Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Je tiens, pour commencer, à exprimer toute mon indignation devant la guerre contre l'Irak que l'armée du pays le plus puissant, le plus riche du monde, se prépare à déclencher dans les jours et, peut-être, dans les heures qui viennent.
Depuis plusieurs mois, les dirigeants américains se livrent à une comédie tragique. Au début, ils ont affirmé que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive et il fallait qu'il les détruise. Cette exigence, votée à l'unanimité à l'ONU, était déjà d'un cynisme sans nom car elle venait de ces grandes puissances, dont les seules armes nucléaires ont de quoi détruire plusieurs fois la planète : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne mais aussi la France !
Mais les inspecteurs commandités par l'ONU n'ont pas trouvé d'armes de destruction massive. Alors, les dirigeants américains ont sommé ce pays de détruire les armes que les inspecteurs ont trouvées. L'Irak a eu beau répondre à toutes les injonctions successives, les dirigeants américains nient les faits et font monter les enchères. Ils en sont aujourd'hui à exiger le départ de Saddam Hussein et affirment que, même si ce dernier ouvre toutes ses portes aux inspecteurs, ils feront la guerre.
Saddam Hussein est un dictateur et ce n'est certainement pas lui et son régime qui sont à plaindre. Mais c'est le peuple d'Irak qui va être noyé sous les bombes, un peuple déjà décimé par les conséquences de douze ans d'embargo économique et par des bombardements périodiques.
Oui, c'est une guerre ignoble. Elle ne correspond aux intérêts d'aucun peuple, pas même à ceux du peuple américain. Car ses enfants enrôlés comme soldats ont beau disposer d'une supériorité militaire écrasante, il y en a parmi eux qui ne rentreront jamais de cette sale guerre et d'autres qui reviendront handicapés à vie. Et le peuple américain paiera aussi ce gigantesque gaspillage que représente déjà le déploiement dans cette région de 200.000 et peut-être 300.000 soldats américains. Combien de pays pauvres auraient pu améliorer la vie de leurs populations avec l'argent ainsi gaspillé ? Mais le monde impérialiste est ainsi fait que l'argent accumulé par la classe possédante des pays riches ne sert pas à soulager la misère dans les pays pauvres.
Au contraire, on pille et on appauvrit encore plus les pays déjà pauvres pour accumuler encore plus de richesses, dont une partie -des sommes folles !- aboutit ensuite aux trusts de l'industrie militaire afin qu'ils conçoivent, fabriquent et vendent des armes de plus en plus sophistiquées.
Oui, la guerre sur le point d'éclater est une guerre abjecte, injustifiable où seuls quelques dizaines de grands groupes industriels et financiers trouveront leur compte.
Ce sont eux qui décident derrière l'équipe des va-t-en guerre de Bush. Ce sont eux qui dirigent les Etats-Unis. Les uns veulent la guerre pour assurer leur mainmise sur le pétrole. Les autres veulent vendre des armes, des avions, des chars. Et d'autres encore, ou les mêmes, visent à décrocher les chantiers de reconstruction d'un pays qu'ils auront eux-mêmes détruits. Et tous sont surtout en accord pour conforter leur domination non seulement sur l'Irak mais sur toute cette région stratégique qu'est le Moyen-Orient. C'est une guerre impérialiste, une de ces guerres innombrables à travers lesquelles les groupes capitalistes américains mais aussi français, britanniques, allemands ou japonais, et quelques autres, ont assuré leur mainmise sur la planète.
Alors, je me félicite des manifestations qui ont eu lieu, comme ici, à Marseille. Et, bien sûr, j'appelle à participer à toutes les manifestations qui auront lieu. Et si, par malheur, les troupes d'agression déclenchent leur guerre dans les jours qui viennent, j'appelle tous ceux que cette guerre révolte à exprimer leur opposition de toutes les manières possibles. Cette guerre est celle des trusts. Il faut qu'il soit visible qu'elle ne se mène pas avec notre accord !
Depuis plusieurs semaines, la mobilisation des troupes et des armes autour de l'Irak est accompagnée de grandes manoeuvres diplomatiques. Les Etats-Unis, tout en annonçant qu'ils sont prêts à mener la guerre contre l'Irak tout seuls, ont voulu en prime obtenir la caution des Nations-Unies. Ils se sont en quelque sorte emmêlés les pieds dans leur propre jeu car, apparemment, une bonne majorité des dirigeants politiques des autres pays, représentés dans l'organisation internationale, ne voyaient pas l'intérêt de s'opposer à leurs opinions publiques en donnant leur bénédiction à une guerre où ils n'avaient rien à gagner.
Mais les Etats-Unis n'ont été contrariés que dans leur choix d'obtenir la caution de l'ONU pour une attaque immédiate. Car, pour ce qui est des buts de la guerre, mettre au pas l'Irak, l'ONU, France comprise, a donné par avance son accord. Le déploiement de l'armée américaine tout autour de l'Irak s'est d'ailleurs fait avec l'accord de l'ONU.
C'est dans ce contexte que Chirac a commencé à jouer le jeu diplomatique que vous savez, en s'opposant aux Etats-Unis sur un certain nombre de points, comme le rôle des inspecteurs de l'ONU ou la durée de leur mission. En menant son jeu diplomatique, il a réussi à se forger une popularité ici, en France, mais, il faut le dire, avec l'aide ou la complicité une fois de plus des grands partis de la gauche réformiste, Parti socialiste et Parti communiste, qui se sont rangés comme un seul homme derrière sa personne. Chirac s'est forgé une certaine popularité aussi dans une bonne partie de l'opinion publique mondiale, notamment dans les pays arabes dont l'écrasante majorité de la population est évidemment hostile à l'agression contre l'Irak.
Une popularité que les entreprises françaises exportatrices sauront utiliser pour décrocher un peu plus de contrats dans ces pays.
Mais le jeu diplomatique de Chirac n'en fait un adversaire ni des Etats-Unis, ni de leurs buts de guerre, et encore moins un ami du peuple d'Irak. Il n'a jamais protesté contre les bombardements qui se poursuivent depuis douze ans. Il n'a jamais exigé la suppression de l'embargo, embargo d'autant plus injuste que seuls en souffrent les pauvres, mais pas les riches, pas l'entourage de Saddam Hussein.
Dans son discours télévisé de lundi, Chirac a tenu à souligner que, malgré ses désaccords, il se considère comme l'allié des dirigeants américains. Il ne compte pas gêner les opérations de guerre américaines ne serait-ce qu'en interdisant le survol de l'espace aérien français. Il s'est en revanche félicité du déploiement des troupes américaines autour de l'Irak en affirmant que c'est la pression militaire américaine qui a contraint Saddam Hussein à désarmer.
Alors, tous ceux qui nous présentent Chirac comme un rempart contre la guerre nous mentent. Le déclenchement ou pas de la guerre ne dépend absolument pas de lui, et il le sait. Les dirigeants américains répètent depuis le début que, s'ils préfèrent avoir la caution de l'ONU, ils peuvent tout aussi bien s'en passer, voire même se passer de la complicité de la Grande-Bretagne.
Si Chirac se permet de marquer sa différence, d'affirmer une indépendance par rapport aux Etats-Unis, c'est parce qu'il sait que cette position, tout en lui assurant une certaine popularité, n'empêche en rien les dirigeants américains de mener leur politique de domination sur cette région du monde, y compris par les armes.
La divergence tactique entre Bush et Chirac, c'est que l'un veut la guerre, l'autre pense qu'il est plus habile de désarmer complètement la victime avant et que c'est aussi moins déstabilisateur pour l'ensemble du Moyen-Orient. Mais ils restent fondamentalement complices.
On est pourtant en train de fabriquer pour cet homme, représentant politique du grand patronat et des groupes financiers de ce pays, une auréole d'homme d'Etat de grande envergure et d'homme de paix. Que la droite le fasse, c'est dans la logique des choses. Mais regardez comment les grands partis de la gauche s'abaissent une nouvelle fois. Ils ont déjà intronisé Chirac, en mai de l'année dernière, comme sauveur de la France face à la menace lepéniste. Ils l'intronisent aujourd'hui comme sauveur de la paix. "Que la France soit rassemblée, ça la rend plus forte", vient de se féliciter François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste. Bocquet, du PCF, en rajoute et déclare : "Je suis fier de la France". Il n'a tout de même pas osé crier qu'il est fier de Chirac, mais c'est bien ce que cela veut dire.
Eh bien, pour ce qui nous concerne, nous nous refusons à participer à cette union nationale derrière Chirac. D'autant moins que cette auréole, qu'on est en train de lui tisser, Chirac s'en servira pendant les quatre ans à venir de sa présidence !
Il s'en servira pour mener à l'extérieur du pays une politique impérialiste de même nature que celle menée par Bush, mais au profit des groupes industriels et financiers français. Il s'en servira dans les prés carrés traditionnels de l'impérialisme français en Afrique en particulier, à commencer par la Côte-d'Ivoire. Mais il s'en servira aussi sans doute en Irak. Même s'il choisit de ne pas prendre part à la guerre -et il n'est même pas encore sûr qu'il ne le fasse pas plus tard-, il essaiera d'assurer la présence des groupes capitalistes français pour après. Les Etats-Unis n'ont certainement pas besoin de l'armée française pour mener la guerre. Mais il n'est pas dit que l'occupation durable du pays, à laquelle ils se préparent, ne suscite pas des résistances. Il n'est pas dit alors que l'image d'une France chiraquienne prétendument amie des peuples arabes ne devienne utile aux Etats-Unis. Il n'est pas dit que les USA ne fassent pas appel alors à une certaine participation de la France pour assurer l'ordre dans la région, quitte à laisser une petite place pour TotalFinaElf dans le pétrole ou à Bouygues dans les chantiers de reconstruction.
