Lettres de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, adressées aux syndiqués et aux non syndiqués, sur la réforme des retraites, notamment la nécessaire poursuite des négociations et la généralisation de la mobilisation sociale, Paris le 6 juin 2003.

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Texte intégral

Cher(e)s Camarades,
La combativité et la détermination des salariés du public comme du privé, pour l'ouverture de vraies négociations pour une autre réforme des retraites, s'intensifient.
Le travail syndical que nous avons mené ensemble depuis des mois est déjà considérable, la CGT, ses syndicats, ses syndiqués ont une responsabilité majeure dans la suite des événements.
La mobilisation entre dans une nouvelle phase où sa généralisation est devenue indispensable. Dans le privé comme dans le public, il est important que nous ayons à l'esprit plusieurs données de la situation, pour ne pas tomber dans les pièges qu'on nous réserve.
Ce contexte m'incite à m'adresser à vous.
Le gouvernement s'obstine, les ministres - et notamment le premier d'entre eux - nient la réalité des faits. Ils s'évertuent à travestir le contenu de leur projet, comme l'escamotage de la négociation avec les syndicats.
Malheureusement, le gouvernement risque dans les prochains jours de s'enfermer dans cette attitude, comptant sur l'usure du mouvement.
Ignorant ou minimisant avec dédain la mobilisation qui se construit et s'affirme depuis plusieurs mois, il veut s'appuyer sur sa majorité parlementaire pour tenter de passer en force. C'est d'elle qu'il attend l'adoption, d'ici mi-juillet, d'un projet de loi rétrograde qui engage contre leur volonté et pour des décennies l'avenir de millions de salariés. La discussion de l'actuel projet de loi doit être différée au bénéfice d'une nouvelle phase de négociation avec les syndicats. Aucun impératif ni financier ni institutionnel n'exige de boucler ce dossier dans l'urgence
Le gouvernement a déjà largement usé de la tactique de division. Il va persévérer, tenter d'opposer les salariés entre eux, privé/public, régimes spéciaux et régime général, les retraités aux plus jeunes, les enseignants aux parents d'élèves, les " preneurs d'otages " aux " otages ", etc, etc
Il a également misé sur les divisions syndicales. Il est évident que les deux organisations qui ont accepté de se prêter au simulacre de négociation du 15 mai ont pris une lourde responsabilité.
Le temps viendra où nous aurons le recul nécessaire pour tirer les enseignements d'un épisode qui aura porté préjudice à l'ensemble du syndicalisme.
Mais le moment présent n'est sûrement pas au règlement de comptes.
Notre énergie doit être focalisée sur le rassemblement de tous ceux qui partagent la conviction que des alternatives à ce projet de loi existent, et ils sont très nombreux, y compris dans les rangs des syndicats signataires.
Un autre piège, c'est " l'intox ", dont nous avons déjà eu l'avant-goût. Le Gouvernement, ayant décrété que le débat est réservé aux seuls parlementaires, dénie maintenant le droit aux syndicats de s'exprimer et dénonce des " grèves politiques " ! Curieuse conception de la démocratie qui consisterait à donner sa voix un jour pour après " la fermer " toujours...
Soyons attentifs à ce que personne ne nous détourne de l'objectif commun, celui qui mobilise bien au-delà des sensibilités politiques. Il est indispensable que chacun d'entre nous s'appuie sur l'analyse de la CGT et les positions de fond qu'elle défend. Une réforme garantissant le droit à une retraite à taux plein à 60 ans, fondée sur la solidarité entre les catégories et les générations, financée par la contribution de l'ensemble des richesses produites, est indispensable et elle est possible.
Pour une large part, c'est de la qualité de notre engagement, de notre lucidité, de notre capacité à tous à nourrir le débat public à l'entreprise, dans les localités et à travers tous les moyens d'information, que vont dépendre l'élargissement de la mobilisation et le renforcement de la confiance qui sont les véritables gages de l'efficacité de l'action.
Il nous faut être également très attentifs à promouvoir une attitude démocratique, tant dans la décision des formes d'action que dans la conduite de chaque étape du mouvement et la coordination des initiatives aux niveaux professionnel et interprofessionnel. C'est indispensable pour une action revendicative qui devra peut être s'installer dans la durée pour être décisive.
Au-delà de l'engagement indispensable des salariés dans l'action, chacun d'entre nous doit les gagner à la conviction de se syndiquer. C'est un moyen d'agir durablement pour la défense des revendications. C'est à la fois une condition du succès qu'il faut remplir et une opportunité pour l'avenir qu'il faut saisir.
