Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT dans "Le Parisien" du 19 avril 2003, sur le projet de réforme des retraites, notamment la durée des cotisations, les garanties sur le niveau minimum des retraites et la retraite à la carte.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Le gouvernement vient de vous présenter son projet de réforme des retraites. Qu'en retirez-vous ?
François Chérèque.
Le gouvernement est revenu à un projet de réforme commun aux salariés du privé et du public. C'est une bonne chose dans la mesure où il faut rassembler tous les salariés sur un projet commun et non pas les diviser. Ceci dit, le projet qu'on nous a présenté n'est pas acceptable en l'état. Il ne fournit aucune réponse aux questions prioritaires de la CFDT. Il n'avance aucun élément chiffré qui permettrait aux salariés de s'y retrouver. Il ne propose aucun calendrier sur l'application des mesures proposées. Bref, il manque l'essentiel.
" C'est le flou le plus total " Allez-vous, en conséquence, appeler à la mobilisation ?
Oui. La CFDT appelle tous les salariés du public et du privé à une journée d'action. Elle devra se tenir dans les quinze premiers jours de mai, avant la présentation du projet de loi définif par le gouvernement, le 27 mai. Nous allons proposer aux autres syndicats de se mobiliser ensemble dans cette journée d'action. Il s'agit pour nous de faire pression sur le gouvernement pour qu'il améliore la réforme dans le sens de nos exigences.
Quelles sont les priorités de la CFDT ?
Nos priorités, secteurs privé et public confondus, sont claires. Tout d'abord, nous souhaitons des garanties sur le niveau futur des retraites, en particulier une pension minimum égale à 100 % du Smic. Nous réclamons également la possibilité, pour tous les salariés ayant cotisé quarante annuités avant 60 ans, de partir quand ils le souhaitent. Pour ce qui est de la retraite à la carte, une organisation claire et chiffrée du système de bonus-malus nous paraît indispensable, sur une base commune public-privé. Enfin, s'agissant de la fonction publique, nous demandons l'intégration de primes pour les fonctionnaires qui permette d'améliorer le montant des retraites et de réduire les inégalités.
Vous avez relevé des désaccords de fond avec le gouvernement ?
Il en existe plusieurs, en particulier en ce qui concerne la retraite à la carte et le principe des bonus-malus. Aujourd'hui, les salariés du privé se voient appliquer une décote sur leur pension de 10 % par an s'ils partent sans avoir quarante années de cotisation. C'est énorme. Le gouvernement nous assure qu'il souhaite diminuer cette décote. Mais il ne nous a fourni aucun chiffre. C'est le flou le plus total.
Les décotes appliquées dans le public aux métiers pénibles vous préoccupent...
Le gouvernement doit également revoir sa copie sur ce point. En demandant des précisions au ministre, nous nous sommes fait confirmer qu'une infirmière ou une aide-soignante souhaitant partir à 55 ans, comme le permet le système actuel, pourrait perdre 25 % de sa retraite. Il y a là une mesure discriminante par rapport à des professions essentiellement féminines et inacceptable sur le principe.
Vous ne voulez pas d'une réforme qui irait au-delà de 2008. Pourquoi ?
Le gouvernement veut décider dès aujourd'hui d'une augmentation automatique de la durée de cotisation après 2008. Or nous refusons de décréter maintenant que la seule façon d'améliorer le financement des retraites dans l'avenir passe par le relèvement de la durée de cotisations. Nous estimons indispensable de pouvoir choisir, après cette date, entre durée et montant de cotisation, en fonction des réalités économiques, démographiques et sociales. Laissons les deux portes ouvertes !
Faute d'être entendus sur tous ces points, iriez-vous jusqu'à faire capoter la réforme ?
Notre volonté est de peser sur le choix du gouvernement pour parvenir à une réforme qui nous convienne. Ne pas faire de réforme, cela reviendrait à sanctionner les salariés de demain et les jeunes. Dans le système par répartition, ce sont ceux qui travaillent qui payent les retraites de ceux qui ont fini de travailler. Ne rien faire, ce serait laisser l'addition des retraites aux jeunes générations et les condamner à une " double peine " : supporter tous les efforts... et toucher des retraites amoindries ! La réforme, c'est d'abord pour eux que nous l'exigeons !
Propos recueillis par Olivier Aubry et Joëlle Frasnetti
(Source http://www.cfdt.fr,le 23 avril 2003)