Texte intégral
Henri l'a dit, il y a des questions plus graves à régler que telle ou telle contestation. Néanmoins, c'est le rôle du Conseil national, quand il y a des contentieux, de les régler. Nous pouvons le faire calmement, pacifiquement et avec le sens du Parti.
J'aimerais quand même que, pour nos réunions de Conseil national, nous ayons une conduite les uns et les autres où l'on puisse se respecter, où l'on puisse s'entendre. Nous avons tenu un congrès exemplaire, à tous égards. Nous pouvons avoir -dans le Conseil national- les mêmes rapports entre nous, les mêmes relations et régler les questions qui nous sont posées et qui ne sont pas considérables.
Il y a une contestation d'un vote, dans la fédération du Lot. Il est normal qu'une saisine soit adressée au Conseil national. Il peut y avoir ici ou là des remarques sur des procédures de vote -mais sans les mêmes conséquences, puisque pour l'Essonne le vote intervenu n'est pas remis en cause. C'est aussi le rôle du Conseil national que de regarder si tout s'est passé comme il était attendu du Parti.
Je suggère maintenant, sur la question du Lot, et la seule question du Lot, qu'une Commission puisse, brièvement, se réunir, regarder les statuts et en tirer la conclusion. François REBSAMEN a fait une proposition, celle de Pascal POPELIN avec des camarades de chacune des sensibilités. Vous vous réunissez immédiatement et vous nous faites des propositions à la fin du Conseil national.
Avant d'en arriver, même si c'est l'ordre du jour principal de notre Conseil, à la question de la composition des instances, je souhaite ouvrir un débat de politique générale, car nous sommes dans une situation -et chacun peut le reconnaître- extrêmement préoccupante pour notre pays.
Avant je tiens à féliciter Gérard pour son élection à la tête de notre Conseil national. Je veux aussi saluer ses prédécesseurs, en l'occurrence Sylvie GUILLAUME et, avant elle, Claude ESTIER, qui ont toujours veillé à animer nos débats de la meilleure des façons. Nous avons un Conseil national plus nombreux que précédemment, nous l'avons voulu ainsi puisque nous avons élargi le nombre des membres suppléants. Je ne m'en plains pas.
Je souhaite néanmoins que le Conseil national soit un véritable organe de travail pour notre Parti.
Nous avons tous dit, dans les différentes motions, que le Conseil devait être notre Parlement, ce qui entraîne plusieurs conséquences et Gérard va être amené à nous faire des propositions quant à nos modes de fonctionnement.
Première conséquence : il faut qu'il y ait une liaison plus stricte entre les conseils fédéraux et le conseil national. Il faut que les débats en conseil fédéral, dans chacun des départements, puissent précéder le débat en conseil national.
Deuxième conséquence : il faut que nous votions sur les textes en conseil national. Les textes sont imposés par l'actualité pour fixer la position du Parti ; ils procèdent d'un travail qui a été mené dans les Commissions du Parti, dont les membres du Conseil national doivent forcément être intégrés. Et il faut que la conclusion de ces travaux collectifs soit présentées au Conseil national pour un vote, et avant, dans les différents conseils fédéraux.
Nous avons à entendre régulièrement la voix du Parti. Nous pouvons le faire chaque semaine au Bureau national ; nous avons plus encore solennellement à le faire à travers le Conseil national.
Vous l'avez aussi tous dit dans ces différentes motions. Il ne faut pas avoir peur du vote. Il faut, à un moment, exposer les questions et les trancher, respecter les points de vue, c'est-à-dire le point de vue majoritaire et également les points de vue minoritaires, en sachant qu'il n'y a qu'une ligne pour le Parti Socialiste.
Je veux remercier les militants du Parti Socialiste qui ont massivement voté aux deux scrutins qui leur ont été proposés : le scrutin des motions, nous l'avons tous souligné à Dijon, avec un taux de participation exceptionnel, et le scrutin pour les premiers secrétaires, sections, fédérations, Premier Secrétaire national, alors même que l'enjeu pouvait paraître moins important.
Il n'y avait pas toujours de nombreux candidats aux différentes fonctions, et notamment pour la fonction de Premier Secrétaire National. Je ne m'en plains pas !
Il y a eu, dans ce contexte, une forte mobilisation de nos adhérents avec, là aussi, plus de 65 % de participation. Je crois que le lien qui s'est établi entre nous, au-delà de nos différences, montre la vitalité et la force du Parti.
Je pense que les militants ont voulu démontrer, à travers leurs votes, qu'ils sont attachés à ce qu'ils soient régulièrement consultés et pris en compte.
Cela doit être la ligne de force de nos interventions, les uns et les autres, dans les prochains mois.
Je remercie bien sûr tous ceux qui ont voté pour ma candidature, tous ceux qui n'en ont pas présenté d'autres, et même ceux qui avaient pu voter pour une motion différente de la mienne et qui ont néanmoins apporté leur confiance au Premier Secrétaire à l'occasion du vote qui leur était proposé.
