Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
En quelques mots, je dirais que cette réunion est importante car elle se situe entre Madrid et Washington. Tous les mois qui nous séparent du Sommet seront très importants, marqués par le débat sur le concept stratégique qui, à lui seul, englobe beaucoup de sujets. C'est un exercice normal et naturel qui est imposé par les changements intervenus dans le contexte international, ces dernières années.
Les enjeux pour l'Alliance vont au-delà du cas de la Bosnie, du Kossovo et de la sécurité dans le Sud-Est de l'Europe. Ils concernent aussi, pour la première, l'association de la Russie à la définition des nouvelles conditions de la sécurité en Europe, au sens large du terme.
Sur tous ces plans, je voudrais vous dire ce que fait la France. Nous participons pleinement à tous ces exercices. En ce qui concerne le concept stratégique sur lequel nous allons nous pencher dans un instant, je dirais que cet exercice de rénovation est naturel. Nous l'abordons en rappelant qu'il faut respecter les compétences du Conseil de sécurité et, d'autre part, garder constamment à l'esprit le souci de développer une capacité européenne. C'est là une position constante de la France, que vous connaissez, en faveur de la formation d'une identité européenne de sécurité et de défense dans l'Alliance.
Sur la Bosnie, je n'ai pas a vous rappeler le rôle majeur de la France en Bosnie et tout le travail qui est fait pour consolider les acquis. Il nous faut, maintenant, préparer, dans les meilleures conditions possibles, les élections qui devaient avoir lieu, en principe, en septembre et dont nous espérons tous qu'elles renforceront le processus démocratique dans les différentes parties de la Bosnie qui veulent élaborer ensemble le type de Bosnie que nous souhaitons créer à partir des Accords de Dayton.
S'agissant du Kossovo, je crois que la cohésion, l'unité de détermination, dont ont fait preuve, depuis début mars, les membres du Groupe de contact, les autres organisations, le groupe des pays voisins, qui avait été organisé par la Bulgarie, et toutes les réunions européennes qui sont intervenues depuis début mars, a montré une communauté d'approche sur ces questions, en rappelant que le statu quo était intolérable, qu'il était impossible de soutenir la revendication d'indépendance. L'insistance a été constante en faveur de l'engagement d'un véritable dialogue pouvant conduire à une autonomie substantielle.
Il me semble que le résultat obtenu il y a quelques jours par les Américains, notamment par M. Holbrooke, est le résultat direct de cette détermination à préserver cette unanimité, cette unité qui avait beaucoup fait défaut, il y a quelque temps, au début de la désintégration de la Yougoslavie. Je crois qu'a été créé le contexte à partir duquel nous pouvons espérer faire bouger les choses. Je serais peut-être amené à revenir sur la façon de consolider ce qui a été entamé.
Enfin, s'agissant des relations OTAN/Russie, vous savez que c'est un point très important aux yeux de la France. Nous considérons que, puisqu'une relation a été créée entre l'OTAN et la Russie, il faut saisir cette opportunité. Il faut la nourrir, la densifier, et il ne faut pas que celle-ci se résume à une présentation en quelque sorte cosmétique, destinée à contrebalancer l'élargissement. Il s'agit d'une justification en soi par rapport au rôle que la Russie doit jouer en Europe par rapport au travail que nous faisons pour qu'en Europe puisse exister une plus grande sécurité, une plus grande stabilité. Voilà pourquoi cette réunion est importante.
Q - Dans le paragraphe 7, s'agissant de la déclaration sur le Kossovo, la France estime-t-elle proposer des mesures plus fortes que celles qui ont été décidées et croyez-vous qu'on devrait préciser toute de suite cette option de "further deterrent measures" ?
R - Il faut bien comprendre le sens de ces travaux. D'abord, l'examen des mesures possibles : l'objectif numéro un est de régler le problème par la négociation. Tout ceci forme une seule et même politique. La pression qui est faite sur les protagonistes pour qu'ils engagent une négociation est l'axe numéro un. Il fallait les amener à entrer en négociation. C'est ce qui a été obtenu il y a quelques jours : je parlais des pressions du Groupe de contact et du rôle de M. Holbrooke. C'est ce que nous recherchons naturellement, mais nous ne sommes pas sûrs que cela marche. Nous ne savons pas quelle sera la vitesse de la négociation. On voit bien, du reste, que la situation sur place est extrêmement tendue et qu'on ne peut pas écarter l'hypothèse d'une dégradation, pour une raison ou pour une autre, d'un côté comme de l'autre. Il faut donc avoir en tête toutes les hypothèses. Nous ne serions pas sérieux si nous ne faisions pas ce travail préparatoire. Donc, malheureusement, inévitablement, nous avons été amenés à réfléchir. La France a donné son accord sur les études en question, mais, en même temps, elle a demandé que ces études soient complètes parce que si, malheureusement, il faut aller dans cette voie, il faut savoir sur quel terrain on est, dans tous les sens du terme, et ce que l'on est capable de faire ou pas. Il ne faut pas parier en l'air de ces sujets. Les études demandées à l'OTAN visent à éclairer la décision : approfondir l'évaluation des différents scénarios.
