Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, en réponse à une question sur l'édification d'une politique étrangère et de défense commune européenne, à l'Assemblée nationale le 25 mars 2003.

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Circonstance : Réponse à une question de Laurent Fabius, député PS, lors de la séance des questions au gouvernement, à l'Assemblée nationale le 25 mars 2003

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député,
nous partageons, en effet, cette conviction. D'abord, comme vous, je voudrais dire, ici, combien nous sommes frappés par les horreurs de cette guerre et combien nous souhaitons qu'elle soit rapide. Et elle a déjà été trop meurtrière. Il est évident que, dans toute cette question irakienne, les Européens de conviction ont aussi été des Européens de déception. La manière dont les différents pays ont traité cette question nous a touchés. Mais nous avons veillé à ce qu'on puisse avoir toujours des contacts avec l'ensemble des pays européens pour que le projet européen ne soit pas victime de la guerre en Irak.
Au fond, dans cette déception qui est la nôtre d'Européens convaincus, il y a une part de satisfaction qui est celle d'avoir, derrière les positions de la France, les peuples de l'Europe rassemblés. Car l'Europe des peuples s'est exprimée à l'occasion de cette guerre ; l'Europe des peuples est descendue dans la rue pour dire que la France avait raison de défendre sa vision d'un monde multipolaire. Nous sommes donc dans cette détermination-là, évidemment faite et engagée pour protéger notre projet européen.
Ce projet européen, évidemment, pour nous tous, impose d'abord des efforts à notre pays. Car pour pouvoir convaincre les autres, encore faut-il nous-mêmes ne pas laisser notre défense dans un état d'affaiblissement considérable. C'est pour cela que nous pouvons nous battre pour la paix : parce que nous savons faire les efforts nécessaires pour notre défense. Et la loi de programmation militaire, voulue par le chef de l'Etat, a mis les moyens au service de la crédibilité de notre parole.
Je crois qu'il était très important d'avoir ce redressement pour faire en sorte que, quand nous parlons de la paix, nous ne nous inscrivions pas dans le champ du pacifisme, mais dans ceux qui veulent que la force puisse être mise au service du droit ! Nous nous battons pour le droit mais nous pensons que la force peut être nécessaire pour faire exister le droit.
Vous avez raison, il faut, pour la construction européenne et naturellement pour la défense, poursuivre des efforts importants. C'est pour cela que l'accord des ministres de la Défense, qui se sont réunis les 14 et 15 mars derniers, à Athènes, pour construire les étapes de cette Europe de la défense, est très important. Elle est difficile. Evidemment, aujourd'hui, nous sommes dans un état de scepticisme sur un certain nombre de décisions.
Malgré tout, je me dois de dire à la représentation nationale que nous avançons sur un certain nombre de points très précis. Nous sommes en train d'organiser la relève de l'Otan par l'Europe en Macédoine. Je me dois de vous dire que, pour ce qui concerne le porte-avions britannique, malgré les circonstances, nous avançons pour une coopération réelle et sincère.
C'est vrai que tout ceci est difficile, mais nous voulons veiller, en effet, à ce que le projet européen reste dans sa consistance autour de ce que nous souhaitons, c'est-à-dire que l'Europe, puisse équilibrer le monde. L'Europe est au coeur de la vision de ce monde multipolaire pour lequel se bat la France. Et donc pour ce faire, il faut, en effet, aller vers une politique étrangère, aller vers une défense commune. Tout cela mettra du temps, mais nous y travaillons.
Et d'ores et déjà, je peux vous dire que la contribution qui avait été une proposition franco-allemande pour l'avenir des institutions européennes, pour donner plus de force, et à la politique étrangère et à la défense, est soumise à nos partenaires, y compris, espagnols, y compris, britanniques, et à tous les autres pour essayer de dégager une volonté commune. Nous pensons évidemment que la tâche est difficile, mais si nous voulons vraiment que le monde ne soit pas un monde unilatéral, qui détruise la diversité, l'Europe doit être ce pôle d'équilibre et elle a besoin, pour ce faire, en effet, d'une défense qui lui soit commune.

(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 mars 2003)