Déclarations de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur l'évolution des relations économiques entre la France et l'Egypte dans le cadre du partenariat euroméditerranéen, sur la coopération culturelle et le développement de la francophonie, Le Caire et Alexandrie, les 29 et 30 septembre et le 1er octobre 2003.

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Circonstance : Visite officielle en Egypte du 29 septembre au 1er octobre 2003

Texte intégral


(Le Caire, 29 septembre 2003)

Monsieur l'Ambassadeur,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Mes chers Compatriotes,
Chers Amis égyptiens,
Je suis très heureuse de me trouver parmi vous ce soir, vous tous qui démontrez avec la plus grande énergie la force de l'amitié franco-égyptienne.
Je tiens à remercier les deux présidents de votre club, MM. Mahmoud El Kaissy et Adrien Fares, ainsi que son directeur, M. Atef Moukhtar, de leur accueil si chaleureux.
Depuis plus de dix ans, vous travaillez au développement des échanges entre la France et l'Egypte. Les relations entre nos deux pays - vous le savez- sont anciennes, et marquées par la curiosité et la passion réciproque. Elles se voient aujourd'hui renforcées par une vision commune des relations internationales et du rôle de l'ONU dans le monde.
Pour ma part, je voudrais vous dire ce soir comment le gouvernement français conçoit l'avenir de nos relations dans le domaine économique. Car ne nous le cachons pas, nos relations économiques ne sont pas à la hauteur de notre amitié politique. Je suis personnellement convaincue que l'excellence de nos relations politiques et culturelles doit constituer le socle de relations commerciales plus étroites encore qu'elles ne le sont.
Comme ministre de l'Industrie, mais encore comme ancienne présidente du Parlement européen, je voudrais également évoquer le développement des relations entre l'Union européenne et l'Egypte, au sein du partenariat euro-méditerranéen.
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Mais avant cela, je dois vous dire à quel point mon voyage a été fructueux, notamment sur le plan industriel. Mon homologue, M. Ahmed Nazif et moi-même avons signé un accord visant à promouvoir les partenariats entre PME françaises et égyptiennes dans le secteur des télécommunications. J'ai également signé, avec le Dr Hassan Ali Khedr, ministre de l'Approvisionnement, un accord intergouvernemental portant sur la fourniture à l'Egypte d'une aide alimentaire de 20 000 tonnes "équivalent céréales". Par ailleurs, les industriels qui m'accompagnent dans ce voyage ont pu signer quelques contrats très importants : je citerai en particulier le contrat portant sur la construction du centre de distribution électrique de la région Ouest du Delta, entre Alcatel, Alstom et la Société égyptienne de l'électricité. S'ajoutent à cela deux accords commerciaux : l'un signé par la SNCF pour la sécurisation d'une partie du réseau ferré ; l'autre signé par la société Systra pour l'assistance technique à la modernisation des 52 rames de la ligne 1 du métro du Caire.
Ces différents contrats illustrent une évidence : la France, quatrième fournisseur de l'Egypte, dispose dans ce pays d'un fort potentiel de progression. La ratification par le Parlement égyptien de l'Accord d'association avec l'Union européenne devrait confirmer cette ouverture. Pour concrétiser ce potentiel, les entreprises françaises peuvent compter sur le soutien des pouvoirs publics français. Au cours des 25 dernières années, l'Egypte a déjà bénéficié d'une aide bilatérale importante - environ 3 milliards d'euros - ce qui a produit un effet de levier incontestable pour nos échanges.
Et s'il est vrai que, depuis 1999, le volume des échanges a connu une certaine contraction - du fait de l'instabilité internationale - les perspectives s'éclaircissent ; l'année 2002 a connu une reprise des exportations de part et d'autres, et les récentes ventes d'Airbus A330 en avril 2003 devraient faire retrouver à la France une bonne balance commerciale avec l'Egypte.
