Conférences de presse et interview à RFI de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur le forum méditerranéen de Madère, les négociations de paix au Proche Orient, l'attitude de la France dans l'hypothèse d'un retrait unilatéral des forces israëliennes du Liban sud, le sommet euro-africain du Caire et les programmes MEDA 1 et MEDA 2 d'aide communautaire aux pays méditerranéens, Madère les 30 et 31 mars 2000.

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Circonstance : Forum méditerranéen, réunissant cinq pays méditerranéens et six pays de l'Union européenne, à Madère (Portugal) les 30 et 31 mars 2000

Média : Radio France Internationale

Texte intégral

Conférence de presse du 30 mars :
Notre réunion confirme l'utilité de ce Forum, parce que c'est une instance différente des autres. C'est une instance de petite taille, dans laquelle il y a un petit nombre de pays de l'Union européenne - disons du sud de l'Union européenne - et un petit nombre de pays de la rive sud de la Méditerranée. La configuration de cette instance, le fait que cela soit des pays qui ont des liens étroits et anciens, a pour conséquence qu'il y règne un climat particulier de franchise et de confiance dans les discussions et à chaque fois cela s'est confirmé, comme dans les autres réunions auxquelles j'ai participé dans le passé. Cela permet aux pays du Maghreb, à l'Egypte, à tous les pays du côté sud, de s'informer, d'interroger, éventuellement d'interpeller, les pays de l'Union européenne sur les relations entre les deux ensembles de pays et là, une fois de plus, le débat a porté sur les conséquences de l'élargissement de l'Union européenne et sur les relations avec la zone méditerranéenne, avec une inquiétude, en quelque sorte. M. Gama et moi-même avons expliqué que l'Union européenne, à notre sens, était un ensemble suffisamment puissant pour faire face à ses différentes obligations et avoir des politiques dans toutes les directions. Il n'y a pas de raison que l'Union européenne ait à choisir entre une chose et l'autre.
Nous avons eu des échanges intéressants à propos de la préparation du Sommet de Barcelone IV. Je dis sommet parce que nous espérons pouvoir faire un sommet. Il y aura de toutes façons une réunion ministérielle et, si les conditions le permettent, si le climat est bon au Proche-Orient, cela sera un sommet au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Cela sera l'occasion de faire le point du processus de Barcelone lancé en 1995, de faire le point des programmes MEDA, qui avaient eu du mal à se mettre en route au début et j'ai indiqué que cette réunion de Marseille marquerait le passage à la maturité du processus de Barcelone. Il y a une autre question dont nous espérons qu'elle aura été complètement tranchée, réglée d'ici là, c'est la préparation de la charte pour la sécurité en Méditerranée.
Donc, voilà, tous les points de l'après-midi ont porté là-dessus : une certaine interrogation des pays du Sud et une réponse des pays de l'Union, à commencer par M. Gama en tant que président, sur la cohérence de nos différentes démarches.
Q - Est-ce que l'on a déjà commencé à aborder la réunion de lundi et mardi au Caire entre l'Union européenne et l'Afrique ?
R - Non. Il y a eu simplement un point d'information par les co-organisateurs portugais et égyptiens sur les sujets principaux, mais ce n'était pas le lieu d'en débattre.
Q - Précisément, qu'attend la France de ce Sommet Union européenne - Afrique ?
R - La simple tenue de cette réunion au Caire est un message politique en soi, puisqu'il n'y a jamais eu de rencontre de tous les pays de l'Union européenne et de tous les pays d'Afrique. Donc nous en attendons un effet de choc positif dans les réunions entre ces deux grands ensembles, ces deux grandes entités, comme cela a été le cas à Rio entre l'Union européenne et l'Amérique latine. Et cela permettra à la fois de traiter d'un très grand nombre de relations bilatérales ou par petits groupes, mais aussi de voir quelles sont les attentes de l'Afrique par rapport à l'Europe, de confirmer les orientations de l'Europe par rapport à l'Afrique, que cela soit sur le plan économique, par rapport à la question de la dette, que cela soit sur le plan de la sécurité, de faire le point sur tous les efforts que font certains pays d'Europe. Vous savez que la France - ou l'Union européenne en tant que telle - est très active par rapport à des conflits comme celui des Grands Lacs, donc je crois que l'on va traiter toute la palette des sujets, toutes les formes de la coopération, toutes les formes des échanges. Et cela montrera toute la place que l'Afrique doit occuper justement dans les relations mondiales de cette Union européenne qui se renforce.
