Interview de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, à France Inter le 21 mai 2003, sur la réforme des retraites, notamment les relations avec les partenaires sociaux et l'accord conclu sur les projets du Gouvernement avec la CFDT et la CGC.

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PIERRE LE MARC - François FILLON. Bonsoir. On savait que le passage de la réforme des retraites, du stade des intentions à la réalité concrète et les exigences d'un projet seraient un moment difficile à négocier par le gouvernement. La contestation qu'elle soulève est cependant beaucoup plus dure qu'on ne pouvait le prévoir, et ce malgré le sentiment majoritairement répandu de la nécessité d'agir pour sauver les régimes de retraites déstabilisés par la démographie, malgré les prudences du gouvernement, ses efforts de concertation, de communication. Malgré le ralliement au projet de syndicats importants, la CFDT, la CGC. Un mouvement social de grande ampleur centré sur la Fonction publique, l'Education nationale, les entreprises publiques et qui trouve un écho important dans le secteur privé qui continue de s'opposer au projet et menace de se radicaliser sous la pression d'une base syndicale déterminée. L'opinion reste manifestement, on en pâtit avec ce mouvement et on sent bien que cet affrontement qui s'accompagne d'une déception à l'égard de la politique sociale du gouvernement et d'une inquiétude à l'égard de la situation économique remet objectivement en selle l'opposition. Alors quelle évaluation faites-vous François FILLON, de cette situation ? Quelles en sont les causes ? S'agit-il d'un problème de méthodes, de communication ou cela tient-il à l'équilibre, à la crédibilité de votre projet ? Comment le gouvernement peut-il dépasser cette situation ? Pour vous interroger, ce soir, à mes côtés, Christophe BARBIER de " l'Express " et Brigitte JEANPERRIN de France Inter. Après le travail de communication et de concertation mené par le gouvernement depuis le début de l'année, est-ce que l'ampleur et la détermination du mouvement qui s'est levé contre le projet vous surprend, François FILLON, et est-ce que la radicalité qu'il exprime désormais vous inquiète ?
FRANÇOIS FILLON - Je n'ai pas du tout la même analyse que vous, PIERRE LE MARC. Je pense que cette réforme est une réforme difficile, d'ailleurs, c'est parce qu'elle est difficile qu'elle n'a pas été faite depuis si longtemps. Et donc, le gouvernement s'attendait bien aux réactions auxquelles il assiste aujourd'hui. Ces réactions ne sont ni plus radicales ni moins radicales que ce que nous attendions. Elles sont concentrées sur le secteur public qui est bien plus concerné par la réforme parce que c'est celui auquel, dans lequel rien n'a été fait depuis très longtemps. Je ne crois pas que la situation remette l'opposition en selle. Je crois même que les positions que l'opposition vient de prendre auraient plutôt tendance à la disqualifier. Et je ne crois pas qu'il y ait dans l'opinion publique un mouvement de soutien.
PIERRE LE MARC - C'est ce que disent les sondages !
FRANÇOIS FILLON - Oui. Mais les sondages, il faut les lire, ils se contredisent les uns les autres, ils se contredisent entre le début des questions et la fin des questions. Il y a évidemment, par rapport à une réforme aussi difficile beaucoup de critiques parce que tout le monde doit fournir un effort pour faire face à un problème de société qui est le vieillissement de la population française. Et donc chacun voit dans cette réforme quelque chose qui le concerne et qui le gêne, l'inquiète, lui pose problème. Et ce n'est pas pour autant, par exemple, que la majorité des Français, me semble-t-il est hostile à l'idée qu'il y ait plus de justice dans notre système de retraite, et que donc tous les fonctionnaires cotisent autant, pour la même durée, que le secteur privé. C'est quelque chose qu'on est en train d'oublier dans le débat et certains d'ailleurs, s'emploient à le faire oublier. Mais le coeur de la réforme, première des étapes, c'est faire en sorte que tout le monde cotise pareil.
PIERRE LE MARC - Alors, visiblement, vous n'avez pas été entendu. Vous n'avez pas convaincu. Est-ce qu'il n'y a pas eu un certain nombre d'erreurs de tactiques dans la programmation de cette réforme ?
FRANÇOIS FILLON - Non, mais attendez on n'a pas été entendu, on n'a pas fini de mettre les choses en place. C'est une réforme douloureuse. La France est un pays qui cherche, et certains l'encouragent dans cette direction, à éviter de regarder les choses en face. Donc c'est un pays où l'autorité de l'Etat est diminuée. Au moment où un gouvernement décide prendre des décisions courageuses, des décisions difficiles, naturellement, il y a des oppositions, il y a des mouvements qui se lèvent. Mais je ne conclus pas pour autant que nous n'avons pas réussi à convaincre parce que la fin de l'histoire c'est lorsque le débat parlementaire sera achevé. Ce n'est pas aujourd'hui, la fin de l'histoire ! Et donc, ces réactions, ce sont des réactions auxquelles on s'attendait, ce sont des réactions que je qualifierais presque de normales dans notre pays, dans l'état politique et social où il se trouve. Mais ce sont des réactions qui ne vont pas nous faire dévier de place.