Le point dont vous parliez fait référence à la formule suivante : "Nous continuerons de suivre de près la situation au Kossovo et alentours, et nous chargeons le Conseil en session permanente d'examiner les implications politiques, juridiques et, le cas échéant, militaires d'éventuelles autres mesures dissuasives si les circonstances l'exigent". On ne peut pas avancer dans le brouillard. On doit penser à l'avance à toutes les possibilités. Voilà ce que cela veut dire. Maintenant, on n'est pas encore dans cette situation et la décision n'est pas prise. Nous avons besoin d'y voir clair. Encore une fois, cela fait partie d'un tout. C'est la même politique qui est menée par le Groupe de contact, par tous les membres de l'Union européenne qui ont soutenu le Groupe de contact, politique qui s'exprime par le début de négociations qui ont commencé mais qui ne sont pas encore substantielles.
Q - Vous expliquez que, s'agissant des déploiements préventifs de l'OTAN au Kossovo, on utilisera la base juridique pertinente. Quelle est l'autorité internationale qui donnera cette base juridique : Conseil de sécurité ou OTAN ?
R - Cela dépend des actions. Dès que l'on est dans l'usage de la force, il n'y a que le Conseil de sécurité qui a la légitimité pour faire cela. Mais il y a des actions de formation, de coopération qui n'ont pas besoin de cette autorisation. Cette formulation ne cherche pas à masquer un désaccord. Je crois que tout le monde est d'accord sur ce point. Mais, il convenait de garder à l'esprit qu'il existe plusieurs types de mesures envisageables mais non encore décidées. Faites attention, car, à chaque fois, il s'agit d'explorer à l'avance, pour ne pas nous trouver dans le brouillard et être pris au dépourvu.
La situation au Kossovo est explosive. Je vous rappelle les termes : "afin de disposer d'options qui feraient l'objet d'une décision ultérieure : c'est un travail sérieux, méthodique, préparatoire. Il n'y a pas de décision à ce stade. Nous avons demandé l'avis des autorités militaires. II y a un certain nombre de choses et comme ce sont des choses diverses, l'attitude pertinente n'est pas toujours la même".
Q - Quels seront les effets du vote par le Parlement français d'une loi sur la reconnaissance du génocide arménien sur les relations bilatérales entre la Turquie et la France ?
R - Les conséquences, c'est à la Turquie d'en décider. Simplement, je soulignerais une chose : pour le moment, il s'agit d'une proposition de loi, terme précis qui veut dire que l'initiative de ce texte émane du Parlement. Dans notre Constitution, quand un texte de loi émane du gouvernement, c'est un projet de loi. Quelles sont les conséquences ? Je souhaite qu'il n'y en ait pas. Il n'y a pas de raison qu'il y en ait.
Q - Monsieur le Ministre, depuis la rencontre Milosevic/Rugova, la situation a empiré au Kossovo. Milosevic accepte les négociations, mais il y a toujours une résistance. L'OTAN ne réagit-elle pas avec retard ?
R - Je ne me sens pas en retard parce que, en novembre dernier, avec Klaus Kinkel, avant les incidents, avant que le Groupe de contact n'étende son activité au Kossovo, nous avions attiré l'attention sur la gravité de la situation, en soulignant auprès de M. Milosevic que seule une négociation permettrait de trouver une solution politique. Donc, je crois que nous avions malheureusement vu les choses à l'avance, j'en avais d'ailleurs parlé avec lui. Maintenant que la situation soit grave et qu'elle soit en train de s'aggraver et puisse s'aggraver plus encore, naturellement nous le savons. C'est le fond de notre détermination et c'est pour cela que le Groupe de contact est mobilisé à ce point-là depuis plusieurs semaines. C'est pour cela que les différents pays ont conjugué leurs actions (Etats-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Italie, Allemagne). C'est pour cela que tous les autres pays d'Europe ont exprimé leur détermination sur ce point et nous allons faire le plus possible pour que la solution politique avance, qu'elle prenne une vraie consistance et que ceux qui sont tentés par la violence et par la répression finalement se rendent compte que c'est sans issue, ou que ce serait vraiment tragique. Donc, vous ne faites que confirmer les raisons pour lesquelles nous sommes en train d'agir. Il faut que la solution politique rattrape l'engrenage que vous décrivez.
Q - A propos de l'adaptation de la réforme de l'Alliance, entre Madrid et aujourd'hui, avez-vous le sentiment que les discussions ont évolué sur la place de l'Europe au sein de cette structure ?
R - Pas particulièrement, non. Je ne dis pas qu'il ne s'est rien passé ces dernières années : il y a eu un certain nombre d'acquis qui étaient déjà antérieurs à Madrid. Vous vous rappelez les décisions de Berlin. Cela a dû commencer encore avant, dans des Sommets, à Rome. Donc, il y a eu des choses qui se sont passées, mais, dans cette période précise, pas spécialement. L'OTAN n'a pas spécialement travaillé là-dessus puisqu'il y a eu toutes les autres urgences dont nous parlions, et, du côté européen, c'est plutôt sur la préparation de l'euro et sur les questions institutionnelles que l'attention s'est portée. Je pense que maintenant, en revanche, nous entrons dans une période, entre maintenant et Washington, où il est normal d'aborder la question parce que cela fait partie, en tout cas à notre avis à nous, Français, des sujets dont on doit débattre à propos de la révision du concept.
Q - Quelle serait la taille idéale pour une mission de l'OTAN pour renforcer la région balkanique et la France a-t-elle l'intention d'y envoyer des troupes ?
