Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur la création d'une télévision française d'information à vocation internationale, Paris le 30 avril 2003.

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Circonstance : Audition de Dominique de Villepin par la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur la création d'une télévision française d'information à vocation internationale, à Paris le 30 avril 2003

Texte intégral

Q - (A propos du statut de la télévision française d'information à vocation internationale)
R - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Députés, vous dites que je suis favorable à la création d'une chaîne d'information française à vocation internationale. Monsieur le Président, elle est totalement indispensable à notre pays ! Et je suis heureux de pouvoir procéder avec vous à un échange de vues sur ce projet.
J'ai suivi avec intérêt vos travaux. Vous savez aussi que les pouvoirs publics, à commencer par mon département, ont entrepris une intense réflexion sur ce projet. Les opérateurs français, consultés par les pouvoirs publics à la demande du Premier ministre, viennent de remettre des propositions. De mon côté, j'ai demandé à un professionnel de l'audiovisuel, M. Philippe Baudillon, de me faire un rapport sur le même sujet. Son étude vient de m'être remise et je vous l'ai aussitôt transmise. Il s'agit pour la France d'un grand sujet mobilisateur. Il s'agit pour le ministre des Affaires étrangères et pour la diplomatie française que je conduis, sous l'autorité du président de la République, d'un enjeu fondamental, comme je vais vous l'exposer.
C'est le président de la République lui-même qui nous a donné cette feuille de route dès février 2002, anticipant cette nécessité que nous avons tous ressentie et que l'actualité récente est venue rendre encore plus impérieuse. La question n'est plus de savoir s'il faut le faire, mais comment le faire. Pourquoi la France doit-elle lancer une chaîne d'information internationale ? Dans les rapports de force internationaux, la bataille des images et de l'information prend une place déterminante.
C'est ce que l'on appelle aujourd'hui "la diplomatie d'influence" : les grandes batailles, avant de se gagner sur le terrain ou autour du tapis vert, se gagnent d'abord dans les opinions et donc dans l'arène des moyens de communication de masse. Sur la scène internationale, la télévision est désormais partie prenante de l'événement. Elle interagit avec lui et a même acquis le pouvoir de le créer ou de le nier selon ce qu'elle montre ou non. La crise irakienne nous en offre une illustration exemplaire : les caméras de télévision sont entrées au Conseil de sécurité, mettant la diplomatie en interaction directe et instantanée avec l'opinion mondiale ; le renversement de la statue de Saddam Hussein a marqué les opinions mieux que tout communiqué officiel.
Pour être un acteur majeur de la scène internationale, un pays doit disposer de sa propre capacité de projection d'images dans le monde. Nous voulons organiser un monde multipolaire, l'offre audiovisuelle doit en être un reflet. La disparition des blocs a rendu le monde plus complexe et plus mouvant. Nous ne pouvons déconnecter l'organisation d'un monde que nous voulons multipolaire, de son reflet dans les images et la société de l'information. Il convient donc, de la même façon que nous travaillons à l'émergence d'équilibres nouveaux qui prennent en compte la diversité du monde, de faire en sorte que le paysage audiovisuel international soit riche d'une offre plurielle et diversifiée.
Or nous constatons que ce nécessaire pluralisme est menacé par un double phénomène : l'émergence de géants de l'information qui disposent de réseaux à l'échelle planétaire avec des moyens humains et financiers considérables ; l'émergence de concurrents nouveaux, notamment dans le monde arabe, fondés sur une exacerbation des valeurs identitaires nationales ou religieuses. Entre ces deux tendances, mondialisation à l'anglo-saxonne ou repli identitaire, doit s'ouvrir un espace pour l'expression de notre vision du monde. Elle est fondée sur notre position internationale unique : membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, moteur du développement européen, centre de gravité naturel de la francophonie, interlocuteur privilégié du continent africain et des pays arabes. La France est aujourd'hui porteuse d'un message de diversité dans un monde qu'elle n'accepte pas de voir voué à l'uniformisation ou au choc des cultures.
Notre vision s'articule autour de trois piliers : une projection de l'Europe dans le monde, la francophonie et les valeurs universelles auxquelles nous croyons - l'héritage des Lumières et de la Raison, l'universalisme, la démarche scientifique et le doute méthodique, le dialogue des cultures. Dans un monde à la recherche de sens, s'offre à nous un champ immense, dans lequel le vecteur audiovisuel est une arme centrale, encore plus déterminante que l'imprimerie ne le fut pour l'Encyclopédie. C'est ce raisonnement qui a conduit le président de la République à proposer, en février 2002, que la France se dote d'une grande chaîne internationale d'information.
Quel est le contexte actuel du marché international de l'information télévisée ? Il présente les caractéristiques suivantes : le poids déterminant d'un petit nombre de géants anglo-saxons (CNN, Fox News, BBC World, etc.) ; l'émergence de concurrents régionaux (Al-Jazira, Al-Arabia, etc.). Par ailleurs l'absence de recettes publicitaires oblige, soit à des investissements publics à fonds perdus, soit à un rattachement à des groupes pouvant se financer sur un marché national suffisamment rentable (CNN, Fox). L'évolution technologique ultra rapide modifie constamment la donne économique et les coûts de diffusion baissent grâce au numérique tout en augmentant par ailleurs en raison du facteur humain. La surabondance de l'offre est notable dans certaines zones (150 chaînes satellitaires sur le seul monde arabe dont plus d'une dizaine consacrées à l'information continue). Enfin, une exigence croissante des publics conduit à rechercher à la fois une information de proximité, une information crédible et non manipulée, une couverture immédiate de l'actualité. Malgré la disparition des frontières nationales, les marchés se fragmentent, en fonction des critères thématiques (finances, sport, tourisme, art de vivre) et de critères linguistiques et culturels (ainsi CNN décline son produit en éditions locales).
Quelle est la situation française, et tout d'abord nos atouts ? Nous ne partons pas de rien. TV5 connaît un grand succès, puisque 137 millions de foyers sont touchés dans le monde - contre 143 millions pour CNN international - et les chiffres d'audience sont en hausse - 38 millions de téléspectateurs en audience cumulée hebdomadaire. Par ailleurs, TV5 a su, lors des événements intervenus en Irak, se transformer en chaîne d'information continue. Je souhaite rendre hommage aux équipes de la chaîne ainsi mobilisées.
La présence d'Euronews est également un atout. Malgré ses difficultés financières actuelles, cette chaîne européenne basée à Lyon est devenue un média de référence : 100 millions de foyers connectés, une part d'audience en Europe supérieure à CNN, sept éditions dans sept langues européennes.
RFI est devenue, quant à elle, l'une des radios qui comptent dans le monde : 45 millions d'auditeurs au moins une fois par semaine pour RFI/RMC Moyen-Orient.
Nous pouvons aussi louer l'excellente crédibilité de l'information à la française. Les compétences journalistiques françaises rassemblées dans les différents pôles publics (AFP, Radio France, RFI, France Télévisions, ARTE) et chez les opérateurs privés (TF1, LCI, Canal +, iMais nous avons également des faiblesses. Tout d'abord, le financement de notre audiovisuel extérieur public. Notre effort pour couvrir le monde entier en radio et télévision (200 millions d'euros environ) représente 9 % de la dotation publique attribuée aux opérateurs nationaux, effort aujourd'hui sensiblement équivalent à ce que nous faisons pour couvrir les DOM-TOM avec RFO (195 millions d'euros) ou pour la chaîne culturelle franco-allemande ARTE (178 millions d'euros pour la seule part française).