PIERRE LE MARC - Il n'y a pas eu d'erreurs ? Aucune erreur n'a été commise ?
FRANÇOIS FILLON - Je n'en sais rien. On peut toujours penser qu'il y en a eu. Je pense au contraire, qu'on a mis tous les atouts de notre côté. Nous avons pendant trois mois, pratiqué avec les partenaires sociaux un dialogue extrêmement intense qui a d'ailleurs conduit à ce que la réforme soit écrite à plusieurs mains. La réforme n'a pas été écrite seulement par le gouvernement, elle a été écrite dans le cadre du dialogue social, avec les partenaires sociaux qui ont accepté de soutenir cette réforme, cinq sur huit, et un sixième qui est, comment dirais-je, entre les deux positions. Mais même par ceux qui n'ont pas soutenu cette réforme, je pense à la CGT et à Force Ouvrière, qui jusqu'au dernier moment ont participé aux discussions techniques sur tel ou tel aspect. Et le travail que nous avons fait ensemble est un travail qui permet de sauver les retraites, qui consacre un certain nombre d'avancées sociales qui étaient demandées par les organisations syndicales qui, quasiment n'existe dans aucun autre pays européen et ont permis, encore une fois, d'obtenir des accords. Est-ce qu'il y a des exemples, dans les 10 dernières années, dans l'histoire sociale de notre pays ou sur une réforme aussi difficile, un gouvernement ait réussi à trouver un accord avec une bonne partie des partenaires sociaux ?
CHRISTIAN BARBIER - Justement. Est-ce que vous ne regrettez pas ce choix de méthode ? N'auriez-vous pas dû plutôt qu'un long dialogue discret engager de vraies négociations ? En prononçant ce mot négociation qui semble tabou dans la bouche gouvernementale, mieux vaut un débat public, un bras de fer public qu'un Grenelle rampant pendant six mois.
FRANÇOIS FILLON - D'abord, il y a eu des négociations. Il y a eu une phase de négociations avec les partenaires sociaux, la semaine dernière, qui a abouti à cet accord. Le gouvernement se refuse et continuera de se refuser à pratiquer le coup de force dans les grands débats sociaux. Je pense que c'est une erreur de vouloir passer en force sur des sujets sociaux sans prendre tout le temps du dialogue et de la concertation. Le résultat que nous avons obtenu, c'est le soutien d'une partie des partenaires sociaux. Quelle serait la situation, et qu'est-ce que vous diriez, " si nous allions désormais au débat parlementaire avec un front syndical complètement uni et le soutien d'aucun des partenaires sociaux " Donc je pense que la méthode que nous avons choisie était la bonne et je pense que lorsque cette réforme sera votée, chacun pourra le constater.
BRIGITTE JEANPERRIN - Simplement, vous pouviez avoir un peu plus de temps, je veux dire, on avait quand même le temps de se donner le temps, l'été, pourquoi tout de suite dire " conseil des ministres fin mai, assemblée avant l'été ". D'une certaine manière, on pouvait encore laisser le temps de la digestion, de la réécoute et attendre l'automne non ?
FRANÇOIS FILLON - D'abord, vos questions sont très contradictoires. Vous me dites qu'on n'est pas allé assez vite, et vous me dites qu'on a été trop long.
PIERRE LE MARC - Ca n'a pas été posé par la même personne.
FRANÇOIS FILLON - D'abord, on a respecté strictement le calendrier qu'on s'était fixé et vous allez voir pourquoi c'est très important pour la suite. Ca fait un an que cette réforme est posée sur la table. Ca fait trois mois et demi qu'on discute avec les partenaires sociaux et on voit bien qu'on est allé jusqu'au bout des discussions. Après on entre dans un autre débat qui est le débat de ceux qui en réalité ne veulent pas, même s'ils admettent les fondements de l'analyse sur la situation démographique, le fait qu'il y ait de moins en moins d'actifs et de plus en plus de retraités et qu'il faut bien modifier les équilibres, mais qui ne veulent pas s'inscrire dans les choix économiques et politiques qui sont ceux de la France et de la majorité des Français. Un mois, deux mois, trois mois de plus n'auraient rien donné.
BRIGITTE JEANPERRIN - Sauf que l'opinion publique n'est pas encore prête. C'est-à-dire que vous avez mis le temps préalable pour mettre tout le monde autour de la table, mais maintenant, il y a cette sorte d'électrochoc des décisions prises avec d'une certaine manière plus du tout d'écoute. Ca y est, c'est tranché ! Ca sera l'allongement de durée de cotisations. Bon, c'est tranché et l'opinion publique n'est peut-être pas encore prête. Vous êtes quand même homme politique.
FRANÇOIS FILLON - Je crois que l'opinion publique est plus prête qu'on ne le dit.
PIERRE LE MARC - Ce n'est pas ce que dit le président, demandant à ses troupes d'expliquer la réforme. Cette réforme n'est pas comprise.