R - La taille idéale, je n'ai pas d'avis. Je n'ai pas d'avis personnel en tant que ministre des Affaires étrangères. Si nous avons demandé des analyses détaillées aux différents organes compétents de l'OTAN, c'est précisément pour qu'ils nous présentent une gamme d'options. Donc, vous allez commencer à avoir des indications qui seront rendues publiques sur ce qu'il faut, ce sur quoi les responsables militaires de l'OTAN insistent. Il s'agit là d'opérations très compliquées, très lourdes, qui supposent plusieurs milliers d'hommes, plus ou moins, selon les missions que l'on donne. Quant à la participation des uns et des autres, nous n'en sommes pas là pour le moment. Nous en débattrons si nous devons vraiment prendre la décision.
Q - Quelle est votre réaction sur une éventuelle intervention militaire au Kossovo telle que les Américains semblent l'envisager ?
R - Je n'ai pas connaissance de proposition américaine de ce type. Je crois que c'est une interprétation abusive du simple paragraphe 7 sur lequel j'ai été interrogé tout à l'heure et où l'on parle d'éventuelles autres mesures sur la situation l'exige. Les Etats-Unis participent à ce travail afin qu'il y ait une analyse complète de la situation, des évolutions possibles ou de réponses envisageables. Je crois qu'ils en sont au même stade que les autres sur ce point.
Q - Croyez-vous avoir l'appui de la Russie dans le cas d'une intervention qui ne s'arrêterait pas aux seules frontières du Kossovo ?
R - Nous n'en sommes pas à discuter de cela. Pour le moment, il y a des actions auxquelles la Russie pourrait s'associer. Il y a des actions auxquelles il serait souhaitable que la Russie soit associée. Il y a des actions auxquelles la Russie pourrait peut-être ne pas s'associer car elles n'ont pas été proposées par qui que ce soit. Encore une fois, nous n'en sommes pas là. Nous débroussaillons le sujet. Nous ne sommes pas encore dans cette situation. Je n'exclus pas, pour ma part, que les négociations prennent une substance, se développent et qu'aussi bien à Pristina qu'à Belgrade, on commence à voir qu'il existe une perspective politique. D'autre part, s'il faut prendre des mesures militaires, il n'est pas exclu qu'il y ait des accords sur une gamme d'actions. Ne concluons pas trop vite de façon négative sur tout cela.
Q - Vous vous êtes déclaré partisan de la prorogation du mandat de la FORDEPRONU, sur le même mandat, et avec les mêmes participants. Souhaitez-vous une participation russe ? Qu'en pensent les Alliés ?
R - Ce point n'a pas été discuté. La question de la modification du mandat - un peu modifié ou substantiellement modifié - reste ouverte. Il faut voir la volonté des choses ; l'essentiel est de ne pas laisser un vide de sécurité pendant l'été.
Q - Vous dites qu'il faut une analyse complète de la situation en Kossovo, examiner toutes les possibilités et vous parlez aussi d'une intervention militaire au Kossovo...
R - N'interprétez pas... Ce n'est pas une façon cachée de parler d'une intervention au Kossovo. Personne n'a parlé de cela. Ce sont des interprétations, des constructions intellectuelles. Envisager toutes les hypothèses, tous les scénarios, ne pas nous mettre dans la situation que nous avons connue il y a quelques années, voilà ce que nous faisons. Encore une fois, nous n'en sommes pas à élaborer de projets cachés. Nous voulons savoir sur quel terrain nous sommes. Le texte est une bonne synthèse de la situation actuelle. Après ces études, les décisions politiques seront prises en fonction de la situation, mais l'on fera tout ce que l'on peut, afin de n'être pas dans l'obligation de prendre des décisions d'ordre militaire. Mais, encore une fois, on ne peut pas se priver de cette réflexion.
N'oubliez pas que ce n'est pas un Sommet spécial sur le Kossovo. C'est une discussion. Il y a également l'ouverture de la discussion sur le concept. S'agissant de l'OTAN/Russie, je répète que ce cadre doit être l'occasion des discussions de substance. Ceci ne doit pas être masqué par l'actualité./.
Cette réunion d'aujourd'hui était très importante. D'abord, elle marque le premier anniversaire de la signature de l'Acte fondateur à Paris, le 27 mai 1997. Ensuite, la concertation que prévoit cet acte a pu être réellement mise en pratique. Il s'agit d'un événement historique parce que, pour la première fois, l'Alliance et la Russie ne se considèrent plus comme des adversaires mais comme des partenaires. Nous avons donc, ensemble, mis fin à près de 50 ans de division, de confrontation, et mis en place les fondements d'une véritable relation de confiance et de coopération au service de la sécurité et de la stabilité en Europe. C'est une culture de coopération qui succède à une habitude de confrontation et qui est l'essence même de cet Acte fondateur. Celui-ci n'est pas une compensation offerte à la Russie pour prix de l'élargissement de l'OTAN, mais l'expression de notre volonté commune d'associer la Russie à l'élaboration des nouvelles conditions de la sécurité en Europe. C'est quelque chose qui correspond aux besoins des deux partenaires de cet Acte.
La concertation prévue par cet Acte a pu être mise en pratique, s'agissant notamment de la Bosnie et du Kossovo. Nous en avons beaucoup parlé aujourd'hui.
