Interview de M. Jacques Barrot, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale et membre du comité politique de l'UMP, dans "Les Echos" du 11 septembre 2003, sur sa position favorable à un assouplissement pour la France des contraintes du Pacte de stabilité européen et son soutien à la politique économique du gouvernement.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Energies News - Les Echos - Les Echos

Texte intégral

L'européen que vous êtes n'est-il pas choqué de voir la France s'affranchir des contraintes du Pacte de stabilité ?
Ce n'est pas quand la conjoncture internationale est difficile et que la croissance faiblit que l'on peut imposer à un pays des économies drastiques. Ce serait l'affaiblir un peu plus. Le Pacte de stabilité doit être affiné et complété. Son application doit se faire dans la durée et il faut pouvoir le compléter par une initiative de croissance car le rétablissement des grands équilibres financiers sera d'autant plus facile que les recettes rentreront. La politique économique européenne ne peut pas uniquement reposer sur la Banque centrale européenne et sur le Pacte de stabilité. Elle doit inclure une stratégie collective de croissance.
La France pousse à une initiative de croissance européenne sans qu'on en voie très bien l'issue. Quelle forme pourrait-elle prendre ?
Tout ce qui contribue à accroître la compétitivité de l'Europe doit être stimulé. Je pense notamment à la recherche et à la politique universitaire. Si l'on pouvait annoncer un ou deux projets financés par la communauté européenne dans des domaines d'avenir comme les nouvelles technologies, ou une synergie des efforts de recherche de chacun des membres de la maison Euro, ce serait un bon signe.
Plaider pour un assouplissement du Pacte de stabilité, n'est-ce pas renoncer à tout sérieux budgétaire ?
Non. Le gouvernement veut ramener les déficits publics en dessous de la barre des 3 % en 2006, et il a une démarche cohérente qui sera prochainement détaillée dans son " agenda 2006 ". Elle repose sur la stricte maîtrise des dépenses publiques, sur la poursuite des réformes de structure et sur la recherche d'un plus grand dynamisme économique. Pour ma part, je souscris à la proposition de Valéry Giscard d'Estaing d'affecter, au fur et à mesure, le surplus des recettes que nous apportera la croissance au rétablissement des équilibres.
Vous évoquez les réformes de structure, mais, après le chantier des retraites, la prudence domine.
Sur la santé qui est un chantier majeur, l'important est de faire le bon diagnostic. Si le comité d'orientation y parvient, nous pourrons peut-être progresser plus vite. Mais c'est une vraie refondation qui nous attend : il faut se donner les moyens d'une gouvernance efficace avec des responsabilités enfin clarifiées, et il faut parvenirà responsabiliser les assurés sociaux, notamment en sortant du principe de la gratuité systématique pour les soins de maintien en forme.
La baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu suffira-t-elle l'an prochain à stimuler l'activité ?
L'important est de donner des signaux. En 2004, le gouvernement met sur la table 1,8 milliard d'euros supplémentaires pour les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires, 500 millions d'euros pour la prime pour l'emploi et 1,6 milliard d'euros pour la baisse de l'impôt sur le revenu. L'objectif, c'est de soutenir la consommation, mais aussi d'encourager les Français au travail. Il faut inciter nos cadres et la jeune génération à retrouver le goût d'une vraie carrière professionnelle, au prix éventuel d'une plus grande mobilité.
Faut-il rouvrir le dossier des 35 heures ?
Il ne s'agit pas d'abroger, purement et simplement par la loi, les 35 heures. Mais nous devons offrir aux partenaires sociaux de nouvelles possibilités de renégocier. La loi Fillon le permet déjà, mais elle n'a pas été complètement utilisée. Il faut donc aider les entreprises et les syndicats, y compris par des incitations financières, à imaginer une meilleure organisation du travail, de ses conditions et de sa durée. De nouveaux accords gagnant-gagnant sont possibles, qui apporteraient davantage de souplesse à l'entreprise, et des conditions de travail plus attractives pour les salariés.
François Fillon espère que la courbe du chômage va s'inverser début 2004. Partagez-vous cet optimisme ?
La croissance va revenir, mais il ne faudrait pas que la France à ce moment-là soit bridée par un excès de réglementations ou des contraintes sur le temps de travail comme, par exemple, une trop grande difficulté à renégocier un volume d'heures supplémentaires rendu nécessaire. Pour amplifier la reprise, le moment venu, il faut encourager la revalorisation du travail par des rémunérations plus attractives au bas de l'échelle, et moins fiscalisées pour les autres. Il est essentiel d'aboutir sur la réforme de la formation professionnelle pour construire de vraies carrières pour les salariés.
La suppression d'un jour férié relève-t-elle de cette volonté de revaloriser le travail ?
J'y suis favorable. L'enjeu est effectivement celui-là, mais ce n'est pas le seul : il s'agit de demander aux Français d'être solidaires avec les personnes âgées en travaillant un jour de plus. Il reste à trouver des solutions techniques pour que l'effort de solidarité soit porté par l'ensemble des Français et non pas par les seuls salariés.

(source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 12 septembre 2003)