FRANÇOIS FILLON - Bien sûr qu'il y a un effort d'explication à faire d'autant qu'en face il y a un tel effort de désinformation et de mensonges. Mais surtout ce calendrier était impératif parce qu'il n'y a pas que les retraites à traiter dans notre pays. Heureusement, nous avons d'autres sujets devant nous, d'autres réformes à faire si nous voulons aussi sauver notre système de protection sociale et si nous voulons profiter de la croissance qui semble poindre pour l'année prochaine. Si on ne veut pas passer à côté de cette croissance, si on ne veut pas sacrifier notre système de protection sociale, il faut engager d'autres grandes réformes. C'est pour ça qu'on a été élu après une élection qui a montré à quel point les divisions politiques et sociales étaient fortes dans notre pays. Donc, il faut que nous tenions ce calendrier qui me paraît être le juste choix de la concertation et de l'autorité de l'Etat.
CHRISTOPHE BARBIER - L'un des effets de votre réforme, dans sa méthode comme dans son contenu, n'est-il pas de creuser un peu plus le fossé entre le privé et le public ? Entre d'un côté ceux qui ont l'impression qu'on leur demande encore plus d'efforts, le privé, et le public qui obtient par son bras de fer contre le gouvernement, tout doucement, de petits avantages ou de petits acquis préservés ?
FRANÇOIS FILLON - Mais attendez Christophe BARBIER c'est tout à fait le contraire ! Pour l'instant, ceux qui vont faire un chemin important, alors, vous allez me dire parce qu'on ne les a pas réformés plus tôt, c'est la Fonction publique. C'est eux qui entrent aujourd'hui et 2008 vont voir leur durée de cotisations augmenter de deux ans et demi pour arriver au même niveau que les autres. Ils vont voir toute une série d'habitudes qui existaient dans la Fonction publique changer. Et puis ensuite, l'évolution des régimes se fera de la même façon pour tout le monde.
CHRISTOPHE BARBIER - Par exemple, la période de référence, pour les fonctionnaires, vous avez cédé !
FRANÇOIS FILLON - Non, attendez. La période de référence pour les fonctionnaires, six mois ou trois ans, n'avait qu'un aspect symbolique. Elle ne modifiait en rien ou à la marge le montant des pensions. Je rappelle que les fonctionnaires ont des avantages mais aussi des handicaps. Ils ont par rapport au secteur privé beaucoup de primes qui ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite. On va mettre en place un système de régime additionnel qui permettra de prendre en compte un peu ces primes, mais pas en totalité. Donc il y a aussi, avec le secteur privé, dans le sens contraire de celui que vous venez d'évoquer des différences qui méritaient qu'on maintienne ce dispositif d'autant qu'on a beaucoup de carrières courtes dans la Fonction publique pour des raisons qui sont liées au métier, la police, militaire, qui ne permettait pas facilement de changer la période de référence. Mais l'objectif, c'est bien d'arriver en 2008, avec un système à peu près comparable entre les fonctions publiques et le régime général de manière à pouvoir, étape par étape, rendez-vous par rendez-vous, dans le cadre de négociations où les partenaires sociaux seront largement associés, faire évoluer le système de façon parallèle.
PIERRE LE MARC - On est déjà dans l'économie du projet. On va y revenir. Mais je voudrais qu'on reste un petit moment sur le rapport de force. Les syndicats non signataires vous demandent de rouvrir les négociations. Pourquoi le refuser et pouvez-vous maintenir ce refus si le mouvement se radicalise ?
FRANÇOIS FILLON - Mais il y a un temps pour tout. Il y a un temps pour négocier, il faut savoir le prendre. Moi j'ai négocié pendant 10 heures d'affilées, un peu plus de 10 heures d'affilées, avec les organisations syndicales et les organisations patronales. J'ai bien vu ceux qui étaient prêts à discuter de tous les sujets et ceux qui étaient dans une opposition, comment dirais-je, de principe au projet. On ne peut pas discuter avec des organisations syndicales qui veulent que les fonctionnaires continuent à cotiser 37,5 ans quand tous les autres Français cotisent 40 ans. Ce n'est pas possible.
PIERRE LE MARC - Alors aux syndicats qui menacent de faire grève, une grève reconductible dès le 3 juin, vous dites, " non, on ne rouvrira pas le dossier ".
FRANÇOIS FILLON - Non. Nous avons un projet qui est un projet juste. Qui peut aujourd'hui, défendre sérieusement, et d'ailleurs, je ne l'entends pas beaucoup, devant l'opinion publique, qu'il est juste que les fonctionnaires cotisent deux ans et demi de moins que les salariés du régime général ? C'est-à-dire, qui peut prétendre qu'il est juste que les salariés du régime général, par leurs impôts, financent un dispositif de retraite qui est profondément injuste et qui d'ailleurs, je crois, est considéré comme tel par une très très grande majorité de Français. Il faut savoir qu'aujourd'hui, les pensions des fonctionnaires représentent 30 milliards d'euros et les salaires des fonctionnaires représentent environ 60 milliards d'euros. Dans 20 ans, ce sera 60-60, c'est-à-dire le même poids pour les pensions. Ce sont les impôts des Français qui financent ça. On ne peut pas ne pas introduire de la justice et de l'équité dans ce système. C'est ce que nous faisons et nous le faisons d'une manière qui est, et Christophe BARBIER me le reprochait à l'instant, très douce. C'est-à-dire que nous le faisons en étalant l'application des mesures de manière à ce que tous ceux qui sont proches de prendre leur retraite ne voient pas leurs projets bouleversés par la réforme que le gouvernement met en place.
