Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Depuis deux jours, l'invasion de l'Irak a commencé. Bagdad et un certain nombre de grandes villes sont arrosées de missiles et de bombes, et les troupes terrestres américaines et britanniques ont commencé à envahir l'Irak.
La guerre, qui est menée par deux des plus grandes puissances militaires de la planète contre un peuple pratiquement désarmé, est une guerre impérialiste, une guerre d'agression sans aucune justification, une guerre de brigandage que ne masque même pas une caution de l'ONU.
Ce que les grandes puissances appellent le "droit international" n'est même pas respecté. Les pays qui n'ont pas approuvé cette guerre pourraient au moins la condamner formellement au nom de l'ONU. Car les USA sont aujourd'hui des envahisseurs, tout autant que l'était l'Irak, en 1991, lorsqu'il avait envahi le Koweit. Mais, aux yeux des grandes puissances, ce qu'un petit pays n'a pas le droit de faire, un grand pays peut le faire impunément. Et s'il fallait une démonstration de la partialité de l'ONU et surtout de son inutilité pour maintenir la paix, on la trouverait là.
Et ceux qui pourraient être surpris par le texte de notre affiche - Pas de sang dans le pétrole - n'imaginent pas vraiment ce que veulent dire cette guerre et ses horreurs.
Oui, il va couler du sang en Irak, beaucoup de sang des classes populaires, de gens qui vivent misérablement. Et ce sont les pays, non seulement les plus puissants militairement, mais les plus riches qui vont enfoncer cette population encore un peu plus dans la misère, une misère dont elle mettra des années à se relever, si elle s'en sort jamais. Elle va subir des épidémies, le manque d'écoles, le manque d'hôpitaux. Il y a une génération d'enfants et d'adolescents qui sera sacrifiée de ce point de vue.
Ceux qui, parmi la population, ne seront pas tués lors des premières offensives, vont subir des bombardements, vont être gravement blessés, privés de nourriture, d'eau, de soins médicaux.
N'oublions donc pas que, après cette guerre pour le partage du pétrole irakien entre grandes puissances, ce pétrole va arroser le monde, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne bien sûr mais aussi la France, à travers les grandes compagnies américaines. N'oublions donc pas, à chaque fois que nous ferons le plein, le sang qu'il aura coûté. N'oublions donc pas que, à chaque fois que nous prendrons de l'essence, nous mettrons un peu du sang du peuple irakien dans notre réservoir.
C'est bien sûr une image, mais c'est pourtant la vérité. Une chanson de poilus d'après la guerre de 1914/1918 disait, en parlant d'une colline qui avait vu des milliers de morts pour rien : "Aujourd'hui, il y a des vignes et il y pousse du raisin, mais qui boira ce vin-là boira le sang des copains".
Eh bien, nous, on nous fera voyager dans nos voitures, nos trains et nos avions avec le sang des Irakiens !
Voilà le crime qui se prépare et qui nous rend tous complices.
Aujourd'hui, nous ne pouvons rien faire pour empêcher les assassins d'agir. A l'ONU, les adversaires de l'intervention pourraient au moins présenter une motion condamnant cette agression injustifiée et illégale du point de vue même d'un organisme qui prétend maintenir la paix et contenir les agressions. Ils ne l'ont pas fait, pas plus Chirac que les autres.
En fait, ils sont tous complices.
Et puis, n'est-ce pas, s'il y avait finalement quelques barils de pétrole pour eux, ils ne seraient pas regardants sur le mélange du moment que cela leur rapporterait.
En ce moment même où je vous parle, les bombes tombent sur Bagdad et l'armée de la principale puissance du monde est en train d'écraser un pays pauvre sous sa puissance de feu et les chenilles de ses chars. Combien de morts déjà ? Combien de morts encore à venir ? Combien d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards entassés dans leurs caves, tremblant de peur ? Combien seront ensevelis ?
Alors, pensons-y, et pas seulement aujourd'hui, où un être humain normalement constitué ne peut être que bouleversé rien qu'en imaginant ce qui se passe là-bas. Mais pensons-y aussi demain. Pensons-y en prenant de l'essence dans une station-service à l'enseigne d'Exxon, Shell, TotalFinaElf ou BP. Elles ne sont pas variées les enseignes que l'on retrouve le long des routes, de la France jusqu'aux Etats-Unis, comme en Amérique latine, en Afrique ou par en Asie. Une douzaine de trusts du pétrole, complices et rivaux, qui, avec quelques autres de l'industrie, de l'armement ou du bâtiment et des travaux publics sont derrière cette guerre infâme. Comme ils ont été derrière bien d'autres dans le passé qui ont ensanglanté l'histoire. Rien que depuis la Deuxième Guerre mondiale, combien de coups d'Etat, de l'Iran de Mossadegh au Venezuela, en passant déjà par l'Irak, derrière lesquels il y avait les trusts du pétrole ? Et on ne peut pas oublier que, même dans ce continent pauvre d'entre les pauvres qu'est l'Afrique, la rivalité entre British Petroleum et Shell d'un côté, et Elf de l'autre, autour du pétrole du Nigeria a conduit à l'affreuse guerre du Biafra, déclenchée en 1967, qui avait fait des centaines de milliers de morts, et dont ce malheureux pays ne s'est toujours pas remis. Les livres d'histoire parlent à ce propos de guerre ethnique ? Mais ce ne sont pas des passions barbares ressurgies du fond des âges qui ont tué au Nigeria. Ce sont des calculs froids menés dans les conseils d'administration de grands trusts et dans les cabinets ministériels. Derrière BP et Shell, il y avait le gouvernement de la Grande-Bretagne, et derrière Elf, celui de la France. Et, bien des guerres civiles se prolongent en Angola ou au Congo, car les bandes armées qui les mènent sont financées par les mêmes trusts.
Pendant que les diplomates bavardent à l'ONU ou dans un des nombreux organismes internationaux, ce sont ces trusts-là, ou d'autres, qui font et défont les chefs d'Etat dans les pays pauvres et qui, à partir des pays les plus développés, dirigent le monde en fonction de leurs intérêts.
La comédie diplomatique à l'ONU n'a été qu'un rideau de fumée derrière lequel les Etats-Unis ont préparé leur déploiement militaire autour de l'Irak. Au début, les Etats-Unis ont affirmé que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive et qu'il fallait qu'il les détruise. Cette exigence, votée à l'unanimité à l'ONU, était déjà d'un cynisme sans nom car elle venait des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne mais aussi de la France, ces grandes puissances dont les seules armes nucléaires ont de quoi détruire plusieurs fois la planète !
Mais les inspecteurs commandités par l'ONU n'ont pas trouvé d'armes de destruction massive. Alors, les dirigeants américains ont sommé ce pays de détruire les armes classiques que les inspecteurs ont trouvées. L'Irak a eu beau répondre à toutes les injonctions successives, les dirigeants américains ont nié les faits et ont fait monter les enchères, en exigeant ces dernières semaines le départ de Saddam Hussein. Mais, à la veille du déclenchement de la guerre, même cela ne leur suffit plus : Bush avait annoncé que, si Saddam Hussein quittait au dernier moment le pays, de toute façon, l'armée américaine y entrerait !
J'ignore bien sûr, comme tout le monde, combien de temps durera cette sale guerre. J'ignore si l'écrasante supériorité américaine en matériel, en haute technologie, arrivera facilement à bout de l'armée de Saddam Hussein. J'ignore si une partie de la population irakienne, du moins ses composantes les plus opprimées, les Kurdes ou les chiites, profitera de l'état de guerre pour se soulever contre le dictateur.
Car Saddam Hussein est un dictateur, et ce n'est certainement pas lui et son régime qui sont à plaindre. Mais c'est l'écrasante majorité de la population qui subira la guerre. Et, par dessus la personne de son dictateur, c'est tout le pays qui est visé.
Et puis, il y a de quoi être écoeuré par la feinte indignation des hommes politiques, qui ne sont pas seulement en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, devant la dictature de Saddam Hussein. Car, pour grands que soient les crimes de Saddam Hussein contre son propre peuple, bien plus grands encore sont ceux commis par les grandes puissances qui se posent aujourd'hui en missionnaires en armes de la démocratie.
Il faut rappeler qu'au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'impérialisme anglais et l'impérialisme français s'étaient jetés sur cette région pour la déchirer en fonction de leurs intérêts : le Liban et la Syrie actuelle à l'impérialisme français, l'Irak et la Jordanie à l'impérialisme anglais.
Il faut rappeler que c'est dans le sang et dans la violence que la Grande-Bretagne a imposé son protectorat à un Irak, aux contours artificiellement découpés, qui n'en voulait pas. Pour mettre la main sur l'Irak, la très "démocratique" Grande-Bretagne avait noyé dans le sang une révolte des chiites, déjà, brûlé des villages, exécuté ou déporté ceux qu'elles estimaient responsables de la révolte.
C'est encore la Grande-Bretagne, avec la complicité de la France, qui avait bâti l'armée et l'appareil d'Etat irakiens en formant une hiérarchie d'officiers dressés à opprimer leur propre peuple, dans des écoles militaires d'Angleterre ou des Indes de l'empire colonial.
Ce sont les Anglais et les Français ensemble qui avaient refusé au peuple kurde le droit à une existence nationale en le dispersant entre la Turquie, l'Irak, l'Iran et la Syrie.
Saddam Hussein a utilisé à son profit les divisions et les haines suscitées par la Grande-Bretagne et la France entre les diverses composantes de la population de la région : sunnites contre chiites, arabes contre Kurdes.
Tout le Moyen-Orient porte jusqu'à aujourd'hui, dans sa chair, les stigmates du jeu de domination perverse des grandes puissances impérialistes.
Et lorsque les horreurs du nazisme ont poussé vers l'exode des centaines de milliers de juifs d'Europe à la recherche d'une terre, ce sont encore ces grandes puissances qui ont choisi de dresser l'Etat d'Israël contre les peuples arabes de la région et qui ont créé une situation inextricable dont le peuple palestinien comme le peuple juif paient aujourd'hui le prix.
Et ce sont ces gens-là qui parlent aujourd'hui de démocratie, de liberté !