Q - Pour l'Europe qui s'adresse à l'Afrique, est-ce que c'est une manière de borner chaque grande région et de donner ce message aux pays d'Afrique - notamment du nord - qui voudraient s'associer à l'Europe ?
R - Le message est très simple, il porte sur l'importance que l'Afrique a aux yeux de l'Europe. C'est pour cela qu'il y a cette réunion du Caire, tout simplement.
Q - Avez-vous parlé de la Charte ?
R - Il n'y a pas eu de discussion sur la charte cet après-midi. On a dit que les travaux continuaient pour préparer la charte, mais cela n'a pas été un sujet de difficultés dans la discussion de cet après-midi. Il y a un espoir d'avoir mis la charte au point avant Marseille ; il y a un espoir de voir adoptée la stratégie commune sous la présidence portugaise, sinon cela sera sous la nôtre ; et puis l'espoir, je vous l'ai dit, de pouvoir transformer la réunion ministérielle de Marseille en un sommet. Voilà les objectifs.
Q - A propos du processus de paix au Proche-Orient, êtes-vous optimiste et pensez-vous qu'il pourra y avoir un sommet entre Syriens et Israéliens en mai ?
R - A propos du processus de paix au Proche-Orient, étant donné que le climat change tout le temps - il y a des semaines où on est optimiste et des semaines où on est pessimiste -, nous pensons qu'il ne faut pas passer par des écarts trop rapides à ce sujet et qu'il vaut mieux être ni optimistes ni pessimistes, mais tout simplement tenaces et persévérants. Donc, notre position, en tant que France, c'est tout simplement de continuer à être disponibles pour toute action utile pour la paix. C'est aussi simple que cela./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 avril 2000)
Conférence de presse du 31 mars :
La présidence portugaise a très bien travaillé. Le forum a confirmé son utilité. Je répète que, pour moi, le grand intérêt de ce forum, par rapport aux ensembles beaucoup plus vastes, beaucoup plus formels, avec des textes, c'est qu'en raison de sa petite taille ce forum (six pays de la Méditerranée, pays du sud et cinq pays de l'Union européenne) peut y travailler bien, librement, de façon très directe. Ce sont des pays qui se connaissent très bien, donc il y a une sorte d'intimité qui donne un climat de franchise et de liberté dans les débats. C'est très important, parce que nous n'avons pas l'équivalent dans les autres institutions ou dans les autres rencontres que vous connaissez. Il faut préserver cet élément. Donc, cela nous a permis d'avoir un très bon dialogue, à propos de sujets comme stabilité et sécurité, zone de libre-échange, dialogue culturel, des sujets que vous connaissez. Le forum est une sorte de laboratoire d'idées. Autre point positif qui est apparu dans les discussions, c'est l'appui apporté à la préparation de Barcelone IV. Il y a une attente à propos de ce sommet de Marseille qui aura lieu à la mi-novembre.
Q - On a dit qu'une décision avait été prise pour qu'il y ait non seulement une conférence, mais aussi un sommet, à Cannes. Pouvez-vous nous en donner confirmation ?
R - Pas à Cannes, à Marseille. Nous avons programmé une réunion ministérielle et, si les circonstances le permettent, c'est-à-dire si le climat est convenable à propos de la paix au Proche-Orient, nous aurons un sommet. Nous souhaitons que cela soit un sommet. Donc, appui et attente à propos de cette réunion de Barcelone IV. Nous espérons, en tant que président futur, faire adopter dans cette réunion la charte de stabilité, et en même temps donner une impulsion nouvelle à tous les autres côtés du partenariat.
