômage baisse ?
- "Je ne peux pas mener la négociation avec vous maintenant. Mais, bien entendu, une négociation implique que l'on fasse des efforts de part et d'autre, et nous y travaillons. Donc, il y a des négociations, du dialogue social, ils se mettent en place. Et là aussi, c'est une raison d'optimisme. Une société bloquée n'est pas une société qui dialogue entre partenaires sociaux pour construire. Or, nous sommes dans ces esprit-là, et nous avons des partenaires qui, en réalité, s'intéressent à cela, autant que nous."
A propos de l'emploi, deux choses choquent les Français : une usine, Flodor, dont une partie des machines est déménagée pendant l'été - la production a repris mais c'est choquant. Et vous dites : oui, cela me gêne ?
- "Oui, nous disons, bien sûr, que dès que des comportements d'entreprises sont ou illégaux ou qu'ils scandalisent, en réalité, nous sommes tout à fait du sentiment qu'il y a là des excès, des comportements inacceptables. Nous savons également que l'extrémisme auquel vous avez fait référence il y a quelques instants, lui, sait avec une grande pertinence et une facilité, étendre aux 750 000 entrepreneurs que nous représentons, le comportement d'un seul. Or, ceci, bien entendu, est une technique bien connue pour essayer de jeter le discrédit sur l'entreprise, dont je vous rappelle qu'elle est au coeur de la réussite possible française et de sa solidarité."
Deuxième chose qui choque les Français : ce qu'on appelle "les parachutes en or" - "les golden parachute" -, pour des chefs d'entreprise qui quittent une société, parfois quand elle est en déficit, en difficulté. Faut-il dire dans ce cas-là : non, on ne peut pas partir avec beaucoup d'argent quand les salariés vont être licenciés ?
- "Nous avons confié à tout un groupe, qu'on appelle "la commission éthique du Medef", le soin justement de donner des recommandations. Bien entendu, nous sommes du sentiment qu'il y a des comportements qui, parce qu'ils sont connus médiatiquement, mis en évidence, jettent le discrédit sur des centaines de milliers d'entrepreneurs, qui sont payés très raisonnablement, qui font un travail formidable, et grâce auxquels, en effet, nous avons encore la possibilité d'avoir des espoirs de croissance, d'emploi, et de réussite dans notre pays."
Aujourd'hui, J.-P. Raffarin est à Bruxelles, d'abord pour essayer de faire avaliser le plan d'aide à Alstom, la participation du Gouvernement. Dites-vous, vous le libéral : c'est bien quand même quand le Gouvernement intervient pour sauver des emplois et refinancer une entreprise ?
-"Nous essayons de sortir le plus possible de l'approche idéologique des sujets. Il faut être pragmatique. Nous avons connu cela par le passé. Une grande entreprise française est en difficulté, pour des raisons X et Y. Le Gouvernement estime qu'avec la mise en place d'un peu d'argent dans son capital, il va l'aider à trouver le crédit nécessaire, et ensuite, la confiance nécessaire, pour se redresser et durer. Il le fait. Bien entendu, il faudra qu'on le lui rembourse, ou bien qu'il puisse vendre sa participation. C'est donc pragmatiquement une intervention que tout le monde, je crois, a jugé extrêmement utile et bien conduite. Il faut encore, bien entendu, que du côté européen on l'accepte. Je pense que là, le Premier ministre va s'y employer."
Deuxième sujet : J.-P. Raffarin parlera de sa politique économique. Les baisses d'impôts ? Faut-il baisser les impôts, êtes-vous d'accord avec cette idée, et aller le plus loin possible ?