L'écoeurante bouillie idéologique au nom de laquelle Bush et les siens mènent la guerre, mélangeant bible et démocratie, est d'autant plus cynique que les dirigeants américains n'ont que faire de la démocratie. Une démocratie, même avec les critères américains, l'Arabie saoudite, avec sa monarchie fondamentaliste ? Des démocraties, le chapelet d'émirats découpés dans le Moyen-Orient autour des puits de pétrole et dont les émirs et autres sultans ignorent ce que le mot "élection" veut dire et ne considèrent pas les femmes comme des êtres humains à part entière ?
Alors, des soldats américains vont mourir aussi, et en croyant mourir pour la patrie, ils mourront pour les trusts et pour tous ces gens-là.
Et puis, faut-il rappeler que Saddam Hussein lui-même a été longtemps soutenu, patronné par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ? A l'époque, le gêneur dans la région, c'était Khomeiny, en Iran. Ce sont les grandes puissances qui avaient alors vendu à Saddam ces armes de "destruction massive" que les inspecteurs de l'ONU n'ont pas trouvé cette fois-ci. Ce sont les grandes puissances qui l'avaient poussé à se lancer contre l'Iran voisin, en 1980, dans une longue guerre meurtrière qui avait fait, au bas mot, un million de morts à l'époque.
Les dirigeants des grandes puissances ont l'habitude de justifier de longue date les guerres de pillage par les mots "civilisation" ou "démocratie". C'était déjà pour "civiliser" le Maghreb que l'armée française a naguère conquis l'Algérie en décimant sa population. C'est en affirmant apporter la civilisation que la France impérialiste avait imposé à l'Afrique noire le travail forcé et le fouet.
Alors oui, c'est une guerre ignoble. Elle ne correspond aux intérêts d'aucun peuple, pas même à ceux du peuple américain. Car ses soldats ont beau disposer d'une supériorité militaire écrasante, il y en a parmi eux qui ne reviendront jamais de cette sale guerre et d'autres qui reviendront handicapés à vie. Même si, pour les soldats américains, la guerre reste une guerre presque virtuelle que l'on peut mener à coups de missiles téléguidés ou du haut d'avions survolant de loin les victimes ; s'il leur faut se trouver, à un moment ou à un autre, face aux victimes, hommes, vieillards, femmes et enfants, cela laissera des traces pour beaucoup. Des traces morales et psychologiques. La guerre du Vietnam en a laissé, de telles traces, bien au-delà des morts et des handicapés car les blessures d'une guerre ne sont pas seulement physiques.
Et même si la guerre elle-même est rapidement menée, comment cela se passera-t-il après ? Sous quelle forme la population continuera-t-elle à payer la note ?
Oh, les grands trusts se jetteront sur le pays, une fois l'embargo levé ! Les grands trusts du pétrole, bien sûr. Ils savent qu'ils bénéficieront des faveurs de l'administration américaine. Ils savent que, même une fois l'occupation américaine terminée -si elle l'est un jour- le régime laissé sera aussi accommodant que les émirats artificiels des alentours qui ne sont que les gérants indigènes des intérêts des grands trusts. Et il y aura les trusts d'équipements pour le pétrole, il y aura aussi les grands trusts du bâtiment et des travaux publics.
Oh, ils ne viendront pas pour reconstruire les villages ou les quartiers pauvres détruits ! Ce sera à la seule population de dégager les ruines dans les villes et les villages et de tenter de reconstruire une existence normale.
Mais si le pétrole rapporte, il pourra financer quelques grands chantiers. On construira peut-être des centres financiers rutilants. On modernisera peut-être des ports pour mieux évacuer le pétrole ou des terrains d'aviation pour faciliter les déplacements des troupes d'occupation ou des hauts cadres ou des dirigeants des compagnies pétrolières. On construira peut-être quelques autoroutes à quatre voies pour les grosses voitures des intermédiaires qui s'enrichissent.
Le gouvernement américain a déjà signé, paraît-il, un certain nombre de contrats confidentiels avec des sociétés privées. Ce champ de ruines que sera l'Irak n'est qu'un marché potentiel pour les vautours qui se jettent sur le pays. Un marché d'entre 30 et 100 milliards... car il y a déjà des économistes qui ont fait des études sur ce que la guerre rapportera aux seuls trusts du bâtiment. Mais qui paiera ?
Eh bien, si tout cela est payé avec l'argent du pétrole, c'est encore le peuple irakien qui paiera. Parce que c'est à lui qu'on aura volé les revenus du pétrole qui ne serviront pas à faire sortir l'Irak du sous-développement.
L'Irak a toujours été un pays pauvre, un pays sous-développé. Le pétrole de son sous-sol que se sont disputé dans le passé, successivement, des trusts anglais et allemands, puis anglais et français, avant même que les trusts américains y jettent leur dévolu, n'a jamais profité à la majorité de la population. Mais, en plus, l'Irak a été saigné par la guerre contre l'Iran, puis par les bombardements qui n'ont jamais cessé depuis la guerre du Golfe, par l'embargo aussi. Un embargo dont n'ont souffert ni Saddam Hussein ou son entourage, ni les plus riches qui ont pu continuer à vivre dans le luxe grâce à la contrebande, mais un embargo qui a été catastrophique pour les classes populaires.
Dans son discours-ultimatum, George Bush promet, pour l'après-guerre, une "réelle prospérité" pour le peuple irakien. Il l'avait déjà promise à l'Afghanistan, une fois débarrassé des talibans. Mais, si des millions de dollars ont été déversés sur ce malheureux pays sous forme de bombes, ensuite il n'y a plus rien eu. Et à la dictature des talibans a succédé celle des seigneurs de guerre, ramenés dans les fourgons de l'armée américaine. Et l'Afghanistan est sorti de la guerre plus appauvri encore qu'il n'y était entré. Si même il en est sorti : la nuit même du premier bombardement sur Bagdad, l'aviation américaine a également bombardé massivement le sud de l'Afghanistan.
Bush promet aussi au peuple irakien, notamment à ceux qui ont subi la dictature de Saddam Hussein, les chiites ou les Kurdes, la liberté et l'égalité. Il est compréhensible que les Kurdes d'Irak, qui ont toutes les raisons de se souvenir du traitement que leur a infligé Saddam Hussein, espèrent être cette fois-ci débarrassés du dictateur. Mais Saddam Hussein chassé, le peuple kurde n'aura pas pour autant la liberté, pas même la liberté nationale. L'état de demi-guerre dans lequel se trouve l'Irak depuis dix ans et la présence de l'aviation américaine ont permis aux Kurdes du nord du pays de s'assurer une sorte d'autonomie de fait. Il n'est pas dit que l'invasion américaine ne leur fasse pas perdre le peu qu'ils ont obtenu. Quelles que soient les promesses qu'ils font miroiter aujourd'hui, les Etats-Unis ne permettront pas à un Etat kurde de naître pour ne pas déplaire à la Turquie qui, malgré ses réticences, vite levées, à laisser passer les troupes américaines, reste un de leurs principaux alliés dans la région. Ce ne sera pas la première fois que le peuple kurde, en combattant son oppresseur d'aujourd'hui, voit son allié du moment se transformer en nouvel oppresseur.
Bush promet aussi un nouvel ordre dans la région, un ordre plus juste, un ordre plus démocratique. Mais qui peut croire la promesse d'une grande puissance qui est le principal soutien non seulement de tous les régimes réactionnaires et dictatoriaux de la région, mais aussi de l'Etat d'Israël et de l'oppression que cet Etat exerce sur le peuple palestinien ? Sans le soutien des Etats-Unis, le gouvernement d'extrême droite d'Ariel Sharon ne pourrait pas mener la guerre qu'il mène contre le peuple palestinien. Un peuple enfermé dans ces ghettos pour pauvres que sont devenus la bande de Gaza et les lambeaux de territoires dits autonomes de Cisjordanie.
Pour compenser l'effet de son agression contre l'Irak sur les peuples arabes, George Bush a évoqué la création d'un Etat palestinien indépendant. Mais qui peut le croire, alors que cela fait un demi-siècle que les Etats-Unis soutiennent la politique des gouvernements successifs d'Israël. Des gouvernements qui ont tous mené une politique de conquêtes, accaparant sans cesse plus de terres au détriment des Palestiniens, dépossédant tout un peuple de son pays. Une politique que le gouvernement de Sharon mène avec la violence la plus extrême en encourageant l'installation de colonies israéliennes pour morceler et pour dépouiller un peu plus le peuple palestinien.
L'intervention américaine en Irak ne va pas du tout dans le sens de cette "solution pacifique" de la question palestinienne dont osent parler les grandes puissances. C'est au contraire un encouragement supplémentaire pour Sharon à utiliser la force et la violence contre le peuple palestinien, sans même lui laisser la moindre perspective.
Ce sont ces gens-là, Bush, Sharon, et la politique qu'ils incarnent qui sont responsables du terrorisme aveugle.
Et puis, rétablir la paix entre le peuple d'Israël et le peuple de Palestine exigerait que les deux peuples puissent vivre sur un pied d'égalité et que les classes populaires de la Palestine puissent espérer sortir de la pauvreté et du chômage. Mais comment imaginer que le représentant en chef des trusts américains, George Bush, prenne sur le budget de l'Etat de quoi mettre fin à l'infini misère de ceux qui, aujourd'hui, sont entassés dans Gaza, entouré de barbelés, sans travail et sous la menace de l'armée israélienne ?
Pendant les quelques semaines qui ont précédé la guerre, Chirac a joué un jeu diplomatique en s'opposant aux Etats-Unis sur plusieurs points, comme le rôle des inspecteurs de l'ONU ou la durée de leur mission. Ce jeu diplomatique lui a valu une certaine popularité tant en France qu'à l'échelle internationale. Mais ce jeu diplomatique ne fait de Chirac un adversaire ni des Etats-Unis ni de leurs buts de guerre, et encore moins un ami du peuple d'Irak. Il n'a jamais protesté contre les bombardements qui se poursuivent depuis douze ans. Il n'a jamais exigé la suppression de l'embargo. La France aurait pu, d'ailleurs, ne pas l'appliquer. Elle ne l'a pas fait.
Et, maintenant que la guerre est en marche, Chirac répète que la France reste l'alliée et l'amie des Etats-Unis.
