Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Merci de m'avoir invité. Je peux ainsi témoigner, par ma présence, de l'intérêt constant des pouvoirs publics pour les travaux de votre fédération, comme Claude EVIN à Marseille et Jack LANG à Blois.
Cet intérêt s'est notamment traduit par l'attribution de la campagne d'intérêt général à votre fédération en 1992
"La Fédération d'aide à la santé mentale Croix Marine" a toujours témoigné d'un vif intérêt pour les soins de réadaptation afin de favoriser la réinsertion des patients hospitalisés depuis longtemps en psychiatrie, et ce depuis sa création par Mme DELAUNAY.
Vous organisez régulièrement des journées afin de faire mieux reconnaître le malade ou le patient handicapé en tant que personne : vous étudiez les moyens qui permettent de développer un partenariat élargi entre tous les intervenants concernés.
Un travail vous a d'ailleurs été confié depuis 1997 avec l'INSERM pour évaluer la réalité de l'utilisation des structures théoriquement affectées à des soins de réadaptation. J'en attends les résultats avec impatience .
J'ai bien conscience de l'originalité de votre démarche. J'en retiens surtout :
- le pluriprofessionnalisme de votre fédération et son fonctionnement démocratique,
- le fait que vous participez à la jonction entre le public et le privé,
- votre travail avec les directeurs d'établissements sur la participation des associations au secteur public.
Vous avez ainsi démontré l'importance du monde associatif dans le domaine de la santé mentale.
Avant d'aborder les problèmes de la santé mentale, je sais que la réforme de la loi de 1975 relative aux établissements sociaux et médico-sociaux vous intéresse particulièrement. Je souhaite donc vous dire que les concertations sont ouvertes et vous inviter à vous manifester le plus rapidement possible. En effet, le Gouvernement souhaite déposer ce projet de loi au parlement au début de l'année prochaine.
Le sujet que vous avez choisi pour ces journées "évaluation des soins psychiatriques et du travail en équipe" est excellent. Je vous en félicite. Il est au coeur même de nos réflexions à Martine AUBRY et à moi-même. Nous seront très attentifs aux résultats de vos travaux.
La politique de secteur dont la conception date des années 60, et qui s'est progressivement mise en place à partir des années 1970, a développé une approche exemplaire fondée sur le principe d'un continuum de l'intervention de la psychiatrie publique en faveur de la santé mentale. Le champ d'intervention s'étend de la prévention jusqu'à la réadaptation et la réinsertion. C'est avec un souci constant de mise en réseau, d'ouverture aux réalités sociales, et de proximité des soins que se sont concrétisées les meilleures réalisations de la politique de secteur.
Ainsi, d'incontestables avancées doivent être signalées. Les données issues de rapports annuels de secteurs mettent en évidence la forte progression de la prise en charge extrahospitalière, et le recul concomitant du nombre de lits...
Cependant, en dépit de ces avancées, certaines faiblesses doivent être signalées, notamment plusieurs indicateurs montrent qu'en dehors des pathologies lourdes, l'accès au dispositif de secteur s'avère difficile :
* les secteurs de psychiatrie générale ont une clientèle largement tournée vers les pathologies mentales lourdes et, de plus, seuls 18 % des patients suivis par les secteurs adulte ont un emploi en milieu ordinaire.
Pour ce qui concerne la psychiatrie infanto-juvénile, les pathologies traitées par le secteur sont également lourdes. Mais le travail en réseau dans la tranche d'âge 5 - 14 ans permet aujourd'hui à 82 % des enfants de suivre une scolarité normale, et à 96 % des enfants d'être scolarisés. En revanche, les âges extrêmes de l'enfance sont moins bien couverts par le secteur, et la difficulté d'assurer une réponse spécifique pour les adolescents est réelle.
* le nombre de CMP ouverts en dehors des heures de travail est encore très faible ; or le CMP devrait être le point d'accès normal au secteur,
* le taux de consommation des psychotropes en médecine ambulatoire est l'un des plus élevés d'Europe.
