Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur la recherche en matière de gestion des déchets nucléaires à l'Assemblée nationale le 24 mars 2003.

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Circonstance : Clôture de la deuxième rencontre parlementaire sur "Les déchets nucléaires : entreposage, stockage ou retraitement ?" à l'Assemblée nationale le 24 mars 2003

Texte intégral

J'ai accepté avec grand plaisir votre invitation à participer aux 2èmes rencontres parlementaires sur les déchets nucléaires, rencontres qui, je le sais, permettent des partages d'expérience et d'expertise féconds.
Je souhaite aujourd'hui partager avec vous une conviction forte : la recherche joue un rôle fondamental dans les réponses que nous élaborons ensemble, décideurs et citoyens, à la problématique de la "fermeture du cycle", selon le jargon, c'est à dire de la gestion des déchets nucléaires issus des centrales.
Cette question est décisive pour l'avenir de l'énergie du nucléaire qui, si elle trouve une solution satisfaisante, représente l'un des chemins qui s'offrent à nous pour faire face aux enjeux de sécurisation sur le long terme des approvisionnements en énergie, d'indépendance énergétique, de développement durable et de lutte contre l'effet de serre.
Autant de préoccupations qui sont de plus en plus prégnantes et concernent l'ensemble des citoyens du monde.
L'initiative que vous avez prise, Monsieur le député Bataille, et vous, Monsieur le Président Birraux, de reconduire ces rencontres publiques mérite d'être saluée tout particulièrement.
Nous avons pu encore récemment, lors du colloque d'ouverture du débat national sur l'énergie, apprécier l'apport de ce type de rencontres et mesurer la nécessité d'un véritable dialogue social sur des sujets qui, tout en étant hautement technologiques et scientifiques, mobilisent l'ensemble de nos concitoyens et requièrent que l'on donne du sens à la science.
La question des déchets nucléaires, comme celle de l'énergie, est de ces sujets qui demandent une mobilisation conjointe de l'ensemble des acteurs : cette rencontre en est une illustration remarquable et je vous en félicite.
Mais entrons au coeur du sujet - en profitant de l'excellence des contributions proposées ce matin à notre réflexion.
La France s'est dotée en 1991 d'une loi destinée à organiser la future gestion des déchets nucléaires ; cette loi doit évidemment beaucoup à celui qui en fut l'initiateur et le promoteur, le député Christian Bataille, qui est aussi à l'origine de ces rencontres. Les termes de cette loi ont fixé la date de 2006 pour établir un bilan des recherches.
Depuis 12 ans, les recherches ont indéniablement beaucoup progressé. Le Ministère délégué à la Recherche et aux Nouvelles Technologies dresse un bilan annuel sur les stratégies de recherche dans ce domaine et s'engage aujourd'hui dans une phase de bilan global de cette activité.
Les travaux de cette matinée ont témoigné de l'intensité et de la diversité des réflexions menées par les acteurs du secteur de la recherche qui sont mobilisés sur ce sujet.
Je veux parler des principaux organismes de recherche impliqués dans le secteur du nucléaire, le CEA et l'ANDRA, mais aussi le CNRS et les Universités associées à ces travaux - sans oublier les industriels qui produisent et gèrent les déchets ont pu faire le bilan des actions menées et des avancées réalisées.
Si je me trouve parmi vous, aujourd'hui, c'est moins pour mesurer le chemin parcouru - aussi riche d'accomplissements soit-il - que pour me tourner avec vous résolument vers l'avenir, vers cet horizon 2006 qu'il nous faut continuer de préparer ensemble, sans négliger d'ailleurs de nous projeter au delà de cette date...
Dans cette perspective, des incertitudes demeurent encore, tant sur le plan des différents axes de la recherche, que sur le plan des coopérations internationales et particulièrement européennes, qui doivent nous permettre une action concertée et résolue.