S'agissant de la Bosnie, depuis plus de deux ans, les forces alliées, celles de la Russie et d'autres partenaires, oeuvrent ensemble sur le terrain pour rétablir la paix dans le cadre de l'IFOR puis de la SFOR. Depuis la mise en place du Conseil permanent conjoint OTAN/Russie - la Russie, dans le cadre des réunions du Conseil, et de la Troïka - est informée ou associée en amont des décisions de l'OTAN concernant les activités et l'avenir de la SFOR. C'est un changement radical par rapport à tout ce que nous avons connu auparavant. Concernant précisément l'après-SFOR, dont le plan d'opérations vient d'être approuvé ce matin, formellement, par le Conseil Atlantique et qui prévoit notamment une poursuite de l'engagement militaire commun russe et allié, la Russie n'a pas du tout été mise devant le fait accompli. Elle a été impliquée largement à l'avance dans le processus de consultation. La réunion du Conseil permanent conjoint d'aujourd'hui a permis de dégager une large convergence de vues sur la situation et sur notre coopération en Bosnie-Herzégovine. Les résultats sont encourageants, mais beaucoup reste à faire, et nous savons tous que cette situation demeure très fragile.
En ce qui concerne le Kossovo, les consultations entre l'OTAN et la Russie, la confrontation, la comparaison de nos analyses de la situation, dans l'ensemble très proches, ont débuté dès le début de la crise. La Russie, là encore, a été informée très en amont, dans le cadre du Conseil permanent ou par la Troïka, des débats en cours à l'OTAN concernant les options envisagées par les alliés. Et naturellement, il convient de ne pas oublier le travail important et la constance manifestée par le Groupe de contact.
Lors de notre réunion d'aujourd'hui, les alliés et la Russie sont convenus de continuer à se consulter, à coopérer dans ce cadre pour la mise en oeuvre des mesures que pourrait exiger la situation au Kossovo et pour y maintenir ou pour y rétablir la stabilité et la sécurité. Quand je pense au Kossovo, je pense évidemment à toute la région. Notre réunion a été l'occasion de nous féliciter de l'amorce d'un dialogue politique entre les autorités yougoslaves et les dirigeants kossovars et d'émettre le souhait que ce dialogue devienne substantiel, qu'il puisse permettre de traiter les vrais problèmes de fond, et qu'il ouvre la voie à une solution pacifique de ce problème très compliqué, celle que notamment le Groupe de contact demande depuis le début du mois de mars, c'est-à-dire une solution respectant l'intégrité territoriale, l'inviolabilité des frontières internationalement reconnues et indépendamment de son origine autour d'une autonomie substantielle du Kossovo. Au-delà de cette concertation sur ces deux crises, nous avons pu constater aujourd'hui notre volonté partagée et vraiment entière de mettre en oeuvre quotidiennement, et à travers toutes les occasions qui se présenteront, l'Acte fondateur. La détermination des membres de l'Alliance et de la Russie m'a paru très claire tout au long de ces séances, afin d'avancer dans ce dialogue permanent, substantiel, qui sera un des éléments-clés de la sécurité et de la stabilité en Europe, dans l'Europe de demain.
Q - Cette nouvelle situation en Asie du Sud ne remet-elle pas en cause les efforts conduits jusqu'ici en faveur de la non-prolifération ?
R - Un mot bref sur ce sujet. Je pense qu'il faut analyser ces événements, c'est-à-dire les décisions des Indiens puis des Pakistanais de procéder à des essais dans un contexte régional qui est quand même assez particulier. Il faut, d'autre part, se rappeler l'ancienneté de l'effort nucléaire de ces pays et, je dis cela pour dire que, à mon sens, cela ne remet pas en cause la politique mondiale qui est menée à l'heure actuelle contre la prolifération en faveur de l'arrêt des essais. C'est un problème, naturellement, qu'il faut traiter, résoudre, sans écarter la possibilité d'un vrai dialogue avec ces pays pour les convaincre d'aller, comme l'Inde l'a dit - le Pakistan, je ne sais pas, je ne crois pas-, vers la signature des traités que jusqu'ici justement ils n'avaient pas signés. A commencer par le Traité d'interdiction des essais. Donc, cela ne remet pas en cause cette politique. Je crois qu'il faut persévérer en l'adaptant à cette situation et en la surmontant.
Q - Quelle est la réaction française devant les essais pakistanais ?
R - D'abord en ce qui concerne le réaction à ces événements, elle est amplement exprimée par de nombreux communiqués qui ont été faits ces derniers temps, soit au niveau de l'Union européenne, soit au niveau du G8, soit au niveau de l'OTAN. Notre position est celle que nous avons exprimée à travers ces textes. D'autre part, il y a un communiqué, mais je ne vais pas vous le relire parce qu'il a été rendu public aujourd'hui. Il redit la même chose que les autres textes. Simplement peut-être une phrase : "la France regrette que le Pakistan n'ait pas tenu compte des appels à la retenue qui lui avaient été adressés. Elle déplore et condamne ces essais qui vont à contre-courant des efforts mondiaux contre la prolifération nucléaire et pour l'arrêt des essais. Comme nous l'avons demandé à l'Inde, nous appelons le Pakistan à ne plus effectuer d'essais, à rejoindre le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, à participer à la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'arme nucléaire"./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 octobre 2001)
En quelques mots, je dirais que cette réunion est importante car elle se situe entre Madrid et Washington. Tous les mois qui nous séparent du Sommet seront très importants, marqués par le débat sur le concept stratégique qui, à lui seul, englobe beaucoup de sujets. C'est un exercice normal et naturel qui est imposé par les changements intervenus dans le contexte international, ces dernières années.