- "Il faut, bien sûr, dans notre pays où on a atteint le maximum pratiquement, par rapport à tous nos voisins européens, du prélèvement obligatoire, baisser les impôts. Mais nous le savons, la baisse des impôts n'a de sens que si l'on peut également être très strict sur la dépense publique. Baisser la dépense publique, est un véritable objectif dans notre pays. Nous l'avons dit sans cesse, on dit d'ailleurs qu'on l'a compris, et on s'y efforce. Et puis, il y a les contraintes politiques qui font que les choses ne vont pas aussi fortement. Au total, d'ailleurs, c'est qu'en maintenant en réalité les dépenses publiques à un certain niveau, on est obligé d'aller à Bruxelles se soumettre à l'examen des commissaires. Ce n'est sûrement pas agréable pour le Premier ministre. Mais cela montre à quel point, la contrainte européenne est aujourd'hui installée dans la société française. Il faut se comporter conformément à ses engagements, vis-à-vis de nos 25 partenaires, et c'est devenu maintenant quelque chose d'extraordinairement important. C'est nouveau."
Mais quand vous dites "la contrainte européenne" effectivement, mais là, on a l'air... on a va être désigné comme les mauvais élèves de la classe. Car, on a largement dépassé les 3 % de déficit. Vous, vous dites : tant pis, le Pacte de stabilité, il faut l'oublier quand on est en pleine croissance faible ?
- "Non, pas du tout. Nous pensons que le Pacte de stabilité est une donnée fondamentale qui, justement, introduit la contrainte du sérieux de la gestion de la dépense publique et donc de la construction de budget à l'équilibre. On ne peut pas vivre dans le déficit. Et si d'ailleurs on continue à accroître le déficit, il n'y aura plus d'investissement dans notre pays, il n'y aura plus de recherche-développement, et donc il n'y aura plus le ressort de la croissance. N'oubliez pas que tout franc qui se dirige vers une entreprise pour investir et innover, est un emploi potentiel qui se créera. Tout franc qui, je dirais, est jeté dans la nature au titre du déficit des dépenses publiques ne crée pas de conditions de la croissance. Et cela, Bruxelles nous le dira, et il faudra s'y contraindre."
(source http://www.medef.fr, le 28 août 2003)
Ernest-Antoine Seillière .- "Oui, enfin, raisonnablement optimiste, et sur la base de faits et de sentiments assez précis. Ce qui est important, c'est de penser, et nous le pensons, que la conjoncture va désormais donner à notre pays un petit mieux. C'est-à-dire qu'on a touché le fond du ralentissement, d'ailleurs, vous le savez, le deuxième trimestre a été en récession..."
Moins 0,3 de PIB. A votre avis on est fond de la piscine, et ça peut remonter ?
- "Oui, les Etats-Unis mettent en place actuellement une reprise progressive mais qui paraît tout de même sérieuse. Le Japon, qui est depuis des années et des années dans le marasme, marque également une certaine tendance au redressement, et l'économie mondiale, dont nous sommes vraiment dépendants, et l'Europe aussi, est pour nous en convalescence avec la possibilité donc de considérer que, désormais, il y aura, en effet, un redressement de croissance. Cela est important. Mais ce qui est encore plus important, c'est que nous avons également le sentiment, en profondeur, par l'ensemble de notre réseau, que derrière les langages, les attitudes, de fait, notre pays a compris la nécessité de la réforme, que le Gouvernement, en réalité, avec prudence mais détermination, est décidé à traiter nos sujets de structures, comme on dit - c'est-à-dire, en fait les retraites, l'assurance-maladie -, autrement dit la structure des coûts pour les entrepreneurs, et que, évidemment, par rapport à ce que nous connaissons ces dernières années, où, un, on ne faisait rien, et deux, on ne reconnaissait même pas l'existence des problèmes, c'est tout de même un très fort changement. Enfin, il nous semble que la contrainte européenne, - M. Raffarin est aujourd'hui à... - joue maintenant son rôle à plein pour orienter notre pays dans le sens d'une certaine forme de réformes. Et enfin, il y a la conscience, je crois que la compétition, je crois que la réussite des entreprises est la clé de l'avenir de notre société."