BRIGITTE JEANPERRIN - Il y a quand même un point de cristallisation qui est important et qui touche énormément l'opinion publique, c'est la retraite des enseignants avec, si vous dites en plus que là, vous prenez le temps, on peut dire que vous les accumulez. Entre la décentralisation, les restrictions budgétaires et puis le choc, en fait sur les enseignants, d'une retraite où ils rentrent plus tard dans l'âge actif d'enseignants, ils partent en général plus tôt, là, c'est sûr que vous allez devoir, quand même, écouter et faire des choses. Ne me dites pas que c'est bouclé !
FRANÇOIS FILLON - Il y a deux sujets. Il y a l'éducation, j'ai un collègue qui est ministre de l'Education, qui est en train de discuter avec les syndicats et vous m'autoriserez ce soir à ne pas évoquer ce sujet et qui n'est pas de ma compétence. Et il y a les retraites.
PIERRE LE MARC - Sauf que la majorité demande tout de même des concessions au gouvernement.
FRANÇOIS FILLON - Sur les retraites.
PIERRE LE MARC - Non, non, sur la décentralisation.
FRANÇOIS FILLON - Ca, c'est à monsieur FERRY d'en discuter...
PIERRE LE MARC - Vous êtes favorable ou pas à ces concessions ?
FRANÇOIS FILLON - Je n'ai pas à donner mon avis sur ce sujet.
PIERRE LE MARC - Alain JUPPE semble le demander.
FRANÇOIS FILLON - Moi je suis dans un gouvernement, solidaire de mes collègues et j'ai un collègue qui est en train de négocier, je ne vais pas lui compliquer la vie. Ce que je dis simplement sur les retraites, c'est qu'il y a bien entendu des spécificités qui peuvent être prises en compte. Mais enfin les enseignants sont des Français comme les autres. Ils commencent à travailler plus tard, mais attendez, il y a beaucoup de salariés qui commencent à travailler tard, qui font de longues études. Alors, on m'explique qu'ils ne peuvent pas rester trop longtemps devant les classes pour des raisons d'efficacité dans le travail. Mais la question se pose pour les maçons, elle se pose pour les couvreurs, elle se pose pour tous les Français pratiquement qui ont des métiers difficiles. Et donc moi, je suis tout à fait prêt, bien entendu, à discuter avec les enseignants d'un certain nombre d'aménagements. Mais enfin, il faut quand même accepter qu'il y ait de l'équité et de la justice dans cette réforme des retraites et de ce point de vue là, je trouve que certaines revendications montrent quand même beaucoup d'égoïsme finalement par rapport aux autres Français qui eux ont des métiers difficiles et depuis longtemps ont vu l'âge de la retraite repoussé pour eux.
CHRISTOPHE BARBIER - Vous ne trouvez pas que le président de la République pourrait en faire un peu plus pour vous aider et notamment interpeller les Français sur ce sens de la responsabilité de l'équité que vous invoquez ici ?
FRANÇOIS FILLON - Attendez, ce sont nous qui sont à la manuvre. Le président de la République, il a inspiré cette politique par les engagements.
PIERRE LE MARC - Mais, ça coince quand même.
FRANÇOIS FILLON - Mais attendez ! Il ne faut pas comme ça s'affoler parce qu'il y a des mouvements sociaux. Comment pensez-vous que...
PIERRE LE MARC - L'inquiétude, on la sent tout de même un peu du côté du gouvernement et de la majorité ?
FRANÇOIS FILLON - Moi, je ne suis pas inquiet. Je pense que c'est une heure de vérité pour le pays. En réalité beaucoup plus d'ailleurs que pour le gouvernement.
CHRISTOPHE BARBIER - Voilà pourquoi Jacques CHIRAC pourrait parler. Il a de l'influence morale sur ce pays ! Vous le demandez ?
FRANÇOIS FILLON - Ca viendra peut-être Christophe BARBIER. Mais le texte n'est pas encore au conseil des ministres. Il viendra au conseil des ministres dans quelques jours et on verra ensuite ce qu'il conviendra de dire et de faire.
CHRISTOPHE BARBIER - Le président est sur une ligne d'intransigeance ?
FRANÇOIS FILLON - Le président veut que son programme soit mis en oeuvre et il veut surtout que notre pays démontre sa capacité à changer, à affronter les défis que nous devons relever. Si notre gouvernement ne réussissait pas à faire bouger les choses sur les retraites, alors ça veut dire que la France est un pays complètement bloqué, qu'on va au devant, d'abord de l'explosion du système de retraite par répartition française. C'est-à-dire que les salariés les plus modestes seront pénalisés par l'absence de décisions des gouvernants, mais ça veut dire aussi que nous sommes dans l'incapacité de retrouver un souffle en matière économique. Donc, un souffle en matière d'emplois. Ca veut dire qu'en réalité la France est un pays condamné au déclin. C'est un test politique essentiel que celui de cette réforme des retraites.