Enfin, si la présence aux urgences ou la pratique des consultations avancées en maison de retraite ou en institution médico-sociale sont des missions aujourd'hui fréquemment assurées, l'intervention des secteurs de psychiatrie publique doit encore se développer :
- d'une part, avec le dispositif sanitaire pour ce qui concerne les demandes de soins psychiatriques qui arrivent à l'hôpital général et le soutien psychologique nécessaire vis à vis de certaines affections somatiques ou de certaines techniques de soins ou d'investigation notamment les soins palliatifs. La psychiatrie de liaison est un champ de travail immense encore à développer. Par ailleurs, malgré l'objectif affiché par la circulaire de 1990, le secteur libéral a encore peu de liens effectifs avec la psychiatrie publique et le secteur associatif...
- d'autre part, avec le dispositif social en charge des troubles liés à l'exclusion sociale, la violence, la précarité... Les contours d'une intervention psychiatrique qui vise non à une prise en charge qui serait obligatoire et systématique, mais à une intervention souple dans le cadre de réseaux de proximité doivent être précisés.
Le rôle de la psychiatrie dans le cadre de ces réseaux n'est pas de répondre à l'ensemble d'une problématique, mais d'apporter sa compétence propre, en favorisant la participation de l'ensemble des intervenants de l'équipe pluridisciplinaire.
A ce titre, les modalités d'intervention suivantes sont envisageables :
- soutien des intervenants sociaux pour débrouiller ou orienter une situation (psychiatrie de seconde ligne);
- fourniture de prestations spécifiques (groupe de parole, présence aux fins de diagnostic et d'orientation...) dans les établissements scolaires, dans les lieux d'accueil sociaux (PAIO, missions locales) et médico-sociaux ... ;
- prise en charge psychiatrique associée à un suivi spécialisé ;
- supervision d'un réseau.
Ainsi, parce que la psychiatrie se situe au carrefour de l'individu et du collectif, du médical et du social, de la science et du politique, il apparaît nécessaire de mener une réflexion sur la place et le rôle de la psychiatrie dans la société actuelle. Il vous faut définir une éthique et une pratique de l'intervention psychiatrique qui concilie cette demande sociétale avec les droits des individus.
En effet, si le soin spécifique des maladies mentales ressort de la compétence quasi-exclusive de la psychiatrie, à l'inverse, la création d'un environnement favorable à l'amélioration du bien-être psychique dépend de l'environnement social dans sa globalité : conditions de vie, politique éducative, politique de l'emploi, société plus ou moins permissive sur le plan des moeurs... La conduite d'une politique de santé mentale relève donc idéalement de l'action coordonnée et concertée de multiples partenaires sanitaires et sociaux.
C'est ainsi que j'ai proposé, lors des 3ème rencontres de psychiatrie, que le secteur psychiatrique se nomme "service public de santé mentale", centré autour d'une organisation sectorielle rénovée et modernisée. Des "Rencontres de la santé mentale" vont se tenir au Ministère, le 10 octobre prochain, et permettre l'élaboration de propositions concrètes sur ce sujet. Je vous invite à y participer.
Je souhaite redynamiser une politique de santé mentale conçue comme une véritable politique de santé publique, notamment en menant une réflexion large sur la prévention et l'organisation des soins.
Je souhaite aussi mener une réflexion sur la formation médicale initiale et continue des psychiatres pour les former à s'impliquer dans ces nouveaux domaines.
Je souligne enfin l'importance d'avoir pu réglé le problème du diplôme initial de soins infirmiers, qui même s'il ne répond pas à toutes les attentes, représente le maximum compatible avec le droit communautaire. Il faudra aussi, compte tenu des particularités de la psychiatrie imaginer une période d'adaptation à l'emploi pour tout infirmier débutant dans cette nouvelle fonction, et travailler à la création d'une spécialisation en psychiatrie.