Et puis, il y a une autre raison, majeure, de refuser l'union nationale autour de Chirac. Chirac se servira du soutien que lui accorde tout l'éventail des partis politiques contre les travailleurs. Il s'en sert déjà.
Car, pendant que Chirac gesticule sur la scène internationale, son gouvernement multiplie les attaques contre le niveau de vie des classes populaires. Pendant que Chirac se pose en homme de paix, son gouvernement mène la guerre contre les travailleurs.
Car c'est bien une véritable guerre sociale que le gouvernement mène, au nom du patronat, au nom des possédants, contre le monde du travail. Toutes les mesures qui ont été prises depuis son arrivée au pouvoir, toutes celles qui sont en préparation, s'organisent autour d'un objectif fondamental : augmenter encore et toujours la part des possédants dans le revenu national en démolissant encore plus la part des classes populaires.
Regardez en ce moment même le débat autour du déficit du budget de l'Etat. Ce déficit est en hausse et, selon les prévisions officielles, il sera de l'ordre de 3,5 % pour l'année en cours. Pourquoi ce déficit ? Serait-ce qu'on a embauché des infirmières en nombre suffisant dans les hôpitaux des enseignants et des surveillants en plus dans les écoles ? Serait-ce que l'Etat améliore les services publics et que cela coûte de l'argent ? On sait bien que non !
Le budget est en déficit parce que des sommes colossales sont déversées sur les entreprises capitalistes en aides, en subventions publiques, en primes à l'installation, en exemptions d'impôts ou de cotisations sociales ! Combien de millions d'argent public auront récupéré, par exemple, ici, à Marseille, les promoteurs de l'opération EuroMéditerranée ? Ce que l'on sait seulement, c'est qu'ils ont été arrosés par la municipalité, le Conseil général, le Conseil régional, l'Etat et l'Europe. On voit ce que gagnent, dans cette opération, ses promoteurs et les mastodontes du bâtiment comme Bouygues. Mais qu'est-ce qu'elles y gagnent, les familles modestes contraintes de partir car elles ne peuvent pas payer les loyers en hausse ?
Alors oui, le budget se dégrade parce que, pour mieux aider le patronat, l'Etat s'endette et doit de plus en plus d'argent aux banques et qu'il enrichit les banquiers en leur payant des intérêts faramineux.
Voilà les véritables raisons du déficit. Et que proposent Chirac et Raffarin pour le réduire ? Fermer le robinet pour diminuer un peu le flot d'argent qui se déverse sur le patronat et sur les riches ? Que non !
C'est aux travailleurs du service public que le gouvernement s'attaque. Delevoye, ministre de la Fonction publique, relayé par Chirac, vient d'annoncer le gel de toute revalorisation des salaires dans le secteur public. Le gouvernement veut imposer aux travailleurs du service public des sacrifices sur leurs conditions de travail, sur la sécurité de l'emploi, sur les horaires, sans même parler de l'attaque annoncée de longue date contre leurs retraites. Et il ose appeler cela la "modernisation de la Fonction publique" !
L'Etat-patron se comporte déjà comme les patrons du privé en supprimant des emplois à La Poste, à France Télécom, à la Banque de France, à la SNCF. Sans même parler des emplois jeunes qui, au lieu d'être titularisés, seront mis dehors à la fin de leurs contrats. Sans même parler aussi de tous les vacataires, auxiliaires et autres précaires que l'Etat-patron emploie de plus en plus, qui ne bénéficient d'aucune protection et qui peuvent être mis à la porte du jour au lendemain.
La déclaration de Delevoye annonce d'autres suppressions d'emplois. Comme en annonce également la décision de Raffarin de transférer une partie des travailleurs du service public vers les collectivités locales. Ces suppressions d'emplois sont inadmissibles dans une période de chômage croissant.
Mais cela signifie aussi une aggravation de la situation dans nombre de services publics qui manquent déjà de personnel et sont de moins en moins capables de faire face convenablement à leurs tâches. Dans les hôpitaux, les infirmières travaillent déjà à la limite de leurs possibilités. Nombre d'écoles des quartiers populaires sont surchargées faute d'enseignants et on y supprime des postes de surveillants. Et ce n'est pas à vous que j'apprendrai ici, à Marseille, la grande misère des transports en commun urbains ou les insuffisances catastrophiques dans les hôpitaux.
Il faut avoir le cynisme des représentants politiques des classes riches qui ont à leur disposition des cliniques privées, des écoles payantes, pour considérer qu'il y a trop de personnel dans les hôpitaux ou à l'Education nationale et que c'est là-dessus qu'il faut faire des économies. Mais c'est la même chose à La Poste. C'est la même chose à l'Equipement qui, faute d'effectif en nombre suffisant, est incapable de faire face au moindre imprévu, comme on l'a vu cet hiver encore.
Ce n'est pas sur les services publics qu'il faudrait faire des économies, ni en personnel ni en matériel. Car l'argent versé aux services publics sert à tout le monde, tandis que l'argent versé au patronat ne sert à rien, si ce n'est à accroître les profits des actionnaires.
Cet argent représente au bas mot 200 milliards de francs. 200 milliards, c'est 10 % du budget. En supprimant ne serait-ce que la moitié de ces aides, il n'y aurait plus de déficit. Mais il n'est pas question de cela !
Pas plus qu'il n'est question d'augmenter l'impôt sur les bénéfices des entreprises capitalistes. Cet impôt dit "impôt sur les sociétés" représentait, jusqu'en 1984, 50 % des bénéfices déclarés. Il n'est plus que de 33 % aujourd'hui. Mais il n'a pas été question un seul instant de ramener cet impôt à son ancien taux pour diminuer le déficit. Pourtant, les actionnaires n'en seraient pas morts puisqu'ils se sont très bien accommodés d'un impôt sur les sociétés de 50 %, tel que cela se pratiquait sous De Gaulle, sous Pompidou ou sous Giscard, dont aucun ne passe pour un ennemi du patronat.
Pour ne pas toucher aux intérêts des entreprises capitalistes et aux profits de leurs actionnaires, c'est aux classes populaires qu'on veut faire payer le déficit du budget.
Autre mesure symbolique de la politique du gouvernement est d'avoir décidé, pour ainsi dire simultanément d'alléger d'un côté l'impôt sur la fortune et de réduire de l'autre le montant de l'aide versée aux personnes âgées dépendantes. Cette attaque contre l'allocation aux personnes âgées dépendantes est une décision ignominieuse. C'est un véritable drame pour des centaines de milliers de familles aux revenus modestes qui ont à leur charge une mère ou un père très âgé.
Les deux mesures portent sur des montants à peu près équivalents. Ce qui signifie en clair que le gouvernement a décidé de prendre dans la poche des personnes âgées les 500 millions d'euros de cadeaux qu'il consent aux plus riches.
Et tout est à l'avenant.
Oui, ce gouvernement est un gouvernement de classe, le conseil d'administration de la grande bourgeoisie !
Chirac et Raffarin se préparent aussi à parachever l'attaque contre les retraites, engagée par le gouvernement Balladur il y a dix ans lorsqu'il avait décidé d'allonger, pour le secteur privé, la durée de cotisation et avait fixé comme base de calcul du montant de la retraite les 25 meilleures années, au lieu des 10 meilleures.
Juppé avait tenté, en 1995, de finir ce que Balladur avait commencé, en imposant au secteur public le recul déjà imposé au secteur privé. Mais il en avait été empêché de la seule façon dont on peut empêcher ces gens de nuire : par la grève générale des cheminots et des travailleurs du secteur public !
Jospin n'a pas osé reprendre les attaques là où Juppé avait échoué. Mais je rappelle qu'il n'est pas non plus revenu sur les mesures Balladur. Et puis, c'est sous Jospin que s'est développée une campagne de mensonges et d'intoxication sur les retraites pour préparer l'opinion aux attaques ultérieures et qui se poursuit aujourd'hui.
Cette campagne de mensonges vise, en premier lieu, les travailleurs des services publics. Elle consiste à présenter comme une injustice que la durée de cotisation ne soit pas la même dans le public que dans le privé. Une campagne de mensonges qui occulte le fait qu'il y a une façon très simple de mettre immédiatement fin à l'injustice : en rétablissant pour les travailleurs du privé le droit de partir au bout de 37 ans et demi de cotisation, avec une pension complète !
Le deuxième axe de cette campagne de mensonges consiste à prétendre que le système de retraite va dans le mur si on ne le réforme pas. Ce qu'ils appellent "réforme" consistera à faire cotiser plus, dans le privé comme dans le public, plus longtemps et pour une pension de plus en plus maigre.
Les gouvernements passent, mais ils se relayent dans la préparation de l'opinion publique pour l'habituer à l'idée que les mesures anti-ouvrières qui seront prises sont inévitables.
Fillon, ministre du travail, a déclaré, il y a peu, avec suffisance, que ce que Juppé n'avait pas réussi en 1995 sera réussi cette fois car, dit-il, "l'opinion publique est préparée".