Ensuite, la faible production d'images d'actualité à vocation internationale. D'une façon générale, les chaînes de télévision françaises, publiques comme privées, ne font pas de la couverture de l'actualité étrangère une priorité, tout simplement parce que cela leur coûte plus cher à produire que l'information de proximité et que cela rapporte moins en termes d'audience. La majorité des Français, comme d'ailleurs des téléspectateurs du monde entier, s'intéresse avant tout à ce qui lui paraît les concerner directement. Pour l'information internationale, nos chaînes sont donc en réalité fortement dépendantes des sources d'images extérieures, souvent anglo-saxonnes. Puis, la faible internationalisation des opérateurs français. Je prendrai un seul exemple : les difficultés rencontrées par le groupe Canal + dans ses louables efforts d'internationalisation.
Par ailleurs, le choix multilatéral que nous avons fait pour notre projection audiovisuelle internationale est un atout mais aussi une faiblesse : par contrecoup, il y a une absence de moyens pour une projection purement française. Enfin, la langue : à partir du moment où nous émettons en français, nos bassins d'audience sont limités à la zone francophone, soit 200 millions de personnes, en incluant la France.
Les défis que nous devons relever pour mener à bien un tel projet sont nombreux et de multiples natures. Premièrement, aucun opérateur français ne s'impose comme pouvant répondre seul à la demande, soit par manque de réseau de diffusion, soit par manque de capacité propre de production d'images internationales. Deuxièmement, l'absence de perspectives de rentabilité propre ne permet pas de dégager un auto-financement suffisant, ce qui suppose une forte implication - récurrente au fil des ans - des pouvoirs publics. Troisièmement, les coûts très élevés que représente un réseau international de production et de diffusion d'images d'information : le groupe CNN a dépensé 30 millions de dollars pour couvrir les trente premiers jours du conflit irakien. Quatrièmement, comment lancer un nouveau produit sans mettre en péril, sur le plan du financement comme de la diffusion chez le client final, les produits déjà existants comme TV5 et Euronews ? En d'autres termes, comment ne pas lâcher la proie pour l'ombre ? Cinquièmement, la contrainte linguistique : si nous voulons élargir notre audience au-delà du bassin francophone, il faudra recourir à l'usage d'autres langues - anglais, arabe, espagnol - ce qui, si l'on veut aller au-delà du simple sous-titrage, augmente considérablement les coûts du projet, de 10 à 30 % par langue. Sixièmement, comment exprimer une vision française du monde sans être la voix officielle de la France ? Mais en même temps, la mission des autorités publiques n'est-elle pas de favoriser le pluralisme de l'information et la diversité culturelle à l'intérieur comme à l'extérieur de notre pays ?
Pour répondre à cette impérieuse nécessité et tenir compte des contraintes énoncées, je propose une démarche responsable, porteuse de plusieurs dimensions.
- Une démarche ambitieuse dans ses objectifs et ses moyens :
Le projet de chaîne française d'information continue ne doit pas être traité au rabais. Il faut apporter une vraie valeur ajoutée par rapport à l'offre existante. Cela vaut pour la capacité propre de production d'images couvrant l'actualité internationale, pour la diffusion, pour le choix des langues. Cette ambition implique l'engagement des pouvoirs publics à y consacrer des moyens importants, durables et prévisibles, nous permettant d'espérer faire à cette chaîne une place significative dans le paysage mondial, au moins sur les marchés prioritaires, Europe, bassin méditerranéen et Afrique.
Je note que les ordres de grandeur des offres déposées dépassent tous les 40 millions d'euros annuels. Cela excède de très loin les possibilités de financement par redéploiement des budgets affectés actuellement à l'audiovisuel extérieur - par exemple, moins de 2,5 millions d'euros de marge si on arrête CFI TV sur l'Afrique.
- Une démarche pragmatique dans son approche :
Le projet devra tenir compte des facteurs suivants. D'une part, il faut partir de la demande du public. Cela exigera une analyse fine de cette demande sur les différents bassins d'audience. Il ne s'agira pas de "se faire plaisir" mais de réellement faire de l'audience à l'étranger, de répondre aux attentes du marché international. D'autre part, il faudra combiner intelligemment ce que les uns ou les autres peuvent apporter, soit en terme de diffusion-distribution, soit en terme de production d'images. Le projet devra donc être fédérateur des ressources que chaque opérateur peut apporter sur chacun de ces deux métiers. Dans ce contexte, on peut même envisager un partenariat entre nos opérateurs publics et privés pour constituer la structure qui portera le projet. Je n'en méconnais pas les difficultés.
- Une démarche cohérente dans la prise en compte de ce qui existe déjà dans le paysage audiovisuel français, national et extérieur :
L'Etat ne créera pas un opérateur supplémentaire sans rénover les modalités de son intervention dans l'audiovisuel extérieur. Nous ne ferons pas, dans ce contexte, l'économie d'une rationalisation fondamentale du rôle et des moyens de chacun des opérateurs français. A cet égard, je pense, comme le suggère M. Baudillon, à la création d'une instance stratégique permanente, chargée auprès du ministre des Affaires étrangères de définir les axes d'intervention de l'Etat en matière d'audiovisuel extérieur. A l'instar du Conseil audiovisuel existant aux Etats-Unis, il s'agirait d'établir une structure légère, rassemblant des professionnels du secteur, des juristes et des représentants des administrations concernées. Cette instance serait compétente pour rationaliser le travail de l'ensemble de nos opérateurs à l'étranger.
- Une démarche graduelle dans la montée en puissance du projet :
Compte tenu des contraintes et des enjeux, nous n'avons pas droit à l'échec. Pour minimiser les risques, il convient de procéder par étapes. La première étape vient d'être franchie avec la remise au cabinet du Premier ministre des propositions émanant de nos opérateurs publics et privés. A partir de là, il nous faut dérouler un calendrier qui doit nous conduire, d'abord à l'analyse des propositions, puis, avec le choix du gouvernement, à la mise en place d'une structure de préfiguration qui devra, entre autres, évaluer avec précision les coûts et les ressources aux différentes étapes, lancer les études de marché et les analyses juridiques nécessaires et élaborer un projet pilote.
La structure de préfiguration, après un dialogue permanent avec les pouvoirs publics et le Parlement, soumettra le projet aux autorités politiques pour décision finale. Cette phase ne doit pas excéder 12 mois. La chaîne, à partir de son lancement, devra monter progressivement en puissance en fonction des priorités géographiques déjà retenues, des langues choisies et des ressources financières qui pourront être dégagées selon un calendrier préétabli.
- Enfin, une démarche rigoureuse dans son calendrier :
Il ne s'agit pas de gagner du temps pour reporter une échéance mais de suivre un cheminement opérationnel qui donne toutes les garanties de succès. Ni précipitation, ni tergiversations. L'objectif est le lancement de la chaîne à l'automne 2004 dans sa version française.
En conclusion, et avant d'ouvrir le débat, je voudrais vous redire le prix que j'attache à vos travaux, réflexions et recommandations. Un projet d'une telle ambition ne peut réussir qu'avec le soutien massif et résolu de la représentation nationale. Je ne m'y lancerai jamais sans celui-ci. Je ne vous ai rien caché des difficultés de l'entreprise. Soyez sûrs de ma détermination tant j'ai conscience qu'il s'agit d'un puissant levier pour l'action de la France dans le monde. Ma volonté de le mener à bien se nourrira de la vôtre. Je vous remercie.