BRIGITTE JEANPERRIN - On vous reproche quand même, même dans votre majorité, même du côté des partenaires sociaux, un manque de pédagogie. Pourquoi ne pas avoir insisté sur quelque chose qui était un superbe projet, qui ralliait tout le monde, qui était la retraite à la carte ? On est sur quelque chose d'un peu trop strict et brutal, décote, surcote. Pourquoi ne pas avoir insisté sur le problème de la négociation, de la pénibilité ? Pourquoi ne pas avoir insisté aussi sur justement, du côté du patronat, les salariés âgés ? On a l'impression que ça a été au final, désincarné de toute humanité et trop en fait sur une comptabilité des comptes d'apothicaires.
FRANÇOIS FILLON - Vous êtes en train de parler d'un sujet qui a été négocié jeudi dernier et qui n'est pas encore au conseil des ministres. Alors naturellement on va présenter ce projet avec toutes ces avancées sociales que sont notamment la retraite à la carte. La retraite à la carte, ça sera une vraie possibilité grâce à une diminution très forte de la décote qui pesait sur les salariés du régime général et la mise en place d'une surcote. Naturellement on va insister sur une grande avancée sociale qui est la garantie donnée à tous les Français à condition qu'ils aient une carrière complète, d'avoir au moins au moins 85 % du SMIC. C'est-à-dire un niveau jamais atteint dans le passé et qui ne correspond pas à ce qui se fait dans les autres pays européens. Naturellement on va communiquer sur le fait que la France sera le seul pays en Europe où ceux qui ont commencé à travailler très tôt, à 15, 14 et à 16 ans, vont pouvoir partir avant 60 ans dans des conditions qui sont des conditions favorables. Il fallait que cette négociation soit conduite, qu'elle aboutisse. Vous savez aujourd'hui le blocage dont vous parlez, ce ne sont pas du tout ces sujets-là. Le blocage, c'est uniquement sur un point. C'est les personnels des fonctions publiques qui ne veulent pas l'allongement de la durée de cotisations. C'est là qu'est le débat. Le reste, ce n'est pas le sujet fondamental pour le moment. Donc c'est pour ça que nous allons, dans les jours qui viennent, communiquer sur tous ces sujets naturellement.
CHRISTOPHE BARBIER - Vous êtes déterminé, et Jean-Pierre RAFFARIN aussi, avez-vous confiance dans les élus UMP ? Ils ont des électeurs dans leur circonscription, dans leur canton, il y a des élections l'année prochaine, il y a des retraités qui votent, des enseignants qui votent, n'allez-vous pas être lâché par le bas ?
FRANÇOIS FILLON - Les élus de l'UMP sont aujourd'hui les plus exigeants vis-à-vis du gouvernement. Et ce sont ceux qui tous les jours, à chaque instant, nous disent " surtout ne lâchez pas ! ". Ils savent que derrière tout ça, il y a cette question de l'autorité de l'Etat, de la crédibilité de l'Etat. Le vote du 21 avril, c'est d'abord un vote de sanction par rapport à des hommes politiques, à des majorités, à des gouvernements qui n'assument pas leurs responsabilités, qui se contentent de surfer sur les événements pour tenter de survivre. Ce qu'on a vu, notamment, ces cinq dernières années. Et donc les élus de l'UMP, ils sont surtout attentifs à un point, c'est que le gouvernement tienne. Et ma conviction c'est qu'il y a une majorité de Français qui est aujourd'hui dans cet état d'esprit.
CHRISTOPHE BARBIER - Et ils vous incitent ces élus à faire preuve de fermeté, par exemple, contre les manifestants ou contre les fonctionnaires qui abuseraient de la grève, comme on l'a vu dans les transports ou contre les enseignants qui bloqueraient les examens ?
FRANÇOIS FILLON - Il ne s'agit pas de faire preuve de fermeté contre des hommes et des femmes qui manifestent leur désaccord et qui ont le droit de la faire. Il s'agit de faire respecter les droits et les devoirs de chacun et s'agissant, notamment, des examens, je pense que la très grande majorité des Français ne comprendraient pas que l'on prive des jeunes de la possibilité de passer leurs examens en sachant d'ailleurs que le fait de les repousser à des dates ultérieures peut avoir des conséquences très importantes sur leurs préparations, sur la manière dont ils abordent ces examens et effectivement les élus de l'UMP, comme la très grande majorité du pays, seront très attentifs à ce que les droits républicains soient respectés.
PIERRE LE MARC - L'un des reproches les plus importants que l'on fait à votre projet c'est votre refus d'utiliser d'autres moyens que l'augmentation de la durée de cotisations. Et l'impasse systématique que vous faites sur une répartition de l'effort entre le travail et le capital, et c'est un reproche qui a un écho très important dans l'opinion. Pourquoi n'avez-vous pas soumis le capital aussi, autant que le travail, à cet effort collectif ?