On a pourtant fabriqué pour cet homme, le représentant politique du grand patronat et des groupes financiers de ce pays, une auréole d'homme de paix ! Que la droite le fasse, c'est dans la logique des choses. Mais il serait honteux que les grands partis de la gauche l'aient fait, s'ils ne s'étaient pas déjà abaissés en intronisant Chirac, en mai 2002, comme sauveur de la France face à la menace lepéniste. Ils s'abaissent encore aujourd'hui en l'intronisant comme combattant de la paix !
Eh bien, pour ce qui nous concerne, nous nous refusons à participer à cette union nationale derrière Chirac. D'autant moins que cette auréole, qu'on est en train de lui construire, Chirac s'en servira pendant les quatre ans à venir de sa présidence !
Il s'en servira pour mener à l'extérieur du pays une politique impérialiste de même nature que celle menée par Bush, mais au profit des groupes industriels et financiers français. Il s'en servira dans les chasses réservées traditionnelles de l'impérialisme français en Afrique en particulier, à commencer par la Côte-d'Ivoire. Mais il s'en servira aussi sans doute en Irak. Même s'il choisit de ne pas prendre part à la guerre, il essaiera d'assurer la présence des groupes capitalistes français pour après. Et il n'est même pas encore sûr que Chirac ne finisse pas par offrir ses services à l'armée américaine sous prétexte, par exemple, d'avoir découvert que Saddam Hussein utilise des armes chimiques ou des armes biologiques.
Les Etats-Unis n'ont certainement pas besoin de l'armée française pour mener la guerre. Mais il n'est pas dit que l'occupation durable du pays, à laquelle ils se préparent, ne suscite pas des résistances. Il n'est pas dit alors que l'image d'une France chiraquienne prétendument amie des peuples arabes ne devienne utile aux Etats-Unis. Il n'est pas dit que les USA ne fassent pas appel alors à une certaine participation de la France pour assurer l'ordre dans la région, quitte à laisser une petite place à des groupes industriels français. Car, si l'Irak est un marché pour les capitalistes américains, il l'est aussi pour les capitalistes français. Pendant longtemps, la France a été un des principaux fournisseurs de l'Irak en armements. De Dassault à Matra, en passant par la Société nationale des poudres et explosifs et bien d'autres, ils ont tous profité de l'argent extorqué par Saddam Hussein au peuple irakien. TotalFinaElf aurait récemment négocié avec Bagdad un contrat d'une valeur de 40 à 60 milliards de dollars portant sur l'exploitation des gisements pétroliers du sud du pays. Alcatel aurait signé un contrat dans la télécommunication, Renault et Peugeot pour livrer des semi-remorques, et d'autres encore dans la chimie ou dans l'électronique.
Alors oui, ce n'est pas l'intérêt des peuples qui guide Chirac, pas plus que Bush, mais l'intérêt des groupes industriels et financiers français.
Et puis, il y a une autre raison, majeure, de refuser l'union nationale autour de Chirac. Chirac se servira contre les travailleurs du soutien que lui accorde tout l'éventail des partis politiques. Il s'en sert déjà.
Car, pendant que Chirac gesticule sur la scène internationale, son gouvernement multiplie les attaques contre le niveau de vie des classes populaires. Pendant que Chirac se pose en homme de paix, son gouvernement mène la guerre contre les travailleurs.
Oh bien sûr, cette guerre est moins sanglante que celle qui se mène en ce moment même en Irak. Mais ses responsables et ses profiteurs sont les mêmes. Les empires financiers qui se partagent la planète ont grandi sur l'exploitation du monde du travail. Et, si dans le pétrole il y a du sang de bien des peuples, il y a aussi la sueur des prolétaires des pays riches, quand ce n'est pas aussi leur sang comme à AZF à Toulouse, sur les chantiers du bâtiment ou à Aventis et dans bien d'autres lieux de travail.
Pendant que se mène là-bas une guerre contre l'Irak, se poursuit ici la guerre sociale du patronat, avec l'aide du gouvernement, contre le monde du travail.
Cette guerre sociale, ce sont les licenciements collectifs qui augmentent le nombre de chômeurs et qui poussent un nombre croissant de familles ouvrières vers la pauvreté. Et le gouvernement ne veut ni ne peut s'opposer aux licenciements collectifs. Ils sont pourtant le fait de grandes entreprises qui ont largement de quoi financer le maintien des emplois. Non, le gouvernement ressort de la naphtaline la panoplie des "contrats emplois" bidons, qui ont en commun de rapporter au patron qui embauche soit l'exonération des charges sociales, soit une exemption d'impôt, soit la prise en charge par l'Etat d'une partie du salaire, soit tout cela à la fois. Le résultat, c'est que le nombre de chômeurs tourne officiellement autour de 2.800.000, près de 10 % des salariés, sans parler de ceux, sans doute autant, qui doivent se contenter d'un travail précaire mal payé.
La guerre sociale, c'est aussi l'attaque contre les retraites qui obligera les travailleurs à travailler plus longtemps, à cotiser plus pour une retraite de plus en plus dérisoire. La société pourrait pourtant et devrait assurer à tous les anciens une retraite qui permette de vivre. Ce serait possible si les propriétaires des entreprises, les actionnaires, ne volaient pas l'intégralité de ce qui résulte des progrès de la productivité. On sacrifie les travailleurs retraités d'aujourd'hui et de demain uniquement pour assurer des revenus encore plus élevés aux actionnaires.
La guerre sociale, c'est aussi de faire payer aux travailleurs des services publics le déficit du budget, en leur imposant des sacrifices sur leurs conditions de travail, sur la sécurité de l'emploi, sur les horaires, sans même parler de l'attaque annoncée de longue date contre leurs retraites. Alors pourtant que ce déficit vient des sommes colossales déversées sur les entreprises capitalistes en aides, en subventions publiques, en primes à l'installation, en dégrèvements d'impôts ou de cotisations sociales.
La guerre sociale, c'est aussi s'attaquer aux services publics eux-mêmes. Il faut avoir le cynisme des représentants politiques des classes riches qui ont à leur disposition des cliniques privées, des écoles payantes, pour considérer qu'il y a trop de personnel dans les hôpitaux ou à l'Education nationale et que c'est là-dessus qu'il faut faire des économies. Ce n'est pas sur les services publics qu'il faudrait faire des économies en personnel ou en matériel, car l'argent versé aux services publics sert à tout le monde, mais sur l'argent versé au patronat qui ne sert à rien, si ce n'est à accroître les profits des actionnaires.
La guerre sociale, c'est aussi d'imposer plus les pauvres, ne serait-ce qu'en faisant payer la CSG aux chômeurs et aux retraités pour réduire les impôts sur les bénéfices des sociétés. Car je vous le rappelle : l'impôt sur les sociétés qui représentait, jusqu'en 1984, 50 % des bénéfices déclarés, n'en représente plus que 33 % aujourd'hui.
La guerre sociale sous une forme particulièrement mesquine, c'est aussi d'avoir allégé l'impôt sur la fortune et en même temps réduit l'aide versée aux personnes âgées dépendantes. En clair, le gouvernement prend dans la poche des personnes âgées ou celle de leurs proches les 500 millions d'euros de cadeaux qu'il consent aux plus riches !
Le gouvernement qui aide le grand patronat à fabriquer des pauvres choisit en même temps de mener la guerre aux pauvres. De plus en plus de femmes et d'hommes sont contraints de mendier pour survivre, mais on interdit la mendicité. De plus en plus nombreux sont ceux qui sont privés de logement, mais on pourchasse ceux qui dorment dans les lieux publics. Sarkozy, reprenant la politique de Chevènement et de Vaillant, refuse de régulariser les travailleurs immigrés sans papiers, même ceux qui vivent et travaillent dans le pays depuis de nombreuses années, mais il consacre des moyens supplémentaires pour les transformer en gibiers pour la police.
Sarkozy se forge un capital politique auprès de l'électorat de droite et d'extrême droite en affrétant des charters pour que les expulsions soient spectaculaires, en vidant de force des immeubles squattés par des sans-logis et en dispersant des familles de Roms et leurs campements de fortune.
C'est ignoble dans un pays qui se prétend civilisé ! Et il ose affirmer que c'est pour la sécurité des citoyens !
Mais la première source d'insécurité sociale, c'est le chômage. Ceux qui menacent la sécurité, ce ne sont certainement pas les travailleurs immigrés sans-papiers, surexploités par des patrons qui profitent de leur situation, dépouillés par des marchands de sommeil. Les véritables responsables de la véritable insécurité, ce sont Matra, Péchiney, Daewoo, Thalès, Métaleurop, Air Lib, Giat Industrie et tous les autres.
Alors oui, tout se tient. Matra, Thalès ex-Thomson, Aérospatiale ou Giat Industrie sont des entreprises dont les plans de licenciements vont briser ici, en France, des milliers de vies et ruiner des villes ou des régions. Mais ce sont, aussi, les mêmes qui se sont enrichis lors de la guerre Iran-Irak, à l'époque où les trusts français de l'armement étaient parmi les principaux fournisseurs de Saddam Hussein.
On a beaucoup parlé du groupe Lagardère, et en bien, au moment de la mort de son fondateur et de l'accession aux commandes de son fils. Le groupe Lagardère, c'est Matra et l'usine qui ferme à Romorantin, jetant sur le pavé plus de 800 ouvriers, alors que rien que la réserve, mise de côté par l'entreprise à partir des profits générés par la voiture Espace, permettrait d'assurer, pendant 13 ans, un salaire mensuel de 1.400 euros, plus les charges sociales, à l'ensemble des travailleurs licenciés.
Mais, Matra, ce n'est pas seulement l'Espace et l'Avant Time. C'est aussi des missiles, du matériel militaire de haute technologie, largement vendu au Moyen-Orient. Depuis la guerre de 1967 entre Israël et les pays arabes, où Matra était déjà présente grâce à ses contrats d'exportation avec l'Etat hébreu, combien de morts, combien de destructions pour que s'édifie ce "groupe industriel exemplaire" dont parle la presse ? Mais, au demeurant, comment la presse n'aurait-elle pas vanté les mérites du groupe Lagardère puisque le groupe est aussi le premier éditeur mondial de la presse magazine, propriétaire en outre de dix quotidiens, de trois radios et de quatre chaînes de télévision thématiques ?
Et puis le trust TotalFinaElf, qui est partie prenante dans la rivalité autour du pétrole en Irak, est aussi derrière la guerre civile qui a déchiré le Congo. Comme il est le véritable maître du Gabon.
