Texte intégral
Je me réjouis vivement de pouvoir aujourd'hui participer à cette conférence sur la vocation scientifique. Je remercie chaleureusement le professeur Michel Brunet et le professeur Claude Lorius d'être présents à mes côtés pour apporter leur éclairage à ce sujet qui nous mobilise aujourd'hui.
Laissez-moi aussi vous dire d'un mot ma joie de me trouver ici à Budapest et de m'associer, au nom du gouvernement français, à cette saison française en Hongrie. J'attends beaucoup de ces échanges entre les scientifiques et responsables de nos deux pays, à l'heure où la Hongrie, qui déjà participe à de nombreux programmes du 6ème PCRD, entre dans l'Europe.
Mais entrons sans plus attendre au cur de notre sujet et demandons-nous très simplement, puisque c'est le maître mot de cette série de conférences, ce qui peut favoriser les vocations scientifiques, donner le désir de science, bref, permettre d'oser la science.
Je commencerai peut-être par vous dire en un mot l'histoire de ma vocation, ou plutôt vous retracer quelques étapes d'un parcours qui m'a conduit de la rhumatologie à la recherche en neurosciences avant de devenir astronaute du CNES, puis de l'ESA, et, depuis juin dernier, Ministre de la Recherche.
Claude Lorius et Michel Brunet qui m'entourent vous diront, eux, dans quelques minutes ce que recouvre pour eux cette notion de vocation scientifique.
Plus que cela, ils vous inviteront, l'un et l'autre, à voyager dans le temps et dans l'espace - puisqu'ils ont en commun d'avoir osé la science aux antipodes, l'un dans les vents glacés de Vostok ou de la Terre Adélie, l'autre dans les vents de sable du Djourab. Habitués des extrêmes, rompus aux exploits, ils sont d'authentiques aventuriers de la science.
C'est, je crois, le meilleur témoignage que l'on puisse offrir aux jeunes, filles et garçons qui hésitent à s'engager dans des études et des carrières scientifiques.
A ceux-là je souhaite dire " Non la science ne se fait pas que dans les laboratoires, entre microscope et tubes à essai ! Oui, la science, c'est aussi un lieu d'aventure, un lieu d'engagement, un lieu d'exploit, un lieu de création ".
Des preuves, me direz-vous peut-être ?
Je vous citerai quelques exemples, cueillis au fil de mes déplacements ces derniers mois.
Je pense aux recherches menées sur la biodiversité, telles qu'elles m'ont été présentées dans cette incroyable salle des espèces disparues au Muséum National d'Histoire Naturel qui regroupe les espèces disparues ou en voie de disparition, des papillons ou fleurs jusqu'à certains félins.
Dans le domaine de la prospective, parce qu'il ne faut pas oublier que la science est aussi une affaire d'avenir qui suppose de prendre un peu d'avance, je pense au projet mondial de système d'observation global de la planète réunissant les différentes approches du changement climatique, modélisation, observation par satellites, simulation, etc.
Je pense aux travaux sur l'ADN, dont nous fêtons cette année le cinquantenaire de la découverte, et aux applications multiples, que cette découverte a rendues possibles.
Je pense enfin au potentiel de recherche considérable qu'offre la numérisation des données, textes, manuscrits, archives aux étudiants et chercheurs en sciences humaines et sociales.
A ceux qui sont désireux, comme on l'est souvent à cet âge, de partir, à ceux qui ont besoin ou envie d'ailleurs, j'aimerais dire que la science, la recherche offrent ces possibilités d'ouverture aux autres, de dépaysement, qu'elles permettent de partir à la rencontre d'autres pays, d'autres cultures, d'autres savoirs, d'autres besoins.
Sont-ils nombreux à savoir qu'il existe en France un Institut de Recherche pour le Développement mobilisé au service du développement des pays du Sud, c'est-à-dire travaillant, de manière très concrète, pour l'amélioration de l'état économique, social, sanitaire, environnemental de ces pays ? Et sans aller si loin, ont-ils bien conscience des possibilités inouïes offertes par la construction de l'espace européen de la recherche ? De la chance qu'ils ont de grandir, d'étudier, de travailler au sein d'un tel espace - lieu de mobilité et d'échanges ?
Si cette conscience n'est pas suffisamment claire, si cette conviction n'est pas suffisamment répandue, c'est peut-être qu'il nous faut redire inlassablement ce même message. C'est peut-être surtout qu'il faut le faire entrer plus encore dans les pratiques de nos pays, de nos organismes de recherche, de nos universités, de nos entreprises.
Car pour être aussi effective que possible, cette mobilité suppose une grande souplesse.
