Déclarations de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, en réponse à des questions sur le projet de réforme des retraites, à l'Assemblée nationale les 30 avril et 7 mai 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réponse à deux questions posées par André Chassaigne, député PCF et Pascal Terrasse, député PS, lors de la session des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale les 30 avril et 7 mai 2003

Texte intégral

ANDRE CHASSAIGNE - Ma question s'adresse à Monsieur le ministre des Affaires sociales. Monsieur le Ministre, le gouvernement vient de dévoiler ses projets en matière de retraite. Les syndicats, inquiets hier, en colère aujourd'hui, ont raison d'alerter l'opinion et d'en appeler à l'action. Les salariés du secteur privé, comme ceux du secteur public, savent désormais que l'horizon proposé par votre gouvernement et le patronat est celui d'une retraite au rabais sans garantie, augmentation de la durée de cotisation jusqu'à 42 ans, baisse des pensions, refus d'une véritable prise en compte de la pénibilité du travail. Vous transformez la retraite en un minimum vieillesse dans la continuité d'une politique qui réduit toujours plus les droits des salariés. Les organisations syndicales ont fait d'autres propositions. Elles ont demandé qu'elles soient débattues mais le dialogue social que vous proposez n'est qu'une mascarade. Vous nous imposez, de fait, une régression sociale sans précédent. D'autres choix sont pourtant possibles, le droit au départ à 60 ans à taux plein, un taux de remplacement qui ne doit pas être inférieur à 75 % du salaire et à 100 % pour les salariés au SMIC, l'abrogation des décrets BALLADUR, la prise en compte des années de formation, l'amélioration des retraites agricoles. (...)
La réforme proposée n'avance aucune solution concernant le financement de la retraite. Elle se contente d'en organiser le déclin. Le financement des retraites doit être assuré par une bonne qualité de la croissance, avec des emplois stables, des rémunérations justes, l'emploi des jeunes, l'investissement dans la recherche. Il doit être assuré également par la modulation des cotisations patronales prenant ainsi en compte la valeur ajoutée (...).
Quand, Monsieur le Ministre, quand allez-vous prendre en compte ces propositions et regarder sérieusement la question du financement autrement que par l'allongement de la durée de cotisation (...), et autrement que par la capitalisation ?
FRANÇOIS FILLON, MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE
Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Député, je vous remercie de me donner l'occasion de dire au Parlement que le gouvernement est désormais engagé dans la réforme des retraites et il y avait urgence à ce qu'il s'y engage puisque, à partir de 2007, chacun le sait ici, le régime général sera en déficit.
Après une très longue concertation avec les partenaires sociaux, le gouvernement a fait le choix de privilégier la répartition et de maintenir le pouvoir d'achat des retraités et, pour le faire, le gouvernement a choisi, d'une part, d'harmoniser les régimes de retraite parce que la solidarité ne peut pas fonctionner sans justice sociale et, ensuite, d'allonger la durée de cotisation pour tenir compte de l'allongement de la durée de la vie.
Mesdames et Messieurs les Députés, il y a quinze pays en Europe, il y a quatorze pays qui ont choisi d'allonger la durée de cotisation alors même que l'âge de la retraite est, chez eux, à 65 ans et non pas à 60 ans. Mais l'équilibre financier de cette réforme repose aussi, Monsieur le Député, sur l'augmentation des cotisations. Seulement, nous voulons que cette augmentation des cotisations, elle se fasse à prélèvements obligatoires constants et nous souhaitons donc, à partir de 2008, lorsque nous aurons réussi à résorber le chômage des plus de 50 ans, lorsque les effets de la démographie auront commencé à entraîner des conséquences sur le taux d'activité, alors nous transférerons des cotisations du chômage vers la retraite pour assurer l'équilibre d'ensemble des régimes de retraite.
Voilà le projet qui est celui du gouvernement. Je pense que vous avez tort Monsieur le Député, de prétendre que vos propositions sont des alternatives. Vos propositions ne visent qu'à aggraver la situation de régimes de retraite qui sont déjà au bord de la catastrophe. Le gouvernement souhaite un consensus national autour de cette question et si vous aviez de vraies propositions, si vous aviez une vraie architecture financière à proposer, le gouvernement serait très intéressé pour la connaître.