D'autre part, nous avons été très heureux de voir le Maroc suivre le forum de Madère. Je crois que c'était la première fois qu'un ministre des Affaires étrangères marocain participait à une telle réunion. C'est une très bonne chose. Non seulement le Maroc s'implique et s'intéresse, mais il prend la présidence. Nous lui apporterons notre plein appui.
Q - S'il y a une possibilité, s'il y a une solution dans les accords et les négociations entre Israël et la Syrie, la France serait-elle intéressée par la tenue d'un sommet dès que possible ?
R - Un sommet de quoi ?
Q - Un sommet sur la paix au Moyen-Orient.
R - Nous n'avons pas parlé de sommet pour la paix au Moyen-Orient. Il n'y a pas de sommet en vue. Ce dont je vous parle, c'est le sommet de Barcelone. Il y a un sommet Europe-Afrique, un sommet de Barcelone, en préparation à Marseille, mais c'est tout. En ce qui concerne la paix au Proche-Orient, chacun sait comment les choses se passent avec le processus israélo-palestinien et israélo-syrien. Il n'y a pas de sommet en vue. Cela ne correspond pas à un besoin aujourd'hui, cela ne correspond pas à un projet.
Q - Et ce n'est pas une espérance de la France qu'il pourrait y en avoir un peut-être dans un avenir proche ?
R - Le problème de la paix au Proche-Orient ne dépend pas d'un sommet. La paix au Proche-Orient dépend des négociations entre les Israéliens et les Palestiniens, et l'on sait les problèmes sur lesquels cela achoppe. D'autre part, il y a la question israélo-syrienne, et l'on sait que les discussions sont suspendues. On sait que Washington a essayé de les relancer ; cela n'a pas marché pour le moment. Nous espérons que cela va finir par marcher, c'est très important, et nous espérons qu'il y aura un accord entre Israël et la Syrie, ce qui permettra un accord entre Israël et le Liban. À chaque fois que la France peut faire quelque chose d'utile par rapport à ces questions, elle le fait.
Q - Vous avez parlé de chiffres pour le programme MEDA 2
R - Ce n'est pas le forum qui peut fixer les chiffres. Le programme MEDA 2 est un programme de l'Union européenne, donc cela se discute à quinze. Donc, nous n'avons pas eu de discussions chiffrées. Naturellement, les pays bénéficiaires de MEDA 2 souhaitent que le budget soit augmenté. Les pays de l'Union européenne qui sont présents disent : nous allons faire notre possible pour que le budget de MEDA 2 soit le meilleur possible. L'Union européenne gère ses propres programmes : politique agricole commune, dépenses d'élargissement, opérations spéciales comme les Balkans, beaucoup de sujets. Il faut faire des arbitrages. Mais ce forum n'est pas un lieu de décision sur les budgets de l'Union européenne.
Q - Est-ce que ce sera à Lisbonne à la fin du mois de mai que le chiffrage de MEDA 2 sera fixé ? Ou bien est-ce que c'est une décision qui sera prise indépendamment à Bruxelles, ou lors de la présidence française ?
R - Elle sera prise quand elle sera prête. Je ne sais pas si l'on peut indiquer un délai.
Q - La question des flux migratoires a-t-elle été examinée de façon approfondie ?
R - Cela a été évoqué par certains intervenants, mais je ne dirais pas que cela a été traité en tant que tel. Encore une fois, la qualité de cette rencontre, c'est que c'est un forum. On discute assez librement, l'ordre du jour n'est pas complètement fermé, on peut passer d'un sujet à l'autre, on se connaît bien. Ce n'est pas comme un conseil européen où il y a un ordre du jour précis avec un certain nombre de points et, sur chaque point, il faut décider s'il y a la majorité ou s'il n'y a pas de majorité. Donc presque tous les sujets ont été abordés, parce que les sujets sont liés entre eux, mais cela ne conduit pas à des décisions.