Vous m'avez fait un autre grand plaisir en m'invitant aujourd'hui à la première manifestation concrète du processus que nous avons engagé, Martine AUBRY et moi-même à travers les Etats généraux de la santé. Vous avez en effet choisi de vous placer dans le cadre de cette vaste campagne d'explication et de débat sur les grands enjeux de la santé aujourd'hui. Je vous en remercie.
Je voudrais rapidement vous expliquer le sens des Etats généraux et le déroulement des initiatives en régions et au niveau national.
1. Le sens de l'opération
Le gouvernement a voulu réaliser des Etats généraux de la santé pour renforcer le dialogue avec l'ensemble des Français sur les problèmes de santé entendus au sens le plus large. Qui peut nier qu'il s'agit aujourd'hui d'une impérieuse nécessité ? Les Français ont besoin de comprendre, ils ont besoin que le débat soit à leur portée ; ils se sentent souvent démunis, pas assez compétents pour participer directement au débat et en même temps insuffisamment associés aux choix.
Il faut donc progresser dans la voie de l'information et de la transparence pour donner du sens à un débat démocratique sur ces questions qui intéressent, qui concernent tous les Français. Nous avons élaboré le programme des Etats généraux avec cette intention : expliquer les enjeux dans un souci de pédagogie et de transparence, recueillir l'opinion des Français, éclairer la décision publique.
Il reviendra à l'ensemble des acteurs de faire en sorte que ce moment privilégié de débat nous permette d'avancer dans la définition du système de santé des années à venir, un système qui fasse plus de place au malade et au citoyen, qui pratique davantage la coordination, l'échange, notamment grâce aux réseaux et qui progresse sur la voie de la transparence.
2 - Les Etats généraux dans les régions
Dans les régions, les Etats généraux se dérouleront jusqu'au début 1999. Ils seront pilotés par des comités constitués dans chaque région, chargés d'associer et de mobiliser l'ensemble des acteurs intéressés aux questions de santé.
Et je suis particulièrement heureux, à l'occasion de mon déplacement dans votre région, d'installer le comité de pilotage franc-comtois.
Le comité régional organisera de lui-même plusieurs réunions-débats : sur le Schéma Régional d'Organisation Sanitaire, c'est-à-dire sur les évolutions nécessaires de l'offre de soins hospitaliers, évolutions qui doivent se faire dans la concertation et dans la transparence ; les Etats généraux y contribueront en portant le débat au devant du public ; il y aura également des débats sur d'autres thèmes : ceux sur lesquels un travail a déjà été fait dans la région, en particulier lors de la Conférence régionale de Santé mais aussi ceux qui suscitent des peurs ou mobilisent les médias, sans que le public ait jamais accès à l'information et à la parole : santé mentale, sécurité sanitaire, conséquences de la pollution sur la santé, problèmes éthiques ...
Au-delà de ces débats organisés par le comité de pilotage régional, nous avons souhaité que les acteurs puissent s'exprimer et aller à la rencontre du public plus directement et de leur propre initiative. Les professionnels, les élus, les responsables associatifs créent, innovent tous les jours dans l'intérêt des malades et du système de soins sans pouvoir toujours faire partager leur expérience. C'est pourquoi aussi j'ai souhaité inaugurer ce cycle de débats par une manifestation portée par des associations.
En dehors des forums tels que celui qui nous réunit aujourd'hui, nous souhaitons que puissent être encouragés des journées "portes ouvertes", des moments de rencontre et de démonstration. Certaines expériences en disent plus long que de longs discours : parler de télémédecine par exemple n'évoque pas grand chose pour le grand public mais voir fonctionner un tel système devient très éclairant sur ce que les professionnels, les malades et le système de soins peuvent y gagner. Ce n'est qu'un exemple parmi cent autres et je fais confiance ici aux acteurs locaux pour multiplier les moments de rencontre.