Les enjeux pour l'Alliance vont au-delà du cas de la Bosnie, du Kossovo et de la sécurité dans le Sud-Est de l'Europe. Ils concernent aussi, pour la première, l'association de la Russie à la définition des nouvelles conditions de la sécurité en Europe, au sens large du terme.
Sur tous ces plans, je voudrais vous dire ce que fait la France. Nous participons pleinement à tous ces exercices. En ce qui concerne le concept stratégique sur lequel nous allons nous pencher dans un instant, je dirais que cet exercice de rénovation est naturel. Nous l'abordons en rappelant qu'il faut respecter les compétences du Conseil de sécurité et, d'autre part, garder constamment à l'esprit le souci de développer une capacité européenne. C'est là une position constante de la France, que vous connaissez, en faveur de la formation d'une identité européenne de sécurité et de défense dans l'Alliance.
Sur la Bosnie, je n'ai pas a vous rappeler le rôle majeur de la France en Bosnie et tout le travail qui est fait pour consolider les acquis. Il nous faut, maintenant, préparer, dans les meilleures conditions possibles, les élections qui devaient avoir lieu, en principe, en septembre et dont nous espérons tous qu'elles renforceront le processus démocratique dans les différentes parties de la Bosnie qui veulent élaborer ensemble le type de Bosnie que nous souhaitons créer à partir des Accords de Dayton.
S'agissant du Kossovo, je crois que la cohésion, l'unité de détermination, dont ont fait preuve, depuis début mars, les membres du Groupe de contact, les autres organisations, le groupe des pays voisins, qui avait été organisé par la Bulgarie, et toutes les réunions européennes qui sont intervenues depuis début mars, a montré une communauté d'approche sur ces questions, en rappelant que le statu quo était intolérable, qu'il était impossible de soutenir la revendication d'indépendance. L'insistance a été constante en faveur de l'engagement d'un véritable dialogue pouvant conduire à une autonomie substantielle.
Il me semble que le résultat obtenu il y a quelques jours par les Américains, notamment par M. Holbrooke, est le résultat direct de cette détermination à préserver cette unanimité, cette unité qui avait beaucoup fait défaut, il y a quelque temps, au début de la désintégration de la Yougoslavie. Je crois qu'a été créé le contexte à partir duquel nous pouvons espérer faire bouger les choses. Je serais peut-être amené à revenir sur la façon de consolider ce qui a été entamé.
Enfin, s'agissant des relations OTAN/Russie, vous savez que c'est un point très important aux yeux de la France. Nous considérons que, puisqu'une relation a été créée entre l'OTAN et la Russie, il faut saisir cette opportunité. Il faut la nourrir, la densifier, et il ne faut pas que celle-ci se résume à une présentation en quelque sorte cosmétique, destinée à contrebalancer l'élargissement. Il s'agit d'une justification en soi par rapport au rôle que la Russie doit jouer en Europe par rapport au travail que nous faisons pour qu'en Europe puisse exister une plus grande sécurité, une plus grande stabilité. Voilà pourquoi cette réunion est importante.
Q - Dans le paragraphe 7, s'agissant de la déclaration sur le Kossovo, la France estime-t-elle proposer des mesures plus fortes que celles qui ont été décidées et croyez-vous qu'on devrait préciser toute de suite cette option de "further deterrent measures" ?
R - Il faut bien comprendre le sens de ces travaux. D'abord, l'examen des mesures possibles : l'objectif numéro un est de régler le problème par la négociation. Tout ceci forme une seule et même politique. La pression qui est faite sur les protagonistes pour qu'ils engagent une négociation est l'axe numéro un. Il fallait les amener à entrer en négociation. C'est ce qui a été obtenu il y a quelques jours : je parlais des pressions du Groupe de contact et du rôle de M. Holbrooke. C'est ce que nous recherchons naturellement, mais nous ne sommes pas sûrs que cela marche. Nous ne savons pas quelle sera la vitesse de la négociation. On voit bien, du reste, que la situation sur place est extrêmement tendue et qu'on ne peut pas écarter l'hypothèse d'une dégradation, pour une raison ou pour une autre, d'un côté comme de l'autre. Il faut donc avoir en tête toutes les hypothèses. Nous ne serions pas sérieux si nous ne faisions pas ce travail préparatoire. Donc, malheureusement, inévitablement, nous avons été amenés à réfléchir. La France a donné son accord sur les études en question, mais, en même temps, elle a demandé que ces études soient complètes parce que si, malheureusement, il faut aller dans cette voie, il faut savoir sur quel terrain on est, dans tous les sens du terme, et ce que l'on est capable de faire ou pas. Il ne faut pas parier en l'air de ces sujets. Les études demandées à l'OTAN visent à éclairer la décision : approfondir l'évaluation des différents scénarios.