Je pense que nous devons en être fiers collectivement : notre Congrès de Dijon a été réussi, tout le monde l'a salué, tout le monde a relevé la qualité de nos débats, de nos interventions. Tout le monde a considéré que nous nous étions tournés, après un débat nécessaire entre nous, vers l'extérieur.
C'est cette image-là qu'il faut continuer à donner. Il faut se situer à la hauteur de l'enjeu, et l'enjeu est d'importance.
Nous sommes devant une situation politique et sociale - et nous allons en débattre - qui est imprévisible.
Le gouvernement a commis trois erreurs majeures.
La première est le refus de la négociation sur les retraites où il n'y a pas eu véritablement la volonté d'engager une négociation sur le sujet le plus important pour les Français, sur leur patrimoine et donc il y a de la part du gouvernement, aujourd'hui, la tentation, répétée encore par François Fillon hier, de passer en force, coûte que coûte, d'aller jusqu'au bout, sans qu'on sache d'ailleurs, ce qu'est le bout.
Pour l'essentiel ce refus de la négociation crée la colère. Elle est également très forte dans l'Education nationale et elle n'est pas récente.
Très longtemps, la presse a caché le fait que depuis plusieurs mois, il y avait des grèves et des conflits dans l'Education nationale.
Aujourd'hui, c'est une évidence. Le gouvernement, là aussi, a refusé la négociation.
Que Luc Ferry ait pu parler, pour la première fois au début de la semaine, de négociation en dit long sur l'autisme dont il avait fait preuve jusque-là.
Que cette négociation, encore virtuelle, ait été repoussée à mardi prochain voire à mercredi, au prétexte que le Premier Ministre est en déplacement au Canada, en dit long sur le mépris à l'égard des personnels de l'Education Nationale et même des parents d'élèves.
La deuxième erreur du gouvernement, c'est de vouloir gagner cyniquement du temps, de jouer le pourrissement, la fatigue, la résignation. On le voit dans l'Education, avec le souci de diviser les acteurs du système éducatif.
D'un côté, les enseignants qui seraient en grève et supposés chaque jour qui passe, l'avoir en congé supplémentaire c'est ce que nous dit Jean-Pierre RAFFARIN du Canada.
De l'autre, vous avez les parents d'élèves qui seraient menacés, voire les élèves, d'examens qui ne seraient pas à passer.
Il y a la volonté, de la part du gouvernement, d'opposer les Français entre eux, parents contre enseignants, d'opposer le public et le privé.
François Fillon, encore hier, a tenu ce propos en disant : nous défendons l'équité, l'harmonisation, parce que nous voulons faire travailler les fonctionnaires autant que les salariés du privé.
Il y a de l'obstination à créer une division, une querelle entre les Français.
La troisième erreur, c'est l'accumulation des menaces et c'est même cette gestion du calendrier.
Tout se conjugue : la remise en cause des retraites, la décentralisation libérale, la rigueur budgétaire, le chômage, et l'avenir même de la protection sociale.
Cela fait que, face à cette succession d'erreurs, il y a une conjugaison d'une situation dont je dis qu'elle est imprévisible et qu'elle peut déboucher sur un mouvement de très grande importance.
Il y a d'abord les inquiétudes multiples, il y a ensuite les exaspérations nombreuses et il y a enfin les provocations ministérielles.
Les conditions même du scrutin présidentiel et des élections législatives qui ont suivi pèsent également dans la situation.
On sent bien que ce Gouvernement, que ce Président de la République n'ont pas été élus en fait pour faire cette politique. Ils utilisent un mandat, celui du 5 mai, puis les élections législatives (le mandat du refus de la cohabitation) pour faire une politique libérale, celle-là même qui a été interrompue pour cause de dissolution.
En fait ce gouvernement a cru bénéficier d'un double refus : le refus de l'extrême-droite et le refus de la cohabitation pour mener une politique qui n'avait pas été validée par les Français : d'où la rupture qui intervient aujourd'hui.
Dans ce contexte, il faut que notre Parti soit à la hauteur. La mobilisation est très impressionnante. Demain, la manifestation en sera une illustration. Nous y serons présents, à notre place et dans le respect des organisations syndicales, parce que c'est aussi leur volonté.
Il est encore trop tôt pour dire ce que seront l'intensité et les formes du mouvement qui suivra la manifestation du 25. Les conséquences peuvent en être considérables :
Au plan économique, avec sans doute des blocages
Au plan social avec une montée de la colère.
Et également au plan politique.
Nous devons les mesurer.
Tous les scénarios sont aujourd'hui possibles et donc nous devons nous-mêmes prendre un certain nombre d'initiatives.
Nous savons que la semaine prochaine va être cruciale. Il va y avoir deux rendez-vous :
Le comité interministériel sur l'éducation, que le gouvernement a convoqué.
Et le Conseil des Ministres de mercredi sur les questions des retraites.
Ils tenteront peut-être de céder partiellement sur un front pour avancer sur un autre. On connaît la méthode, mais cette stratégie méconnaît la globalité du mouvement.