Le Président de la République le rappelait encore tout récemment, lors de l'inauguration près de Grenoble de la nouvelle unité de production d'une grande entreprise de microélectronique, "la matière première de la recherche, c'est la matière grise".
Cet or gris, aujourd'hui, ce sont les études, les recherches, les travaux et les découvertes de nos scientifiques, de nos ingénieurs, de nos chercheurs et développeurs.
A l'heure où se multiplient les constats de désaffection des jeunes, en particulier les filles, envers les filières scientifiques, à l'heure aussi où se profilent à l'horizon des départs en retraite massifs, il est urgent de se mobiliser.
Et cette mobilisation nationale n'a de chances de réussir qu'en s'appuyant sur une mobilisation européenne qui permettra à la France et à l'Europe d'être au premier rang, parce que nous aurons su développer les meilleures formations pour attirer et retenir les meilleurs talents.
Cela suppose, comme cette conférence nous le permet aujourd'hui, de faire entendre aux jeunes un message fort. Celui de l'engagement pour les savoirs.
Tous les savoirs, des plus fondamentaux aux plus appliqués. De la paléoanthropologie aux nanotechnologies, de l'histoire à la climatologie, des lettres au droit des brevets.
Cela suppose de libérer les énergies en créant des passerelles entre les différentes activités, entre recherche, enseignement, valorisation et transfert technologique, diffusion de la culture scientifique, création d'entreprise, engagement international.
Ne l'oublions pas : la recherche et l'innovation sont deux leviers de la croissance économique, du progrès social et de la création d'emplois.
Térence écrivait "Je suis un homme ; rien de ce qui est humain ne m'est étranger".
Pour renouer avec ce qui fait la grandeur de l'Europe, n'oublions pas ce principe d'ouverture à l'autre. N'oublions pas ce passé commun de culture et de civilisation.
On doit à Imre Kertesz (hongrois), prix Nobel de littérature en 2002, d'avoir résumé de façon remarquable ce destin particulier de l'Europe, notre destin commun :
"Au fond des grandes découvertes réside toujours la plus admirable valeur européenne, à savoir le frémissement de la liberté qui confère à notre vie une certaine plus-value en nous faisant prendre conscience de la réalité de notre existence et de notre responsabilité envers celle-ci".
Ce frémissement de la liberté, ce supplément d'être, je crois profondément que la science les abrite. A nous de les faire jaillir pour que la vocation scientifique se conjugue au présent, tout simplement.
Je vous remercie.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 12 mars 2003)
Laissez-moi aussi vous dire d'un mot ma joie de me trouver ici à Budapest et de m'associer, au nom du gouvernement français, à cette saison française en Hongrie. J'attends beaucoup de ces échanges entre les scientifiques et responsables de nos deux pays, à l'heure où la Hongrie, qui déjà participe à de nombreux programmes du 6ème PCRD, entre dans l'Europe.
Mais entrons sans plus attendre au cur de notre sujet et demandons-nous très simplement, puisque c'est le maître mot de cette série de conférences, ce qui peut favoriser les vocations scientifiques, donner le désir de science, bref, permettre d'oser la science.
Je commencerai peut-être par vous dire en un mot l'histoire de ma vocation, ou plutôt vous retracer quelques étapes d'un parcours qui m'a conduit de la rhumatologie à la recherche en neurosciences avant de devenir astronaute du CNES, puis de l'ESA, et, depuis juin dernier, Ministre de la Recherche.
Claude Lorius et Michel Brunet qui m'entourent vous diront, eux, dans quelques minutes ce que recouvre pour eux cette notion de vocation scientifique.
Plus que cela, ils vous inviteront, l'un et l'autre, à voyager dans le temps et dans l'espace - puisqu'ils ont en commun d'avoir osé la science aux antipodes, l'un dans les vents glacés de Vostok ou de la Terre Adélie, l'autre dans les vents de sable du Djourab. Habitués des extrêmes, rompus aux exploits, ils sont d'authentiques aventuriers de la science.
C'est, je crois, le meilleur témoignage que l'on puisse offrir aux jeunes, filles et garçons qui hésitent à s'engager dans des études et des carrières scientifiques.
A ceux-là je souhaite dire " Non la science ne se fait pas que dans les laboratoires, entre microscope et tubes à essai ! Oui, la science, c'est aussi un lieu d'aventure, un lieu d'engagement, un lieu d'exploit, un lieu de création ".
Des preuves, me direz-vous peut-être ?
Je vous citerai quelques exemples, cueillis au fil de mes déplacements ces derniers mois.