Le point dont vous parliez fait référence à la formule suivante : "Nous continuerons de suivre de près la situation au Kossovo et alentours, et nous chargeons le Conseil en session permanente d'examiner les implications politiques, juridiques et, le cas échéant, militaires d'éventuelles autres mesures dissuasives si les circonstances l'exigent". On ne peut pas avancer dans le brouillard. On doit penser à l'avance à toutes les possibilités. Voilà ce que cela veut dire. Maintenant, on n'est pas encore dans cette situation et la décision n'est pas prise. Nous avons besoin d'y voir clair. Encore une fois, cela fait partie d'un tout. C'est la même politique qui est menée par le Groupe de contact, par tous les membres de l'Union européenne qui ont soutenu le Groupe de contact, politique qui s'exprime par le début de négociations qui ont commencé mais qui ne sont pas encore substantielles.
Q - Vous expliquez que, s'agissant des déploiements préventifs de l'OTAN au Kossovo, on utilisera la base juridique pertinente. Quelle est l'autorité internationale qui donnera cette base juridique : Conseil de sécurité ou OTAN ?
R - Cela dépend des actions. Dès que l'on est dans l'usage de la force, il n'y a que le Conseil de sécurité qui a la légitimité pour faire cela. Mais il y a des actions de formation, de coopération qui n'ont pas besoin de cette autorisation. Cette formulation ne cherche pas à masquer un désaccord. Je crois que tout le monde est d'accord sur ce point. Mais, il convenait de garder à l'esprit qu'il existe plusieurs types de mesures envisageables mais non encore décidées. Faites attention, car, à chaque fois, il s'agit d'explorer à l'avance, pour ne pas nous trouver dans le brouillard et être pris au dépourvu.
La situation au Kossovo est explosive. Je vous rappelle les termes : "afin de disposer d'options qui feraient l'objet d'une décision ultérieure : c'est un travail sérieux, méthodique, préparatoire. Il n'y a pas de décision à ce stade. Nous avons demandé l'avis des autorités militaires. II y a un certain nombre de choses et comme ce sont des choses diverses, l'attitude pertinente n'est pas toujours la même".
Q - Quels seront les effets du vote par le Parlement français d'une loi sur la reconnaissance du génocide arménien sur les relations bilatérales entre la Turquie et la France ?
R - Les conséquences, c'est à la Turquie d'en décider. Simplement, je soulignerais une chose : pour le moment, il s'agit d'une proposition de loi, terme précis qui veut dire que l'initiative de ce texte émane du Parlement. Dans notre Constitution, quand un texte de loi émane du gouvernement, c'est un projet de loi. Quelles sont les conséquences ? Je souhaite qu'il n'y en ait pas. Il n'y a pas de raison qu'il y en ait.
Q - Monsieur le Ministre, depuis la rencontre Milosevic/Rugova, la situation a empiré au Kossovo. Milosevic accepte les négociations, mais il y a toujours une résistance. L'OTAN ne réagit-elle pas avec retard ?
R - Je ne me sens pas en retard parce que, en novembre dernier, avec Klaus Kinkel, avant les incidents, avant que le Groupe de contact n'étende son activité au Kossovo, nous avions attiré l'attention sur la gravité de la situation, en soulignant auprès de M. Milosevic que seule une négociation permettrait de trouver une solution politique. Donc, je crois que nous avions malheureusement vu les choses à l'avance, j'en avais d'ailleurs parlé avec lui. Maintenant que la situation soit grave et qu'elle soit en train de s'aggraver et puisse s'aggraver plus encore, naturellement nous le savons. C'est le fond de notre détermination et c'est pour cela que le Groupe de contact est mobilisé à ce point-là depuis plusieurs semaines. C'est pour cela que les différents pays ont conjugué leurs actions (Etats-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Italie, Allemagne). C'est pour cela que tous les autres pays d'Europe ont exprimé leur détermination sur ce point et nous allons faire le plus possible pour que la solution politique avance, qu'elle prenne une vraie consistance et que ceux qui sont tentés par la violence et par la répression finalement se rendent compte que c'est sans issue, ou que ce serait vraiment tragique. Donc, vous ne faites que confirmer les raisons pour lesquelles nous sommes en train d'agir. Il faut que la solution politique rattrape l'engrenage que vous décrivez.
Q - A propos de l'adaptation de la réforme de l'Alliance, entre Madrid et aujourd'hui, avez-vous le sentiment que les discussions ont évolué sur la place de l'Europe au sein de cette structure ?
R - Pas particulièrement, non. Je ne dis pas qu'il ne s'est rien passé ces dernières années : il y a eu un certain nombre d'acquis qui étaient déjà antérieurs à Madrid. Vous vous rappelez les décisions de Berlin. Cela a dû commencer encore avant, dans des Sommets, à Rome. Donc, il y a eu des choses qui se sont passées, mais, dans cette période précise, pas spécialement. L'OTAN n'a pas spécialement travaillé là-dessus puisqu'il y a eu toutes les autres urgences dont nous parlions, et, du côté européen, c'est plutôt sur la préparation de l'euro et sur les questions institutionnelles que l'attention s'est portée. Je pense que maintenant, en revanche, nous entrons dans une période, entre maintenant et Washington, où il est normal d'aborder la question parce que cela fait partie, en tout cas à notre avis à nous, Français, des sujets dont on doit débattre à propos de la révision du concept.
Q - Quelle serait la taille idéale pour une mission de l'OTAN pour renforcer la région balkanique et la France a-t-elle l'intention d'y envoyer des troupes ?