Mais TotalFinaElf, c'est aussi la pollution de centaines de kilomètres de côtes par le naufrage de l'Erika, la catastrophe de l'usine chimique AZF à Toulouse. C'est également la puissance corruptrice que rappelle le procès qui se déroule en ce moment même à Paris. Et à lire le montant des sommes consacrées à acheter des chefs d'Etat et des ministres dans les pays producteurs ou des hommes politiques ici même ; à voir ce que les dirigeants et les hauts cadres ont détourné à leur propre usage, on ne peut ressentir que de l'écoeurement. Car, en même temps, TotalFinaElf mégote sur l'indemnisation de ceux que son pétrole a pollués, comme il mégote avec les victimes de la catastrophe d'AZF dont il est pourtant responsable.
Quelques dizaines de groupes financiers de cette taille-là, quelques centaines tout au plus, enserrent le monde entier dans un réseau serré qui fait de toute l'économie mondiale une immense machine à leur procurer du profit. Ces sociétés financières sont surtout américaines certes, mais aussi françaises, britanniques, japonaises ou autres. Elles sont concurrentes, mais elles ont des participations croisées les unes dans les autres et leurs actionnaires sont souvent les mêmes. Elles sont toutes liées surtout pour imposer à l'échelle de la planète leur dictature, la dictature de la finance, une dictature basée sur l'exploitation de la classe ouvrière et sur l'oppression des peuples. Elles sont derrière bien des conflits armés et elles sont responsables et principaux profiteurs de la guerre sociale permanente menée à l'échelle de la planète pour assurer à la classe capitaliste sa domination sur le monde. Une guerre dont les victimes ne meurent pas par balles, mais de faim, de misère, de maladies qu'on peut guérir.
Voilà pourquoi lutter ici contre le grand patronat pour défendre les conditions d'existence des travailleurs et s'opposer à la guerre fait partie d'un même combat. Et c'est bien parce que le mouvement ouvrier n'est pas en situation de lutter efficacement dans les pays riches eux-mêmes contre les trusts qui exploitent et qui licencient qu'il n'est pas en situation de s'opposer aux guerres menées en fin de compte toujours au profit des mêmes.
Le succès des grèves qui ont eu lieu cette semaine, celle de la SNCF et celle du personnel de l'Education nationale, montre que les travailleurs ne se sont pas laissé aveugler par la diversion du jeu diplomatique de Chirac.
Et la manifestation aujourd'hui même a au moins permis aux victimes des derniers plans de licenciements à ACT, à Air Lib, à Daewoo, Métaleurop, Aventis, Grimault ou Alstom de protester contre les suppressions d'emplois et la précarité. Et six fédérations de fonctionnaires appellent, le 3 avril, à une journée de mobilisation contre les projets gouvernementaux pour les retraites.
Tout cela peut contribuer à redonner aux travailleurs confiance en leur force. C'est tout ce qu'on peut en attendre, mais si cela était le cas, ce serait important pour les véritables combats à venir. Des combats qui devront être amples et menacer de se généraliser pour pouvoir faire reculer le patronat et le gouvernement sur ces objectifs essentiels pour les conditions d'existence des travailleurs de ce pays :
-interdiction des licenciements collectifs et des emplois précaires ;
pas de nouveau recul sur les retraites, rétablissement de la durée de 37 ans et demi de cotisation pour tous, privé comme public avec une pension de retraite qui permette de vivre ;
-augmentation générale des salaires, des pensions et des allocations.
Et puis, bien au-delà de la défense du niveau de vie des travailleurs de ce pays, ce qui se passe en Irak illustre que le capitalisme, ce n'est pas seulement l'exploitation et la menace de la pauvreté au coeur des pays les plus riches, ce n'est pas seulement l'approfondissement incessant du fossé entre la majorité pauvre de la planète et une poignée de pays qu'on dit riches parce que leur bourgeoisie l'est. Le capitalisme, c'est aussi la guerre.
Pour cette guerre en Irak, ceux qui l'ont décidé, planifié, ont eu les mains libres. Les manifestations qui se sont exprimées ont témoigné du sentiment des peuples, y compris ceux des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dont les gouvernements sont en pointe dans cette guerre. On l'a vu, ceux qui dirigent le monde n'ont que faire de l'opinion des peuples.
La guerre en Irak, nous n'avons pas pu l'empêcher. Et des guerres comme cela, il y en aura d'autres tant que le système impérialiste dominera la planète. Et ce n'est pas seulement, comme on tente de nous le faire croire, en raison de l'agressivité guerrière de l'équipe Bush, ni même en raison de l'arrogance des Etats-Unis, devenus la seule superpuissance de la planète. Car combien de guerres infâmes a mené notre propre impérialisme, de Madagascar à l'Algérie, en passant par le Vietnam ?
Dans la guerre actuelle, l'impérialisme français n'est pas acteur, mais seulement complice -du moins pour le moment. Seuls des soldats américains, flanqués de soldats britanniques et australiens, participent à l'agression contre l'Irak. Mais la France était partie prenante de la guerre du Golfe en 1991. Des avions français ont participé au bombardement de l'Afghanistan. Et demain qui sait où l'intérêt des groupes capitalistes français commandera d'envoyer des soldats français ? Ils interviennent déjà en Côte-d'Ivoire ou en Centrafrique.
Alors, reste pour les travailleurs de ce pays la tâche de faire renaître un mouvement ouvrier politique sur les seules bases possibles : sur les bases du communisme. Au temps où il était encore communiste, au début des années 1920, le Parti communiste ne se battait pas seulement pour faire avancer dans le pays la cause des travailleurs. Il se battait aussi contre la guerre du Rif, au Maroc, il se battait plus généralement contre les visées impérialistes de la France.
Oui, l'exploitation et la loi du profit érigée en loi universelle engendrent inévitablement les guerres, comme elles engendrent inévitablement la misère, la décomposition sociale, le retour à la barbarie dans bien des domaines.
Je me réjouis bien sûr des manifestations de protestation qui ont eu lieu en France comme dans bien d'autres pays. J'espère qu'elles continueront et qu'elles s'amplifieront. J'appelle à participer à la manifestation prévue pour demain, comme à toutes les autres dans les jours qui viennent.
Ceux qui ont un minimum de dignité humaine ne peuvent pas regarder avec indifférence les bombes qui tombent et la souffrance d'un peuple. Manifester, c'est au moins exprimer son indignation, son écoeurement devant ce qui se passe là-bas, en Irak, et devant un monde qui permet cela.
Je me réjouis particulièrement de la participation massive de jeunes et même de très jeunes à ces manifestations.
Ce qui se passe en Irak montre avec infiniment plus de réalisme quelle est la nature des relations internationales, que des livres d'histoire ou les leçons d'instruction civique. Oui, c'est un monde dominé par des rapports de force. Oui, c'est un monde qui est régi par la loi de la jungle. Oui, c'est un monde qui fait souffrir et saigner des peuples simplement pour que l'argent rentre dans les coffres-forts des grandes compagnies financières.
Mais ce que j'espère aussi, c'est qu'une partie au moins des jeunes qui ont manifesté et qui continuent à le faire prolongeront l'indignation qu'ils expriment en réfléchissant aux raisons qui engendrent les guerres.
Et j'espère et je souhaite que cela leur fasse dépasser le simple pacifisme. Car le simple pacifisme ne suffit pas, et les mouvements pacifistes, pour légitimes qu'ils soient, ont toujours une guerre de retard sur le monde impérialiste.
Protester, c'est utile quand on n'a pas la force de faire plus.
Mais il ne suffit pas de protester. Il faut agir pour que puisse se constituer une force capable de s'opposer à la violence de l'impérialisme, le combattre et un jour le vaincre ! L'impérialisme, ce n'est pas seulement un comportement agressif. Il n'est pas le fait d'une seule superpuissance. Il est le produit du système économique et social capitaliste.
Alors, j'espère, je souhaite que, parmi les jeunes qui manifestent, il s'en trouve qui choisissent d'agir, c'est-à-dire de militer dans la perspective du renversement de l'organisation capitaliste de la société.
Il faut faire renaître dans ce pays comme dans les autres un parti dont l'objectif fondamental soit d'offrir aux travailleurs la perspective d'ôter aux groupes financiers la dictature qu'ils exercent sur la société.
Il faut faire renaître un parti communiste qui ne se contente pas d'occuper quelques fauteuils ministériels, impuissant et complice du patronat. Mais qui vise le bouleversement de l'ordre social existant par l'expropriation des capitalistes et par la mise à disposition de la collectivité des grandes entreprises. Une transformation fondamentale de l'économie afin qu'elle cesse de fonctionner pour le seul profit d'une petite minorité, pour qu'elle puisse enfin satisfaire au mieux les besoins de tous, sous le contrôle démocratique des travailleurs, des consommateurs et de la population.
Alors, aujourd'hui, pensons à ce que subissent les classes populaires d'Irak. Pensons-y par solidarité humaine élémentaire, mais aussi en nous disant que leur présent est notre passé et peut être notre avenir. Car le siècle dernier a démontré, par deux fois, que les guerres ne se déroulent pas toujours chez les autres. Et que les plus grands pays riches et dits civilisés ne sont à l'abri ni de la dictature, ni de la guerre. Ce que subit le peuple d'Irak peut être aussi notre avenir si nous laissons faire.
Alors, travailleuses, travailleurs, camarades,
Aujourd'hui et demain, nous avons à être au côté de ceux qui manifestent contre la guerre en Irak.
Mais rappelons-nous aussi que, dans le passé, le mouvement ouvrier révolutionnaire n'opposait pas le pacifisme au bellicisme impérialiste. Il affirmait : guerre à la guerre par le renversement du capitalisme !
Aujourd'hui, après bien des défaites et bien des trahisons, la classe ouvrière ne joue pas le rôle politique qu'elle doit jouer. Elle a bien du mal même simplement à se défendre face aux attaques patronales et face aux licenciements. Mais les choses peuvent aussi changer vite. Ce qui est certain, en tout cas, c'est que, si nous ne voulons pas subir éternellement la violence de la classe dominante, la violence de l'exploitation, la violence des guerres, il faut que renaisse un mouvement ouvrier révolutionnaire afin que le prolétariat puisse mettre fin à la domination de l'argent et de la bourgeoisie capitaliste sur la société.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 25 mars 2003)
Depuis deux jours, l'invasion de l'Irak a commencé. Bagdad et un certain nombre de grandes villes sont arrosées de missiles et de bombes, et les troupes terrestres américaines et britanniques ont commencé à envahir l'Irak.