Enfin, dans les villes de province, seront organisées des forums thématiques sur chacun des grands thèmes mis en débat. Notre volonté d'associer le public le plus large nous conduit à privilégier, plutôt que les classiques tables rondes ou les débats d'experts, une formule réellement participative, celle des conférences citoyennes faisant intervenir un jury. La Franche-Comté s'est portée candidate pour organiser une telle conférence sur la qualité des soins. J'aurai donc sans doute l'occasion de revenir dans quelques semaines pour cette expérience de démocratie participative encore une fois novatrice.
Afin de porter et d'animer le débat, au niveau national comme dans les régions, nous avons aussi constitué sur chaque thème un groupe de travail. Bernard JOLIVET, que vous connaissez bien, est chargé du groupe de travail sur la santé mentale.
Afin que chacun puisse se saisir du thème en débat, chaque groupe de travail a été chargé de rédiger une brève notice à destination du grand public expliquant les enjeux et les données clés sur chaque thème. Cette notice sera avant tout un élément de cadrage et une invitation à débattre. Cet ensemble de documents sera disponible sous peu.
Les groupes de travail thématiques ont aussi pour tâche essentielle, aux côtés du Comité de pilotage régional concerné, de mobiliser, de former, d'aider au questionnement le jury qui sera mis en place sur chaque thème, afin de préparer le forum thématique.
Enfin, bien entendu, le groupe de travail aura un travail de synthèse à réalliser en vue des Journées nationales de clôture, début 1999.
3 - La consultation nationale par questionnaire
Informer le grand public, lui expliquer les enjeux, l'amener à un questionnement utile : ce sont aussi ces motifs qui nous ont convaincus qu'une formule de participation directe du plus grand nombre de Français était nécessaire. Il y aura donc à l'automne une consultation nationale des Français par questionnaire.
Il ne saurait y avoir de questionnement utile sans effort parallèle de pédagogie. Nous avons donc choisi de coupler le questionnaire à un document d'orientation ; la diffusion en sera très large, dans les lieux publics et dans la presse quotidienne régionale ; le principe est que chaque Français qui le souhaite puisse les obtenir facilement. Le document d'orientation présentera, en termes simples et intelligibles, tous les grands enjeux et les chiffres clefs de la santé ; le questionnaire comportera une vingtaine de questions dont plusieurs ouvertes permettant une réelle expression de chacun sur ses aspirations, ses jugements sur la pratique médicale et l'évolution du système de soins, sur ses droits...
La documentation d'orientation comme le questionnaire seront en fait organisés en trois grandes parties : les déterminants de santé, le système de soins, les défauts de ce système et les défis auxquels il est confronté.
Les idées forces qui structurent le document d'orientation et qui doivent faire progresser le questionnement sont claires : les questions de santé ne se réduisent pas à celles ayant trait à l'organisation du système de soins ; il y a une responsabilité individuelle et collective à la préservation du capital santé ; le système de soins français est certes de bon niveau et permet d'atteindre de bonnes performances en termes d'espérance de vie mais il demeure trop d'inégalités sociales et régionales et ces performances sont obtenues à un coût supérieur à celui observé dans bien d'autres pays comparables ; il faut préserver le modèle français de sécurité sociale et pour cela responsabiliser les acteurs, professionnels comme usagers ; il faut relever le défi de la qualité et celui du droit des malades par une meilleure diffusion de l'information médicale et statistique et par un souci permanent de transparence ; il faut inventer de nouvelles formes de coordination entre les acteurs.
Les Etats généraux auront accompli leur tâche si, à travers cette consultation nationale et le document d'orientation, à travers les forums et les initiatives régionales, à travers aussi le forum internet mis en place en septembre, ces enjeux peuvent être perçus et discutés auprès des Français de façon plus fine, plus adulte, moins manichéenne.
Faire progresser la démocratie sanitaire, c'est bien cela : réduire les inégalités d'accès aux soins et à l'information par plus de transparence, de dialogue, de concertation, ancrer la santé au coeur du débat public en rassemblant les acteurs sur des enjeux clairement exprimés.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 24 septembre 2001)
Mesdames et Messieurs,
Merci de m'avoir invité. Je peux ainsi témoigner, par ma présence, de l'intérêt constant des pouvoirs publics pour les travaux de votre fédération, comme Claude EVIN à Marseille et Jack LANG à Blois.