FRANÇOIS FILLON - Ce qui est très étrange PIERRE LE MARC, c'est que ceux qui défendent l'idée que le capital devrait financer les retraites sont en même temps ceux qui combattent la capitalisation au motif qu'il serait extraordinairement dangereux d'asseoir les retraites, qui doivent être assises sur des sources sûres, sur des assiettes qui sont très fluctuantes. Et qui sont fluctuantes d'abord, en fonction de la croissance, mais qui sont aussi fluctuantes en fonction des pratiques.
PIERRE LE MARC - Ca n'est pas simplement la gauche qui vous fait le reproche. Ca n'est pas simplement la gauche qui vous fait le reproche.
FRANÇOIS FILLON - Attendez ! Premièrement nous n'avons pas choisi comme seul paramètre l'allongement de la durée de cotisations. L'allongement de la durée de cotisations représente dans le régime général pour le régime général, un tiers des besoins de financements à l'horizon de 2020. Les deux autres tiers sont apportés par une augmentation des cotisations. Il y a donc bien comme le suggérait le conseil d'orientation des retraites, utilisation par le gouvernement des deux paramètres à sa disposition : l'allongement de la durée de cotisations, un tiers des financements, l'augmentation des cotisations, deux tiers des financements. Il faudra augmenter les cotisations retraite d'ici 2020 de deux à trois points pour permettre de maintenir le niveau des retraites. Simplement, ce que nous souhaitons, c'est réussir à augmenter ces cotisations vieillesse dans un cadre global en matière de prélèvements obligatoires qui soit stabilisé. Et donc, nous allons engager un très gros effort, notamment en matière de maintien des salariés les plus âgés en activité pour permettre de réduire progressivement notre taux de chômage et pour financer les retraites. Mais en tout état de cause les cotisations augmenteront. Si on regarde maintenant les modèles autour de nous, on n'est pas une île et un pays qui vit sans lien avec ses voisins. Il n'y a pas un autre pays en Europe qui ait choisi d'asseoir les cotisations de retraites sur la taxation du capital, qu'est-ce qua ça veut dire ? Ca veut dire que demain quand les entreprises s'organiseront en Europe pour faire en sorte que leurs capitaux soient ailleurs, il n'y aura plus d'argent pour financer les retraites ? C'est un non sens. Et c'est un non sens que la gauche, le Parti socialiste à l'époque où il était aux responsabilités, où il avait encore un peu le sens des responsabilités, critiquait ouvertement. Je me souviens de Michel ROCARD, au moment du livre blanc, disait que le scénario de l'augmentation, simplement des prélèvements obligatoires pour financer les retraites, c'était le scénario de l'inacceptable. C'est le scénario qui consiste à empêcher la France de profiter de la croissance et à lui faire supporter, en même temps, les conséquences du vieillissement, de plus en plus de retraités, et les conséquences d'une politique économique et financière qui l'empêche de créer des emplois. C'est le scénario catastrophe, c'est le scénario du déclin. C'est le scénario qu'aucun économiste sérieux ne défend.
CHRISTOPHE BARBIER - Vous avez le sentiment, dites-vous, qu'une majorité des Français est derrière vous. Si les blocages perdurent, si les syndicats de la Fonction publique, notamment, prennent en otage le pays, pourquoi n'allez-vous pas vers un référendum ? Oui au gouvernement ou non au gouvernement. Avec les syndicats ou contre les syndicats. Avec FILLON ou avec BLONDEL, les Français choisiront.
FRANÇOIS FILLON - Le référendum, c'est le président de la République qui en décide, ce n'est pas le gouvernement. Donc, c'est un outil qui est la disposition du président de la République s'il estime qu'il est nécessaire de l'employer. Mais moi, je crois que les Français attendent du gouvernement et de la majorité qu'ils gouvernent et qu'ils prennent leurs responsabilités. Je ne pense pas que les Français aujourd'hui attendent du gouvernement qu'il s'en remette à un référendum pour régler la première question difficile qu'il a à régler. Et je rappelle, cette question des retraites, elle est difficile parce que chacun est concerné et chacun voudrait bien que les efforts soient faits par le voisin. Donc il y a un très grand accord dans le pays pour qu'on mette tout le monde à 40 ans, qui est une équité entre les régimes. Et après quand il s'agit de passer aux autres étapes de la réforme, naturellement, il y a des inquiétudes. Et je crois, qu'il est très difficile dans un référendum, dans une question posée à tous les Français, de trouver le tronc commun à une réforme comme celle-là, qui peut être soumise au référendum. C'est mon avis personnel. Si le président de la République décide de soumettre la question au référendum, il le fera. Mais aujourd'hui, on n'en est pas là. Je crois que les Français attendent que nous prenions nos responsabilités. Ils nous ont choisi, ils nous ont donné un mandat, ce n'est pas pour qu'à chaque instant, on se retourne vers eux pour leur demander comment faire !
BRIGITTE JEANPERRIN - Vois faites déjà allusion à la croissance dans vos prévisions, d'équilibre financier. Il y a bien sûr l'idée du retour au plein emploi, l'idée du retour à une croissance quand même une croissance durable, autour de 3%, pour faire des choses. Et là-dessus, pour l'instant on n'y est vraiment pas. On pense même qu'il y a des risques déflationnistes. Est-ce que Francis MER, vous pensez que pour relancer le pouvoir d'achat il faudrait augmenter les salaires peut-être, qualifier plus les gens ? Et du côté des pouvoirs publics, qu'est-ce qu'il faut faire ?