La guerre, qui est menée par deux des plus grandes puissances militaires de la planète contre un peuple pratiquement désarmé, est une guerre impérialiste, une guerre d'agression sans aucune justification, une guerre de brigandage que ne masque même pas une caution de l'ONU.
Ce que les grandes puissances appellent le "droit international" n'est même pas respecté. Les pays qui n'ont pas approuvé cette guerre pourraient au moins la condamner formellement au nom de l'ONU. Car les USA sont aujourd'hui des envahisseurs, tout autant que l'était l'Irak, en 1991, lorsqu'il avait envahi le Koweit. Mais, aux yeux des grandes puissances, ce qu'un petit pays n'a pas le droit de faire, un grand pays peut le faire impunément. Et s'il fallait une démonstration de la partialité de l'ONU et surtout de son inutilité pour maintenir la paix, on la trouverait là.
Et ceux qui pourraient être surpris par le texte de notre affiche - Pas de sang dans le pétrole - n'imaginent pas vraiment ce que veulent dire cette guerre et ses horreurs.
Oui, il va couler du sang en Irak, beaucoup de sang des classes populaires, de gens qui vivent misérablement. Et ce sont les pays, non seulement les plus puissants militairement, mais les plus riches qui vont enfoncer cette population encore un peu plus dans la misère, une misère dont elle mettra des années à se relever, si elle s'en sort jamais. Elle va subir des épidémies, le manque d'écoles, le manque d'hôpitaux. Il y a une génération d'enfants et d'adolescents qui sera sacrifiée de ce point de vue.
Ceux qui, parmi la population, ne seront pas tués lors des premières offensives, vont subir des bombardements, vont être gravement blessés, privés de nourriture, d'eau, de soins médicaux.
N'oublions donc pas que, après cette guerre pour le partage du pétrole irakien entre grandes puissances, ce pétrole va arroser le monde, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne bien sûr mais aussi la France, à travers les grandes compagnies américaines. N'oublions donc pas, à chaque fois que nous ferons le plein, le sang qu'il aura coûté. N'oublions donc pas que, à chaque fois que nous prendrons de l'essence, nous mettrons un peu du sang du peuple irakien dans notre réservoir.
C'est bien sûr une image, mais c'est pourtant la vérité. Une chanson de poilus d'après la guerre de 1914/1918 disait, en parlant d'une colline qui avait vu des milliers de morts pour rien : "Aujourd'hui, il y a des vignes et il y pousse du raisin, mais qui boira ce vin-là boira le sang des copains".
Eh bien, nous, on nous fera voyager dans nos voitures, nos trains et nos avions avec le sang des Irakiens !
Voilà le crime qui se prépare et qui nous rend tous complices.
Aujourd'hui, nous ne pouvons rien faire pour empêcher les assassins d'agir. A l'ONU, les adversaires de l'intervention pourraient au moins présenter une motion condamnant cette agression injustifiée et illégale du point de vue même d'un organisme qui prétend maintenir la paix et contenir les agressions. Ils ne l'ont pas fait, pas plus Chirac que les autres.
En fait, ils sont tous complices.
Et puis, n'est-ce pas, s'il y avait finalement quelques barils de pétrole pour eux, ils ne seraient pas regardants sur le mélange du moment que cela leur rapporterait.
En ce moment même où je vous parle, les bombes tombent sur Bagdad et l'armée de la principale puissance du monde est en train d'écraser un pays pauvre sous sa puissance de feu et les chenilles de ses chars. Combien de morts déjà ? Combien de morts encore à venir ? Combien d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards entassés dans leurs caves, tremblant de peur ? Combien seront ensevelis ?
Alors, pensons-y, et pas seulement aujourd'hui, où un être humain normalement constitué ne peut être que bouleversé rien qu'en imaginant ce qui se passe là-bas. Mais pensons-y aussi demain. Pensons-y en prenant de l'essence dans une station-service à l'enseigne d'Exxon, Shell, TotalFinaElf ou BP. Elles ne sont pas variées les enseignes que l'on retrouve le long des routes, de la France jusqu'aux Etats-Unis, comme en Amérique latine, en Afrique ou par en Asie. Une douzaine de trusts du pétrole, complices et rivaux, qui, avec quelques autres de l'industrie, de l'armement ou du bâtiment et des travaux publics sont derrière cette guerre infâme. Comme ils ont été derrière bien d'autres dans le passé qui ont ensanglanté l'histoire. Rien que depuis la Deuxième Guerre mondiale, combien de coups d'Etat, de l'Iran de Mossadegh au Venezuela, en passant déjà par l'Irak, derrière lesquels il y avait les trusts du pétrole ? Et on ne peut pas oublier que, même dans ce continent pauvre d'entre les pauvres qu'est l'Afrique, la rivalité entre British Petroleum et Shell d'un côté, et Elf de l'autre, autour du pétrole du Nigeria a conduit à l'affreuse guerre du Biafra, déclenchée en 1967, qui avait fait des centaines de milliers de morts, et dont ce malheureux pays ne s'est toujours pas remis. Les livres d'histoire parlent à ce propos de guerre ethnique ? Mais ce ne sont pas des passions barbares ressurgies du fond des âges qui ont tué au Nigeria. Ce sont des calculs froids menés dans les conseils d'administration de grands trusts et dans les cabinets ministériels. Derrière BP et Shell, il y avait le gouvernement de la Grande-Bretagne, et derrière Elf, celui de la France. Et, bien des guerres civiles se prolongent en Angola ou au Congo, car les bandes armées qui les mènent sont financées par les mêmes trusts.
Pendant que les diplomates bavardent à l'ONU ou dans un des nombreux organismes internationaux, ce sont ces trusts-là, ou d'autres, qui font et défont les chefs d'Etat dans les pays pauvres et qui, à partir des pays les plus développés, dirigent le monde en fonction de leurs intérêts.
La comédie diplomatique à l'ONU n'a été qu'un rideau de fumée derrière lequel les Etats-Unis ont préparé leur déploiement militaire autour de l'Irak. Au début, les Etats-Unis ont affirmé que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive et qu'il fallait qu'il les détruise. Cette exigence, votée à l'unanimité à l'ONU, était déjà d'un cynisme sans nom car elle venait des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne mais aussi de la France, ces grandes puissances dont les seules armes nucléaires ont de quoi détruire plusieurs fois la planète !
Mais les inspecteurs commandités par l'ONU n'ont pas trouvé d'armes de destruction massive. Alors, les dirigeants américains ont sommé ce pays de détruire les armes classiques que les inspecteurs ont trouvées. L'Irak a eu beau répondre à toutes les injonctions successives, les dirigeants américains ont nié les faits et ont fait monter les enchères, en exigeant ces dernières semaines le départ de Saddam Hussein. Mais, à la veille du déclenchement de la guerre, même cela ne leur suffit plus : Bush avait annoncé que, si Saddam Hussein quittait au dernier moment le pays, de toute façon, l'armée américaine y entrerait !
J'ignore bien sûr, comme tout le monde, combien de temps durera cette sale guerre. J'ignore si l'écrasante supériorité américaine en matériel, en haute technologie, arrivera facilement à bout de l'armée de Saddam Hussein. J'ignore si une partie de la population irakienne, du moins ses composantes les plus opprimées, les Kurdes ou les chiites, profitera de l'état de guerre pour se soulever contre le dictateur.
Car Saddam Hussein est un dictateur, et ce n'est certainement pas lui et son régime qui sont à plaindre. Mais c'est l'écrasante majorité de la population qui subira la guerre. Et, par dessus la personne de son dictateur, c'est tout le pays qui est visé.
Et puis, il y a de quoi être écoeuré par la feinte indignation des hommes politiques, qui ne sont pas seulement en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, devant la dictature de Saddam Hussein. Car, pour grands que soient les crimes de Saddam Hussein contre son propre peuple, bien plus grands encore sont ceux commis par les grandes puissances qui se posent aujourd'hui en missionnaires en armes de la démocratie.
Il faut rappeler qu'au lendemain de la Première Guerre mondiale, l'impérialisme anglais et l'impérialisme français s'étaient jetés sur cette région pour la déchirer en fonction de leurs intérêts : le Liban et la Syrie actuelle à l'impérialisme français, l'Irak et la Jordanie à l'impérialisme anglais.
Il faut rappeler que c'est dans le sang et dans la violence que la Grande-Bretagne a imposé son protectorat à un Irak, aux contours artificiellement découpés, qui n'en voulait pas. Pour mettre la main sur l'Irak, la très "démocratique" Grande-Bretagne avait noyé dans le sang une révolte des chiites, déjà, brûlé des villages, exécuté ou déporté ceux qu'elles estimaient responsables de la révolte.
C'est encore la Grande-Bretagne, avec la complicité de la France, qui avait bâti l'armée et l'appareil d'Etat irakiens en formant une hiérarchie d'officiers dressés à opprimer leur propre peuple, dans des écoles militaires d'Angleterre ou des Indes de l'empire colonial.
Ce sont les Anglais et les Français ensemble qui avaient refusé au peuple kurde le droit à une existence nationale en le dispersant entre la Turquie, l'Irak, l'Iran et la Syrie.
Saddam Hussein a utilisé à son profit les divisions et les haines suscitées par la Grande-Bretagne et la France entre les diverses composantes de la population de la région : sunnites contre chiites, arabes contre Kurdes.
Tout le Moyen-Orient porte jusqu'à aujourd'hui, dans sa chair, les stigmates du jeu de domination perverse des grandes puissances impérialistes.
Et lorsque les horreurs du nazisme ont poussé vers l'exode des centaines de milliers de juifs d'Europe à la recherche d'une terre, ce sont encore ces grandes puissances qui ont choisi de dresser l'Etat d'Israël contre les peuples arabes de la région et qui ont créé une situation inextricable dont le peuple palestinien comme le peuple juif paient aujourd'hui le prix.
Et ce sont ces gens-là qui parlent aujourd'hui de démocratie, de liberté !