Enfin, vous dites "les Français... nécessité de la réforme....". Vous avez vu le succès de la mobilisation, les altermondialistes, comment l'extrême gauche progresse dans ce pays ! Vous ne dites pas, quand même, qu'il y a des gens qui sont totalement opposés à la politique que vous souhaitez et qui sont forts ?
- "C'est tout à fait normal que dans une démocratie, il y ait des extrêmes qui, peut-être, se renforcent, s'organisent et s'expriment. D'ailleurs, ils fascinent. Vous savez "Un autre monde est possible", est une formule extraordinairement romantique, extraordinaire désespérée, d'ailleurs. Nous, nous pensons qu'il n'y a en réalité qu'un seul monde, celui dans lequel nous sommes et celui dans lequel il faut réformer pour réussir. C'est d'ailleurs ce qu'on fait de manière générale en Europe autour de nous. Et je crois que nous y sommes. C'est la raison pour laquelle l'Université d'été que nous rassemblons dans les jours qui viennent, avec le thème de "La grande transformation", essayera de trouver les voies de ce nouveau positivisme qui va faire en sorte que la France va réussir, en dépit, bien entendu, des résistances."
Quelles leçons tirez-vous de la gestion par le Gouvernement de la canicule, ses conséquences ?
- "Nous n'avons pas de jugement à porter sur cette affaire en tant que telle. Mais nous avons tout de même tiré un enseignement assez précis de ce qui s'est passé cet été. D'abord, on a découvert avec stupeur, que c'était l'entreprise privée qui finançait une grande partie de la culture."
Ca, c'est pour les intermittents du spectacle.
- "Oui, mais enfin, on a trouvé curieux que l'entreprise paye 800 millions d'euros les spectacles de rue des Français, et je crois que cette prise de conscience est utile. L'entreprise n'a pas à être là où elle n'a pas à être. Et donc, il faut sortir l'entreprise du financement de la culture, trouver d'autres moyens, je crois que tout le monde le reconnaît. Même si, bien entendu, à partir du moment où on prend cette attitude, il y a énormément de conséquences, notamment au niveau des intermittents et je dirais que c'est bien normal. Pour la canicule, que s'est-il passé ? En réalité, dans la France entière, on a entendu un cri immense : que fait l'Etat ! Que fait le Président de la République ! Que fait le Premier ministre ! Ce qui montre que, là aussi, l'entreprise et la santé - il y a trois ans que nous sommes sortis de la gestion de l'assurance-maladie -, parce que nous pensons, là aussi, que le paritarisme d'hier, les structures de commandement qui mettaient tout cela dans les mains et la responsabilité supposée des syndicats et des entrepreneurs, que ceci est dépassé, qu'il faut réformer."
C'est-à-dire, que vous n'allez pas revenir, demain, à la table pour gérer la Sécurité sociale, l'assurance-maladie ? Pas question d'y revenir ?
- "Nous pensons que la réforme de l'assurance-maladie est une exigence et qu'en réalité, quand on se tourne vers l'Etat, on lui demande, à la fois évidemment d'assumer ses responsabilités, mais également de réformer. A preuve d'ailleurs, l'ensemble des responsables des affaires de retraités, des affaires de gens âgés, étaient, hier, en masse auprès du Premier ministre. Tout ceci prouve que notre société a conscience de la nécessité de la réforme. D'ailleurs, j'ajouterais qu'on pense à travailler peut-être un jour de plus en France, vous rendez compte !".
Vous êtes favorable à cela ? Si le Gouvernement propose qu'on supprime un jour férié pour financer la dépendance, l'aide aux personnes âgées, vous dites : d'accord, nous on trouve que c'est bien ?
- "C'est formidable. L'idée qu'on puisse se dire qu'on va résoudre les problèmes en travaillant plus dans notre pays, c'est une grande première, en tout cas depuis cinq ou six ans."
C'est cela. Mais en-dehors de la plaisanterie, de l'allusion aux 35 heures, vous êtes d'accord, vous trouvez que c'est une bonne idée ?