(source http://www.retraites.gouv.fr, le 15 mai 2003)
PASCAL TERRASSE - PS (ARDECHE) - Monsieur le président, ma question s'adresse à monsieur le Premier ministre. Monsieur, le Premier Ministre, vous venez de présenter aujourd'hui, à grand renfort de communication, votre avant-projet de réforme des retraites. Cette réforme, vous la présentez au nom de la sauvegarde des retraites ; ce n'est, nous le croyons, qu'un prétexte. Prisonnier de votre idéologie libérale, vous préparez la France à une régression, une régression des retraites aujourd'hui et demain. Personne, d'ailleurs, ne conteste la nécessité d'une réforme, bien évidemment. Les travaux du Conseil d'orientation des retraites, créé par l'ancien gouvernement, avaient permis en effet d'apaiser le climat tendu, notamment en raison du Plan JUPPE de 1995. Ces travaux du COR ont d'ailleurs abouti à un diagnostic qui est aujourd'hui largement partagé. Vous menez une campagne de catastrophisme pour faire croire qu'il n'y a pas d'autres alternatives à vos propositions. Aujourd'hui même, vous écrivez à tous les Français pour exiger qu'ils devront travailler plus longtemps pour toucher des retraites plus faibles. Comment allez-vous expliquer aux salariés, ceux du secteur privé et ceux du secteur public, que vous refusez d'inscrire dans la loi un niveau de pension minimum garanti et que leurs ressources vont en effet diminuer, à très court terme, de 20 à 30 % ? Travailler toujours plus pour gagner toujours moins, voilà en réalité ce qui guide votre démarche. Vous maltraitez les retraités qui vont, non seulement, avoir une pension plus faible, mais avec le déremboursement des médicaments que vous venez d'annoncer et de décider, ceux que vous préparez vont naturellement être pénalisés. C'est le contrat entre les générations qui est aujourd'hui fragilisé. C'est le droit à la retraite à 60 ans à taux plein qui est remis en cause. C'est la porte ouverte aux fonds de pension. Vos projets ne sont pas financés, l'hypothétique transfert des cotisations chômage vers les retraites est un pari risqué. Tout cela n'est naturellement pas très sérieux. Votre échec en matière de lutte contre le chômage en est d'ailleurs la preuve, vous refusez de chercher d'autres financements. Votre réforme, Monsieur le Premier Ministre (...° est idéologique, celle de la régression et de l'appauvrissement. Les Français attendent mieux que vos propositions.
FRANÇOIS FILLON - MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés. Monsieur TERRASSE, l'avenir des retraites, permettez-moi de vous le dire, ce n'est pas un problème de droite ou de gauche. C'est un problème national, c'est un problème qui transcende les générations et c'est un problème que, dans la plupart des pays européens, on a été capable de régler avec un vrai consensus national. Le problème mérite que nous recherchions ensemble l'intérêt général et non pas que nous nous jetions à la figure, comme vous venez de le faire, des affirmations qui sont mensongères, qui ne reposent sur aucune réalité et qui sont, surtout, contraires à tout ce que vous avez dit pendant les cinq dernières années.
Chaque gouvernement, en réalité, de Michel ROCARD à Edouard BALLADUR, d'Alain JUPPE à Lionel JOSPIN, s'est efforcé, c'est vrai, avec plus ou moins de vigueur, d'apporter sa pierre à l'édifice. Je crois, moi, que cette continuité mérite de se cristalliser autour de la réforme que nous proposons. Et ceci pour trois raisons. D'abord, parce qu'il s'agit de ne pas changer le système de nos retraites. Nous voulons défendre la répartition, nous avons fait le choix d'un système de solidarité, et je crois que c'est un choix qui devrait nous rassembler.
Ensuite, parce que nous sommes pressés par le temps, Mesdames et Messieurs les Députés ; dans quelques années, il sera trop tard, et le déclin du système sera tel que les scénarios, soit d'une baisse drastique des pensions que vous évoquez, soit de la privatisation, deviendront alors inéluctables. Et ces scénarios, aucun d'entre vous, aucun d'entre nous ne veut les vivre.
Enfin, enfin, Monsieur le Député, parce que le projet que nous présentons est un projet juste, équitable et équilibré... Il est juste, équitable et équilibré parce qu'il repose sur un effort partagé par tous les Français d'allongement de la durée de cotisations pour maintenir le même niveau de pension qu'aujourd'hui.
Et d'ailleurs, Mesdames et Messieurs les Députés, c'est le choix qu'ont fait tous les autres pays européens. Il y a quinze pays en Europe, il y en a quatorze qui ont choisi d'allonger la durée de cotisations pour permettre de sauvegarder leurs régimes de retraites. Toutes les affirmations que vous venez d'avancer, Monsieur TERRASSE, sont fausses. Nous avons, nous, introduit un minimum garanti dans la loi qui n'existait pas aujourd'hui ; nous avons décidé de stopper la dégradation du taux de remplacement alors que, pendant cinq ans, vous y avez assisté, impuissants, sans rien changer à la législation qui existait.
Enfin, ce texte repose sur une mobilisation générale pour l'emploi des plus de 50 ans sur lequel, là encore, vous n'avez rien fait, contribuant à déséquilibrer encore un peu plus les régimes de retraites. Mesdames et Messieurs les Députés, la démarche du gouvernement est ouverte ; nous écoutons, nous dialoguons, mais nous avançons parce que c'est notre devoir. Et, Monsieur TERRASSE, je crois que vous vous grandiriez à examiner avec lucidité et avec responsabilité le défi que nous avons, tous ensemble, à surmonter, car, un jour ou l'autre, les Français jugeront.

(source http://www.retraites.gouv.fr, le 15 mai 2003)