L'écoeurante bouillie idéologique au nom de laquelle Bush et les siens mènent la guerre, mélangeant bible et démocratie, est d'autant plus cynique que les dirigeants américains n'ont que faire de la démocratie. Une démocratie, même avec les critères américains, l'Arabie saoudite, avec sa monarchie fondamentaliste ? Des démocraties, le chapelet d'émirats découpés dans le Moyen-Orient autour des puits de pétrole et dont les émirs et autres sultans ignorent ce que le mot "élection" veut dire et ne considèrent pas les femmes comme des êtres humains à part entière ?
Alors, des soldats américains vont mourir aussi, et en croyant mourir pour la patrie, ils mourront pour les trusts et pour tous ces gens-là.
Et puis, faut-il rappeler que Saddam Hussein lui-même a été longtemps soutenu, patronné par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ? A l'époque, le gêneur dans la région, c'était Khomeiny, en Iran. Ce sont les grandes puissances qui avaient alors vendu à Saddam ces armes de "destruction massive" que les inspecteurs de l'ONU n'ont pas trouvé cette fois-ci. Ce sont les grandes puissances qui l'avaient poussé à se lancer contre l'Iran voisin, en 1980, dans une longue guerre meurtrière qui avait fait, au bas mot, un million de morts à l'époque.
Les dirigeants des grandes puissances ont l'habitude de justifier de longue date les guerres de pillage par les mots "civilisation" ou "démocratie". C'était déjà pour "civiliser" le Maghreb que l'armée française a naguère conquis l'Algérie en décimant sa population. C'est en affirmant apporter la civilisation que la France impérialiste avait imposé à l'Afrique noire le travail forcé et le fouet.
Alors oui, c'est une guerre ignoble. Elle ne correspond aux intérêts d'aucun peuple, pas même à ceux du peuple américain. Car ses soldats ont beau disposer d'une supériorité militaire écrasante, il y en a parmi eux qui ne reviendront jamais de cette sale guerre et d'autres qui reviendront handicapés à vie. Même si, pour les soldats américains, la guerre reste une guerre presque virtuelle que l'on peut mener à coups de missiles téléguidés ou du haut d'avions survolant de loin les victimes ; s'il leur faut se trouver, à un moment ou à un autre, face aux victimes, hommes, vieillards, femmes et enfants, cela laissera des traces pour beaucoup. Des traces morales et psychologiques. La guerre du Vietnam en a laissé, de telles traces, bien au-delà des morts et des handicapés car les blessures d'une guerre ne sont pas seulement physiques.
Et même si la guerre elle-même est rapidement menée, comment cela se passera-t-il après ? Sous quelle forme la population continuera-t-elle à payer la note ?
Oh, les grands trusts se jetteront sur le pays, une fois l'embargo levé ! Les grands trusts du pétrole, bien sûr. Ils savent qu'ils bénéficieront des faveurs de l'administration américaine. Ils savent que, même une fois l'occupation américaine terminée -si elle l'est un jour- le régime laissé sera aussi accommodant que les émirats artificiels des alentours qui ne sont que les gérants indigènes des intérêts des grands trusts. Et il y aura les trusts d'équipements pour le pétrole, il y aura aussi les grands trusts du bâtiment et des travaux publics.
Oh, ils ne viendront pas pour reconstruire les villages ou les quartiers pauvres détruits ! Ce sera à la seule population de dégager les ruines dans les villes et les villages et de tenter de reconstruire une existence normale.
Mais si le pétrole rapporte, il pourra financer quelques grands chantiers. On construira peut-être des centres financiers rutilants. On modernisera peut-être des ports pour mieux évacuer le pétrole ou des terrains d'aviation pour faciliter les déplacements des troupes d'occupation ou des hauts cadres ou des dirigeants des compagnies pétrolières. On construira peut-être quelques autoroutes à quatre voies pour les grosses voitures des intermédiaires qui s'enrichissent.
Le gouvernement américain a déjà signé, paraît-il, un certain nombre de contrats confidentiels avec des sociétés privées. Ce champ de ruines que sera l'Irak n'est qu'un marché potentiel pour les vautours qui se jettent sur le pays. Un marché d'entre 30 et 100 milliards... car il y a déjà des économistes qui ont fait des études sur ce que la guerre rapportera aux seuls trusts du bâtiment. Mais qui paiera ?
Eh bien, si tout cela est payé avec l'argent du pétrole, c'est encore le peuple irakien qui paiera. Parce que c'est à lui qu'on aura volé les revenus du pétrole qui ne serviront pas à faire sortir l'Irak du sous-développement.
L'Irak a toujours été un pays pauvre, un pays sous-développé. Le pétrole de son sous-sol que se sont disputé dans le passé, successivement, des trusts anglais et allemands, puis anglais et français, avant même que les trusts américains y jettent leur dévolu, n'a jamais profité à la majorité de la population. Mais, en plus, l'Irak a été saigné par la guerre contre l'Iran, puis par les bombardements qui n'ont jamais cessé depuis la guerre du Golfe, par l'embargo aussi. Un embargo dont n'ont souffert ni Saddam Hussein ou son entourage, ni les plus riches qui ont pu continuer à vivre dans le luxe grâce à la contrebande, mais un embargo qui a été catastrophique pour les classes populaires.
Dans son discours-ultimatum, George Bush promet, pour l'après-guerre, une "réelle prospérité" pour le peuple irakien. Il l'avait déjà promise à l'Afghanistan, une fois débarrassé des talibans. Mais, si des millions de dollars ont été déversés sur ce malheureux pays sous forme de bombes, ensuite il n'y a plus rien eu. Et à la dictature des talibans a succédé celle des seigneurs de guerre, ramenés dans les fourgons de l'armée américaine. Et l'Afghanistan est sorti de la guerre plus appauvri encore qu'il n'y était entré. Si même il en est sorti : la nuit même du premier bombardement sur Bagdad, l'aviation américaine a également bombardé massivement le sud de l'Afghanistan.
Bush promet aussi au peuple irakien, notamment à ceux qui ont subi la dictature de Saddam Hussein, les chiites ou les Kurdes, la liberté et l'égalité. Il est compréhensible que les Kurdes d'Irak, qui ont toutes les raisons de se souvenir du traitement que leur a infligé Saddam Hussein, espèrent être cette fois-ci débarrassés du dictateur. Mais Saddam Hussein chassé, le peuple kurde n'aura pas pour autant la liberté, pas même la liberté nationale. L'état de demi-guerre dans lequel se trouve l'Irak depuis dix ans et la présence de l'aviation américaine ont permis aux Kurdes du nord du pays de s'assurer une sorte d'autonomie de fait. Il n'est pas dit que l'invasion américaine ne leur fasse pas perdre le peu qu'ils ont obtenu. Quelles que soient les promesses qu'ils font miroiter aujourd'hui, les Etats-Unis ne permettront pas à un Etat kurde de naître pour ne pas déplaire à la Turquie qui, malgré ses réticences, vite levées, à laisser passer les troupes américaines, reste un de leurs principaux alliés dans la région. Ce ne sera pas la première fois que le peuple kurde, en combattant son oppresseur d'aujourd'hui, voit son allié du moment se transformer en nouvel oppresseur.
Bush promet aussi un nouvel ordre dans la région, un ordre plus juste, un ordre plus démocratique. Mais qui peut croire la promesse d'une grande puissance qui est le principal soutien non seulement de tous les régimes réactionnaires et dictatoriaux de la région, mais aussi de l'Etat d'Israël et de l'oppression que cet Etat exerce sur le peuple palestinien ? Sans le soutien des Etats-Unis, le gouvernement d'extrême droite d'Ariel Sharon ne pourrait pas mener la guerre qu'il mène contre le peuple palestinien. Un peuple enfermé dans ces ghettos pour pauvres que sont devenus la bande de Gaza et les lambeaux de territoires dits autonomes de Cisjordanie.
Pour compenser l'effet de son agression contre l'Irak sur les peuples arabes, George Bush a évoqué la création d'un Etat palestinien indépendant. Mais qui peut le croire, alors que cela fait un demi-siècle que les Etats-Unis soutiennent la politique des gouvernements successifs d'Israël. Des gouvernements qui ont tous mené une politique de conquêtes, accaparant sans cesse plus de terres au détriment des Palestiniens, dépossédant tout un peuple de son pays. Une politique que le gouvernement de Sharon mène avec la violence la plus extrême en encourageant l'installation de colonies israéliennes pour morceler et pour dépouiller un peu plus le peuple palestinien.
L'intervention américaine en Irak ne va pas du tout dans le sens de cette "solution pacifique" de la question palestinienne dont osent parler les grandes puissances. C'est au contraire un encouragement supplémentaire pour Sharon à utiliser la force et la violence contre le peuple palestinien, sans même lui laisser la moindre perspective.
Ce sont ces gens-là, Bush, Sharon, et la politique qu'ils incarnent qui sont responsables du terrorisme aveugle.
Et puis, rétablir la paix entre le peuple d'Israël et le peuple de Palestine exigerait que les deux peuples puissent vivre sur un pied d'égalité et que les classes populaires de la Palestine puissent espérer sortir de la pauvreté et du chômage. Mais comment imaginer que le représentant en chef des trusts américains, George Bush, prenne sur le budget de l'Etat de quoi mettre fin à l'infini misère de ceux qui, aujourd'hui, sont entassés dans Gaza, entouré de barbelés, sans travail et sous la menace de l'armée israélienne ?
Pendant les quelques semaines qui ont précédé la guerre, Chirac a joué un jeu diplomatique en s'opposant aux Etats-Unis sur plusieurs points, comme le rôle des inspecteurs de l'ONU ou la durée de leur mission. Ce jeu diplomatique lui a valu une certaine popularité tant en France qu'à l'échelle internationale. Mais ce jeu diplomatique ne fait de Chirac un adversaire ni des Etats-Unis ni de leurs buts de guerre, et encore moins un ami du peuple d'Irak. Il n'a jamais protesté contre les bombardements qui se poursuivent depuis douze ans. Il n'a jamais exigé la suppression de l'embargo. La France aurait pu, d'ailleurs, ne pas l'appliquer. Elle ne l'a pas fait.
Et, maintenant que la guerre est en marche, Chirac répète que la France reste l'alliée et l'amie des Etats-Unis.
