Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Je ne sais pas si vous avez écouté RTL jeudi dernier, mais A. Duhamel dans sa chronique - qui était consacrée au port de voile islamique à l'école - disait ceci : "J. Chirac n'a pas pris position sur le sujet. Il est d'une prudence de Sioux, parce qu'il veut être l'homme du rassemblement, et pas des conflits. Ce qui est beaucoup plus étrange - poursuivait-il -, c'est que l'on n'entend pas les deux secrétaires d'Etat qui sont d'origine ou de confession musulmane, notamment une femme, dont on aimerait bien savoir ce qu'elle en pense". Alors cette femme, c'est vous, T. Saïfi. Que pensez-vous de ces adolescentes qui veulent porter le voile à l'école ?
- "Alors, d'abord je vais rassurer A. Duhamel. Je suis là, je vais m'exprimer. Je voulais dire que, fermement, je suis contre le port du foulard à l'école."
Vous ne comprenez pas ces jeunes filles qui disent : "nous, on souhaite le porter". Vous ne comprenez pas, vous n'admettez pas leur attitude ?
- "Je crois que ça dépasse ces jeunes filles. Pour moi, ce foulard est un foulard politique, ce n'est pas un foulard islamique. Je crois que le temps est venu de la fermeté et de la clarification. Aujourd'hui, il faut remettre la République dans le bon sens. Il faut expliquer à ces jeunes filles que ce n'est pas la solution de porter ce foulard. Ce qui me pose problème, c'est qu'aujourd'hui c'est l'image des musulmans de France qui est abîmée. Aujourd'hui, les musulmans de France sont en majorité des gens qui vivent leur religion de façon ouverte, tolérante, et on a l'impression qu'aujourd'hui c'est un bloc monolithique, que les musulmans sont un bloc monolithique. Or, non. Il y a des gens qui estiment que cette religion doit être vécue dans le cadre des lois de la République et dans la vie privée. C'est la laïcité, et beaucoup de musulmans respectent la laïcité."
"Fermeté", "clarification" dites-vous à propos du port du voile à l'école. Quelle conséquence on en tire ? une loi ?
- "Je pense qu'il faut intégrer une disposition dans la future loi d'orientation pour l'Ecole, en 2004. Je crois que vraiment on ne peut pas faire autrement."
Une disposition qui interdirait le port du voile et les autres insignes religieux ?
- "Tous les signes religieux dans l'école. Cette histoire de voile islamique me pose un autre problème, qui est le problème du statut de la femme. Je crois vraiment que c'est une attaque sur le statut de la femme. Je fais partie de cette seconde génération, issue de l'immigration. Je vais vous dire : dimanche dernier, ma mère, qui a 70 ans, qui a toujours pratiqué sa religion, mais chez elle, dans le privé, me dit : "Ce n'est pas cela l'Islam, ce n'est pas cela la religion musulmane. Et je suis très en colère, ces petites se font manipuler". Donc, il y a la première génération qui est celle de ma mère, il y a ma génération - nous sommes un certain nombre de jeunes femmes à s'être battues pour avoir une vie indépendante, autonome - et j'ai l'impression que cette troisième génération est en pleine régression. Donc, c'est le statut de la femme qui est attaqué. Aujourd'hui, quand j'entends que des élus acceptent de faire des horaires dans les piscines, "des horaires à part", je me dis : on marche sur la tête! Qu'est-ce qui se passe? Les élus, les grands élus républicains doivent faire respecter les lois. Est-ce que les femmes sont d'accord pour aller sur des horaires à part? Non, moi je dis : il faut arrêter !"
Evidemment, votre parole a du poids ce matin puisque vous êtes fille d'immigrés algériens. La loi sur le voile à l'école divise visiblement le Gouvernement, ou l'hypothèse d'une loi. Par exemple, N. Sarkozy y est assez opposé. Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler avec lui de ce sujet ?