Je rappelle cependant qu'en 2002, ce ne sont pas nos exportations traditionnelles qui ont assuré notre excédent, mais nos exportations de blé, en croissance de 168 % ! Cette réussite, due au bon rapport qualité/prix de nos céréales, ne doit pas cacher le recul relatif de nos points forts traditionnels, en particulier industriels. Et cela d'autant moins que pour l'année 2003-2004, nos exportations de céréales s'annoncent décevantes.
Pour assurer demain le redémarrage de nos exportations, nous devons donc, en tout état de cause, poursuivre nos investissements en Egypte. C'est à cette condition que, lorsque la situation économique locale sera plus favorable, nous pourrons bénéficier de la réputation de nos produits et de nos marques. Aussi le gouvernement français s'attache-t-il à favoriser les protocoles financiers entre nos deux pays.
Au demeurant, témoignant par-là de leur confiance dans la stabilité de l'Egypte, les investisseurs français n'ont pas relâché leurs efforts depuis le 11 septembre 2001 dans l'agro-alimentaire, les biens de consommation, les biens d'équipements industriels et l'énergie. A cet égard, je salue les récents et remarquables succès d'Alcatel, qui a signé un contrat de 400 millions d'euros pour l'installation de lignes téléphoniques, et du consortium conduit par Vinci, qui a signé un contrat de génie civil pour le barrage de Naga Hamadi.
En outre, la France s'attache à repérer les secteurs où notre coopération industrielle et technique pourrait être la plus fructueuse : nous avons d'ores et déjà identifié deux domaines : l'industrie textile et l'industrie du papier-carton. Dans ces deux domaines, une mise à niveau de l'appareil productif égyptien paraît une occasion de coopérations bénéfiques pour nos deux pays.
Par ailleurs, et même si la France est consciente des difficultés de l'heure présente, nous souhaitons que l'Egypte puisse rapidement alléger certains droits de douane qu'elle applique aux articles textiles, et à certains produits alimentaires.
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De son côté, la France s'est engagée à coopérer avec l'Egypte pour améliorer sa capacité à pénétrer le marché européen. Nos services spécialisés sont en contact avec leurs homologues égyptiens pour dynamiser la promotion des exportations égyptiennes. De plus, je rappelle que l'Europe n'est pas fermée aux exportations des pays en développement ; elles représentent en effet 42 % de nos importations. L'Union européenne achète ainsi les deux tiers des exportations provenant d'Afrique contre un quart pour les Etats-Unis. Et depuis 1995, nos importations de textiles ont augmenté de 50%.
Enfin, je me réjouis du très important contrat conclu par Gaz de France en octobre dernier, qui sera mis en uvre à la fin 2005 : il porte, je vous le rappelle, sur l'achat par la France à l'Egypte, et ce pendant 20 ans, de 4,3 Milliards de m3 de gaz naturel liquéfié par an. Voilà qui ne manquera pas de consolider nos échanges bilatéraux !
Plus généralement, les mouvements dus à la globalisation des échanges doivent profiter à nos deux pays ; assurément, ils exigent de part et d'autres des efforts : efforts de modernisation au Sud, et de mutations industrielles au Nord, par un recentrage sur l'innovation et la valeur ajoutée. C'est précisément l'objet du grand Plan en faveur de l'innovation, du capital-risque et de la recherche et développement que je défendrai le mois prochain devant le Parlement français. Ce Plan a d'ailleurs vocation à inspirer notre coopération technologique avec l'Egypte, par le biais de l'Association des incubateurs égyptiens, conjointement financée par le Fonds social de développement et la région PACA. La Ligue arabe a d'ailleurs demandé, en janvier dernier, qu'un expert français puisse présenter notre action dans ce domaine devant le Forum des pépinières d'entreprises dans le monde arabe.
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J'en viens à présent à l'Europe.
La coopération franco-égyptienne s'inscrit en effet plus largement dans le partenariat euro-méditerranéen qui lie l'Egypte à l'Union européenne. Ce lien est d'abord de facto, puisque près de 40 % du commerce égyptien se fait avec les pays de l'Union européenne. Mais je me réjouis que l'Egypte veuille renforcer ces relations. La ratification, en avril dernier, de l'Accord d'association avec l'Union européenne est un excellent signe pour l'avenir.