- "Ce n'est pas une plaisanterie. Nous ne réglerons nos problèmes, bien entendu, que si nous travaillons plus, et nous le savons tous. L'illusion qu'on peut avoir une solidarité plus forte, faire fonctionner le système français, avec, en fait, l'oeil sur les loisirs, est une époque révolue."
La grande préoccupation des Français aujourd'hui, on le voit, c'est quand même le chômage. Pensez-vous que l'augmentation du chômage va progresser, on aura les chiffres vendredi, et qu'on sera à 10 % de chômeurs à la fin de l'année ?
- "Je ne suis pas capable de donner, bien entendu, un chiffre précis. Mais il est évident que, lorsqu'on a connu, comme on l'a connu, un ralentissement de croissance - on est passé de 3 % de croissance à moins 0,3 -, il y a eu évidemment des conséquences très lourdes sur beaucoup d'entreprises, certaines n'ont pas tenu le coup, se sont arrêté, et d'autres se sont restructurées toutes seules. Cela crée du chômage et c'est, bien entendu, pour nous une énorme préoccupation. Mais nous sommes, et vous le savez, rentrés dans une phase d'intenses négociations sociales. Le dialogue social est aujourd'hui appuyé par le Gouvernement, il y a toute une partie du syndicalisme français qui est réformiste et qui est prêt à la discussion pour progresser..."
La CFDT...
- "La CFDT, CFTC, CGC et peut-être, un jour, FO, pourquoi pas. Quant à la CGT, on le sait, elle a sur ce plan-là également des débats. Nous pensons que le syndicalisme français, en réalité, se mettra de plus en plus au dialogue pour la réforme, parce que c'est ce qu'on fait dans l'Europe entière. Le syndicalisme européen est un syndicalisme de dialogue. Et donc, nous avons actuellement des négociations en cours sur la formation professionnelle, dont nous attendons beaucoup, nous allons parler, bien entendu..."
Vous allez faire des efforts, vous aussi, par exemple, faire une part du travail pour, qu'effectivement, le chômage baisse ?
- "Je ne peux pas mener la négociation avec vous maintenant. Mais, bien entendu, une négociation implique que l'on fasse des efforts de part et d'autre, et nous y travaillons. Donc, il y a des négociations, du dialogue social, ils se mettent en place. Et là aussi, c'est une raison d'optimisme. Une société bloquée n'est pas une société qui dialogue entre partenaires sociaux pour construire. Or, nous sommes dans ces esprit-là, et nous avons des partenaires qui, en réalité, s'intéressent à cela, autant que nous."
A propos de l'emploi, deux choses choquent les Français : une usine, Flodor, dont une partie des machines est déménagée pendant l'été - la production a repris mais c'est choquant. Et vous dites : oui, cela me gêne ?
- "Oui, nous disons, bien sûr, que dès que des comportements d'entreprises sont ou illégaux ou qu'ils scandalisent, en réalité, nous sommes tout à fait du sentiment qu'il y a là des excès, des comportements inacceptables. Nous savons également que l'extrémisme auquel vous avez fait référence il y a quelques instants, lui, sait avec une grande pertinence et une facilité, étendre aux 750 000 entrepreneurs que nous représentons, le comportement d'un seul. Or, ceci, bien entendu, est une technique bien connue pour essayer de jeter le discrédit sur l'entreprise, dont je vous rappelle qu'elle est au coeur de la réussite possible française et de sa solidarité."
Deuxième chose qui choque les Français : ce qu'on appelle "les parachutes en or" - "les golden parachute" -, pour des chefs d'entreprise qui quittent une société, parfois quand elle est en déficit, en difficulté. Faut-il dire dans ce cas-là : non, on ne peut pas partir avec beaucoup d'argent quand les salariés vont être licenciés ?