Eh bien, j'espère que la prévision de tous ces gens-là sera démentie par les travailleurs ! J'espère, je souhaite que leurs mauvais coups se heurtent à la même réaction que Juppé, mais en plus ample, en plus large, unissant cette fois les travailleurs du privé aux travailleurs du public.
Comment oser prétendre que la société est incapable d'assurer une existence convenable à ses anciens alors que la productivité a augmenté ?
Les débats techniques qu'on nous sert et auxquels le gouvernement commence à associer les confédérations syndicales ne servent pas à éclairer la discussion, mais à l'obscurcir.
Au cours du demi-siècle passé, la productivité a augmenté grâce à des progrès techniques mais aussi et surtout grâce à l'exploitation des travailleurs. Tous les travailleurs de l'automobile, par exemple, qui sont à la veille de la retraite, savent que les chaînes tournent plus vite aujourd'hui qu'à l'époque où ils ont commencé leur vie de travailleur et que les cadences sont plus dures. Renault-Flins a produit trois fois plus de voitures par ouvrier en 2002 qu'en 1983, vingt ans avant. Et l'automobile n'est pas une exception.
Alors oui, j'affirme que la société pourrait et devrait assurer à tous les anciens une retraite équivalente à leur salaire de travailleur ! Oui, j'affirme que c'est possible, ou plus exactement, ça le serait si les propriétaires des entreprises, les actionnaires, ne volaient pas l'intégralité de ce qui résulte des progrès de la productivité ! Oui, j'affirme qu'on se prépare à sacrifier les travailleurs retraités uniquement pour assurer les revenus encore plus élevés aux actionnaires !
Alors, il ne faut pas les laisser faire ! J'ignore si les confédérations syndicales prendront des initiatives allant dans le sens d'une riposte du monde du travail contre les attaques sur les retraites. Le simple fait qu'elles acceptent de négocier est un mauvais signe car il n'y a rien à négocier. La seule raison pour laquelle le gouvernement négocie avec les syndicats c'est pour les rendre complices des mesures qui seront prises.
Il semble cependant qu'à part la CFDT, les confédérations syndicales se sont mises d'accord pour une nouvelle manifestation de défense des retraites pour le début du mois d'avril. Il faut que cette manifestation soit la plus massive possible. Il faut montrer, pour commencer, aux confédérations syndicales que les travailleurs n'accepteront pas que leurs retraites soient vendues par ceux précisément qui prétendent les défendre. Et il faut surtout que le gouvernement se rende compte que, quelle que soit l'attitude des confédérations syndicales et même si les plus pleutres d'entre elles, les plus portées à se coucher devant le patronat et le gouvernement, sont prêtes à accepter n'importe quoi, les travailleurs ne se laisseront pas faire.
Et puis, il y a un autre offensive contre le monde du travail, plus grave peut-être encore, qui est celle des licenciements collectifs. Je ne vous énumérerai pas ici la liste, sans cesse plus longue, des entreprises qui, un peu partout dans le pays, procèdent à des licenciements collectifs. Dans votre région, la SNCM envisage la suppression de 300 emplois ; Nestlé et Lustucru, à Marseille, 180 ; Gemplus, à Gémenos et à La Ciotat, Orangina, aux Mille, réduisent leurs effectifs. La mine de Gardanne vient de fermer définitivement. Et les dockers, ceux de Marseille comme les autres, ont toutes les raisons de protester contre l'ouverture des services portuaires à la concurrence, ce qui aboutira encore à des licenciements.
Les grandes entreprises qui procèdent à des licenciements collectifs le font, pour la plupart, simplement pour faire des économies sur la masse salariale. C'est un moyen de maintenir la masse des profits dans une conjoncture économique en train de se dégrader.
A côté des plans de licenciements des grandes entreprises, un nombre croissant d'entreprises moyennes ou petites, sous-traitants, fournisseurs, ferment et licencient aussi. Des milliers de travailleurs supplémentaires sont poussés vers le chômage. Le nombre officiel de chômeurs s'achemine, de nouveau, vers les 2.800.000, soit 10 % des salariés. Ce qui signifie sans doute deux fois plus, en tenant compte de ceux qui n'ont qu'un emploi précaire mal payé.
Ceux qui nous gouvernent sont, au meilleur des cas, totalement impuissants devant ces licenciements. Ils sont en réalité complices. Les représentants du gouvernement osent parler de reclassements. Mais tous les travailleurs qui ont vécu des plans de licenciements, et il y en a de plus en plus, savent qu'il s'agit de mensonges grossiers. Les promesses de reclassements ne visent qu'un effet d'annonce. Elles ne visent qu'à désarmer la colère. 50 % des travailleuses de Moulinex licenciées en septembre 2001 n'ont toujours pas retrouvé le moindre travail. Et même les autres n'ont retrouvé, pour la plupart, qu'un travail précaire. Et c'est la même chose pour Cellatex ou Bata. C'est la même chose encore, et parfois en pire, pour tous ceux qui ont été licenciés discrètement, sans même que les médias en parlent.
Comment croire la promesse qu'Air France embauchera une partie des licenciés d'Air Lib, alors que l'entreprise nationale est en train d'être privatisée, ce que ses travailleurs refusent à juste titre, entre autres parce qu'ils redoutent des suppressions d'emplois ? Comment croire Renault lorsque son PDG fait mine de vouloir embaucher les licenciés de Matra de Romorantin ? Les embaucher d'ailleurs où ? A Flins ? A Douai ? Ou dans une nouvelle usine que Renault compte monter en Russie ?
Mieux : à ceux de Métaleurop, on fait miroiter la possibilité d'être embauchés dans une prison dont la construction est envisagée, pas loin de l'usine qui va fermer ses portes. Outre le fait que la prison n'est même pas encore construite, comment donc proposer à un métallo de 50 ans de se transformer en gardien de prison ? C'est vraiment qu'ils racontent n'importe quoi, bien qu'ils sachent que plus personne ne croit les promesses mensongères !
Est-ce que cela signifie qu'il n'y a rien à faire, qu'il n'y a qu'à courber la tête et accepter le malheur qui tombe ? Certainement pas ! Mais il faut savoir que nous n'aurons rien ni du patronat ni du gouvernement, rien d'autre que ce que nous serons capables de leur imposer.
Mettre fin aux licenciements collectifs, c'est une nécessité vitale et c'est possible, mais c'est une question de rapport de force. Il faut une riposte du monde du travail suffisamment générale, massive et déterminée pour que le grand patronat soit contraint de consacrer une partie de ses profits présents et passés à maintenir les emplois et les salaires.
L'argent existe pour assurer un salaire à tous ceux qui sont menacés de licenciement. Il faut seulement qu'il soit utilisé, non pas dans l'intérêt exclusif de la finance, mais dans l'intérêt de la collectivité.
Les confédérations syndicales annoncent pour le 21 mars 2003 une journée d'action européenne sur l'emploi, avec des manifestations décentralisées. Un certain nombre d'organisations syndicales, notamment d'entreprises où un plan de licenciements est en cours, appellent à la manifestation qui est prévue à Paris à la même date, avec comme objectif de protester contre les suppressions d'emplois et la précarité. Une seule manifestation ne suffira certainement pas à faire reculer le patronat sur les licenciements collectifs. Mais c'est une occasion pour les travailleurs d'exprimer leur refus des licenciements et du chômage. C'est une occasion de dire que les travailleurs n'acceptent pas d'être sacrifiés par dizaines de milliers sur l'autel du profit. C'est une occasion d'affirmer qu'un des objectifs essentiels des luttes ouvrières à venir doit être l'interdiction des licenciements et de la précarité.
Licenciements collectifs, accroissement du chômage, voilà comment le patronat fabrique les pauvres. Incapable de l'en empêcher, incapable donc de combattre la pauvreté, le gouvernement choisit de mener la guerre aux pauvres !
De plus en plus de femmes et d'hommes sont contraints de mendier pour survivre, mais on interdit la mendicité. De plus en plus nombreux sont ceux qui sont privés de logement, mais on pourchasse ceux qui dorment dans les lieux publics.
Sarkozy, reprenant la politique de Chevènement et de Vaillant, refuse de régulariser les travailleurs immigrés sans-papiers, même ceux qui vivent et travaillent dans ce pays depuis plusieurs années. Mais il consacre des moyens supplémentaires pour les transformer en gibier pour la police.
Sarkozy tente de se forger un capital politique auprès de l'électorat de droite et d'extrême droite en affrétant des charters pour que les expulsions soient spectaculaires, en vidant de force des immeubles squattés par des sans-logis, en dispersant des familles de Roms et leurs campements de fortune. C'est ignoble et c'est inhumain dans un pays qui se prétend civilisé ! Et ils osent affirmer que c'est pour la sécurité des citoyens !
Mais la première source d'insécurité sociale, c'est le chômage ! Ceux qui menacent la sécurité, ce ne sont certainement pas les travailleurs immigrés sans-papiers, exploités par des patrons qui profitent de leur situation, dépouillés par des marchands de sommeil. Les véritables responsables de la véritable insécurité, c'est Matra, Péchiney, Daewoo, Thalès, Métaleurop, Air Lib et tous les autres...