Le projet commun aux deux rives de la Méditerranée est en effet de constituer, à terme, autour de notre mer commune, une vaste zone de libre-échange, productrice de croissance et de prospérité. Dans ce cadre, la France soutient l'initiative d'Agadir, qui vise à une meilleure intégration des pays du Sud méditerranéen ; l'Egypte s'y trouve aux côtés du Maroc, de la Tunisie et de la Jordanie. Ce processus progressif d'intégration économique est aussi un gage de stabilité et de paix pour cette région du monde.
Toujours dans le but d'une intensification de nos relations économiques et commerciales, le programme euro-méditerranéen MEDA fournit des aides à l'Egypte, pour lui permettre de s'intégrer plus facilement dans le marché global : à ce titre, deux financements ont été récemment mis en place, l'un de 40 millions d'euros pour le renforcement et la facilitation du commerce, et l'autre, de 33 millions d'euros pour la réforme de la formation professionnelle égyptienne.
S'ajoute à cela le Programme de modernisation de l'Industrie (PMI), financé par le programme MEDA, qui accompagne le développement des PME égyptiennes, en leur donnant accès au conseil et à l'expertise nécessaires à leur stratégie de restructuration. D'autres fonds, comme le Fonds social de développement, alimentés entre autres par l'Union européenne, ont vocation à prendre le relais, et à financer des achats d'équipements. Ainsi l'Union européenne et l'Egypte pourront-elle renforcer leurs liens, et travailler de concert à la construction de notre zone de prospérité commune.
Vous l'aurez compris, une immense carrière s'ouvre devant vous : poursuivre nos investissements, réaliser nos marges de progression, accompagner la modernisation de l'Egypte, resserrer toujours plus les liens entre les deux rives de la Méditerranée, tels sont les défis qui se présentent. Pour les relever, je sais que la France peut faire confiance en votre audace, qui trouve le secret de sa vivacité dans la profonde amitié franco-égyptienne.
Je vous remercie
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2003)
(Le Caire, 30 septembre 2003)

Monsieur le Ministre de l'Approvisionnement a pratiquement tout dit. Aussi je pourrai être très brève, simplement pour dire que cette audience, que je viens d'avoir avec le Premier ministre, a été, je crois pouvoir dire, particulièrement chaleureuse et constructive. Ce sont les qualificatifs que j'emploierais : chaleureuse, parce que bien sûr chacun connaît la très forte, très profonde amitié qui lie la France et l'Egypte, une amitié ancienne basée sur une coopération à la fois de caractère économique mais également, comme vous le savez, de caractère politique puisque sur des dossiers aussi importants que la gestion de l'après-guerre en Irak ou le processus de paix au Proche-Orient, la France et l'Egypte sont totalement en phase.
Je tiens à dire, à l'intention plus particulière des journalistes égyptiens, que j'ai été nommée au gouvernement il y a exactement un an et que c'est la première visite officielle que j'effectue dans un pays étranger depuis cette nomination. Je précise, j'ai été dans beaucoup d'autres pays, mais toujours dans le cadre de colloques, de forums, de conseils européens. C'est donc la première visite que je fais en Egypte pour y rencontrer les autorités gouvernementales et pour voir ensemble comment nous pouvons encore accentuer notre coopération. Si je vous dis cela, c'est parce que ce n'est pas un hasard, c'est un choix.
L'amitié franco-égyptienne s'inscrit dans le cadre plus large du partenariat euro-méditerranéen et je puis vous dire que lorsque j'ai été élue présidente du Parlement européen, le développement de ce partenariat euro-méditerranéen a tout de suite été, pour moi, une priorité. Elle le reste maintenant que je suis ministre du gouvernement français et, comme vous le savez, c'est une ambition qui est bien évidemment portée très fort tant par l'ensemble du gouvernement français que par le président Jacques Chirac.