- "Nous avons confié à tout un groupe, qu'on appelle "la commission éthique du Medef", le soin justement de donner des recommandations. Bien entendu, nous sommes du sentiment qu'il y a des comportements qui, parce qu'ils sont connus médiatiquement, mis en évidence, jettent le discrédit sur des centaines de milliers d'entrepreneurs, qui sont payés très raisonnablement, qui font un travail formidable, et grâce auxquels, en effet, nous avons encore la possibilité d'avoir des espoirs de croissance, d'emploi, et de réussite dans notre pays."
Aujourd'hui, J.-P. Raffarin est à Bruxelles, d'abord pour essayer de faire avaliser le plan d'aide à Alstom, la participation du Gouvernement. Dites-vous, vous le libéral : c'est bien quand même quand le Gouvernement intervient pour sauver des emplois et refinancer une entreprise ?
-"Nous essayons de sortir le plus possible de l'approche idéologique des sujets. Il faut être pragmatique. Nous avons connu cela par le passé. Une grande entreprise française est en difficulté, pour des raisons X et Y. Le Gouvernement estime qu'avec la mise en place d'un peu d'argent dans son capital, il va l'aider à trouver le crédit nécessaire, et ensuite, la confiance nécessaire, pour se redresser et durer. Il le fait. Bien entendu, il faudra qu'on le lui rembourse, ou bien qu'il puisse vendre sa participation. C'est donc pragmatiquement une intervention que tout le monde, je crois, a jugé extrêmement utile et bien conduite. Il faut encore, bien entendu, que du côté européen on l'accepte. Je pense que là, le Premier ministre va s'y employer."
Deuxième sujet : J.-P. Raffarin parlera de sa politique économique. Les baisses d'impôts ? Faut-il baisser les impôts, êtes-vous d'accord avec cette idée, et aller le plus loin possible ?
- "Il faut, bien sûr, dans notre pays où on a atteint le maximum pratiquement, par rapport à tous nos voisins européens, du prélèvement obligatoire, baisser les impôts. Mais nous le savons, la baisse des impôts n'a de sens que si l'on peut également être très strict sur la dépense publique. Baisser la dépense publique, est un véritable objectif dans notre pays. Nous l'avons dit sans cesse, on dit d'ailleurs qu'on l'a compris, et on s'y efforce. Et puis, il y a les contraintes politiques qui font que les choses ne vont pas aussi fortement. Au total, d'ailleurs, c'est qu'en maintenant en réalité les dépenses publiques à un certain niveau, on est obligé d'aller à Bruxelles se soumettre à l'examen des commissaires. Ce n'est sûrement pas agréable pour le Premier ministre. Mais cela montre à quel point, la contrainte européenne est aujourd'hui installée dans la société française. Il faut se comporter conformément à ses engagements, vis-à-vis de nos 25 partenaires, et c'est devenu maintenant quelque chose d'extraordinairement important. C'est nouveau."
Mais quand vous dites "la contrainte européenne" effectivement, mais là, on a l'air... on a va être désigné comme les mauvais élèves de la classe. Car, on a largement dépassé les 3 % de déficit. Vous, vous dites : tant pis, le Pacte de stabilité, il faut l'oublier quand on est en pleine croissance faible ?
- "Non, pas du tout. Nous pensons que le Pacte de stabilité est une donnée fondamentale qui, justement, introduit la contrainte du sérieux de la gestion de la dépense publique et donc de la construction de budget à l'équilibre. On ne peut pas vivre dans le déficit. Et si d'ailleurs on continue à accroître le déficit, il n'y aura plus d'investissement dans notre pays, il n'y aura plus de recherche-développement, et donc il n'y aura plus le ressort de la croissance. N'oubliez pas que tout franc qui se dirige vers une entreprise pour investir et innover, est un emploi potentiel qui se créera. Tout franc qui, je dirais, est jeté dans la nature au titre du déficit des dépenses publiques ne crée pas de conditions de la croissance. Et cela, Bruxelles nous le dira, et il faudra s'y contraindre."
(source http://www.medef.fr, le 28 août 2003)