Interview de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, à France Inter le 26 septembre 2003, sur la politique budgétaire face aux contraintes du Pacte de stabilité.

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Média : France Inter

Texte intégral

Q - Noëlle Lenoir, on parlait tout à l'heure du bras de fer entre Bruxelles et Paris, entre Paris et ses partenaires de l'Union européenne. Va-t-on pouvoir en sortir de cette logique d'affrontement entre la France et ses partenaires ?
R - Je refuse la logique du bras de fer. Il faut indiquer aux auditeurs qu'il y a un dialogue. Il peut y avoir des tensions entre la solidarité européenne, qui impose le respect d'un certain nombre de critères - notamment économiques et financiers -, et les Etats, qui eux, sont confrontés à des difficultés liées, entre autres, au ralentissement de la croissance. Nous sommes parfaitement conscients des impératifs et notamment qu'il faut diminuer les déficits. Car, le déficit implique une charge à venir pour les générations futures. Néanmoins, vous remarquerez que le projet de budget marque un effort sensible dans la voie de la réduction de ces déficits.
Q - Ce critère de 3 %, c'est quand même la France qui l'avait demandé à l'époque à ses partenaires européens ? Et beaucoup de petits pays ont fait des efforts pour revenir à l'équilibre budgétaire et ne comprennent pas aujourd'hui que la France n'en fasse pas ?
R - Nous faisons des efforts. Ce chiffre qui avait, effectivement, été demandé par la France, est d'ailleurs un objectif qui nous paraît tout à fait raisonnable. Je voudrais surtout souligner que ce budget est un budget de clarté. Nous sortons notamment de l'opacité ce fameux fond de financement des 35 heures qui est une lourde charge pour nous. Ce budget vise à relancer l'initiative : on ne pouvait pas continuer à augmenter sans cesse les charges et les impôts parce qu'étouffer l'initiative n'a jamais été favorable à l'emploi. Ce budget vise aussi à nous ramener sous les critères qui nous sont assignés puisqu'il comporte une baisse du déficit qui passerait de 4 % à 3,6 % ou peut-être un peu moins.
Q - Au début de votre intervention, vous avez parlé de "solidarité européenne". On a vraiment l'impression que vous faîtes fi de cette solidarité aujourd'hui ?
R - Nous ne faisons pas fi de cette solidarité. Nous avons engagé des réformes structurelles qui étaient nécessaires, qui ne sont pas faciles mais que nous avons menées à bien. La réforme des retraites est pour nous extrêmement importante, compte tenu du vieillissement démographique de la population. La modernisation de l'Etat est aussi l'un de nos impératifs et nous nous y tenons. Il y a aussi la décentralisation. Il y aura demain le plan santé. Jamais, depuis des années, n'ont été engagées autant de réformes. Ces réformes, il est vrai, n'auront pas d'effets à court terme mais à seulement à moyen terme. Par ailleurs, nous continuons à limiter les dépenses. D'ailleurs, l'un des signes forts de ce budget est la limitation de la dépense publique.
Q - Comment vivez-vous cette situation en tant que ministre française des Affaires européennes ? Vous fait-on sentir que la France - comme l'Allemagne d'ailleurs - est le mauvais élève de l'Europe ?
R - On nous fait sentir que les grands pays sont soumis aux mêmes règles que les petits pays, ce que je trouve parfaitement sain. Mais nous n'avons jamais imaginé de déroger aux règles qui nous sont imposées. Simplement, la question du rythme est extrêmement importante. Nous voulons relancer la croissance. Nous pensons que l'urgence est de favoriser l'emploi et surtout d'impulser en France cette curiosité, cet esprit d'initiative et cette volonté de promouvoir la recherche et l'innovation sans lesquels une économie ne peut pas se mettre à niveau dans le cadre de la concurrence acharnée que se livrent aujourd'hui non seulement les pays, mais même les continents.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 septembre 2003)