Durant ces trois jours de rencontre, nous avons donc examiné la façon dont nous pouvions très concrètement développer, amplifier notre coopération en actant les progrès qui avaient pu être accomplis au cours de ces derniers mois. Comme vous le savez, ces progrès se sont notamment concrétisés à travers l'accord de coopération que j'ai signé hier avec Monsieur le Ministre des Télécommunications dans les secteurs de la poste, de la technologie, de l'information et des communications, un secteur qui va permettre des actions très concrètes de partenariat entre les PME françaises et égyptiennes. C'est aussi les contrats qui ont pu être signés avec les industriels qui m'accompagnent et notamment le contrat concernant le centre de "dispatching" de l'électricité de l'Ouest du Delta avec Alcatel Alstom, d'une part, et la Société égyptienne d'électricité, d'autre part. Bien évidemment, il y a également le contrat très important, très significatif de notre coopération, que je viens de signer à l'instant avec Monsieur le Ministre de l'Approvisionnement concernant l'aide alimentaire à l'Egypte et, tout à l'heure, les deux contrats que je vais signer concernant le partenariat SNCF International avec Egyptian national railways et également la signature d'un contrat pour la modernisation de 52 rames de la ligne 1 du métro du Caire fournies par Alstom. Ceci, donc, concrétise le travail de coopération qui a pu être accompli au cours de ces derniers mois.
Nous avons, bien évidemment, évoqué très largement les pistes de développement futures. Ces pistes de développement concernent le partenariat de grandes entreprises françaises dont j'ai pu observer que leur expérience et leur compétence étaient très appréciées de nos amis égyptiens. Donc, nous avons regardé comment ces partenariats pourraient s'élargir encore. Nous avons également abordé, comme Monsieur le Ministre le disait à l'instant, la formation et je dois dire que d'une façon très concrète, très opérationnelle, je vais m'employer à voir comment nous pourrions mettre en place des actions dans ce domaine, d'autant que les écoles que Monsieur le Premier ministre a évoquées tout à l'heure sont des écoles qui relèvent directement de ma compétence ministérielle, puisqu'il s'agit des écoles de commerce. C'est donc une piste tout à fait intéressante. Nous avons également évoqué les partenariats, les joint-ventures dans le domaine par exemple du textile ou du papier carton, sujet que nous avons également très largement abordé, hier, avec le Monsieur le Ministre de l'Industrie. Puis, nous avons également parlé de la bio-agriculture, là aussi avec des perspectives très concrètes qui pourraient être envisagées et mises en uvre.
Enfin, le Premier ministre a bien voulu me dire tout l'intérêt qu'il portait au développement de la Francophonie. Hier, au cours de la journée que j'ai passée à Alexandrie, et au cours de laquelle j'ai bien sûr rencontré M. le gouverneur d'Alexandrie et eu la très grande opportunité de visiter cette merveilleuse bibliothèque d'Alexandrie, j'ai pu sentir à quel point la francophonie était vivace à travers un nombre important d'écoles, d'écoles bilingues. Et là aussi, parce que les discours sont une chose mais que les actes concrets sont extrêmement importants, la signature d'une convention entre l'entreprise ONYX et l'Université d'Alexandrie est un geste, un acte tout à fait porteur d'avenir pour le développement de cette francophonie. Je dois dire que j'ai beaucoup apprécié que les trois langues officielles de la bibliothèque d'Alexandrie soient outre l'arabe et l'anglais, également le français.
Tout ceci était pour vous démontrer ou vous montrer que ces trois journées de rencontres particulièrement denses et particulièrement chaleureuses ne sont, en fait, qu'une étape, certes importante, mais une étape sur une longue route de coopération franco-égyptienne qui s'avère des plus fructueuse.
Q - Madame la Ministre, vous avez parlé d'un accord concernant une aide alimentaire accordée par la France à l'Egypte. En fait, quand est-ce qu'elle va prendre effet ? Et en ce qui concerne l'année 2002-2003, je peux vous dire que le blé français a occupé 65 % des importations de l'Egypte en blé, mais la situation a peut être beaucoup changé et cela est dû à l'augmentation du prix du blé français. Cela également est dû au fait que vous avez annulé les subventions accordées aux agriculteurs pour le blé en France.