Je pense aux recherches menées sur la biodiversité, telles qu'elles m'ont été présentées dans cette incroyable salle des espèces disparues au Muséum National d'Histoire Naturel qui regroupe les espèces disparues ou en voie de disparition, des papillons ou fleurs jusqu'à certains félins.
Dans le domaine de la prospective, parce qu'il ne faut pas oublier que la science est aussi une affaire d'avenir qui suppose de prendre un peu d'avance, je pense au projet mondial de système d'observation global de la planète réunissant les différentes approches du changement climatique, modélisation, observation par satellites, simulation, etc.
Je pense aux travaux sur l'ADN, dont nous fêtons cette année le cinquantenaire de la découverte, et aux applications multiples, que cette découverte a rendues possibles.
Je pense enfin au potentiel de recherche considérable qu'offre la numérisation des données, textes, manuscrits, archives aux étudiants et chercheurs en sciences humaines et sociales.
A ceux qui sont désireux, comme on l'est souvent à cet âge, de partir, à ceux qui ont besoin ou envie d'ailleurs, j'aimerais dire que la science, la recherche offrent ces possibilités d'ouverture aux autres, de dépaysement, qu'elles permettent de partir à la rencontre d'autres pays, d'autres cultures, d'autres savoirs, d'autres besoins.
Sont-ils nombreux à savoir qu'il existe en France un Institut de Recherche pour le Développement mobilisé au service du développement des pays du Sud, c'est-à-dire travaillant, de manière très concrète, pour l'amélioration de l'état économique, social, sanitaire, environnemental de ces pays ? Et sans aller si loin, ont-ils bien conscience des possibilités inouïes offertes par la construction de l'espace européen de la recherche ? De la chance qu'ils ont de grandir, d'étudier, de travailler au sein d'un tel espace - lieu de mobilité et d'échanges ?
Si cette conscience n'est pas suffisamment claire, si cette conviction n'est pas suffisamment répandue, c'est peut-être qu'il nous faut redire inlassablement ce même message. C'est peut-être surtout qu'il faut le faire entrer plus encore dans les pratiques de nos pays, de nos organismes de recherche, de nos universités, de nos entreprises.
Car pour être aussi effective que possible, cette mobilité suppose une grande souplesse.
Le Président de la République le rappelait encore tout récemment, lors de l'inauguration près de Grenoble de la nouvelle unité de production d'une grande entreprise de microélectronique, "la matière première de la recherche, c'est la matière grise".
Cet or gris, aujourd'hui, ce sont les études, les recherches, les travaux et les découvertes de nos scientifiques, de nos ingénieurs, de nos chercheurs et développeurs.
A l'heure où se multiplient les constats de désaffection des jeunes, en particulier les filles, envers les filières scientifiques, à l'heure aussi où se profilent à l'horizon des départs en retraite massifs, il est urgent de se mobiliser.
Et cette mobilisation nationale n'a de chances de réussir qu'en s'appuyant sur une mobilisation européenne qui permettra à la France et à l'Europe d'être au premier rang, parce que nous aurons su développer les meilleures formations pour attirer et retenir les meilleurs talents.
Cela suppose, comme cette conférence nous le permet aujourd'hui, de faire entendre aux jeunes un message fort. Celui de l'engagement pour les savoirs.
Tous les savoirs, des plus fondamentaux aux plus appliqués. De la paléoanthropologie aux nanotechnologies, de l'histoire à la climatologie, des lettres au droit des brevets.
Cela suppose de libérer les énergies en créant des passerelles entre les différentes activités, entre recherche, enseignement, valorisation et transfert technologique, diffusion de la culture scientifique, création d'entreprise, engagement international.
Ne l'oublions pas : la recherche et l'innovation sont deux leviers de la croissance économique, du progrès social et de la création d'emplois.
Térence écrivait "Je suis un homme ; rien de ce qui est humain ne m'est étranger".
Pour renouer avec ce qui fait la grandeur de l'Europe, n'oublions pas ce principe d'ouverture à l'autre. N'oublions pas ce passé commun de culture et de civilisation.
On doit à Imre Kertesz (hongrois), prix Nobel de littérature en 2002, d'avoir résumé de façon remarquable ce destin particulier de l'Europe, notre destin commun :
"Au fond des grandes découvertes réside toujours la plus admirable valeur européenne, à savoir le frémissement de la liberté qui confère à notre vie une certaine plus-value en nous faisant prendre conscience de la réalité de notre existence et de notre responsabilité envers celle-ci".
Ce frémissement de la liberté, ce supplément d'être, je crois profondément que la science les abrite. A nous de les faire jaillir pour que la vocation scientifique se conjugue au présent, tout simplement.
Je vous remercie.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 12 mars 2003)