Cet intérêt s'est notamment traduit par l'attribution de la campagne d'intérêt général à votre fédération en 1992
"La Fédération d'aide à la santé mentale Croix Marine" a toujours témoigné d'un vif intérêt pour les soins de réadaptation afin de favoriser la réinsertion des patients hospitalisés depuis longtemps en psychiatrie, et ce depuis sa création par Mme DELAUNAY.
Vous organisez régulièrement des journées afin de faire mieux reconnaître le malade ou le patient handicapé en tant que personne : vous étudiez les moyens qui permettent de développer un partenariat élargi entre tous les intervenants concernés.
Un travail vous a d'ailleurs été confié depuis 1997 avec l'INSERM pour évaluer la réalité de l'utilisation des structures théoriquement affectées à des soins de réadaptation. J'en attends les résultats avec impatience .
J'ai bien conscience de l'originalité de votre démarche. J'en retiens surtout :
- le pluriprofessionnalisme de votre fédération et son fonctionnement démocratique,
- le fait que vous participez à la jonction entre le public et le privé,
- votre travail avec les directeurs d'établissements sur la participation des associations au secteur public.
Vous avez ainsi démontré l'importance du monde associatif dans le domaine de la santé mentale.
Avant d'aborder les problèmes de la santé mentale, je sais que la réforme de la loi de 1975 relative aux établissements sociaux et médico-sociaux vous intéresse particulièrement. Je souhaite donc vous dire que les concertations sont ouvertes et vous inviter à vous manifester le plus rapidement possible. En effet, le Gouvernement souhaite déposer ce projet de loi au parlement au début de l'année prochaine.
Le sujet que vous avez choisi pour ces journées "évaluation des soins psychiatriques et du travail en équipe" est excellent. Je vous en félicite. Il est au coeur même de nos réflexions à Martine AUBRY et à moi-même. Nous seront très attentifs aux résultats de vos travaux.
La politique de secteur dont la conception date des années 60, et qui s'est progressivement mise en place à partir des années 1970, a développé une approche exemplaire fondée sur le principe d'un continuum de l'intervention de la psychiatrie publique en faveur de la santé mentale. Le champ d'intervention s'étend de la prévention jusqu'à la réadaptation et la réinsertion. C'est avec un souci constant de mise en réseau, d'ouverture aux réalités sociales, et de proximité des soins que se sont concrétisées les meilleures réalisations de la politique de secteur.
Ainsi, d'incontestables avancées doivent être signalées. Les données issues de rapports annuels de secteurs mettent en évidence la forte progression de la prise en charge extrahospitalière, et le recul concomitant du nombre de lits...
Cependant, en dépit de ces avancées, certaines faiblesses doivent être signalées, notamment plusieurs indicateurs montrent qu'en dehors des pathologies lourdes, l'accès au dispositif de secteur s'avère difficile :
* les secteurs de psychiatrie générale ont une clientèle largement tournée vers les pathologies mentales lourdes et, de plus, seuls 18 % des patients suivis par les secteurs adulte ont un emploi en milieu ordinaire.
Pour ce qui concerne la psychiatrie infanto-juvénile, les pathologies traitées par le secteur sont également lourdes. Mais le travail en réseau dans la tranche d'âge 5 - 14 ans permet aujourd'hui à 82 % des enfants de suivre une scolarité normale, et à 96 % des enfants d'être scolarisés. En revanche, les âges extrêmes de l'enfance sont moins bien couverts par le secteur, et la difficulté d'assurer une réponse spécifique pour les adolescents est réelle.
* le nombre de CMP ouverts en dehors des heures de travail est encore très faible ; or le CMP devrait être le point d'accès normal au secteur,
* le taux de consommation des psychotropes en médecine ambulatoire est l'un des plus élevés d'Europe.