Pour mener la chasse aux pauvres, les ministres du gouvernement Chirac-Raffarin-Sarkozy reprennent le langage de Le Pen, et pas seulement la démagogie sécuritaire. Se plaignant que la couverture maladie universelle soit accordée trop facilement, sans contrôle, y compris à des immigrés qui résident depuis moins de trois mois en France et qui n'y ont pas droit, Alain Lambert, ministre délégué au budget de son état, s'est permis de dire qu'il craignait -et je le cite- "que certains de nos compatriotes n'en viennent à se faire passer pour étrangers en situation irrégulière pour être accueillis à l'hôpital dans les meilleures conditions et n'avoir à accomplir aucune formalité pour pouvoir être soignés". Ce langage ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Et dire que toute la caste politique, de la droite à la gauche, voire jusqu'aux moins conscients dans l'extrême gauche, a été unanime pour présenter, l'an dernier, Chirac comme un rempart contre Le Pen !
Mais si Le Pen n'est pas au pouvoir, sa politique et son langage y sont, la pourriture que cela représente aussi.
Alors bien sûr, nous avons à être solidaires de tous ceux qui subissent de plein fouet les coups de ce gouvernement. Nous avons à soutenir les sans-papiers et à revendiquer avec eux la régularisation de tous les sans-papiers. Et j'ajoute, parce que cela fait aussi partie de nos combats, nous avons à revendiquer pour tous ceux qui vivent et travaillent en France l'intégralité des droits politiques, jusques y compris le droit de vote dans toutes les élections. Nous devons également être du côté de toutes les catégories de pauvres lorsqu'ils se battent, ici contre une expulsion, là contre la chasse qui est menée contre eux.
Mais si des succès partiels peuvent être remportés dans ces combats, leur issue dépend du rapport de force général entre la classe des travailleurs et la classe patronale.
Il dépend de la combativité de la grande masse de la classe ouvrière, de toutes celles et de tous ceux qui font marcher l'économie, de toutes celles et de tous ceux qui peuvent peser sur la politique du patronat et du gouvernement.
Nous ne savons pas, et personne ne sait, quelle provocation patronale ou quelle mesure du gouvernement déclenchera la riposte du monde du travail. Mais, si cette riposte s'engage, si le rapport de force est en train de changer, les travailleurs poseront d'autres revendications que celles concernant les retraites ou les suppressions d'emplois. Ils poseront aussi les revendications salariales. Car la dégradation du pouvoir d'achat concerne tous les travailleurs. Pas seulement en raison de la généralisation du travail précaire. Pas seulement parce que les salaires stagnent ou en tout cas leur pouvoir d'achat, même pour ceux qui ont un emploi stable. Mais il y a aussi tous les prélèvements : il suffit de comparer sa feuille de paie avec celle d'il y a dix ans ou d'il y a vingt ans pour voir à quel point ont augmenté la CSG, les cotisations retraite, les cotisations maladie, alors pourtant que les remboursements ont diminué. Et comment ne pas parler aussi de cette catégorie de travailleurs que sont les retraités, à qui on a imposé des cotisations qu'ils ne payaient pas auparavant, comme on en a imposé même aux chômeurs ?
Eh bien, tout cela fait partie du niveau de vie, et ces prélèvements, décidés par les gouvernements, s'ajoutent à la tendance permanente des patrons de freiner les salaires.
Alors, pour compenser tout cela, pour rattraper le pouvoir d'achat perdu, il faut une augmentation générale de tous les salaires, de toutes les pensions, et j'ajoute, de toutes les allocations.
L'essentiel de l'activité de notre tendance doit être au sein de notre classe pour redonner aux travailleurs confiance dans leur force collective.
Nous avons à propager l'idée que contre la guerre sociale que mènent le patronat et le gouvernement contre le monde du travail, les travailleurs sont dans leur bon droit lorsqu'ils se défendent.
Alors oui, tous les travailleurs doivent se sentir attaqués parce que nous sommes tous attaqués, et si ce n'est aujourd'hui, ce sera demain. Et notre seule chance d'inverser le rapport de force, c'est la riposte générale de tous les travailleurs !
Et c'est de cette riposte que dépend tout le reste, l'avenir de nos retraites comme le montant de nos salaires. C'est de cela que dépendent aussi nos emplois. Car sans un mouvement général du monde du travail, les financiers qui nous gouvernent continueront, et je reprends l'expression d'un travailleur de Métaleurop, "à nous faire travailler comme des bagnards tant que cela leur rapporte pour être ensuite dépouillés de tout, même de notre travail".
Séparément, entreprise par entreprise ou catégorie par catégorie, nous ne pourrons mener que des batailles défensives, ô combien légitimes, mais difficiles à mener. Mais, ensemble, nous pouvons faire en sorte d'obliger le patronat, les actionnaires, à sacrifier une partie de leurs profits et de leurs dividendes afin d'assurer un salaire et un travail à tous.
Lutte ouvrière a aussi un autre objectif, plus général, qui constitue même sa raison d'être. Il est de maintenir dans le monde du travail les idées et le programme de l'émancipation sociale. Ces idées, ce programme, le socialisme et le communisme, les grands partis qui se disent socialiste ou communiste les ont abandonnés. Ils n'ont aujourd'hui d'autre perspective politique que de participer au gouvernement. Mais la seule politique qu'il est possible de mener au gouvernement de la bourgeoisie, c'est de défendre les intérêts du grand patronat.
Et en parlant du Parti communiste, je ne parle pas des militants du rang qui, eux, n'avaient rien à gagner à la dernière en date de leurs participations ministérielles sous Jospin, si ce n'est la triste tâche de justifier des mesures anti-ouvrières du gouvernement. Malgré sa déconfiture due à la politique de sa direction, le Parti communiste compte encore nombre de militants qui sont sincèrement dans le camp des ouvriers, dans le camp des pauvres, et avec lesquels on se retrouve déjà dans des luttes et dans des manifestations. On se retrouvera côte à côte, j'en suis sûre, lorsque notre classe se sentira assez forte, assez confiante en elle-même pour réagir à l'offensive patronale.
Mais la direction du PC, même si elle radicalise un peu son langage maintenant qu'elle est dans l'opposition, n'a toujours pas d'autre perspective politique que l'entente avec le PS, pour retourner, un jour, au gouvernement. Elle est irrémédiablement perdue pour le monde du travail car on ne peut pas servir tout à la fois les intérêts des travailleurs et les intérêts des possédants.
Alors oui, nous avons à maintenir le flambeau du communisme.
Il est patent que cette organisation sociale mène l'humanité au désastre. Et les guerres, comme celle qui se prépare en Irak, n'en sont qu'un des aspects.
Il y a aussi la guerre sociale, permanente, menée à l'échelle de la planète pour assurer aux groupes capitalistes leur domination sur le monde, une guerre dont les victimes ne meurent pas de balles mais de faim, de misère, de maladies qu'on peut pourtant guérir. Car, pour assurer à quelques groupes financiers des profits en croissance, on installe avec le chômage, la misère, au coeur des pays riches eux-mêmes. Quant à la majorité pauvre des pays, elle est condamnée à une misère sans espoir.
Je ne peux que dire et répéter que les capacités productives de l'humanité, son génie inventif, pourraient dès à présent d'assurer à l'ensemble des habitants de cette planète de quoi vivre convenablement, de quoi se nourrir, de quoi se vêtir, de quoi se loger, de quoi se soigner et de quoi s'éduquer. Or, plus les capacités productives augmentent, moins la société est capable de résoudre ces tâches élémentaires de toute la société humaine.
Et puis, regardez comment, sur ce fond d'incapacité à satisfaire les besoins matériels, l'humanité retourne en arrière dans bien des domaines, comment la société se décompose. Et je ne parle même pas des conflits stériles, opposant nations et ethnies les unes aux autres, conflits auxquels les techniques modernes donnent une capacité de nuire décuplée.
Je ne parle même pas du retour à l'obscurantisme, et pas seulement dans les pays pauvres, car bien des divagations religieuses d'un George Bush ne dépareraient pas dans la bouche d'un fondamentaliste.
Je parle seulement de ce qui nous entoure, dans la vie de tous les jours. Par exemple du sort des femmes, de ce que révèle la marche des filles de banlieue. Et je reprends à mon compte cette expression de la soeur de Sohane, cette gamine de banlieue brûlée vive, pour rien, qui a déclaré à la réception où Raffarin l'avait conviée lors de la journée des femmes : "Il y a ici deux sortes de femmes : celles qui se battent pour la parité et celles qui se battent pour survivre". Mais dans quelle société vivons-nous pour que, dans certaines banlieues transformées en ghettos pour pauvres, des femmes en soient à avoir à se battre simplement pour survivre ?
Eh bien oui, tout se tient ! L'exploitation de la société divisée en classes engendre inévitablement les guerres, comme elle engendre inévitablement la misère, la décomposition sociale et le retour à la barbarie.
Voilà pourquoi, même si la bourgeoisie, les historiens et certains journalistes ne cessent d'enterrer le communisme, nous avons à dire et à répéter que cette société injuste, inégalitaire, ne peut pas durer, ne doit pas durer.
Et nous devons dire et répéter que tous les combats partiels et légitimes contre telle ou telle oppression, contre telle ou telle conséquence de l'exploitation, ne trouveront véritablement leur sens que si émerge de nouveau dans ce pays un parti représentant les intérêts politiques à court et à long terme de la classe ouvrière, un véritable parti communiste.
Nous sommes peut-être peu nombreux à l'heure actuelle à défendre cette idée au sein de la classe ouvrière. Mais, pour paraphraser un grand militant qui nous a précédé et qui savait de quoi il parlait : "De l'étincelle, peut jaillir la flamme".
Alors, camarades et amis, bon courage dans les combats quotidiens et bon courage surtout pour défendre le programme de l'émancipation du monde du travail !