Q - (A propos de l'éventualité de la création d'une antenne de la chaîne internationale au Moyen-Orient)
R - S'agissant de l'organisation de la structure qui pourrait prendre la responsabilité de cette chaîne, Philippe Baudillon avance une piste avec une éventuelle chaîne au Moyen-Orient. Pour assurer l'articulation entre une chaîne mère, qui pourrait constituer la base de la chaîne d'information internationale, et éventuellement des sous-chaînes ou des filiales qui pourraient décliner les différents produits, il pourrait effectivement y avoir une personnalité juridique permettant cette combinaison. Dans le cadre d'une chaîne qui couvrirait le monde arabe, je pense à la possibilité d'avoir des partenariats avec d'autres pays, d'autres organisations, par exemple, avec Medi 1 au Maroc. Le but est bien de rechercher la souplesse maximale.
Le fait de posséder des sous-ensembles déclinant la capacité de cette chaîne internationale pour des zones géographiques particulières nous permettrait de passer des accords avec d'autres chaînes existantes, d'avoir accès à davantage d'images, à des coordinations, de réaliser des opérations conjointement, etc. Cette possibilité de travailler, avec souplesse, avec d'autres partenaires, serait une richesse, un atout. Une chaîne d'information à vocation internationale implique d'avoir des journalistes. Or, dès lors que l'on souhaite travailler dans le monde arabe, avoir des journalistes de qualité parlant arabe, implique non seulement une capacité concurrentielle, mais également un vivier de journalistes qui nous permette de travailler en sécurité et en conscience professionnelle. Le fait de passer des accords avec telle ou telle chaîne existante peut donc être un atout.
En ce qui concerne l'équilibre éditorial de la chaîne, il est important que cette chaîne soit ambitieuse. Le but n'est pas d'être la voix de la France, mais d'exprimer une vision de la France, de la diversité, de l'exigence française, de nos principes, de nos valeurs. Il convient donc d'être attentif à un certain nombre de critères et de principes : indépendance, pluralisme, débats contradictoires, déontologie du journaliste, etc. Pour cela, nous devrons être très exigeants dans le cahier des charges et prêter une attention très grande à cet esprit d'indépendance et donc à la crédibilité de cette chaîne.
Dans de nombreux pays, l'origine financière du produit conditionne la crédibilité de l'information. Si nous voulons faire passer des informations provenant d'une chaîne à dominante publique, la chance d'être reprise est moins grande que si elles proviennent d'un outil ayant la crédibilité d'un partenariat ouvert et d'une complète indépendance. Nous avons intérêt à trouver sur la scène internationale le bon équilibre qui confère la crédibilité maximale à notre chaîne internationale, sachant que, par ailleurs, la pluralité est un élément extrêmement stimulant.