Enfin, si la présence aux urgences ou la pratique des consultations avancées en maison de retraite ou en institution médico-sociale sont des missions aujourd'hui fréquemment assurées, l'intervention des secteurs de psychiatrie publique doit encore se développer :
- d'une part, avec le dispositif sanitaire pour ce qui concerne les demandes de soins psychiatriques qui arrivent à l'hôpital général et le soutien psychologique nécessaire vis à vis de certaines affections somatiques ou de certaines techniques de soins ou d'investigation notamment les soins palliatifs. La psychiatrie de liaison est un champ de travail immense encore à développer. Par ailleurs, malgré l'objectif affiché par la circulaire de 1990, le secteur libéral a encore peu de liens effectifs avec la psychiatrie publique et le secteur associatif...
- d'autre part, avec le dispositif social en charge des troubles liés à l'exclusion sociale, la violence, la précarité... Les contours d'une intervention psychiatrique qui vise non à une prise en charge qui serait obligatoire et systématique, mais à une intervention souple dans le cadre de réseaux de proximité doivent être précisés.
Le rôle de la psychiatrie dans le cadre de ces réseaux n'est pas de répondre à l'ensemble d'une problématique, mais d'apporter sa compétence propre, en favorisant la participation de l'ensemble des intervenants de l'équipe pluridisciplinaire.
A ce titre, les modalités d'intervention suivantes sont envisageables :
- soutien des intervenants sociaux pour débrouiller ou orienter une situation (psychiatrie de seconde ligne);
- fourniture de prestations spécifiques (groupe de parole, présence aux fins de diagnostic et d'orientation...) dans les établissements scolaires, dans les lieux d'accueil sociaux (PAIO, missions locales) et médico-sociaux ... ;
- prise en charge psychiatrique associée à un suivi spécialisé ;
- supervision d'un réseau.
Ainsi, parce que la psychiatrie se situe au carrefour de l'individu et du collectif, du médical et du social, de la science et du politique, il apparaît nécessaire de mener une réflexion sur la place et le rôle de la psychiatrie dans la société actuelle. Il vous faut définir une éthique et une pratique de l'intervention psychiatrique qui concilie cette demande sociétale avec les droits des individus.
En effet, si le soin spécifique des maladies mentales ressort de la compétence quasi-exclusive de la psychiatrie, à l'inverse, la création d'un environnement favorable à l'amélioration du bien-être psychique dépend de l'environnement social dans sa globalité : conditions de vie, politique éducative, politique de l'emploi, société plus ou moins permissive sur le plan des moeurs... La conduite d'une politique de santé mentale relève donc idéalement de l'action coordonnée et concertée de multiples partenaires sanitaires et sociaux.
C'est ainsi que j'ai proposé, lors des 3ème rencontres de psychiatrie, que le secteur psychiatrique se nomme "service public de santé mentale", centré autour d'une organisation sectorielle rénovée et modernisée. Des "Rencontres de la santé mentale" vont se tenir au Ministère, le 10 octobre prochain, et permettre l'élaboration de propositions concrètes sur ce sujet. Je vous invite à y participer.
Je souhaite redynamiser une politique de santé mentale conçue comme une véritable politique de santé publique, notamment en menant une réflexion large sur la prévention et l'organisation des soins.
Je souhaite aussi mener une réflexion sur la formation médicale initiale et continue des psychiatres pour les former à s'impliquer dans ces nouveaux domaines.
Je souligne enfin l'importance d'avoir pu réglé le problème du diplôme initial de soins infirmiers, qui même s'il ne répond pas à toutes les attentes, représente le maximum compatible avec le droit communautaire. Il faudra aussi, compte tenu des particularités de la psychiatrie imaginer une période d'adaptation à l'emploi pour tout infirmier débutant dans cette nouvelle fonction, et travailler à la création d'une spécialisation en psychiatrie.