FRANÇOIS FILLON - D'abord, vous avez remarqué que malgré toutes les difficultés, la France est aujourd'hui, pratiquement en Europe, le pays qui résiste le mieux aux difficultés, celui qui a, pour le premier trimestre, un des taux de croissance les plus élevés.
BRIGITTE JEANPERRIN - Un peu faiblard quand même !
FRANÇOIS FILLON - Oui, mais enfin quand on regarde tous les autres pays. Il y a 0,3% de croissance en France quand d'autres pays importants en Europe, qui ont choisi des politiques, des stratégies économiques différentes qui sont justement celles que nous réclament nos adversaires, eux, sont en situation quasiment de déflation.
BRIGITTE JEANPERRIN - Mais pas d'investissements et beaucoup de chômage.
FRANÇOIS FILLON - Il y a une reprise des investissements. Il faut regarder les tendances. Il y a une croissance qui est meilleure que dans les autres pays pourquoi ? Parce qu'on a choisi de ne pas augmenter les impôts. Tous les pays qui ont choisi, face à la difficulté liée à la crise économique, d'augmenter les impôts pour faire face aux besoins de financements sont dans une situation qui est quasiment une situation de récession. Nous, nous avons choisi de ne pas augmenter les impôts. Au contraire, nous avons choisi une stratégie qui a permis de préserver le peu de croissance qu'on pouvait aujourd'hui préserver. Maintenant on voit bien que les perspectives ne sont pas à moyen terme de mauvaises perspectives. La crise économique mondiale liée, notamment là la crise du secteur des télécommunications est derrière nous. Les incertitudes internationales sont derrière nous. Et Francis MER a tout a tout fait raison de dire qu'il faut maintenant donner un certain nombre de coups de pouce aux salaires. 1er juillet, les ... des personnes qui sont payées au salaire minimum, au SMIC, vont voir leur salaire minimum augmenter de façon importante, les ... je dis bien.
BRIGITTE JEANPERRIN - Mais il faut aller plus loin dans l'économie ? Le patronat ?
FRANÇOIS FILLON - Attendez. Ensuite, nous allons à partir du mois de juillet mettre en oeuvre une politique d'allégements de charges qui a été votée il y a plusieurs mois et qui ne s'appliquera qu'au 1er juillet, qui représente sur trois ans sept Milliards d'euros d'allégements de charges supplémentaires. Qui vont donc baisser dans un certain nombre de cas le coût du travail. Et puis nous allons engager à l'automne, la réforme de la formation professionnelle qui est fondamentale parce que nous n'obtiendrons un taux d'activité plus important pour les salariés, plus âgés notamment, que si nous sommes capables de fournir à chacun un droit à la formation professionnelle tout au long de la vie. De la même façon, en améliorant les conditions d'apprentissage, les conditions de l'enseignement professionnel, on pourra avancer l'entrée dans la vie active des jeunes. Si on gagne un an dans le début de la carrière professionnelle et un an dans la durée de la carrière professionnelle, on aura fait un énorme pas en matière de productivité, donc de croissance.
CHRISTOPHE BARBIER - Vous avez connu bien des gouvernements. Vous savez comment on s'érode évidemment, au contact des réalités, du travail, de l'actualité. Pour ce second train de réformes de l'automne, je pense à l'assurance maladie, je pense à la formation professionnelle, peut-être à une loi d'orientation sur l'éducation etc... Est-ce qu'il ne faut pas un nouveau gouvernement, c'est-à-dire un remaniement qui resserre une équipe et qui relance une action ?
FRANÇOIS FILLON - Ma conviction, c'est que le gouvernement peut aussi se ressourcer, se renforcer dans les épreuves. Et l'épreuve que nous sommes en train de traverser, à ce point de vue là aussi, est importante. Elle est importante parce que si comme je le pense et comme j'en suis convaincu, elle est surmontée, elle se termine non pas par un succès, parce que ce n'est pas une question de victoire ou de défaite, c'est une question de comment nous tenons nos engagements vis-à-vis de nos électeurs, vis-à-vis de l'opinion publique. Je pense que ce gouvernement sortira avec une autorité renforcée et la question que vous posez ne se posera pas même si ce n'est pas à moi de la résoudre.
BRIGITTE JEANPERRIN - Mais vous ne pensez pas que se ressourcer même si vous restez en place, c'est aussi faire quelques reculs stratégiques pour mieux écouter. La décentralisation, je reviens sur l'Education nationale, franchement, leur faire la totale sur les déficits, la décentralisation, les retraites, c'est beaucoup.
FRANÇOIS FILLON - Il ne faut quand même pas exagérer. La décentralisation dont on parle c'est le fait de permettre aux régions de gérer un certain nombre de personnels techniques, que gèrent les communes sans aucune difficulté et qui auraient sans doute des moyens mieux adaptés et plus confortables pour faire leur travail s'ils étaient gérés par les régions.
PIERRE LE MARC - Ca veut dire les " externaliser " vers le privé, passer des contrats de maintenance.