R - Ce sont des sujets que nous avons abordés assez longuement avec le ministre de l'Approvisionnement. Nous constatons, en effet, que pour le premier semestre de l'année 2003, il y a une baisse importante des importations de blé français. C'est un constat que nous faisons. Monsieur le Ministre vient d'expliquer les choses, je crois qu'il serait réducteur de dire que nous avons supprimé les subventions aux agriculteurs. Vous connaissez le problème plus large, bien sûr, de la Politique agricole commune et plus largement de l'OMC.
Tous ces problèmes nous les verrons en bonne intelligence et en bonne amitié et je suis convaincue que pour les prochains mois nous parviendrons à retrouver un équilibre que nous souhaitons, je crois, de part et d'autre
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2003)
(Alexandrie le 1er octobre 2003)
Monsieur le Président,
Monsieur le Gouverneur,
Monsieur le Directeur,
Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Consul,
[Messieurs les Ministres]
Mesdames et Messieurs,
C'est avec une joie sans mélange, et un profond sentiment de la dimension symbolique de ce lieu, que je prends la parole devant vous, à la Bibliothèque d'Alexandrie.
A lui seul, ce nom suggère une foule de souvenirs historiques, et rappelle la tradition d'excellence intellectuelle, artistique, scientifique et littéraire qui distingua et distingue toujours l'Egypte sur la scène du Monde.
Cette tradition, la nouvelle Bibliotheca Alexandrina la poursuit avec éclat. Et je tiens à dire ici mon admiration à son directeur, M. Seragueldine, mais aussi au gouverneur d'Alexandrie pour cette magnifique réalisation, que le président Moubarak a portée depuis son commencement. Comme Présidente du Parlement européen, j'avais assisté à la concrétisation de ce grand projet, et uvré pour que l'Union Européenne, aux côtés de l'UNESCO, y prenne sa part. Aussi est-ce avec joie que j'admire aujourd'hui l'aboutissement de ce grand dessein culturel. Notre président, Jacques CHIRAC, avait lui-même assisté à l'inauguration de cet édifice, il y a près d'un an, en compagnie du Président MOUBARAK. C'est dire l'affection que lui porte la France.
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Lorsque le roi Ptolémée 1er, il y a 2300 ans, décida la construction de la première bibliothèque, il la conçut comme un équivalent du Phare d'Alexandrie dans l'univers de l'esprit, -comme un flambeau pour le Monde intellectuel, une lumière qui attirât autour d'elle tous les savants, philosophes, écrivains, scientifiques de l'Humanité ; comme un lieu de discussion, d'échanges et d'élaboration intellectuelle. Eh bien, la nouvelle bibliothèque demeure fidèle à cette antique ambition !
La nouvelle bibliothèque, dont l'architecture figure un disque solaire émergeant de la terre d'Egypte, continue de répondre à cette immortelle vocation : faire rayonner les Lumières ! Comme son ancêtre, elle accueille les scientifiques les plus en pointe : les physiciens, mathématiciens modernes prennent la suite d'Erathosthène et d'Euclide, qui jadis choisirent l'Egypte pour lieu de leur travaux.
On le sait, la bibliothèque d'Alexandrie constitua pendant longtemps un pont entre l'Orient et l'Occident : elle abritait tous les livres saints de l'Humanité, mais aussi les ouvrages des philosophes grecs et orientaux. C'est la bibliothèque d'Alexandrie qui conserva les uvres d'Aristote, ce philosophe grec qui sut reconnaître dans le peuple égyptien l'inventeur des mathématiques et des sciences spéculatives. Ce philosophe dont la pensée vint bien des siècles plus tard féconder conjointement la réflexion des penseurs de l'Islam et du Christianisme. C'est dans cette uvre de conservation, qui permit le dialogue, que résident la grandeur et la gloire historique d'Alexandrie.