Très fraternellement à chacun (e) d'entre vous.
(Source http://www.cgt.fr, le 16 juin 2003)
Madame,
Monsieur,
Comme des millions de salariés vous n'admettez pas la mise en cause de la retraite à 60 ans et le laminage programmé du niveau des pensions, que le gouvernement et le Medef veulent nous imposer, dans le public comme dans le privé.
Comme des millions de salariés vous considérez que, pour sauvegarder effectivement et durablement nos systèmes de retraite solidaire, une autre réforme des retraites est nécessaire et possible.
Vous êtes sans doute de ceux qui, par centaines de milliers, ont déjà participé à une manifestation ou un arrêt de travail.
Nous aurons encore besoin de vous pour être tous ensemble à exiger du gouvernement qu'il revienne à la table des négociations, ce qu'il refuse pour l'instant obstinément, malgré une contestation qui s'étend mais qu'il croit pouvoir ignorer. Seule une mobilisation encore plus vaste, à laquelle nous vous demandons de prendre toute votre place, pourra le ramener à la raison.
Dans cette période de confrontation sociale intense, chacun peut mesurer le besoin d'un syndicat pour faire valoir ses droits, faire reconnaître ses aspirations dans l'entreprise comme face aux pouvoirs publics.
Mais avec moins de 10 % de salariés syndiqués en France et des divisions entre syndicats qui continuent de porter préjudice à nos intérêts communs, je vous le dis franchement, nous sommes trop loin du compte, et si une telle situation devait perdurer, nous aurions tous beaucoup de mal à conquérir les avancées sociales auxquelles vous aspirez .
Vous détenez une partie de la réponse si, comme d'autres, vous prenez conscience - et je vous y invite - que l'heure est venue pour vous de vous syndiquer. Si vous le faites vous et beaucoup d'autres avec vous, alors l'horizon peut changer, et plus rapidement qu'on ne le pense.
Même si la CGT n'est pas encore présente dans votre entreprise, vous avez pu percevoir la réalité des efforts qu'elle a réalisés pour déployer un syndicalisme plus efficace, s'appuyant sur des propositions qui constituent de vraies réponses aux vrais problèmes à résoudre . Même s'il reste beaucoup à faire, la CGT a et aura de plus en plus l'ambition et la ferme volonté d'être un syndicat :
qui écoute les aspirations des salariés pour mieux les traduire en revendications, qui les consulte et qui respecte leur avis,
qui construit des solidarités entre tous les salariés, notamment ceux en situation précaire ou d'exclusion, pour combattre l'injustice, stopper les dérives inégalitaires, donner à chacun la possibilité d'une trajectoire professionnelle valorisante et sécurisée,
qui recherche en permanence l'unité syndicale, en France et en Europe, en favorisant tout ce qui rassemble, tout ce qui permet aux salariés de faire valoir leurs intérêts,
qui veut, dans une même démarche mobilisatrice, contester lorsque cela est nécessaire, mais aussi faire des propositions et négocier pour parvenir à des compromis qui marquent des avancées et donnent confiance pour aller plus loin,
qui considère que les syndiqué(e)s ont des droits et doivent avoir les moyens d'être vraiment les citoyens du syndicat. Ils donnent leur avis, ils débattent et ils décident collectivement.
Oui, la CGT bouge et elle est déterminée à aller jusqu'au bout des transformations qu'elle a engagées.
Et cela, c'est vous que ça regarde.
Vous avez des exigences, des impatiences vis-à-vis de la CGT ? Eh bien, syndiquez- vous, mêlez-vous de la vie syndicale, venez faire la preuve par vous-mêmes qu'un bon syndicat " appartient " aux syndiqués.
Vous n'admettez pas qu'on attente à vos libertés, alors faites respecter cette liberté fondamentale inscrite dans notre Constitution qui reconnaît à tous les salariés le droit de se syndiquer pour défendre leurs intérêts. C'est le bon moment !
Se syndiquer ce n'est plus entrer dans un moule, se rallier à une idéologie, c'est un choix de chaque individu, comme il est, là où il est. Il s'agit de ne pas être passif face aux événements, d'investir dans l'action collective, de mettre en évidence la force que représente le monde du travail pour retrouver et donner confiance, pour obtenir de nouvelles conquêtes sociales qui répondent aux défis d'aujourd'hui.
Persuadé que vous avez compris le sens de ma démarche et en vous remerciant d'avoir pris le temps de me lire, je vous confirme la disponibilité et la volonté