Q - En revanche, on semble avoir beaucoup parlé de bureaucratie. Les pays du Sud, en particulier semblent s'être un peu plaints...
R - Ce n'est pas à propos du forum...
Q - Non. Le ministre marocain des Affaires étrangères nous a expliqué que, sous la présidence française, il espérait qu'il y aurait une sorte d'initiative pour réduire cette pesanteur bureaucratique. Est-ce que vous pensez que c'est un vrai souci ?
R - Je pense que l'on mélange plusieurs problèmes. D'abord, il n'y a pas de bureaucratie dans le forum, heureusement, et j'espère bien qu'il n'y en aura jamais, c'est pour cela que j'ai dit que cela devait rester informel et rester un laboratoire d'idées. Il ne faut pas le perfectionner trop, parce que, sinon, précisément, on le bureaucratise.
Ce que disent les pays du Sud, c'est que l'aide de l'Europe est trop lente. D'abord, ils trouvent qu'il n'y a pas assez d'argent, mais c'est un problème général, et ils trouvent que c'est trop lent. C'est vrai qu'il a fallu un certain temps pour que la commission élabore les mécanismes de financement de MEDA 1. D'autre part, les pays du Sud n'avaient pas de projets à présenter au début. Je le dis amicalement et gentiment, mais c'est vrai qu'au début ils protestaient, mais souvent ils n'avaient pas de projets, ou les projets ne correspondaient pas du tout aux programmes qui avaient été décidés. Après, les programmes européens, c'est lent. Moi, je suis intervenu pour dire à nos amis marocains qu'il ne faut pas qu'ils croient qu'il y ait une lenteur spéciale sur les projets méditerranéens. Quand on regarde les programmes à l'étude des dix candidats à l'élargissement, ces pays aussi trouvent que c'est un peu long, un peu bureaucratique, un peu compliqué, mais c'est comme cela. L'Union européenne c'est quinze pays, avec une Commission, avec de très nombreuses directions générales, et on ne veut pas dépenser mal l'argent, donc c'est fait très sérieusement, mais c'est un peu lent. Dans les Balkans aussi c'est un peu lent, un peu partout. Il ne faut pas véhiculer l'idée qu'il y a une lenteur spéciale, anormale, parce qu'il s'agit de la Méditerranée.
Q - On a l'impression qu'il y a quinze bureaucraties qui...
R - Il y a aussi de nombreuses directions dans la Commission mais c'est la même Europe. On sait très bien tout cela. C'est une idée qui n'est pas fausse. Nous le ressentons nous-mêmes à l'intérieur de l'Europe. Ce qui serait faux, c'est de penser qu'il y a un problème spécial sur la Méditerranée. Nous sommes par ailleurs en train de réfléchir aux réformes en Europe : aux réformes de fonctionnement de la Commission, aux réformes de fonctionnement du Conseil, à des réformes allant plus loin dont on parle au sein de la Conférence intergouvernementale. Nous faisons de notre mieux.
Q - La complainte du Maroc était aussi très intéressante : ne plus vouloir recevoir toujours des leçons des pays du Nord sur la bonne gouvernance, etc. Ils ont utilisé le mot tutelle...
R - Personnellement, je suis toujours très attentif à ne pas m'exprimer de cette façon. Je pense que, dans un partenariat, il faut avoir un rapport équilibré. C'est tout à fait normal de donner des conseils. D'ailleurs ils nous donnent des conseils, puisqu'ils nous demandent de réduire la bureaucratie européenne. Je ne trouve pas cela choquant et je vous réponds qu'en effet c'est un problème dont on s'occupe. Donc, on peut imaginer qu'il y ait des conseils dans l'autre sens aussi.
Q - Ce qu'ils reprochaient, c'était un peu le ton paternaliste...