Cela est bien normal ; nul esprit attentif ne pouvait considérer que 2006 apporterait une réponse définitive. C'était un horizon précieux, une étape forte, pas une fin.
Ces axes de la recherche, vous les connaissez. Ils sont au nombre de trois : la séparation/transmutation ; le stockage profond ; l'entreposage. J'ai la profonde conviction que nous avons réalisé des progrès substantiels dans les domaines de la séparation, du stockage et de la transmutation depuis 1991.
Le redémarrage de Phénix, nécessaire aux recherches sur la transmutation, a été autorisé par l'autorité de sûreté nucléaire le 7 janvier dernier et devrait être effectif sous peu. Ce sont plus de 5 ans qui ont été consommés - retardant ainsi toutes les expériences programmées.
Aujourd'hui, plusieurs pays ont fait le choix du stockage profond : Etats Unis, Suède, Finlande.
Quelle fiabilité à long terme peut-on attendre, en fonction des différents environnements géologiques ? Quels sont les gains de volumes espérés ? Nous devrons répondre à ces questions et faire des choix à l'échéance de 2006.
Le partage d'expérience à l'échelle mondiale doit être absolument recherché.
Limiter par cette répartition et ce partage associé les expériences longues et coûteuses, constitue, de mon point de vue, un élément clef pour éclairer les décisions à prendre, en mutualisant les coûts.
Concernant la coopération européenne, je crois que, sur ce sujet des déchets comme pour d'autres, qu'il s'agisse d'énergie, d'espace, ou de valorisation du potentiel de recherche et développement, la mobilisation de l'ensemble des partenaires s'offre à nous, s'offre à la France comme une évidence indépassable.
J'en veux pour preuve le fait, qu'en matière de recherche sur les déchets, nous bénéficions en France - outre de l'excellence de nos laboratoires de recherche, publics et privés, de l'émulation de nos chercheurs et ingénieurs - de l'expérience de nos différents partenaires.
Cet échange de compétences, cette circulation des expertises, n'est-elle pas le meilleur levier qu'on puisse imaginer pour qu'à l'horizon 2006, la France soit au rendez-vous de ce défi, défi pour notre environnement, défi pour tout le secteur énergétique, défi pour notre société aussi ?
Pour toutes ces raisons, je ne peux que vous féliciter de l'initiative prise pour réunir et accueillir les plus hauts responsables de l'énergie nucléaire, qu'ils soient publics ou privés, français européens.
C'est, en effet, ma conviction la plus intime que de cette mobilisation renforcée, soudée autour de quelques lignes de force que les débats de cette journée auront permis de dégager, sortira une réponse possible et un engagement à la hauteur des enjeux qui s'offrent à nous.
Je forme donc le voeu que les débats de cet après-midi soient aussi fructueux que ceux de la matinée qui s'achève.
Je forme surtout le voeu que nous sachions, ensemble, permettre à notre pays de faire face, de manière unie, aux perspectives ouvertes par les questions énergétiques dans les années à venir.
Car il en va de la possibilité d'inscrire les enjeux d'un développement authentiquement durable au coeur de la recherche, au coeur des préoccupations de nos concitoyens.
Il en va de la possibilité de faire de la recherche une recherche exemplaire.
Il en va surtout de la nécessité de faire de l'énergie nucléaire, dont nous savons qu'elle offre sûreté et compétitivité tout en préservant les réserves de combustibles fossiles, une source d'énergie en tous points acceptable par nos concitoyens et aussi respectueuse que possible de l'environnement et des grands équilibres de notre planète.
La présence de Madame Bachelot ce soir à mes côtés témoignent de l'attention forte que le Gouvernement porte à cette question.
J'espère que nous aurons l'occasion d'échanger à nouveau sur cette question à l'occasion de la journée que le Ministère de la Recherche organise, en collaboration avec le Parlement, le 30 avril prochain.
Ce n'est pas qu'une question de recherche. C'est une question d'avenir.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.recherche.gouv.fr, le 25 mars 2003)