Q - (A propos d'une restructuration de l'audiovisuel extérieur et des zones de diffusion de la chaîne)
R - Le paysage extérieur audiovisuel est complexe. C'est la raison pour laquelle le lancement de cette chaîne suppose un double travail. D'abord un travail de définition très précis de ce que doit être cette chaîne, ensuite la prise en compte de l'indispensable rationalisation. L'idée d'ajouter - ce qui a souvent été la tentation - des structures nouvelles n'est plus envisageable. Nous devons entreprendre un travail de rationalisation. Mais il existe une difficulté : s'agissant de l'audiovisuel extérieur, nous avons fait un choix, celui de la pluralité d'approches avec un certain nombre de partenaires francophones : c'est le cas de TV5, d'ARTE. En conséquence, notre souplesse est limitée, même si, bien entendu, ces partenariats nous procurent des avantages en terme de crédibilité et de pénétration des marchés.
L'audiovisuel extérieur doit être capable d'anticiper les nouveaux objectifs.
Nous ne pouvons pas, du jour au lendemain, couper dans tel ou tel budget pour décider de réorienter complètement ce qui avait été décidé la veille. C'est la raison pour laquelle il convient de trouver un système qui valorise la contribution de chacun - de TV5, de RFI, etc. - afin que la chaîne que nous allons créer permette une définition stratégique prenant en compte la réorientation nécessaire de cet audiovisuel extérieur.
Il est très difficile aujourd'hui de dire comment va se faire cette combinaison, d'autant que ce n'est pas seulement à travers la prise en compte des différents acteurs de l'audiovisuel public que nous allons travailler, mais également avec l'audiovisuel privé. Le but est d'obtenir la meilleure combinaison possible. Ce qui est certain, c'est que la décision qui sera prise devra tirer les conséquences pour le paysage audiovisuel extérieur. Nous devons donc prendre nos décisions en connaissance de cause. Cette chaîne doit être "le meilleur" et nous devons nous concentrer sur cet objectif en en tirant parallèlement les conséquences. C'est la raison pour laquelle j'estime que le ministère des affaires étrangères doit être pleinement associé : il est le chef de file s'agissant de la rationalisation de l'audiovisuel extérieur.