- "J'ai eu l'occasion de beaucoup parler avec N. Sarkozy. D'abord, je trouve que, vraiment, c'est une vraie avancée son conseil des institutions musulmanes. Il était important que nous ayons une hiérarchie au niveau de la religion musulmane, pour l'organisation du culte - je suis bien claire : pour l'organisation du culte. Ce conseil aura à se préoccuper des carrés musulmans, de l'abattage des moutons, de faire en sorte que les musulmans puissent vivre leur foi de façon digne, sortir de l'islam des caves. Je crois que N. Sarkozy a été très clair : aujourd'hui, il faut des mosquées dignes de ce nom. Il faut qu'on puisse vivre sa religion dans la transparence et dans la dignité."
Et sur le voile. Vous arrivez à le convaincre ou pas ? Vous avez essayé de le convaincre ?
- "On a des discussions. Vous savez moi je ne suis pas là pour le convaincre."
Ben si, c'est important, non ?
- "C'est la démocratie. De toute façon, N. Sarkozy n'est pas pour le voile à l'école."
Il n'est pas pour la loi réglementant ou interdisant le port du voile à l'école.
- "Oui, il est pour la négociation. On a une attitude et une position différentes. Moi, ce problème je le vis depuis près de quinze ans. J'étais à Lille quand il y a eu la première affaire des foulards au lycée Faidherbes et j'ai été une des premières à me mettre face au recteur de la mosquée de Lille, pour lui dire : "je ne suis pas d'accord, moi, avec cette histoire de foulard. Je ne comprends pas qu'à huit-neuf ans, les petites se lèvent le matin en disant, "j'ai la foi, je veux mettre le foulard !"." Donc, il y avait quelque chose derrière. "
Votre expérience et votre connaissance du monde musulman sont utiles : est-ce que la commission Stasi vous a entendue, ou va vous entendre ? La commission Stasi réfléchit précisément à des dispositions pour réglementer tout ceci.
- "Pour l'instant, la commission Stasi ne m'a pas entendue, mais j'ai eu l'occasion de discuter à plusieurs reprises avec B. Stasi. Donc, il connaît mes positions.
Mais vous n'avez pas encore planché devant la commission.
- "Je n'ai pas encore planché devant la commission".
Et la mission d'information de J.-L. Debré non plus ?
- "Pas encore."
Comment vous expliquez ça ? Qu'on ne prenne pas en compte davantage votre expérience ?
- "On la prend beaucoup en compte. Vous savez, je suis extrêmement sollicitée à titre privé. Je n'ai pas eu l'occasion de m'exprimer par avance sur ce problème parce que je pensais qu'aujourd'hui, en 2003, on pouvait être issue de l'immigration, être membre du Gouvernement, et ne pas être obligée de s'exprimer sur ces sujets."
Mais ce n'est pas "obligé". C'est utile que vous vous exprimiez sur ces sujets.
- "Oui, c'est utile. Je comprends tout à fait, et je suis heureuse aujourd'hui de m'exprimer."
Et on est heureux que vous soyez là.
- " Et je voudrais vous dire autre chose : ce qui me gêne aussi sur cette histoire de foulard, c'est qu'on focalise sur les foulards. Or, aujourd'hui, je voudrais qu'on s'occupe des problèmes d'intégration. Parce que c'est ça les débats. Vous savez qu'en décembre, nous allons fêter le vingtième anniversaire - "fêter" entre parenthèses -, de la marche des Beurs. Et je voudrais qu'on fasse le bilan. Le bilan, il n'est pas terrible, je peux vous le dire. Le chômage des jeunes, c'est ce qui m'intéresse. La lutte contre les discriminations. Les ghettos, les logements."
Vous avez daté votre entrée en politique par le monde associatif d'abord, puis la politique, et ensuite par votre volonté de lutter contre le Front national, qui s'est implanté sur la scène politique à partir des années 1980. Comment réagissez-vous ce matin en apprenant que l'UMP, pour les élections régionales de mars prochain, a investi J. Blanc en Languedoc-Roussillon, J.-P. Soisson en Bourgogne, qui ont été des alliés du Front national en 1998. Quel est votre commentaire ?
- "Je n'ai pas de commentaire à faire."