Vous m'avez fait un autre grand plaisir en m'invitant aujourd'hui à la première manifestation concrète du processus que nous avons engagé, Martine AUBRY et moi-même à travers les Etats généraux de la santé. Vous avez en effet choisi de vous placer dans le cadre de cette vaste campagne d'explication et de débat sur les grands enjeux de la santé aujourd'hui. Je vous en remercie.
Je voudrais rapidement vous expliquer le sens des Etats généraux et le déroulement des initiatives en régions et au niveau national.
1. Le sens de l'opération
Le gouvernement a voulu réaliser des Etats généraux de la santé pour renforcer le dialogue avec l'ensemble des Français sur les problèmes de santé entendus au sens le plus large. Qui peut nier qu'il s'agit aujourd'hui d'une impérieuse nécessité ? Les Français ont besoin de comprendre, ils ont besoin que le débat soit à leur portée ; ils se sentent souvent démunis, pas assez compétents pour participer directement au débat et en même temps insuffisamment associés aux choix.
Il faut donc progresser dans la voie de l'information et de la transparence pour donner du sens à un débat démocratique sur ces questions qui intéressent, qui concernent tous les Français. Nous avons élaboré le programme des Etats généraux avec cette intention : expliquer les enjeux dans un souci de pédagogie et de transparence, recueillir l'opinion des Français, éclairer la décision publique.
Il reviendra à l'ensemble des acteurs de faire en sorte que ce moment privilégié de débat nous permette d'avancer dans la définition du système de santé des années à venir, un système qui fasse plus de place au malade et au citoyen, qui pratique davantage la coordination, l'échange, notamment grâce aux réseaux et qui progresse sur la voie de la transparence.
2 - Les Etats généraux dans les régions
Dans les régions, les Etats généraux se dérouleront jusqu'au début 1999. Ils seront pilotés par des comités constitués dans chaque région, chargés d'associer et de mobiliser l'ensemble des acteurs intéressés aux questions de santé.
Et je suis particulièrement heureux, à l'occasion de mon déplacement dans votre région, d'installer le comité de pilotage franc-comtois.
Le comité régional organisera de lui-même plusieurs réunions-débats : sur le Schéma Régional d'Organisation Sanitaire, c'est-à-dire sur les évolutions nécessaires de l'offre de soins hospitaliers, évolutions qui doivent se faire dans la concertation et dans la transparence ; les Etats généraux y contribueront en portant le débat au devant du public ; il y aura également des débats sur d'autres thèmes : ceux sur lesquels un travail a déjà été fait dans la région, en particulier lors de la Conférence régionale de Santé mais aussi ceux qui suscitent des peurs ou mobilisent les médias, sans que le public ait jamais accès à l'information et à la parole : santé mentale, sécurité sanitaire, conséquences de la pollution sur la santé, problèmes éthiques ...
Au-delà de ces débats organisés par le comité de pilotage régional, nous avons souhaité que les acteurs puissent s'exprimer et aller à la rencontre du public plus directement et de leur propre initiative. Les professionnels, les élus, les responsables associatifs créent, innovent tous les jours dans l'intérêt des malades et du système de soins sans pouvoir toujours faire partager leur expérience. C'est pourquoi aussi j'ai souhaité inaugurer ce cycle de débats par une manifestation portée par des associations.
En dehors des forums tels que celui qui nous réunit aujourd'hui, nous souhaitons que puissent être encouragés des journées "portes ouvertes", des moments de rencontre et de démonstration. Certaines expériences en disent plus long que de longs discours : parler de télémédecine par exemple n'évoque pas grand chose pour le grand public mais voir fonctionner un tel système devient très éclairant sur ce que les professionnels, les malades et le système de soins peuvent y gagner. Ce n'est qu'un exemple parmi cent autres et je fais confiance ici aux acteurs locaux pour multiplier les moments de rencontre.