On a pourtant fabriqué pour cet homme, le représentant politique du grand patronat et des groupes financiers de ce pays, une auréole d'homme de paix ! Que la droite le fasse, c'est dans la logique des choses. Mais il serait honteux que les grands partis de la gauche l'aient fait, s'ils ne s'étaient pas déjà abaissés en intronisant Chirac, en mai 2002, comme sauveur de la France face à la menace lepéniste. Ils s'abaissent encore aujourd'hui en l'intronisant comme combattant de la paix !
Eh bien, pour ce qui nous concerne, nous nous refusons à participer à cette union nationale derrière Chirac. D'autant moins que cette auréole, qu'on est en train de lui construire, Chirac s'en servira pendant les quatre ans à venir de sa présidence !
Il s'en servira pour mener à l'extérieur du pays une politique impérialiste de même nature que celle menée par Bush, mais au profit des groupes industriels et financiers français. Il s'en servira dans les chasses réservées traditionnelles de l'impérialisme français en Afrique en particulier, à commencer par la Côte-d'Ivoire. Mais il s'en servira aussi sans doute en Irak. Même s'il choisit de ne pas prendre part à la guerre, il essaiera d'assurer la présence des groupes capitalistes français pour après. Et il n'est même pas encore sûr que Chirac ne finisse pas par offrir ses services à l'armée américaine sous prétexte, par exemple, d'avoir découvert que Saddam Hussein utilise des armes chimiques ou des armes biologiques.
Les Etats-Unis n'ont certainement pas besoin de l'armée française pour mener la guerre. Mais il n'est pas dit que l'occupation durable du pays, à laquelle ils se préparent, ne suscite pas des résistances. Il n'est pas dit alors que l'image d'une France chiraquienne prétendument amie des peuples arabes ne devienne utile aux Etats-Unis. Il n'est pas dit que les USA ne fassent pas appel alors à une certaine participation de la France pour assurer l'ordre dans la région, quitte à laisser une petite place à des groupes industriels français. Car, si l'Irak est un marché pour les capitalistes américains, il l'est aussi pour les capitalistes français. Pendant longtemps, la France a été un des principaux fournisseurs de l'Irak en armements. De Dassault à Matra, en passant par la Société nationale des poudres et explosifs et bien d'autres, ils ont tous profité de l'argent extorqué par Saddam Hussein au peuple irakien. TotalFinaElf aurait récemment négocié avec Bagdad un contrat d'une valeur de 40 à 60 milliards de dollars portant sur l'exploitation des gisements pétroliers du sud du pays. Alcatel aurait signé un contrat dans la télécommunication, Renault et Peugeot pour livrer des semi-remorques, et d'autres encore dans la chimie ou dans l'électronique.
Alors oui, ce n'est pas l'intérêt des peuples qui guide Chirac, pas plus que Bush, mais l'intérêt des groupes industriels et financiers français.
Et puis, il y a une autre raison, majeure, de refuser l'union nationale autour de Chirac. Chirac se servira contre les travailleurs du soutien que lui accorde tout l'éventail des partis politiques. Il s'en sert déjà.
Car, pendant que Chirac gesticule sur la scène internationale, son gouvernement multiplie les attaques contre le niveau de vie des classes populaires. Pendant que Chirac se pose en homme de paix, son gouvernement mène la guerre contre les travailleurs.
Oh bien sûr, cette guerre est moins sanglante que celle qui se mène en ce moment même en Irak. Mais ses responsables et ses profiteurs sont les mêmes. Les empires financiers qui se partagent la planète ont grandi sur l'exploitation du monde du travail. Et, si dans le pétrole il y a du sang de bien des peuples, il y a aussi la sueur des prolétaires des pays riches, quand ce n'est pas aussi leur sang comme à AZF à Toulouse, sur les chantiers du bâtiment ou à Aventis et dans bien d'autres lieux de travail.
Pendant que se mène là-bas une guerre contre l'Irak, se poursuit ici la guerre sociale du patronat, avec l'aide du gouvernement, contre le monde du travail.
Cette guerre sociale, ce sont les licenciements collectifs qui augmentent le nombre de chômeurs et qui poussent un nombre croissant de familles ouvrières vers la pauvreté. Et le gouvernement ne veut ni ne peut s'opposer aux licenciements collectifs. Ils sont pourtant le fait de grandes entreprises qui ont largement de quoi financer le maintien des emplois. Non, le gouvernement ressort de la naphtaline la panoplie des "contrats emplois" bidons, qui ont en commun de rapporter au patron qui embauche soit l'exonération des charges sociales, soit une exemption d'impôt, soit la prise en charge par l'Etat d'une partie du salaire, soit tout cela à la fois. Le résultat, c'est que le nombre de chômeurs tourne officiellement autour de 2.800.000, près de 10 % des salariés, sans parler de ceux, sans doute autant, qui doivent se contenter d'un travail précaire mal payé.
La guerre sociale, c'est aussi l'attaque contre les retraites qui obligera les travailleurs à travailler plus longtemps, à cotiser plus pour une retraite de plus en plus dérisoire. La société pourrait pourtant et devrait assurer à tous les anciens une retraite qui permette de vivre. Ce serait possible si les propriétaires des entreprises, les actionnaires, ne volaient pas l'intégralité de ce qui résulte des progrès de la productivité. On sacrifie les travailleurs retraités d'aujourd'hui et de demain uniquement pour assurer des revenus encore plus élevés aux actionnaires.
La guerre sociale, c'est aussi de faire payer aux travailleurs des services publics le déficit du budget, en leur imposant des sacrifices sur leurs conditions de travail, sur la sécurité de l'emploi, sur les horaires, sans même parler de l'attaque annoncée de longue date contre leurs retraites. Alors pourtant que ce déficit vient des sommes colossales déversées sur les entreprises capitalistes en aides, en subventions publiques, en primes à l'installation, en dégrèvements d'impôts ou de cotisations sociales.
La guerre sociale, c'est aussi s'attaquer aux services publics eux-mêmes. Il faut avoir le cynisme des représentants politiques des classes riches qui ont à leur disposition des cliniques privées, des écoles payantes, pour considérer qu'il y a trop de personnel dans les hôpitaux ou à l'Education nationale et que c'est là-dessus qu'il faut faire des économies. Ce n'est pas sur les services publics qu'il faudrait faire des économies en personnel ou en matériel, car l'argent versé aux services publics sert à tout le monde, mais sur l'argent versé au patronat qui ne sert à rien, si ce n'est à accroître les profits des actionnaires.
La guerre sociale, c'est aussi d'imposer plus les pauvres, ne serait-ce qu'en faisant payer la CSG aux chômeurs et aux retraités pour réduire les impôts sur les bénéfices des sociétés. Car je vous le rappelle : l'impôt sur les sociétés qui représentait, jusqu'en 1984, 50 % des bénéfices déclarés, n'en représente plus que 33 % aujourd'hui.
La guerre sociale sous une forme particulièrement mesquine, c'est aussi d'avoir allégé l'impôt sur la fortune et en même temps réduit l'aide versée aux personnes âgées dépendantes. En clair, le gouvernement prend dans la poche des personnes âgées ou celle de leurs proches les 500 millions d'euros de cadeaux qu'il consent aux plus riches !
Le gouvernement qui aide le grand patronat à fabriquer des pauvres choisit en même temps de mener la guerre aux pauvres. De plus en plus de femmes et d'hommes sont contraints de mendier pour survivre, mais on interdit la mendicité. De plus en plus nombreux sont ceux qui sont privés de logement, mais on pourchasse ceux qui dorment dans les lieux publics. Sarkozy, reprenant la politique de Chevènement et de Vaillant, refuse de régulariser les travailleurs immigrés sans papiers, même ceux qui vivent et travaillent dans le pays depuis de nombreuses années, mais il consacre des moyens supplémentaires pour les transformer en gibiers pour la police.
Sarkozy se forge un capital politique auprès de l'électorat de droite et d'extrême droite en affrétant des charters pour que les expulsions soient spectaculaires, en vidant de force des immeubles squattés par des sans-logis et en dispersant des familles de Roms et leurs campements de fortune.
C'est ignoble dans un pays qui se prétend civilisé ! Et il ose affirmer que c'est pour la sécurité des citoyens !
Mais la première source d'insécurité sociale, c'est le chômage. Ceux qui menacent la sécurité, ce ne sont certainement pas les travailleurs immigrés sans-papiers, surexploités par des patrons qui profitent de leur situation, dépouillés par des marchands de sommeil. Les véritables responsables de la véritable insécurité, ce sont Matra, Péchiney, Daewoo, Thalès, Métaleurop, Air Lib, Giat Industrie et tous les autres.
Alors oui, tout se tient. Matra, Thalès ex-Thomson, Aérospatiale ou Giat Industrie sont des entreprises dont les plans de licenciements vont briser ici, en France, des milliers de vies et ruiner des villes ou des régions. Mais ce sont, aussi, les mêmes qui se sont enrichis lors de la guerre Iran-Irak, à l'époque où les trusts français de l'armement étaient parmi les principaux fournisseurs de Saddam Hussein.
On a beaucoup parlé du groupe Lagardère, et en bien, au moment de la mort de son fondateur et de l'accession aux commandes de son fils. Le groupe Lagardère, c'est Matra et l'usine qui ferme à Romorantin, jetant sur le pavé plus de 800 ouvriers, alors que rien que la réserve, mise de côté par l'entreprise à partir des profits générés par la voiture Espace, permettrait d'assurer, pendant 13 ans, un salaire mensuel de 1.400 euros, plus les charges sociales, à l'ensemble des travailleurs licenciés.
Mais, Matra, ce n'est pas seulement l'Espace et l'Avant Time. C'est aussi des missiles, du matériel militaire de haute technologie, largement vendu au Moyen-Orient. Depuis la guerre de 1967 entre Israël et les pays arabes, où Matra était déjà présente grâce à ses contrats d'exportation avec l'Etat hébreu, combien de morts, combien de destructions pour que s'édifie ce "groupe industriel exemplaire" dont parle la presse ? Mais, au demeurant, comment la presse n'aurait-elle pas vanté les mérites du groupe Lagardère puisque le groupe est aussi le premier éditeur mondial de la presse magazine, propriétaire en outre de dix quotidiens, de trois radios et de quatre chaînes de télévision thématiques ?
Et puis le trust TotalFinaElf, qui est partie prenante dans la rivalité autour du pétrole en Irak, est aussi derrière la guerre civile qui a déchiré le Congo. Comme il est le véritable maître du Gabon.