Pourquoi ? Cela n'en nécessite pas ?
- "Non."
Le fait que J. Blanc et Soisson se soient alliés au Front national, c'est du passé ? On a tourné la page ?
- "Je pense que l'UMP a tourné la page."
L'UMP oui, et vous ?
- "Je tourne la page en même temps que l'UMP."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er octobre 2003)
- "Alors, d'abord je vais rassurer A. Duhamel. Je suis là, je vais m'exprimer. Je voulais dire que, fermement, je suis contre le port du foulard à l'école."
Vous ne comprenez pas ces jeunes filles qui disent : "nous, on souhaite le porter". Vous ne comprenez pas, vous n'admettez pas leur attitude ?
- "Je crois que ça dépasse ces jeunes filles. Pour moi, ce foulard est un foulard politique, ce n'est pas un foulard islamique. Je crois que le temps est venu de la fermeté et de la clarification. Aujourd'hui, il faut remettre la République dans le bon sens. Il faut expliquer à ces jeunes filles que ce n'est pas la solution de porter ce foulard. Ce qui me pose problème, c'est qu'aujourd'hui c'est l'image des musulmans de France qui est abîmée. Aujourd'hui, les musulmans de France sont en majorité des gens qui vivent leur religion de façon ouverte, tolérante, et on a l'impression qu'aujourd'hui c'est un bloc monolithique, que les musulmans sont un bloc monolithique. Or, non. Il y a des gens qui estiment que cette religion doit être vécue dans le cadre des lois de la République et dans la vie privée. C'est la laïcité, et beaucoup de musulmans respectent la laïcité."
"Fermeté", "clarification" dites-vous à propos du port du voile à l'école. Quelle conséquence on en tire ? une loi ?
- "Je pense qu'il faut intégrer une disposition dans la future loi d'orientation pour l'Ecole, en 2004. Je crois que vraiment on ne peut pas faire autrement."
Une disposition qui interdirait le port du voile et les autres insignes religieux ?
- "Tous les signes religieux dans l'école. Cette histoire de voile islamique me pose un autre problème, qui est le problème du statut de la femme. Je crois vraiment que c'est une attaque sur le statut de la femme. Je fais partie de cette seconde génération, issue de l'immigration. Je vais vous dire : dimanche dernier, ma mère, qui a 70 ans, qui a toujours pratiqué sa religion, mais chez elle, dans le privé, me dit : "Ce n'est pas cela l'Islam, ce n'est pas cela la religion musulmane. Et je suis très en colère, ces petites se font manipuler". Donc, il y a la première génération qui est celle de ma mère, il y a ma génération - nous sommes un certain nombre de jeunes femmes à s'être battues pour avoir une vie indépendante, autonome - et j'ai l'impression que cette troisième génération est en pleine régression. Donc, c'est le statut de la femme qui est attaqué. Aujourd'hui, quand j'entends que des élus acceptent de faire des horaires dans les piscines, "des horaires à part", je me dis : on marche sur la tête! Qu'est-ce qui se passe? Les élus, les grands élus républicains doivent faire respecter les lois. Est-ce que les femmes sont d'accord pour aller sur des horaires à part? Non, moi je dis : il faut arrêter !"
Evidemment, votre parole a du poids ce matin puisque vous êtes fille d'immigrés algériens. La loi sur le voile à l'école divise visiblement le Gouvernement, ou l'hypothèse d'une loi. Par exemple, N. Sarkozy y est assez opposé. Est-ce que vous avez eu l'occasion de parler avec lui de ce sujet ?
- "J'ai eu l'occasion de beaucoup parler avec N. Sarkozy. D'abord, je trouve que, vraiment, c'est une vraie avancée son conseil des institutions musulmanes. Il était important que nous ayons une hiérarchie au niveau de la religion musulmane, pour l'organisation du culte - je suis bien claire : pour l'organisation du culte. Ce conseil aura à se préoccuper des carrés musulmans, de l'abattage des moutons, de faire en sorte que les musulmans puissent vivre leur foi de façon digne, sortir de l'islam des caves. Je crois que N. Sarkozy a été très clair : aujourd'hui, il faut des mosquées dignes de ce nom. Il faut qu'on puisse vivre sa religion dans la transparence et dans la dignité."