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 17 mars 2003)
Je tiens, pour commencer, à exprimer toute mon indignation devant la guerre contre l'Irak que l'armée du pays le plus puissant, le plus riche du monde, se prépare à déclencher dans les jours et, peut-être, dans les heures qui viennent.
Depuis plusieurs mois, les dirigeants américains se livrent à une comédie tragique. Au début, ils ont affirmé que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive et il fallait qu'il les détruise. Cette exigence, votée à l'unanimité à l'ONU, était déjà d'un cynisme sans nom car elle venait de ces grandes puissances, dont les seules armes nucléaires ont de quoi détruire plusieurs fois la planète : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne mais aussi la France !
Mais les inspecteurs commandités par l'ONU n'ont pas trouvé d'armes de destruction massive. Alors, les dirigeants américains ont sommé ce pays de détruire les armes que les inspecteurs ont trouvées. L'Irak a eu beau répondre à toutes les injonctions successives, les dirigeants américains nient les faits et font monter les enchères. Ils en sont aujourd'hui à exiger le départ de Saddam Hussein et affirment que, même si ce dernier ouvre toutes ses portes aux inspecteurs, ils feront la guerre.
Saddam Hussein est un dictateur et ce n'est certainement pas lui et son régime qui sont à plaindre. Mais c'est le peuple d'Irak qui va être noyé sous les bombes, un peuple déjà décimé par les conséquences de douze ans d'embargo économique et par des bombardements périodiques.
Oui, c'est une guerre ignoble. Elle ne correspond aux intérêts d'aucun peuple, pas même à ceux du peuple américain. Car ses enfants enrôlés comme soldats ont beau disposer d'une supériorité militaire écrasante, il y en a parmi eux qui ne rentreront jamais de cette sale guerre et d'autres qui reviendront handicapés à vie. Et le peuple américain paiera aussi ce gigantesque gaspillage que représente déjà le déploiement dans cette région de 200.000 et peut-être 300.000 soldats américains. Combien de pays pauvres auraient pu améliorer la vie de leurs populations avec l'argent ainsi gaspillé ? Mais le monde impérialiste est ainsi fait que l'argent accumulé par la classe possédante des pays riches ne sert pas à soulager la misère dans les pays pauvres.
Au contraire, on pille et on appauvrit encore plus les pays déjà pauvres pour accumuler encore plus de richesses, dont une partie -des sommes folles !- aboutit ensuite aux trusts de l'industrie militaire afin qu'ils conçoivent, fabriquent et vendent des armes de plus en plus sophistiquées.
Oui, la guerre sur le point d'éclater est une guerre abjecte, injustifiable où seuls quelques dizaines de grands groupes industriels et financiers trouveront leur compte.
Ce sont eux qui décident derrière l'équipe des va-t-en guerre de Bush. Ce sont eux qui dirigent les Etats-Unis. Les uns veulent la guerre pour assurer leur mainmise sur le pétrole. Les autres veulent vendre des armes, des avions, des chars. Et d'autres encore, ou les mêmes, visent à décrocher les chantiers de reconstruction d'un pays qu'ils auront eux-mêmes détruits. Et tous sont surtout en accord pour conforter leur domination non seulement sur l'Irak mais sur toute cette région stratégique qu'est le Moyen-Orient. C'est une guerre impérialiste, une de ces guerres innombrables à travers lesquelles les groupes capitalistes américains mais aussi français, britanniques, allemands ou japonais, et quelques autres, ont assuré leur mainmise sur la planète.
Alors, je me félicite des manifestations qui ont eu lieu, comme ici, à Marseille. Et, bien sûr, j'appelle à participer à toutes les manifestations qui auront lieu. Et si, par malheur, les troupes d'agression déclenchent leur guerre dans les jours qui viennent, j'appelle tous ceux que cette guerre révolte à exprimer leur opposition de toutes les manières possibles. Cette guerre est celle des trusts. Il faut qu'il soit visible qu'elle ne se mène pas avec notre accord !
Depuis plusieurs semaines, la mobilisation des troupes et des armes autour de l'Irak est accompagnée de grandes manoeuvres diplomatiques. Les Etats-Unis, tout en annonçant qu'ils sont prêts à mener la guerre contre l'Irak tout seuls, ont voulu en prime obtenir la caution des Nations-Unies. Ils se sont en quelque sorte emmêlés les pieds dans leur propre jeu car, apparemment, une bonne majorité des dirigeants politiques des autres pays, représentés dans l'organisation internationale, ne voyaient pas l'intérêt de s'opposer à leurs opinions publiques en donnant leur bénédiction à une guerre où ils n'avaient rien à gagner.
Mais les Etats-Unis n'ont été contrariés que dans leur choix d'obtenir la caution de l'ONU pour une attaque immédiate. Car, pour ce qui est des buts de la guerre, mettre au pas l'Irak, l'ONU, France comprise, a donné par avance son accord. Le déploiement de l'armée américaine tout autour de l'Irak s'est d'ailleurs fait avec l'accord de l'ONU.
C'est dans ce contexte que Chirac a commencé à jouer le jeu diplomatique que vous savez, en s'opposant aux Etats-Unis sur un certain nombre de points, comme le rôle des inspecteurs de l'ONU ou la durée de leur mission. En menant son jeu diplomatique, il a réussi à se forger une popularité ici, en France, mais, il faut le dire, avec l'aide ou la complicité une fois de plus des grands partis de la gauche réformiste, Parti socialiste et Parti communiste, qui se sont rangés comme un seul homme derrière sa personne. Chirac s'est forgé une certaine popularité aussi dans une bonne partie de l'opinion publique mondiale, notamment dans les pays arabes dont l'écrasante majorité de la population est évidemment hostile à l'agression contre l'Irak.
Une popularité que les entreprises françaises exportatrices sauront utiliser pour décrocher un peu plus de contrats dans ces pays.
Mais le jeu diplomatique de Chirac n'en fait un adversaire ni des Etats-Unis, ni de leurs buts de guerre, et encore moins un ami du peuple d'Irak. Il n'a jamais protesté contre les bombardements qui se poursuivent depuis douze ans. Il n'a jamais exigé la suppression de l'embargo, embargo d'autant plus injuste que seuls en souffrent les pauvres, mais pas les riches, pas l'entourage de Saddam Hussein.
Dans son discours télévisé de lundi, Chirac a tenu à souligner que, malgré ses désaccords, il se considère comme l'allié des dirigeants américains. Il ne compte pas gêner les opérations de guerre américaines ne serait-ce qu'en interdisant le survol de l'espace aérien français. Il s'est en revanche félicité du déploiement des troupes américaines autour de l'Irak en affirmant que c'est la pression militaire américaine qui a contraint Saddam Hussein à désarmer.
Alors, tous ceux qui nous présentent Chirac comme un rempart contre la guerre nous mentent. Le déclenchement ou pas de la guerre ne dépend absolument pas de lui, et il le sait. Les dirigeants américains répètent depuis le début que, s'ils préfèrent avoir la caution de l'ONU, ils peuvent tout aussi bien s'en passer, voire même se passer de la complicité de la Grande-Bretagne.
Si Chirac se permet de marquer sa différence, d'affirmer une indépendance par rapport aux Etats-Unis, c'est parce qu'il sait que cette position, tout en lui assurant une certaine popularité, n'empêche en rien les dirigeants américains de mener leur politique de domination sur cette région du monde, y compris par les armes.
La divergence tactique entre Bush et Chirac, c'est que l'un veut la guerre, l'autre pense qu'il est plus habile de désarmer complètement la victime avant et que c'est aussi moins déstabilisateur pour l'ensemble du Moyen-Orient. Mais ils restent fondamentalement complices.
On est pourtant en train de fabriquer pour cet homme, représentant politique du grand patronat et des groupes financiers de ce pays, une auréole d'homme d'Etat de grande envergure et d'homme de paix. Que la droite le fasse, c'est dans la logique des choses. Mais regardez comment les grands partis de la gauche s'abaissent une nouvelle fois. Ils ont déjà intronisé Chirac, en mai de l'année dernière, comme sauveur de la France face à la menace lepéniste. Ils l'intronisent aujourd'hui comme sauveur de la paix. "Que la France soit rassemblée, ça la rend plus forte", vient de se féliciter François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste. Bocquet, du PCF, en rajoute et déclare : "Je suis fier de la France". Il n'a tout de même pas osé crier qu'il est fier de Chirac, mais c'est bien ce que cela veut dire.
Eh bien, pour ce qui nous concerne, nous nous refusons à participer à cette union nationale derrière Chirac. D'autant moins que cette auréole, qu'on est en train de lui tisser, Chirac s'en servira pendant les quatre ans à venir de sa présidence !
Il s'en servira pour mener à l'extérieur du pays une politique impérialiste de même nature que celle menée par Bush, mais au profit des groupes industriels et financiers français. Il s'en servira dans les prés carrés traditionnels de l'impérialisme français en Afrique en particulier, à commencer par la Côte-d'Ivoire. Mais il s'en servira aussi sans doute en Irak. Même s'il choisit de ne pas prendre part à la guerre -et il n'est même pas encore sûr qu'il ne le fasse pas plus tard-, il essaiera d'assurer la présence des groupes capitalistes français pour après. Les Etats-Unis n'ont certainement pas besoin de l'armée française pour mener la guerre. Mais il n'est pas dit que l'occupation durable du pays, à laquelle ils se préparent, ne suscite pas des résistances. Il n'est pas dit alors que l'image d'une France chiraquienne prétendument amie des peuples arabes ne devienne utile aux Etats-Unis. Il n'est pas dit que les USA ne fassent pas appel alors à une certaine participation de la France pour assurer l'ordre dans la région, quitte à laisser une petite place pour TotalFinaElf dans le pétrole ou à Bouygues dans les chantiers de reconstruction.