R - La taille idéale, je n'ai pas d'avis. Je n'ai pas d'avis personnel en tant que ministre des Affaires étrangères. Si nous avons demandé des analyses détaillées aux différents organes compétents de l'OTAN, c'est précisément pour qu'ils nous présentent une gamme d'options. Donc, vous allez commencer à avoir des indications qui seront rendues publiques sur ce qu'il faut, ce sur quoi les responsables militaires de l'OTAN insistent. Il s'agit là d'opérations très compliquées, très lourdes, qui supposent plusieurs milliers d'hommes, plus ou moins, selon les missions que l'on donne. Quant à la participation des uns et des autres, nous n'en sommes pas là pour le moment. Nous en débattrons si nous devons vraiment prendre la décision.
Q - Quelle est votre réaction sur une éventuelle intervention militaire au Kossovo telle que les Américains semblent l'envisager ?
R - Je n'ai pas connaissance de proposition américaine de ce type. Je crois que c'est une interprétation abusive du simple paragraphe 7 sur lequel j'ai été interrogé tout à l'heure et où l'on parle d'éventuelles autres mesures sur la situation l'exige. Les Etats-Unis participent à ce travail afin qu'il y ait une analyse complète de la situation, des évolutions possibles ou de réponses envisageables. Je crois qu'ils en sont au même stade que les autres sur ce point.
Q - Croyez-vous avoir l'appui de la Russie dans le cas d'une intervention qui ne s'arrêterait pas aux seules frontières du Kossovo ?
R - Nous n'en sommes pas à discuter de cela. Pour le moment, il y a des actions auxquelles la Russie pourrait s'associer. Il y a des actions auxquelles il serait souhaitable que la Russie soit associée. Il y a des actions auxquelles la Russie pourrait peut-être ne pas s'associer car elles n'ont pas été proposées par qui que ce soit. Encore une fois, nous n'en sommes pas là. Nous débroussaillons le sujet. Nous ne sommes pas encore dans cette situation. Je n'exclus pas, pour ma part, que les négociations prennent une substance, se développent et qu'aussi bien à Pristina qu'à Belgrade, on commence à voir qu'il existe une perspective politique. D'autre part, s'il faut prendre des mesures militaires, il n'est pas exclu qu'il y ait des accords sur une gamme d'actions. Ne concluons pas trop vite de façon négative sur tout cela.
Q - Vous vous êtes déclaré partisan de la prorogation du mandat de la FORDEPRONU, sur le même mandat, et avec les mêmes participants. Souhaitez-vous une participation russe ? Qu'en pensent les Alliés ?
R - Ce point n'a pas été discuté. La question de la modification du mandat - un peu modifié ou substantiellement modifié - reste ouverte. Il faut voir la volonté des choses ; l'essentiel est de ne pas laisser un vide de sécurité pendant l'été.
Q - Vous dites qu'il faut une analyse complète de la situation en Kossovo, examiner toutes les possibilités et vous parlez aussi d'une intervention militaire au Kossovo...
R - N'interprétez pas... Ce n'est pas une façon cachée de parler d'une intervention au Kossovo. Personne n'a parlé de cela. Ce sont des interprétations, des constructions intellectuelles. Envisager toutes les hypothèses, tous les scénarios, ne pas nous mettre dans la situation que nous avons connue il y a quelques années, voilà ce que nous faisons. Encore une fois, nous n'en sommes pas à élaborer de projets cachés. Nous voulons savoir sur quel terrain nous sommes. Le texte est une bonne synthèse de la situation actuelle. Après ces études, les décisions politiques seront prises en fonction de la situation, mais l'on fera tout ce que l'on peut, afin de n'être pas dans l'obligation de prendre des décisions d'ordre militaire. Mais, encore une fois, on ne peut pas se priver de cette réflexion.
N'oubliez pas que ce n'est pas un Sommet spécial sur le Kossovo. C'est une discussion. Il y a également l'ouverture de la discussion sur le concept. S'agissant de l'OTAN/Russie, je répète que ce cadre doit être l'occasion des discussions de substance. Ceci ne doit pas être masqué par l'actualité./.
Cette réunion d'aujourd'hui était très importante. D'abord, elle marque le premier anniversaire de la signature de l'Acte fondateur à Paris, le 27 mai 1997. Ensuite, la concertation que prévoit cet acte a pu être réellement mise en pratique. Il s'agit d'un événement historique parce que, pour la première fois, l'Alliance et la Russie ne se considèrent plus comme des adversaires mais comme des partenaires. Nous avons donc, ensemble, mis fin à près de 50 ans de division, de confrontation, et mis en place les fondements d'une véritable relation de confiance et de coopération au service de la sécurité et de la stabilité en Europe. C'est une culture de coopération qui succède à une habitude de confrontation et qui est l'essence même de cet Acte fondateur. Celui-ci n'est pas une compensation offerte à la Russie pour prix de l'élargissement de l'OTAN, mais l'expression de notre volonté commune d'associer la Russie à l'élaboration des nouvelles conditions de la sécurité en Europe. C'est quelque chose qui correspond aux besoins des deux partenaires de cet Acte.
La concertation prévue par cet Acte a pu être mise en pratique, s'agissant notamment de la Bosnie et du Kossovo. Nous en avons beaucoup parlé aujourd'hui.