R - Je ne crois pas que cela soit le ton de la France. Franchement, on peut avoir des critiques à se faire entre amis, on a même le devoir de se dire les choses. Mais il y a un ton à trouver, il y a une sorte de respect mutuel à préserver, cela c'est affaire de sensibilité. Vous voyez, c'est un bon exemple : le forum est fait pour dire cela. C'est plus facile de se dire cela dans le forum que dans une grande réunion de type Barcelone.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 avril 2000)
Interview à RFI le 31 mars :
Q - Ce forum à Madère, quelles conclusions en tirez-vous ? Quels sont les grands dossiers qui ont été traités et qui vont permettre de faire évoluer cette structure qui jusque là, peut-être, avait du mal à exister à côté du forum de Barcelone ?
R - Ce n'est pas du tout mon avis sur ce forum. Je crois que ce forum existe très bien précisément parce qu'il est de petite taille, qu'il ne regroupe que cinq pays méditerranéens et six pays de l'Union européenne et que, pour cette raison, il y a, au sein de ce forum, et cela se sent dans les discussions, un climat d'amitié - ce sont des pays qui se connaissent bien depuis longtemps -, un climat de franchise - on se parle des problèmes comme on ne peut pas le faire quand on est dans une enceinte où il y a 20, 30 ou 40 pays et avec des travaux très formalisés et de longues préparations. Donc il faut à tout prix préserver cet esprit de liberté, de pragmatisme et de franchise. Il faut éviter ce qui s'est passé avec beaucoup d'institutions et de rencontres internationales depuis quelques décennies qui est justement leur bureaucratisation et leur formalisation. Donc il y a un esprit du forum, que je juge extrêmement positif, que j'ai rencontré dans les différentes réunions, et qui était encore présent à Madère. On peut tout à fait parler d'autres sujets, parler de questions plus concrètes et pas seulement de concertation politico-diplomatique : on peut parler économie, on peut parler échanges humains, on peut parler échanges culturels, on peut réfléchir à des choses qui trouvent leur aboutissement dans le processus de Barcelone, mais, tel que c'est, c'est très bien. J'ai rendu hommage au travail de la présidence portugaise et souhaité bonne chance, avec notre plein appui, à la présidence marocaine qui commence. Et nous sommes heureux de voir le Maroc s'impliquer pleinement dans l'animation de ce forum.
Q - L'implication marocaine... ? Vont-ils assumer la prochaine présidence ?
R - Oui, et je répète que nous sommes très heureux que le Maroc s'implique.
Q - Ce forum permet d'avancer sur quels dossiers précisément ? Est-ce que c'est bilatéral ou est-ce que c'est au niveau de la construction d'une entité qui évite notamment les pièges que vous avez signalés ?
R - Non, ce n'est pas la construction d'une entité. Là où il y a entité c'est dans la fonction euro-méditerranéenne, ça c'est le processus de Barcelone. Nous allons y travailler pendant notre présidence, puisque nous avons prévu une réunion ministérielle à Marseille en novembre, Barcelone IV. Si tout va bien, si le contexte général en Méditerranée et notamment au Proche-Orient est favorable, cette réunion aura lieu au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Donc, ça c'est l'aboutissement. Quant au forum lui-même, c'est un lieu de discussions, d'échanges, d'animations, et cela n'a pas vocation à devenir plus que ça. C'est déjà une identité structurelle.
Q - Cela vous a permis de préparer par exemple notamment avec les pays du Maghreb le Sommet du Caire ?
R - Le Sommet du Caire est préparé, déjà, depuis des semaines, pour ne pas dire des mois, par les Africains, par l'Europe. La présidence portugaise a joué un rôle très important qui doit être, là aussi, salué, et les Egyptiens aussi. On n'avait pas besoin de venir deux jours avant à Madère pour le préparer.
Q - Un mot sur la position française après l'évocation par David Levy d'un possible positionnement de forces françaises au Liban après le retrait israélien. Quelle est la position de la France ?
R - La position de la France est très claire. Il faut distinguer selon les hypothèses.