Et sur le voile. Vous arrivez à le convaincre ou pas ? Vous avez essayé de le convaincre ?
- "On a des discussions. Vous savez moi je ne suis pas là pour le convaincre."
Ben si, c'est important, non ?
- "C'est la démocratie. De toute façon, N. Sarkozy n'est pas pour le voile à l'école."
Il n'est pas pour la loi réglementant ou interdisant le port du voile à l'école.
- "Oui, il est pour la négociation. On a une attitude et une position différentes. Moi, ce problème je le vis depuis près de quinze ans. J'étais à Lille quand il y a eu la première affaire des foulards au lycée Faidherbes et j'ai été une des premières à me mettre face au recteur de la mosquée de Lille, pour lui dire : "je ne suis pas d'accord, moi, avec cette histoire de foulard. Je ne comprends pas qu'à huit-neuf ans, les petites se lèvent le matin en disant, "j'ai la foi, je veux mettre le foulard !"." Donc, il y avait quelque chose derrière. "
Votre expérience et votre connaissance du monde musulman sont utiles : est-ce que la commission Stasi vous a entendue, ou va vous entendre ? La commission Stasi réfléchit précisément à des dispositions pour réglementer tout ceci.
- "Pour l'instant, la commission Stasi ne m'a pas entendue, mais j'ai eu l'occasion de discuter à plusieurs reprises avec B. Stasi. Donc, il connaît mes positions.
Mais vous n'avez pas encore planché devant la commission.
- "Je n'ai pas encore planché devant la commission".
Et la mission d'information de J.-L. Debré non plus ?
- "Pas encore."
Comment vous expliquez ça ? Qu'on ne prenne pas en compte davantage votre expérience ?
- "On la prend beaucoup en compte. Vous savez, je suis extrêmement sollicitée à titre privé. Je n'ai pas eu l'occasion de m'exprimer par avance sur ce problème parce que je pensais qu'aujourd'hui, en 2003, on pouvait être issue de l'immigration, être membre du Gouvernement, et ne pas être obligée de s'exprimer sur ces sujets."
Mais ce n'est pas "obligé". C'est utile que vous vous exprimiez sur ces sujets.
- "Oui, c'est utile. Je comprends tout à fait, et je suis heureuse aujourd'hui de m'exprimer."
Et on est heureux que vous soyez là.
- " Et je voudrais vous dire autre chose : ce qui me gêne aussi sur cette histoire de foulard, c'est qu'on focalise sur les foulards. Or, aujourd'hui, je voudrais qu'on s'occupe des problèmes d'intégration. Parce que c'est ça les débats. Vous savez qu'en décembre, nous allons fêter le vingtième anniversaire - "fêter" entre parenthèses -, de la marche des Beurs. Et je voudrais qu'on fasse le bilan. Le bilan, il n'est pas terrible, je peux vous le dire. Le chômage des jeunes, c'est ce qui m'intéresse. La lutte contre les discriminations. Les ghettos, les logements."
Vous avez daté votre entrée en politique par le monde associatif d'abord, puis la politique, et ensuite par votre volonté de lutter contre le Front national, qui s'est implanté sur la scène politique à partir des années 1980. Comment réagissez-vous ce matin en apprenant que l'UMP, pour les élections régionales de mars prochain, a investi J. Blanc en Languedoc-Roussillon, J.-P. Soisson en Bourgogne, qui ont été des alliés du Front national en 1998. Quel est votre commentaire ?
- "Je n'ai pas de commentaire à faire."
Pourquoi ? Cela n'en nécessite pas ?
- "Non."
Le fait que J. Blanc et Soisson se soient alliés au Front national, c'est du passé ? On a tourné la page ?
- "Je pense que l'UMP a tourné la page."
L'UMP oui, et vous ?
- "Je tourne la page en même temps que l'UMP."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er octobre 2003)