Mais TotalFinaElf, c'est aussi la pollution de centaines de kilomètres de côtes par le naufrage de l'Erika, la catastrophe de l'usine chimique AZF à Toulouse. C'est également la puissance corruptrice que rappelle le procès qui se déroule en ce moment même à Paris. Et à lire le montant des sommes consacrées à acheter des chefs d'Etat et des ministres dans les pays producteurs ou des hommes politiques ici même ; à voir ce que les dirigeants et les hauts cadres ont détourné à leur propre usage, on ne peut ressentir que de l'écoeurement. Car, en même temps, TotalFinaElf mégote sur l'indemnisation de ceux que son pétrole a pollués, comme il mégote avec les victimes de la catastrophe d'AZF dont il est pourtant responsable.
Quelques dizaines de groupes financiers de cette taille-là, quelques centaines tout au plus, enserrent le monde entier dans un réseau serré qui fait de toute l'économie mondiale une immense machine à leur procurer du profit. Ces sociétés financières sont surtout américaines certes, mais aussi françaises, britanniques, japonaises ou autres. Elles sont concurrentes, mais elles ont des participations croisées les unes dans les autres et leurs actionnaires sont souvent les mêmes. Elles sont toutes liées surtout pour imposer à l'échelle de la planète leur dictature, la dictature de la finance, une dictature basée sur l'exploitation de la classe ouvrière et sur l'oppression des peuples. Elles sont derrière bien des conflits armés et elles sont responsables et principaux profiteurs de la guerre sociale permanente menée à l'échelle de la planète pour assurer à la classe capitaliste sa domination sur le monde. Une guerre dont les victimes ne meurent pas par balles, mais de faim, de misère, de maladies qu'on peut guérir.
Voilà pourquoi lutter ici contre le grand patronat pour défendre les conditions d'existence des travailleurs et s'opposer à la guerre fait partie d'un même combat. Et c'est bien parce que le mouvement ouvrier n'est pas en situation de lutter efficacement dans les pays riches eux-mêmes contre les trusts qui exploitent et qui licencient qu'il n'est pas en situation de s'opposer aux guerres menées en fin de compte toujours au profit des mêmes.
Le succès des grèves qui ont eu lieu cette semaine, celle de la SNCF et celle du personnel de l'Education nationale, montre que les travailleurs ne se sont pas laissé aveugler par la diversion du jeu diplomatique de Chirac.
Et la manifestation aujourd'hui même a au moins permis aux victimes des derniers plans de licenciements à ACT, à Air Lib, à Daewoo, Métaleurop, Aventis, Grimault ou Alstom de protester contre les suppressions d'emplois et la précarité. Et six fédérations de fonctionnaires appellent, le 3 avril, à une journée de mobilisation contre les projets gouvernementaux pour les retraites.
Tout cela peut contribuer à redonner aux travailleurs confiance en leur force. C'est tout ce qu'on peut en attendre, mais si cela était le cas, ce serait important pour les véritables combats à venir. Des combats qui devront être amples et menacer de se généraliser pour pouvoir faire reculer le patronat et le gouvernement sur ces objectifs essentiels pour les conditions d'existence des travailleurs de ce pays :
-interdiction des licenciements collectifs et des emplois précaires ;
pas de nouveau recul sur les retraites, rétablissement de la durée de 37 ans et demi de cotisation pour tous, privé comme public avec une pension de retraite qui permette de vivre ;
-augmentation générale des salaires, des pensions et des allocations.
Et puis, bien au-delà de la défense du niveau de vie des travailleurs de ce pays, ce qui se passe en Irak illustre que le capitalisme, ce n'est pas seulement l'exploitation et la menace de la pauvreté au coeur des pays les plus riches, ce n'est pas seulement l'approfondissement incessant du fossé entre la majorité pauvre de la planète et une poignée de pays qu'on dit riches parce que leur bourgeoisie l'est. Le capitalisme, c'est aussi la guerre.
Pour cette guerre en Irak, ceux qui l'ont décidé, planifié, ont eu les mains libres. Les manifestations qui se sont exprimées ont témoigné du sentiment des peuples, y compris ceux des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dont les gouvernements sont en pointe dans cette guerre. On l'a vu, ceux qui dirigent le monde n'ont que faire de l'opinion des peuples.
La guerre en Irak, nous n'avons pas pu l'empêcher. Et des guerres comme cela, il y en aura d'autres tant que le système impérialiste dominera la planète. Et ce n'est pas seulement, comme on tente de nous le faire croire, en raison de l'agressivité guerrière de l'équipe Bush, ni même en raison de l'arrogance des Etats-Unis, devenus la seule superpuissance de la planète. Car combien de guerres infâmes a mené notre propre impérialisme, de Madagascar à l'Algérie, en passant par le Vietnam ?
Dans la guerre actuelle, l'impérialisme français n'est pas acteur, mais seulement complice -du moins pour le moment. Seuls des soldats américains, flanqués de soldats britanniques et australiens, participent à l'agression contre l'Irak. Mais la France était partie prenante de la guerre du Golfe en 1991. Des avions français ont participé au bombardement de l'Afghanistan. Et demain qui sait où l'intérêt des groupes capitalistes français commandera d'envoyer des soldats français ? Ils interviennent déjà en Côte-d'Ivoire ou en Centrafrique.
Alors, reste pour les travailleurs de ce pays la tâche de faire renaître un mouvement ouvrier politique sur les seules bases possibles : sur les bases du communisme. Au temps où il était encore communiste, au début des années 1920, le Parti communiste ne se battait pas seulement pour faire avancer dans le pays la cause des travailleurs. Il se battait aussi contre la guerre du Rif, au Maroc, il se battait plus généralement contre les visées impérialistes de la France.
Oui, l'exploitation et la loi du profit érigée en loi universelle engendrent inévitablement les guerres, comme elles engendrent inévitablement la misère, la décomposition sociale, le retour à la barbarie dans bien des domaines.
Je me réjouis bien sûr des manifestations de protestation qui ont eu lieu en France comme dans bien d'autres pays. J'espère qu'elles continueront et qu'elles s'amplifieront. J'appelle à participer à la manifestation prévue pour demain, comme à toutes les autres dans les jours qui viennent.
Ceux qui ont un minimum de dignité humaine ne peuvent pas regarder avec indifférence les bombes qui tombent et la souffrance d'un peuple. Manifester, c'est au moins exprimer son indignation, son écoeurement devant ce qui se passe là-bas, en Irak, et devant un monde qui permet cela.
Je me réjouis particulièrement de la participation massive de jeunes et même de très jeunes à ces manifestations.
Ce qui se passe en Irak montre avec infiniment plus de réalisme quelle est la nature des relations internationales, que des livres d'histoire ou les leçons d'instruction civique. Oui, c'est un monde dominé par des rapports de force. Oui, c'est un monde qui est régi par la loi de la jungle. Oui, c'est un monde qui fait souffrir et saigner des peuples simplement pour que l'argent rentre dans les coffres-forts des grandes compagnies financières.
Mais ce que j'espère aussi, c'est qu'une partie au moins des jeunes qui ont manifesté et qui continuent à le faire prolongeront l'indignation qu'ils expriment en réfléchissant aux raisons qui engendrent les guerres.
Et j'espère et je souhaite que cela leur fasse dépasser le simple pacifisme. Car le simple pacifisme ne suffit pas, et les mouvements pacifistes, pour légitimes qu'ils soient, ont toujours une guerre de retard sur le monde impérialiste.
Protester, c'est utile quand on n'a pas la force de faire plus.
Mais il ne suffit pas de protester. Il faut agir pour que puisse se constituer une force capable de s'opposer à la violence de l'impérialisme, le combattre et un jour le vaincre ! L'impérialisme, ce n'est pas seulement un comportement agressif. Il n'est pas le fait d'une seule superpuissance. Il est le produit du système économique et social capitaliste.
Alors, j'espère, je souhaite que, parmi les jeunes qui manifestent, il s'en trouve qui choisissent d'agir, c'est-à-dire de militer dans la perspective du renversement de l'organisation capitaliste de la société.
Il faut faire renaître dans ce pays comme dans les autres un parti dont l'objectif fondamental soit d'offrir aux travailleurs la perspective d'ôter aux groupes financiers la dictature qu'ils exercent sur la société.
Il faut faire renaître un parti communiste qui ne se contente pas d'occuper quelques fauteuils ministériels, impuissant et complice du patronat. Mais qui vise le bouleversement de l'ordre social existant par l'expropriation des capitalistes et par la mise à disposition de la collectivité des grandes entreprises. Une transformation fondamentale de l'économie afin qu'elle cesse de fonctionner pour le seul profit d'une petite minorité, pour qu'elle puisse enfin satisfaire au mieux les besoins de tous, sous le contrôle démocratique des travailleurs, des consommateurs et de la population.
Alors, aujourd'hui, pensons à ce que subissent les classes populaires d'Irak. Pensons-y par solidarité humaine élémentaire, mais aussi en nous disant que leur présent est notre passé et peut être notre avenir. Car le siècle dernier a démontré, par deux fois, que les guerres ne se déroulent pas toujours chez les autres. Et que les plus grands pays riches et dits civilisés ne sont à l'abri ni de la dictature, ni de la guerre. Ce que subit le peuple d'Irak peut être aussi notre avenir si nous laissons faire.
Alors, travailleuses, travailleurs, camarades,
Aujourd'hui et demain, nous avons à être au côté de ceux qui manifestent contre la guerre en Irak.
Mais rappelons-nous aussi que, dans le passé, le mouvement ouvrier révolutionnaire n'opposait pas le pacifisme au bellicisme impérialiste. Il affirmait : guerre à la guerre par le renversement du capitalisme !
Aujourd'hui, après bien des défaites et bien des trahisons, la classe ouvrière ne joue pas le rôle politique qu'elle doit jouer. Elle a bien du mal même simplement à se défendre face aux attaques patronales et face aux licenciements. Mais les choses peuvent aussi changer vite. Ce qui est certain, en tout cas, c'est que, si nous ne voulons pas subir éternellement la violence de la classe dominante, la violence de l'exploitation, la violence des guerres, il faut que renaisse un mouvement ouvrier révolutionnaire afin que le prolétariat puisse mettre fin à la domination de l'argent et de la bourgeoisie capitaliste sur la société.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 25 mars 2003)