Cette cité fut, dans le Monde métissé de l'empire alexandrin, un foyer de vivacité intellectuelle sans égal, où les conceptions les plus diverses se côtoyaient non seulement dans la Paix, mais dans l'échange le plus fructueux. La Religion y rencontra la Philosophie, la Science sut s'y marier à la Sagesse. Car la véritable " tolérance " ne réside pas dans l'indifférence, mais dans la coopération intellectuelle. " Tout ce qui monte converge " disait Teilhard de Chardin : parions en effet que l'accord et la convergence des civilisations ne se fera pas dans le renoncement réciproque à nos traditions, ni dans un stérile uniformisation, mais dans la découverte et l'approfondissement mutuel de nos patrimoines. Nos civilisations, européenne et orientale, n'ont pas vocation à se combattre, à s'entrechoquer, mais doivent au contraire prendre conscience ici de leur destination commune. C'est en portant chacune de nos cultures à son excellence que nous trouverons la véritable harmonie.
La haine naît le plus souvent de l'ignorance et du préjugé ; les dissiper, c'est poser les fondations d'une maison commune, dont cette bibliothèque est comme la préfiguration. Les civilisations, cet édifice les réunit d'abord en lui-même ; par ses deux architectes d'abord : un norvégien et un égyptien, qui ont su lui conférer la majesté qu'exigeait sa fonction. Par le caractère international de son financement et de sa direction ensuite. Egyptienne, cette bibliothèque est aussi une bibliothèque de l'humanité.
Mais je voudrais évoquer ici par-dessus tout la très ancienne amitié franco-égyptienne, qui trouve dans cette bibliothèque l'occasion de se manifester, et de se renforcer. La France est d'abord très reconnaissante à la direction de la bibliothèque d'avoir choisi le Français, avec l'arabe et l'anglais, comme langue officielle.
Vous le savez, les Français éprouvent une grande passion pour l'histoire de l'Egypte, et pour sa civilisation ; et les Français furent très tôt passionnés par l'antique et mystérieuse langue égyptienne. La francophonie égyptienne, quant à elle, touche le cur du peuple français.
Je crois que la diversité des langues est un bienfait et une richesse ; chaque langue en effet porte en elle une vision du monde, une manière de sentir les choses et de comprendre les hommes ; un monde multipolaire, un monde multilatéral, tel que le promeut la France, c'est un monde où la diversité des langues subsiste, où l'uniformisation n'est pas la règle. Aussi la France est-elle particulièrement heureuse de pouvoir contribuer au perfectionnement de cette bibliothèque, par un soutien technique à la formation des archivistes et bibliothécaires, mais aussi en participant à l'informatisation des services offerts au public.
La coopération culturelle entre la France et l'Egypte donne un bon exemple de ce dialogue constructif entre les civilisations : écoles, universités, institut archéologique, muséographie, nos collaborations sont multiples. En outre, la langue française est présente en Egypte par le truchement de 65 établissements scolaires et universitaires, dont 12 écoles bilingues dans la ville d'Alexandrie ; je salue au passage le prestigieux collège St Marc d'Alexandrie qui a fêté cette année son 75ème anniversaire !
Nous souhaitons que ce partenariat linguistique continue de se développer ; il est à cet égard très important que les Egyptiens qui apprennent le Français ne soient pas pénalisés dans le cours de leurs études. Enfin je me réjouis de voir que la nouvelle université française du Caire ouvre à la francophonie égyptienne de nouvelles perspectives, en permettant à de nombreux étudiants de pratiquer notre langue. Ainsi nos deux peuples pourront-ils renforcer leurs liens, et s'affirmer comme un moteur dans la construction d'une zone euro-méditerranéenne de paix et de prospérité.
Je vous l'ai dit, je crois que le véritable universalisme doit s'enraciner dans la richesse des cultures singulières. C'est alors seulement, assurés de notre assise, que nous pouvons lever les yeux vers notre ciel commun, et nous repérer aux mêmes astres. Ainsi pourrons-nous, comme disent les marins, " Naviguer aux étoiles ". Puisse cette expression décrire aussi la route de l'amitié franco-égyptienne, guidée par l'éclat sans défaut des valeurs éternelles !
Je vous remercie..
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 1e octobre 2003)