Et puis, il y a une autre raison, majeure, de refuser l'union nationale autour de Chirac. Chirac se servira du soutien que lui accorde tout l'éventail des partis politiques contre les travailleurs. Il s'en sert déjà.
Car, pendant que Chirac gesticule sur la scène internationale, son gouvernement multiplie les attaques contre le niveau de vie des classes populaires. Pendant que Chirac se pose en homme de paix, son gouvernement mène la guerre contre les travailleurs.
Car c'est bien une véritable guerre sociale que le gouvernement mène, au nom du patronat, au nom des possédants, contre le monde du travail. Toutes les mesures qui ont été prises depuis son arrivée au pouvoir, toutes celles qui sont en préparation, s'organisent autour d'un objectif fondamental : augmenter encore et toujours la part des possédants dans le revenu national en démolissant encore plus la part des classes populaires.
Regardez en ce moment même le débat autour du déficit du budget de l'Etat. Ce déficit est en hausse et, selon les prévisions officielles, il sera de l'ordre de 3,5 % pour l'année en cours. Pourquoi ce déficit ? Serait-ce qu'on a embauché des infirmières en nombre suffisant dans les hôpitaux des enseignants et des surveillants en plus dans les écoles ? Serait-ce que l'Etat améliore les services publics et que cela coûte de l'argent ? On sait bien que non !
Le budget est en déficit parce que des sommes colossales sont déversées sur les entreprises capitalistes en aides, en subventions publiques, en primes à l'installation, en exemptions d'impôts ou de cotisations sociales ! Combien de millions d'argent public auront récupéré, par exemple, ici, à Marseille, les promoteurs de l'opération EuroMéditerranée ? Ce que l'on sait seulement, c'est qu'ils ont été arrosés par la municipalité, le Conseil général, le Conseil régional, l'Etat et l'Europe. On voit ce que gagnent, dans cette opération, ses promoteurs et les mastodontes du bâtiment comme Bouygues. Mais qu'est-ce qu'elles y gagnent, les familles modestes contraintes de partir car elles ne peuvent pas payer les loyers en hausse ?
Alors oui, le budget se dégrade parce que, pour mieux aider le patronat, l'Etat s'endette et doit de plus en plus d'argent aux banques et qu'il enrichit les banquiers en leur payant des intérêts faramineux.
Voilà les véritables raisons du déficit. Et que proposent Chirac et Raffarin pour le réduire ? Fermer le robinet pour diminuer un peu le flot d'argent qui se déverse sur le patronat et sur les riches ? Que non !
C'est aux travailleurs du service public que le gouvernement s'attaque. Delevoye, ministre de la Fonction publique, relayé par Chirac, vient d'annoncer le gel de toute revalorisation des salaires dans le secteur public. Le gouvernement veut imposer aux travailleurs du service public des sacrifices sur leurs conditions de travail, sur la sécurité de l'emploi, sur les horaires, sans même parler de l'attaque annoncée de longue date contre leurs retraites. Et il ose appeler cela la "modernisation de la Fonction publique" !
L'Etat-patron se comporte déjà comme les patrons du privé en supprimant des emplois à La Poste, à France Télécom, à la Banque de France, à la SNCF. Sans même parler des emplois jeunes qui, au lieu d'être titularisés, seront mis dehors à la fin de leurs contrats. Sans même parler aussi de tous les vacataires, auxiliaires et autres précaires que l'Etat-patron emploie de plus en plus, qui ne bénéficient d'aucune protection et qui peuvent être mis à la porte du jour au lendemain.
La déclaration de Delevoye annonce d'autres suppressions d'emplois. Comme en annonce également la décision de Raffarin de transférer une partie des travailleurs du service public vers les collectivités locales. Ces suppressions d'emplois sont inadmissibles dans une période de chômage croissant.
Mais cela signifie aussi une aggravation de la situation dans nombre de services publics qui manquent déjà de personnel et sont de moins en moins capables de faire face convenablement à leurs tâches. Dans les hôpitaux, les infirmières travaillent déjà à la limite de leurs possibilités. Nombre d'écoles des quartiers populaires sont surchargées faute d'enseignants et on y supprime des postes de surveillants. Et ce n'est pas à vous que j'apprendrai ici, à Marseille, la grande misère des transports en commun urbains ou les insuffisances catastrophiques dans les hôpitaux.
Il faut avoir le cynisme des représentants politiques des classes riches qui ont à leur disposition des cliniques privées, des écoles payantes, pour considérer qu'il y a trop de personnel dans les hôpitaux ou à l'Education nationale et que c'est là-dessus qu'il faut faire des économies. Mais c'est la même chose à La Poste. C'est la même chose à l'Equipement qui, faute d'effectif en nombre suffisant, est incapable de faire face au moindre imprévu, comme on l'a vu cet hiver encore.
Ce n'est pas sur les services publics qu'il faudrait faire des économies, ni en personnel ni en matériel. Car l'argent versé aux services publics sert à tout le monde, tandis que l'argent versé au patronat ne sert à rien, si ce n'est à accroître les profits des actionnaires.
Cet argent représente au bas mot 200 milliards de francs. 200 milliards, c'est 10 % du budget. En supprimant ne serait-ce que la moitié de ces aides, il n'y aurait plus de déficit. Mais il n'est pas question de cela !
Pas plus qu'il n'est question d'augmenter l'impôt sur les bénéfices des entreprises capitalistes. Cet impôt dit "impôt sur les sociétés" représentait, jusqu'en 1984, 50 % des bénéfices déclarés. Il n'est plus que de 33 % aujourd'hui. Mais il n'a pas été question un seul instant de ramener cet impôt à son ancien taux pour diminuer le déficit. Pourtant, les actionnaires n'en seraient pas morts puisqu'ils se sont très bien accommodés d'un impôt sur les sociétés de 50 %, tel que cela se pratiquait sous De Gaulle, sous Pompidou ou sous Giscard, dont aucun ne passe pour un ennemi du patronat.
Pour ne pas toucher aux intérêts des entreprises capitalistes et aux profits de leurs actionnaires, c'est aux classes populaires qu'on veut faire payer le déficit du budget.
Autre mesure symbolique de la politique du gouvernement est d'avoir décidé, pour ainsi dire simultanément d'alléger d'un côté l'impôt sur la fortune et de réduire de l'autre le montant de l'aide versée aux personnes âgées dépendantes. Cette attaque contre l'allocation aux personnes âgées dépendantes est une décision ignominieuse. C'est un véritable drame pour des centaines de milliers de familles aux revenus modestes qui ont à leur charge une mère ou un père très âgé.
Les deux mesures portent sur des montants à peu près équivalents. Ce qui signifie en clair que le gouvernement a décidé de prendre dans la poche des personnes âgées les 500 millions d'euros de cadeaux qu'il consent aux plus riches.
Et tout est à l'avenant.
Oui, ce gouvernement est un gouvernement de classe, le conseil d'administration de la grande bourgeoisie !
Chirac et Raffarin se préparent aussi à parachever l'attaque contre les retraites, engagée par le gouvernement Balladur il y a dix ans lorsqu'il avait décidé d'allonger, pour le secteur privé, la durée de cotisation et avait fixé comme base de calcul du montant de la retraite les 25 meilleures années, au lieu des 10 meilleures.
Juppé avait tenté, en 1995, de finir ce que Balladur avait commencé, en imposant au secteur public le recul déjà imposé au secteur privé. Mais il en avait été empêché de la seule façon dont on peut empêcher ces gens de nuire : par la grève générale des cheminots et des travailleurs du secteur public !
Jospin n'a pas osé reprendre les attaques là où Juppé avait échoué. Mais je rappelle qu'il n'est pas non plus revenu sur les mesures Balladur. Et puis, c'est sous Jospin que s'est développée une campagne de mensonges et d'intoxication sur les retraites pour préparer l'opinion aux attaques ultérieures et qui se poursuit aujourd'hui.
Cette campagne de mensonges vise, en premier lieu, les travailleurs des services publics. Elle consiste à présenter comme une injustice que la durée de cotisation ne soit pas la même dans le public que dans le privé. Une campagne de mensonges qui occulte le fait qu'il y a une façon très simple de mettre immédiatement fin à l'injustice : en rétablissant pour les travailleurs du privé le droit de partir au bout de 37 ans et demi de cotisation, avec une pension complète !
Le deuxième axe de cette campagne de mensonges consiste à prétendre que le système de retraite va dans le mur si on ne le réforme pas. Ce qu'ils appellent "réforme" consistera à faire cotiser plus, dans le privé comme dans le public, plus longtemps et pour une pension de plus en plus maigre.
Les gouvernements passent, mais ils se relayent dans la préparation de l'opinion publique pour l'habituer à l'idée que les mesures anti-ouvrières qui seront prises sont inévitables.
Fillon, ministre du travail, a déclaré, il y a peu, avec suffisance, que ce que Juppé n'avait pas réussi en 1995 sera réussi cette fois car, dit-il, "l'opinion publique est préparée".