FRANÇOIS FILLON - Pas du tout. Pas du tout. Ce sont des personnels qui aujourd'hui sont sous l'autorité du ministère de l'Education nationale, dont les carrières sont gérées par le ministère de l'Education nationale, ici à Paris et qui demain, verraient leur carrière gérée par les régions. Je peux vous dire, pour avoir présidé une région, que je n'ai jamais vu de fonctionnaires des collectivités territoriales se plaindre de leur sort par rapport à ceux des fonctions publiques d'Etat. D'autant plus qu'on laisserait la possibilité à ces personnes-là de choisir leur statut entre la Fonction publique d'Etat et la Fonction publique territoriale. Luc FERRY est en train de discuter de ce sujet avec les organisations syndicales mais on ne peut pas laisser dire comme on l'entend tous les jours, et c'est même un peu préoccupant par rapport à la fonction même d'enseignant, par rapport à l'autorité morale qu'ont les enseignants sur la société d'entendre dire que le gouvernement va supprimer les écoles maternelles, qu'il va privatiser les fonctions d'orientation, que désormais c'est le patronat qui va fixer les orientations dans les écoles. Tout ça, c'est du délire mais au-delà de ce délire, ça pose quand même la question de l'honnêteté intellectuelle, morale de ceux qui professent de telles accusations qui ne sont fondées sur rien.
PIERRE LE MARC - Est-ce que vous n'avez pas le sentiment que vous êtes en train de reconstituer l'électorat de la gauche avant des élections difficiles en 2004 ?
FRANÇOIS FILLON - Ce n'est pas le sujet, PIERRE LE MARC.
PIERRE LE MARC - Ca peut être la conséquence de ce qui se passe, qui est jugé défavorable par l'opinion.
FRANÇOIS FILLON - Le sujet, c'est le 21 avril, plus de la moitié des Français choisissent de voter pour des formations politiques extrémistes parce qu'ils estiment que depuis des années et des années, ils ont en face d'eux des majorités, des gouvernements qui n'assument pas leurs responsabilités. Et bien nous, nous avons choisi d'assumer nos responsabilités et de les assumer sur l'un des sujets les plus fondamentaux qu'ils soient qui est le pacte entre les générations. Faire en sorte qu'il y ait plus de justice, plus d'équité dans la gestion des retraites, c'est-à-dire dans le pacte entre les générations. Le reste, c'est accessoire par rapport à cette question fondamentale.
CHRISTOPHE BARBIER - Est-ce que l'explication et l'application de vos politiques ne seraient pas plus faciles si au lieu d'une majorité réduite au gros bloc monolithique de l'UMP il y avait plusieurs formations, ça donnerait de la souplesse, de la richesse et des échanges ? En gros, l'UMP était-elle une bonne idée ?
FRANÇOIS FILLON - Je suis toujours fasciné quand on m'explique ça serait mieux d'avoir moins de députés pour nous soutenir !
CHRISTOPHE BARBIER - Pas moins, mais peut-être plusieurs formations qui s'entendraient sur un contrat de gouvernement, une droite plurielle.
FRANÇOIS FILLON - Il y a au sein de l'UMP, comme vous le savez, beaucoup de débats. Il m'est arrivé d'ailleurs d'en faire les frais. Donc les débats existent, les tendances existent. Simplement, comme c'est le cas dans tous les autres grands pays modernes, ces débats ont lieu à l'intérieur d'un mouvement politique.
CHRISTOPHE BARBIER - Mais l'Elysée trouve que la machine est un peu molle, que ce parti...
FRANÇOIS FILLON - Vous avez des contacts à l'Elysée que je n'ai pas.
CHRISTOPHE BARBIER - Oh non ! Tout le monde sait que c'est le jugement que porte le président sur l'UMP. Enfin ! ce n'est un secret pour personne.
FRANÇOIS FILLON - Je sais simplement. Si ça l'est pour moi. Je sais simplement que l'UMP c'est un pari qui est seulement engagé qui n'est pas encore complètement consolidé. C'est long de constituer un vrai parti politique. Et nous sommes dans une phase qui est une phase de construction. Moi ce que je vois sur le terrain c'est que ça fonctionne, c'est que les gens se mettent en place, prennent du plaisir à travailler et à vivre ensemble et que la préparation des échéances électorales, notamment à venir, se passe dans des conditions qui sont bien meilleures que par le passé.
CHRISTOPHE BARBIER - Avec un vrai courant FILLON.
FRANÇOIS FILLON - Il y a peut-être encore des problèmes dans l'expression de l'UMP, mais ça n'est jamais facile pour une majorité de s'exprimer. Ce que je peux vous dire c'est que cette réforme des retraites elle a été bâtie avec les partenaires sociaux, mais elle a aussi été bâtie avec l'UMP dès l'origine. C'est-à-dire que ce n'est pas une réforme qui est apportée par le gouvernement et qui demanderait aux parlementaires de la soutenir. C'est une réforme qu'ils ont écrite avec nous.
PIERRE LE MARC - Il va être bientôt 20 heures. François FILLON, merci.



(source http://www.retraites.gouv.fr, le 23 mai 2003)