S'agissant de la Bosnie, depuis plus de deux ans, les forces alliées, celles de la Russie et d'autres partenaires, oeuvrent ensemble sur le terrain pour rétablir la paix dans le cadre de l'IFOR puis de la SFOR. Depuis la mise en place du Conseil permanent conjoint OTAN/Russie - la Russie, dans le cadre des réunions du Conseil, et de la Troïka - est informée ou associée en amont des décisions de l'OTAN concernant les activités et l'avenir de la SFOR. C'est un changement radical par rapport à tout ce que nous avons connu auparavant. Concernant précisément l'après-SFOR, dont le plan d'opérations vient d'être approuvé ce matin, formellement, par le Conseil Atlantique et qui prévoit notamment une poursuite de l'engagement militaire commun russe et allié, la Russie n'a pas du tout été mise devant le fait accompli. Elle a été impliquée largement à l'avance dans le processus de consultation. La réunion du Conseil permanent conjoint d'aujourd'hui a permis de dégager une large convergence de vues sur la situation et sur notre coopération en Bosnie-Herzégovine. Les résultats sont encourageants, mais beaucoup reste à faire, et nous savons tous que cette situation demeure très fragile.
En ce qui concerne le Kossovo, les consultations entre l'OTAN et la Russie, la confrontation, la comparaison de nos analyses de la situation, dans l'ensemble très proches, ont débuté dès le début de la crise. La Russie, là encore, a été informée très en amont, dans le cadre du Conseil permanent ou par la Troïka, des débats en cours à l'OTAN concernant les options envisagées par les alliés. Et naturellement, il convient de ne pas oublier le travail important et la constance manifestée par le Groupe de contact.
Lors de notre réunion d'aujourd'hui, les alliés et la Russie sont convenus de continuer à se consulter, à coopérer dans ce cadre pour la mise en oeuvre des mesures que pourrait exiger la situation au Kossovo et pour y maintenir ou pour y rétablir la stabilité et la sécurité. Quand je pense au Kossovo, je pense évidemment à toute la région. Notre réunion a été l'occasion de nous féliciter de l'amorce d'un dialogue politique entre les autorités yougoslaves et les dirigeants kossovars et d'émettre le souhait que ce dialogue devienne substantiel, qu'il puisse permettre de traiter les vrais problèmes de fond, et qu'il ouvre la voie à une solution pacifique de ce problème très compliqué, celle que notamment le Groupe de contact demande depuis le début du mois de mars, c'est-à-dire une solution respectant l'intégrité territoriale, l'inviolabilité des frontières internationalement reconnues et indépendamment de son origine autour d'une autonomie substantielle du Kossovo. Au-delà de cette concertation sur ces deux crises, nous avons pu constater aujourd'hui notre volonté partagée et vraiment entière de mettre en oeuvre quotidiennement, et à travers toutes les occasions qui se présenteront, l'Acte fondateur. La détermination des membres de l'Alliance et de la Russie m'a paru très claire tout au long de ces séances, afin d'avancer dans ce dialogue permanent, substantiel, qui sera un des éléments-clés de la sécurité et de la stabilité en Europe, dans l'Europe de demain.
Q - Cette nouvelle situation en Asie du Sud ne remet-elle pas en cause les efforts conduits jusqu'ici en faveur de la non-prolifération ?
R - Un mot bref sur ce sujet. Je pense qu'il faut analyser ces événements, c'est-à-dire les décisions des Indiens puis des Pakistanais de procéder à des essais dans un contexte régional qui est quand même assez particulier. Il faut, d'autre part, se rappeler l'ancienneté de l'effort nucléaire de ces pays et, je dis cela pour dire que, à mon sens, cela ne remet pas en cause la politique mondiale qui est menée à l'heure actuelle contre la prolifération en faveur de l'arrêt des essais. C'est un problème, naturellement, qu'il faut traiter, résoudre, sans écarter la possibilité d'un vrai dialogue avec ces pays pour les convaincre d'aller, comme l'Inde l'a dit - le Pakistan, je ne sais pas, je ne crois pas-, vers la signature des traités que jusqu'ici justement ils n'avaient pas signés. A commencer par le Traité d'interdiction des essais. Donc, cela ne remet pas en cause cette politique. Je crois qu'il faut persévérer en l'adaptant à cette situation et en la surmontant.
Q - Quelle est la réaction française devant les essais pakistanais ?
R - D'abord en ce qui concerne le réaction à ces événements, elle est amplement exprimée par de nombreux communiqués qui ont été faits ces derniers temps, soit au niveau de l'Union européenne, soit au niveau du G8, soit au niveau de l'OTAN. Notre position est celle que nous avons exprimée à travers ces textes. D'autre part, il y a un communiqué, mais je ne vais pas vous le relire parce qu'il a été rendu public aujourd'hui. Il redit la même chose que les autres textes. Simplement peut-être une phrase : "la France regrette que le Pakistan n'ait pas tenu compte des appels à la retenue qui lui avaient été adressés. Elle déplore et condamne ces essais qui vont à contre-courant des efforts mondiaux contre la prolifération nucléaire et pour l'arrêt des essais. Comme nous l'avons demandé à l'Inde, nous appelons le Pakistan à ne plus effectuer d'essais, à rejoindre le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, à participer à la négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles à des fins d'arme nucléaire"./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 octobre 2001)