Eh bien, j'espère que la prévision de tous ces gens-là sera démentie par les travailleurs ! J'espère, je souhaite que leurs mauvais coups se heurtent à la même réaction que Juppé, mais en plus ample, en plus large, unissant cette fois les travailleurs du privé aux travailleurs du public.
Comment oser prétendre que la société est incapable d'assurer une existence convenable à ses anciens alors que la productivité a augmenté ?
Les débats techniques qu'on nous sert et auxquels le gouvernement commence à associer les confédérations syndicales ne servent pas à éclairer la discussion, mais à l'obscurcir.
Au cours du demi-siècle passé, la productivité a augmenté grâce à des progrès techniques mais aussi et surtout grâce à l'exploitation des travailleurs. Tous les travailleurs de l'automobile, par exemple, qui sont à la veille de la retraite, savent que les chaînes tournent plus vite aujourd'hui qu'à l'époque où ils ont commencé leur vie de travailleur et que les cadences sont plus dures. Renault-Flins a produit trois fois plus de voitures par ouvrier en 2002 qu'en 1983, vingt ans avant. Et l'automobile n'est pas une exception.
Alors oui, j'affirme que la société pourrait et devrait assurer à tous les anciens une retraite équivalente à leur salaire de travailleur ! Oui, j'affirme que c'est possible, ou plus exactement, ça le serait si les propriétaires des entreprises, les actionnaires, ne volaient pas l'intégralité de ce qui résulte des progrès de la productivité ! Oui, j'affirme qu'on se prépare à sacrifier les travailleurs retraités uniquement pour assurer les revenus encore plus élevés aux actionnaires !
Alors, il ne faut pas les laisser faire ! J'ignore si les confédérations syndicales prendront des initiatives allant dans le sens d'une riposte du monde du travail contre les attaques sur les retraites. Le simple fait qu'elles acceptent de négocier est un mauvais signe car il n'y a rien à négocier. La seule raison pour laquelle le gouvernement négocie avec les syndicats c'est pour les rendre complices des mesures qui seront prises.
Il semble cependant qu'à part la CFDT, les confédérations syndicales se sont mises d'accord pour une nouvelle manifestation de défense des retraites pour le début du mois d'avril. Il faut que cette manifestation soit la plus massive possible. Il faut montrer, pour commencer, aux confédérations syndicales que les travailleurs n'accepteront pas que leurs retraites soient vendues par ceux précisément qui prétendent les défendre. Et il faut surtout que le gouvernement se rende compte que, quelle que soit l'attitude des confédérations syndicales et même si les plus pleutres d'entre elles, les plus portées à se coucher devant le patronat et le gouvernement, sont prêtes à accepter n'importe quoi, les travailleurs ne se laisseront pas faire.
Et puis, il y a un autre offensive contre le monde du travail, plus grave peut-être encore, qui est celle des licenciements collectifs. Je ne vous énumérerai pas ici la liste, sans cesse plus longue, des entreprises qui, un peu partout dans le pays, procèdent à des licenciements collectifs. Dans votre région, la SNCM envisage la suppression de 300 emplois ; Nestlé et Lustucru, à Marseille, 180 ; Gemplus, à Gémenos et à La Ciotat, Orangina, aux Mille, réduisent leurs effectifs. La mine de Gardanne vient de fermer définitivement. Et les dockers, ceux de Marseille comme les autres, ont toutes les raisons de protester contre l'ouverture des services portuaires à la concurrence, ce qui aboutira encore à des licenciements.
Les grandes entreprises qui procèdent à des licenciements collectifs le font, pour la plupart, simplement pour faire des économies sur la masse salariale. C'est un moyen de maintenir la masse des profits dans une conjoncture économique en train de se dégrader.
A côté des plans de licenciements des grandes entreprises, un nombre croissant d'entreprises moyennes ou petites, sous-traitants, fournisseurs, ferment et licencient aussi. Des milliers de travailleurs supplémentaires sont poussés vers le chômage. Le nombre officiel de chômeurs s'achemine, de nouveau, vers les 2.800.000, soit 10 % des salariés. Ce qui signifie sans doute deux fois plus, en tenant compte de ceux qui n'ont qu'un emploi précaire mal payé.
Ceux qui nous gouvernent sont, au meilleur des cas, totalement impuissants devant ces licenciements. Ils sont en réalité complices. Les représentants du gouvernement osent parler de reclassements. Mais tous les travailleurs qui ont vécu des plans de licenciements, et il y en a de plus en plus, savent qu'il s'agit de mensonges grossiers. Les promesses de reclassements ne visent qu'un effet d'annonce. Elles ne visent qu'à désarmer la colère. 50 % des travailleuses de Moulinex licenciées en septembre 2001 n'ont toujours pas retrouvé le moindre travail. Et même les autres n'ont retrouvé, pour la plupart, qu'un travail précaire. Et c'est la même chose pour Cellatex ou Bata. C'est la même chose encore, et parfois en pire, pour tous ceux qui ont été licenciés discrètement, sans même que les médias en parlent.
Comment croire la promesse qu'Air France embauchera une partie des licenciés d'Air Lib, alors que l'entreprise nationale est en train d'être privatisée, ce que ses travailleurs refusent à juste titre, entre autres parce qu'ils redoutent des suppressions d'emplois ? Comment croire Renault lorsque son PDG fait mine de vouloir embaucher les licenciés de Matra de Romorantin ? Les embaucher d'ailleurs où ? A Flins ? A Douai ? Ou dans une nouvelle usine que Renault compte monter en Russie ?
Mieux : à ceux de Métaleurop, on fait miroiter la possibilité d'être embauchés dans une prison dont la construction est envisagée, pas loin de l'usine qui va fermer ses portes. Outre le fait que la prison n'est même pas encore construite, comment donc proposer à un métallo de 50 ans de se transformer en gardien de prison ? C'est vraiment qu'ils racontent n'importe quoi, bien qu'ils sachent que plus personne ne croit les promesses mensongères !
Est-ce que cela signifie qu'il n'y a rien à faire, qu'il n'y a qu'à courber la tête et accepter le malheur qui tombe ? Certainement pas ! Mais il faut savoir que nous n'aurons rien ni du patronat ni du gouvernement, rien d'autre que ce que nous serons capables de leur imposer.
Mettre fin aux licenciements collectifs, c'est une nécessité vitale et c'est possible, mais c'est une question de rapport de force. Il faut une riposte du monde du travail suffisamment générale, massive et déterminée pour que le grand patronat soit contraint de consacrer une partie de ses profits présents et passés à maintenir les emplois et les salaires.
L'argent existe pour assurer un salaire à tous ceux qui sont menacés de licenciement. Il faut seulement qu'il soit utilisé, non pas dans l'intérêt exclusif de la finance, mais dans l'intérêt de la collectivité.
Les confédérations syndicales annoncent pour le 21 mars 2003 une journée d'action européenne sur l'emploi, avec des manifestations décentralisées. Un certain nombre d'organisations syndicales, notamment d'entreprises où un plan de licenciements est en cours, appellent à la manifestation qui est prévue à Paris à la même date, avec comme objectif de protester contre les suppressions d'emplois et la précarité. Une seule manifestation ne suffira certainement pas à faire reculer le patronat sur les licenciements collectifs. Mais c'est une occasion pour les travailleurs d'exprimer leur refus des licenciements et du chômage. C'est une occasion de dire que les travailleurs n'acceptent pas d'être sacrifiés par dizaines de milliers sur l'autel du profit. C'est une occasion d'affirmer qu'un des objectifs essentiels des luttes ouvrières à venir doit être l'interdiction des licenciements et de la précarité.
Licenciements collectifs, accroissement du chômage, voilà comment le patronat fabrique les pauvres. Incapable de l'en empêcher, incapable donc de combattre la pauvreté, le gouvernement choisit de mener la guerre aux pauvres !
De plus en plus de femmes et d'hommes sont contraints de mendier pour survivre, mais on interdit la mendicité. De plus en plus nombreux sont ceux qui sont privés de logement, mais on pourchasse ceux qui dorment dans les lieux publics.
Sarkozy, reprenant la politique de Chevènement et de Vaillant, refuse de régulariser les travailleurs immigrés sans-papiers, même ceux qui vivent et travaillent dans ce pays depuis plusieurs années. Mais il consacre des moyens supplémentaires pour les transformer en gibier pour la police.
Sarkozy tente de se forger un capital politique auprès de l'électorat de droite et d'extrême droite en affrétant des charters pour que les expulsions soient spectaculaires, en vidant de force des immeubles squattés par des sans-logis, en dispersant des familles de Roms et leurs campements de fortune. C'est ignoble et c'est inhumain dans un pays qui se prétend civilisé ! Et ils osent affirmer que c'est pour la sécurité des citoyens !
Mais la première source d'insécurité sociale, c'est le chômage ! Ceux qui menacent la sécurité, ce ne sont certainement pas les travailleurs immigrés sans-papiers, exploités par des patrons qui profitent de leur situation, dépouillés par des marchands de sommeil. Les véritables responsables de la véritable insécurité, c'est Matra, Péchiney, Daewoo, Thalès, Métaleurop, Air Lib et tous les autres...