Dans l'hypothèse où il y a un accord entre Israël et la Syrie et entre Israël et le Liban - le président de la République l'avait déjà dit il y a plusieurs années, nous l'avons redit depuis, et le Premier ministre l'a reconfirmé - si les protagonistes de l'accord, les uns et les autres, nous demandent en tant que Français de participer à des arrangements de sécurité, nous examinerons leur demande dans un esprit positif et nous serons prêts à y participer. Sous quelle forme exactement, je ne peux pas le dire parce que l'accord n'est pas fait et que je ne sais ce qu'ils nous demanderaient. C'est donc tout à fait prématuré d'aller au-delà pour répondre plus, mais cela vous donne notre état d'esprit.
Deuxième hypothèse, il n'y a pas d'accord. Là c'est tout à fait différent, la France n'a plus aucun engagement, que ce soit le président de la République ou le gouvernement. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes insensibles à la situation, au contraire, nous voyons bien que d'un côté il est naturellement souhaitable qu'un pays applique les résolutions du Conseil de sécurité, comme c'est le cas pour la 425 et la 426. S'agissant du retrait de l'armée israélienne au sud du Liban, en même temps on ne peut pas ne pas voir les problèmes qui pourraient en découler. Je pense que ces problèmes à ce moment-là, dans l'hypothèse où il n'y pas d'accord, ne seraient pas examinés par la France toute seule, quels que soient les appels qui lui sont lancés, mais relèveraient d'un débat au sein du Conseil de sécurité puisque la question qui serait posée ce serait les modalités d'application des deux résolutions que j'ai citées et notamment l'avenir de la FINUL, sa composition, sa fonction, sa localisation, son mandat. Donc, voilà ce que nous ferons si nous sommes placés devant cette échéance.
Q - Est-ce que vous percevez cette proposition ou cette évocation par David Levy comme une suite du voyage de M. Jospin et du rééquilibrage qui a semblé sortir de ce voyage par rapport à Israël ?
R - D'abord je ne reprends pas votre appréciation sur le voyage. Ce n'est pas la mienne, mais n'y revenons pas ce n'est plus le sujet et cela n'a de toute façon aucun rapport puisque M. Levy en avait parlé avant. C'est donc une idée qu'a eue M. Levy à propos de la gestion de cette situation qui pourrait découler d'un retrait unilatéral de l'armée israélienne sans accord. Je répète que dans ce cas là, cela sera au Conseil de sécurité, dont nous faisons partie, donc nous y participerons, mais c'est au Conseil de sécurité en tant que tel d'examiner la situation nouvelle.
Q - Le fait d'évoquer la France pour cela, est-ce remettre la France comme acteur majeur, sinon principal, dans la résolution de ce conflit ?
R - Les acteurs principaux du conflit, ce sont les protagonistes eux-mêmes. Ce sont les Israéliens, les Palestiniens, les Syriens, les Libanais, etc. Ce sont eux les acteurs principaux. Les puissances qui ont une influence et qui tentent de jouer un rôle utile, on les connaît, ce sont les Etats-Unis au premier chef et la France aussi, chaque fois qu'elle le peut. Il n'y a donc pas à remettre la France ; la France y est de toute façon comme membre permanent du Conseil de sécurité, elle y est en raison de ses liens anciens avec tous les protagonistes de la région, elle y est en tant que contributeur de troupes à la FINUL.
Q - L'Europe, elle, est absente de ce processus, sauf à travers la France...
R - Non, l'Europe n'est pas absente. L'Union européenne est présente d'abord à travers son envoyé spécial, M. Moratinos, qui fait un travail de bénédictin très remarquable, en contact avec tout le monde, et de nombreuses façons. L'Europe est présente à travers ses déclarations qui, sur le plan de la politique, des concepts, des idées, des possibilités de solutions, à plusieurs reprises a permis de progresser. Je pense que l'Europe, par son expression politique, a fait évoluer la position américaine et l'Europe est présente à travers tous ses programmes d'aide et de coopération, dont aucun des protagonistes ne sous-estime l'importance. Donc il y a les uns et les autres. L'important, c'est que tous les efforts de ceux qui sont inspirés par la recherche de la paix puissent coïncider et converger./.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 avril 2000)