Q - (A propos du ministère responsable de la coordination de la chaîne)
R - Il s'agit d'un choix à la fois difficile et très important, effectivement. Il convient de choisir, soit un chef de file, soit une structure pilote. Mon expérience me conduit à penser que s'il n'y a pas un responsable clairement désigné, les choses ne se font pas ou s'enlisent. La création d'une telle chaîne suppose à la fois une volonté politique très forte, un financement et une capacité à suivre ce projet au jour le jour. Il s'agit d'une lourde tâche. Les différents ministères que vous avez cités ont chacun une vocation propre et une raison de se trouver impliqués dans ce projet. Le Quai d'Orsay a une raison supplémentaire puisque nous gérons, pour le moment, l'audiovisuel extérieur public ; nous sommes donc comptables de l'efficacité et de la rationalité de ce secteur.
Il convient de créer, à l'image de ce qui existe aux Etats-Unis, un conseil audiovisuel qui permettra d'accompagner le développement de cette chaîne. Il convient également de déterminer qui devra, à terme, piloter la chaîne. Mais cela est encore difficile à ce stade, car nous ne savons pas comment se combineront les financements : chaîne publique, privée ou mixte. Il faudra donc partir des opérateurs et pouvoir identifier en tout état de cause une structure de gestion ayant une pleine crédibilité.
(...)
Mon ministère s'est proposé pour jouer un rôle déterminant dans le lancement de cette chaîne qui demandera beaucoup d'énergie, de convictions, de travail. Nous devons déterminer maintenant quelle est la meilleure combinaison possible pour la définition de la chaîne et son organisation en termes de structure, outre le fait qu'elle doit avoir une crédibilité, donc une capacité à se porter elle-même.