Pour mener la chasse aux pauvres, les ministres du gouvernement Chirac-Raffarin-Sarkozy reprennent le langage de Le Pen, et pas seulement la démagogie sécuritaire. Se plaignant que la couverture maladie universelle soit accordée trop facilement, sans contrôle, y compris à des immigrés qui résident depuis moins de trois mois en France et qui n'y ont pas droit, Alain Lambert, ministre délégué au budget de son état, s'est permis de dire qu'il craignait -et je le cite- "que certains de nos compatriotes n'en viennent à se faire passer pour étrangers en situation irrégulière pour être accueillis à l'hôpital dans les meilleures conditions et n'avoir à accomplir aucune formalité pour pouvoir être soignés". Ce langage ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? Et dire que toute la caste politique, de la droite à la gauche, voire jusqu'aux moins conscients dans l'extrême gauche, a été unanime pour présenter, l'an dernier, Chirac comme un rempart contre Le Pen !
Mais si Le Pen n'est pas au pouvoir, sa politique et son langage y sont, la pourriture que cela représente aussi.
Alors bien sûr, nous avons à être solidaires de tous ceux qui subissent de plein fouet les coups de ce gouvernement. Nous avons à soutenir les sans-papiers et à revendiquer avec eux la régularisation de tous les sans-papiers. Et j'ajoute, parce que cela fait aussi partie de nos combats, nous avons à revendiquer pour tous ceux qui vivent et travaillent en France l'intégralité des droits politiques, jusques y compris le droit de vote dans toutes les élections. Nous devons également être du côté de toutes les catégories de pauvres lorsqu'ils se battent, ici contre une expulsion, là contre la chasse qui est menée contre eux.
Mais si des succès partiels peuvent être remportés dans ces combats, leur issue dépend du rapport de force général entre la classe des travailleurs et la classe patronale.
Il dépend de la combativité de la grande masse de la classe ouvrière, de toutes celles et de tous ceux qui font marcher l'économie, de toutes celles et de tous ceux qui peuvent peser sur la politique du patronat et du gouvernement.
Nous ne savons pas, et personne ne sait, quelle provocation patronale ou quelle mesure du gouvernement déclenchera la riposte du monde du travail. Mais, si cette riposte s'engage, si le rapport de force est en train de changer, les travailleurs poseront d'autres revendications que celles concernant les retraites ou les suppressions d'emplois. Ils poseront aussi les revendications salariales. Car la dégradation du pouvoir d'achat concerne tous les travailleurs. Pas seulement en raison de la généralisation du travail précaire. Pas seulement parce que les salaires stagnent ou en tout cas leur pouvoir d'achat, même pour ceux qui ont un emploi stable. Mais il y a aussi tous les prélèvements : il suffit de comparer sa feuille de paie avec celle d'il y a dix ans ou d'il y a vingt ans pour voir à quel point ont augmenté la CSG, les cotisations retraite, les cotisations maladie, alors pourtant que les remboursements ont diminué. Et comment ne pas parler aussi de cette catégorie de travailleurs que sont les retraités, à qui on a imposé des cotisations qu'ils ne payaient pas auparavant, comme on en a imposé même aux chômeurs ?
Eh bien, tout cela fait partie du niveau de vie, et ces prélèvements, décidés par les gouvernements, s'ajoutent à la tendance permanente des patrons de freiner les salaires.
Alors, pour compenser tout cela, pour rattraper le pouvoir d'achat perdu, il faut une augmentation générale de tous les salaires, de toutes les pensions, et j'ajoute, de toutes les allocations.
L'essentiel de l'activité de notre tendance doit être au sein de notre classe pour redonner aux travailleurs confiance dans leur force collective.
Nous avons à propager l'idée que contre la guerre sociale que mènent le patronat et le gouvernement contre le monde du travail, les travailleurs sont dans leur bon droit lorsqu'ils se défendent.
Alors oui, tous les travailleurs doivent se sentir attaqués parce que nous sommes tous attaqués, et si ce n'est aujourd'hui, ce sera demain. Et notre seule chance d'inverser le rapport de force, c'est la riposte générale de tous les travailleurs !
Et c'est de cette riposte que dépend tout le reste, l'avenir de nos retraites comme le montant de nos salaires. C'est de cela que dépendent aussi nos emplois. Car sans un mouvement général du monde du travail, les financiers qui nous gouvernent continueront, et je reprends l'expression d'un travailleur de Métaleurop, "à nous faire travailler comme des bagnards tant que cela leur rapporte pour être ensuite dépouillés de tout, même de notre travail".
Séparément, entreprise par entreprise ou catégorie par catégorie, nous ne pourrons mener que des batailles défensives, ô combien légitimes, mais difficiles à mener. Mais, ensemble, nous pouvons faire en sorte d'obliger le patronat, les actionnaires, à sacrifier une partie de leurs profits et de leurs dividendes afin d'assurer un salaire et un travail à tous.
Lutte ouvrière a aussi un autre objectif, plus général, qui constitue même sa raison d'être. Il est de maintenir dans le monde du travail les idées et le programme de l'émancipation sociale. Ces idées, ce programme, le socialisme et le communisme, les grands partis qui se disent socialiste ou communiste les ont abandonnés. Ils n'ont aujourd'hui d'autre perspective politique que de participer au gouvernement. Mais la seule politique qu'il est possible de mener au gouvernement de la bourgeoisie, c'est de défendre les intérêts du grand patronat.
Et en parlant du Parti communiste, je ne parle pas des militants du rang qui, eux, n'avaient rien à gagner à la dernière en date de leurs participations ministérielles sous Jospin, si ce n'est la triste tâche de justifier des mesures anti-ouvrières du gouvernement. Malgré sa déconfiture due à la politique de sa direction, le Parti communiste compte encore nombre de militants qui sont sincèrement dans le camp des ouvriers, dans le camp des pauvres, et avec lesquels on se retrouve déjà dans des luttes et dans des manifestations. On se retrouvera côte à côte, j'en suis sûre, lorsque notre classe se sentira assez forte, assez confiante en elle-même pour réagir à l'offensive patronale.
Mais la direction du PC, même si elle radicalise un peu son langage maintenant qu'elle est dans l'opposition, n'a toujours pas d'autre perspective politique que l'entente avec le PS, pour retourner, un jour, au gouvernement. Elle est irrémédiablement perdue pour le monde du travail car on ne peut pas servir tout à la fois les intérêts des travailleurs et les intérêts des possédants.
Alors oui, nous avons à maintenir le flambeau du communisme.
Il est patent que cette organisation sociale mène l'humanité au désastre. Et les guerres, comme celle qui se prépare en Irak, n'en sont qu'un des aspects.
Il y a aussi la guerre sociale, permanente, menée à l'échelle de la planète pour assurer aux groupes capitalistes leur domination sur le monde, une guerre dont les victimes ne meurent pas de balles mais de faim, de misère, de maladies qu'on peut pourtant guérir. Car, pour assurer à quelques groupes financiers des profits en croissance, on installe avec le chômage, la misère, au coeur des pays riches eux-mêmes. Quant à la majorité pauvre des pays, elle est condamnée à une misère sans espoir.
Je ne peux que dire et répéter que les capacités productives de l'humanité, son génie inventif, pourraient dès à présent d'assurer à l'ensemble des habitants de cette planète de quoi vivre convenablement, de quoi se nourrir, de quoi se vêtir, de quoi se loger, de quoi se soigner et de quoi s'éduquer. Or, plus les capacités productives augmentent, moins la société est capable de résoudre ces tâches élémentaires de toute la société humaine.
Et puis, regardez comment, sur ce fond d'incapacité à satisfaire les besoins matériels, l'humanité retourne en arrière dans bien des domaines, comment la société se décompose. Et je ne parle même pas des conflits stériles, opposant nations et ethnies les unes aux autres, conflits auxquels les techniques modernes donnent une capacité de nuire décuplée.
Je ne parle même pas du retour à l'obscurantisme, et pas seulement dans les pays pauvres, car bien des divagations religieuses d'un George Bush ne dépareraient pas dans la bouche d'un fondamentaliste.
Je parle seulement de ce qui nous entoure, dans la vie de tous les jours. Par exemple du sort des femmes, de ce que révèle la marche des filles de banlieue. Et je reprends à mon compte cette expression de la soeur de Sohane, cette gamine de banlieue brûlée vive, pour rien, qui a déclaré à la réception où Raffarin l'avait conviée lors de la journée des femmes : "Il y a ici deux sortes de femmes : celles qui se battent pour la parité et celles qui se battent pour survivre". Mais dans quelle société vivons-nous pour que, dans certaines banlieues transformées en ghettos pour pauvres, des femmes en soient à avoir à se battre simplement pour survivre ?
Eh bien oui, tout se tient ! L'exploitation de la société divisée en classes engendre inévitablement les guerres, comme elle engendre inévitablement la misère, la décomposition sociale et le retour à la barbarie.
Voilà pourquoi, même si la bourgeoisie, les historiens et certains journalistes ne cessent d'enterrer le communisme, nous avons à dire et à répéter que cette société injuste, inégalitaire, ne peut pas durer, ne doit pas durer.
Et nous devons dire et répéter que tous les combats partiels et légitimes contre telle ou telle oppression, contre telle ou telle conséquence de l'exploitation, ne trouveront véritablement leur sens que si émerge de nouveau dans ce pays un parti représentant les intérêts politiques à court et à long terme de la classe ouvrière, un véritable parti communiste.
Nous sommes peut-être peu nombreux à l'heure actuelle à défendre cette idée au sein de la classe ouvrière. Mais, pour paraphraser un grand militant qui nous a précédé et qui savait de quoi il parlait : "De l'étincelle, peut jaillir la flamme".
Alors, camarades et amis, bon courage dans les combats quotidiens et bon courage surtout pour défendre le programme de l'émancipation du monde du travail !
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 17 mars 2003)