Enfin, dans les villes de province, seront organisées des forums thématiques sur chacun des grands thèmes mis en débat. Notre volonté d'associer le public le plus large nous conduit à privilégier, plutôt que les classiques tables rondes ou les débats d'experts, une formule réellement participative, celle des conférences citoyennes faisant intervenir un jury. La Franche-Comté s'est portée candidate pour organiser une telle conférence sur la qualité des soins. J'aurai donc sans doute l'occasion de revenir dans quelques semaines pour cette expérience de démocratie participative encore une fois novatrice.
Afin de porter et d'animer le débat, au niveau national comme dans les régions, nous avons aussi constitué sur chaque thème un groupe de travail. Bernard JOLIVET, que vous connaissez bien, est chargé du groupe de travail sur la santé mentale.
Afin que chacun puisse se saisir du thème en débat, chaque groupe de travail a été chargé de rédiger une brève notice à destination du grand public expliquant les enjeux et les données clés sur chaque thème. Cette notice sera avant tout un élément de cadrage et une invitation à débattre. Cet ensemble de documents sera disponible sous peu.
Les groupes de travail thématiques ont aussi pour tâche essentielle, aux côtés du Comité de pilotage régional concerné, de mobiliser, de former, d'aider au questionnement le jury qui sera mis en place sur chaque thème, afin de préparer le forum thématique.
Enfin, bien entendu, le groupe de travail aura un travail de synthèse à réalliser en vue des Journées nationales de clôture, début 1999.
3 - La consultation nationale par questionnaire
Informer le grand public, lui expliquer les enjeux, l'amener à un questionnement utile : ce sont aussi ces motifs qui nous ont convaincus qu'une formule de participation directe du plus grand nombre de Français était nécessaire. Il y aura donc à l'automne une consultation nationale des Français par questionnaire.
Il ne saurait y avoir de questionnement utile sans effort parallèle de pédagogie. Nous avons donc choisi de coupler le questionnaire à un document d'orientation ; la diffusion en sera très large, dans les lieux publics et dans la presse quotidienne régionale ; le principe est que chaque Français qui le souhaite puisse les obtenir facilement. Le document d'orientation présentera, en termes simples et intelligibles, tous les grands enjeux et les chiffres clefs de la santé ; le questionnaire comportera une vingtaine de questions dont plusieurs ouvertes permettant une réelle expression de chacun sur ses aspirations, ses jugements sur la pratique médicale et l'évolution du système de soins, sur ses droits...
La documentation d'orientation comme le questionnaire seront en fait organisés en trois grandes parties : les déterminants de santé, le système de soins, les défauts de ce système et les défis auxquels il est confronté.
Les idées forces qui structurent le document d'orientation et qui doivent faire progresser le questionnement sont claires : les questions de santé ne se réduisent pas à celles ayant trait à l'organisation du système de soins ; il y a une responsabilité individuelle et collective à la préservation du capital santé ; le système de soins français est certes de bon niveau et permet d'atteindre de bonnes performances en termes d'espérance de vie mais il demeure trop d'inégalités sociales et régionales et ces performances sont obtenues à un coût supérieur à celui observé dans bien d'autres pays comparables ; il faut préserver le modèle français de sécurité sociale et pour cela responsabiliser les acteurs, professionnels comme usagers ; il faut relever le défi de la qualité et celui du droit des malades par une meilleure diffusion de l'information médicale et statistique et par un souci permanent de transparence ; il faut inventer de nouvelles formes de coordination entre les acteurs.
Les Etats généraux auront accompli leur tâche si, à travers cette consultation nationale et le document d'orientation, à travers les forums et les initiatives régionales, à travers aussi le forum internet mis en place en septembre, ces enjeux peuvent être perçus et discutés auprès des Français de façon plus fine, plus adulte, moins manichéenne.
Faire progresser la démocratie sanitaire, c'est bien cela : réduire les inégalités d'accès aux soins et à l'information par plus de transparence, de dialogue, de concertation, ancrer la santé au coeur du débat public en rassemblant les acteurs sur des enjeux clairement exprimés.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 24 septembre 2001)