Q - A propos du choix du ministère des Affaires étrangères comme responsable de la coordination de la chaîne)
R - Monsieur le Premier ministre, vous le rappelez très justement, il existe une vocation toute particulière du ministère des Affaires étrangères en matière de coordination. Il s'agit d'un ministère dont la vocation est interministérielle ; il représente moins de la moitié du budget de l'action extérieure de l'Etat et il est soucieux que l'ensemble des moyens qui sont conférés à l'action extérieure aillent tous dans le même sens : défendre les intérêts de la France à l'étranger. Vous avez parfaitement raison, un comité de l'audiovisuel extérieur de la France a été créé : il avait le souci de vérifier que chaque franc dépensé l'était en bonne connaissance de cause et de s'assurer de l'utilisation rationnelle de ces moyens dans le cadre de cette action extérieure. Cette instance a cependant perdu de son élan et n'a plus guère été convoquée. Il faut donc aujourd'hui réfléchir à nouveau à la meilleure manière pour pouvoir réagir vite sur le plan stratégique, intégrer les contraintes nouvelles qui peuvent peser et offrir le meilleur cadre à ce qui doit être la défense des intérêts français en matière audiovisuelle.
Reste bien évidemment à mobiliser l'ensemble de nos participants et à trouver les structures idoines pour associer au mieux l'ensemble des ministères et des opérateurs qui pourraient participer à ce projet.

Q - (A propos du contrôle éventuel de la chaîne par le CSA)
R - Cette question se posera en fonction du choix qui sera fait de la diffusion de cette chaîne. Dès lors que cette chaîne internationale est diffusée en France - et je n'en vois que des avantages - il est évidemment important qu'elle soit soumise à l'autorisation du CSA.
Compte tenu des coûts très importants de nos chaînes - privées ou publiques - il conviendra d'avancer de façon prudente dans la dépense concernant la chaîne internationale. Notre souhait serait qu'un groupe, à la fois privé et public, mette plus de moyens sur l'action internationale et effectue un travail en synergie avec une chaîne internationale française susceptible d'alimenter l'offre en France même. Nous avons intérêt à mobiliser les Français sur les grands problèmes internationaux, la compréhension des problèmes mondiaux, économiques et sociaux, les complémentarités entre la politique intérieure et la politique étrangère. Cette chaîne devra avoir une vocation hautement citoyenne.

Q - (A propos du financement de la chaîne par la redevance)
R - Il s'agit d'une question qui dépasse les compétences du ministère des Affaires étrangères. Vous pourrez nous la poser à nouveau lorsque nous aurons avancé dans la définition de cette chaîne et choisi les opérateurs qui y participeront.

Q - (A propos de la faiblesse du montant du financement de la chaîne)
R - La contrainte financière pèse effectivement très lourd. Mais il s'agit d'un projet d'ambition nationale. Pour l'image de la France dans le monde, pour la défense des intérêts français, pour la capacité de la France à peser sur les affaires du monde - avec tout ce que cela implique en termes de retombées culturelles, économiques, sociales - ce projet est essentiel. Il s'agit donc d'un instrument de puissance. L'interaction entre nos intérêts mondiaux et notre volonté de les défendre partout où c'est indispensable, la capacité que nous avons à faire des Français un peuple porté vers les affaires du monde, tout cela est fondamental. Evidemment, il convient de faire des choix, d'établir de priorités. Je suis convaincu que l'enjeu en vaut la peine. Quant aux moyens, nous comptons sur la représentation nationale !

(Source http://www.diplomatie gouv.fr, le 19 mai 2003)