Le mouvement ne porte pas que sur un sujet. Le malheur, pour le gouvernement, c'est qu'il porte sur tous les sujets.
L'exaspération n'est pas simplement sur une menace, mais sur un ensemble d'inquiétudes et de craintes.
Pour ce qui concerne le Parti Socialiste, nous avons à prendre trois initiatives.
Nous devons d'abord, sur le fond, proposer une réforme des retraites et faire avancer le financement de cette réforme. On voit bien l'enjeu.
Encore hier, François Fillon laisse penser qu'il a trouvé des financements dans le public et dans le privé, ce qui d'ailleurs est contestable, quant aux montants -ces financements sont obtenus sur essentiellement l'allongement de la durée de cotisation puisque c'est leur seul instrument- c'est la seule voie qu'ils empruntent.
À partir de là, nous devons proposer une réforme des retraites avec les financements correspondants.
La deuxième initiative que nous avons à prendre, c'est de prendre contact avec les organisations syndicales, toutes les organisations syndicales, en tout cas, celles qui contestent les réformes, notamment dans l'éducation nationale, parce que le besoin est réel.
Là aussi, nous devons affirmer ce que nous voulons.
Nous voulons le retrait du plan Raffarin-Fillon qui joue sur les retraites. Nous l'avons dit tous au Congrès et nous voulons le retraite total du projet Ferry-Darcos, sur la décentralisation libérale.
Il n'y a pas de concession à avoir de ce point de vue. Nous devons avoir ce contact avec les organisations syndicales pour appuyer cette démarche.
Enfin nous devons prendre une troisième initiative, c'est rencontrer nos partenaires de la gauche.
Le Congrès de Dijon a considérablement fait bouger les lignes. J'en étais même surpris avec cette rapidité qu'ont les verts, de humer, peut-être davantage que les autres, la nature de la politique. Ils ont d'ailleurs cette volonté -et je ne m'en plains pas- de coller à nous.
Tant mieux si l'esprit est celui que nous avons indiqué : accord sur un projet, et candidatures communes aux élections à la condition que ce projet soit partagé.
Nous avons donc à prendre une initiative rapidement de rencontres de tous les partenaires de la gauche sur les questions de l'actualité et déjà, sur la préparation des échéances.
Nous avons aussi à prendre une initiative -c'est une décision de congrès- d'organiser nos forums de la gauche dès la rentrée et d'en trouver les formes les plus appropriées.
Ce n'est pas une seule organisation politique qui peut en décider ! Le mieux serait d'associer tous les mouvements, toutes les organisations qui voudraient s'impliquer dans ce moment important des changements entre nous pour rassembler la gauche.
Il y a une nécessité aujourd'hui, pour le Parti Socialiste, d'être un relais politique par rapport aux mouvements qui naissent dans le pays.
Il y a une nécessité pour le Parti Socialiste d'être présent au Parlement et de parler fort. Je ne sais pas s'il y aura un besoin d'un débat parlementaire à la date prévue mais en tout cas, nous devons nous y préparer.
Jean-Marc et Claude y réfléchissent déjà, je le sais. Nous devons enfin d'être une alternative. C'est très important quand un mouvement social de cette ampleur se dessine. Il ne faut pas le laisser sans débouché, sans perspectives, sans finalité autre que sociale même si c'est déjà une cohérence.
Nous devons donner une autre cohérence politique. Nous ne devons surtout pas laisser s'installer l'idée qu'il y aurait d'un côté, la réforme que porterait le gouvernement, et puis le refus de l'autre.
Nous ne devons pas laisser s'installer l'idée fausse qu'il y aurait le mouvement d'un côté et les statuts de l'autre.
Non en fait il y aurait un débat majeur entre deux conceptions de la société aujourd'hui. C'est ce débat-là qu'il faut faire apparaître.
Quelle société voulons-nous sur les retraites, la santé, l'éducation, le service public ?
À partir de là, nous avons proposé l'esprit de réforme. Nous avons à donner du mouvement. Nous avons à montrer la perspective.
Chers amis, chers camarades, dans ce moment, il faut aussi renforcer notre Parti parce que la force de la gauche politique, est nécessaire dans un mouvement social de cette ampleur.
Nous devons lui donner une traduction et un sens, c'est-à-dire un débouché sans confusion des genres, sans insensibilisation, sans anticipation des échéances.
Nous devons montrer que nous sommes un parti au travail, nous sommes un parti à l'écoute et nous sommes un parti en mouvement c'est-à-dire présent dans les manifestations.
J'en arrive à la direction de notre parti et aux organes qui vont maintenant être ceux qui vont avoir à diriger notre formation, la direction du parti. C'est un choix de congrès qui émane de la majorité qui a été dessinée par les militants eux-mêmes.
Cette majorité doit donc prendre ses responsabilités.
Je souhaite néanmoins que notre diversité puisse être prise en compte, c'est-à-dire que chaque fois qu'il est possible nous agissions ensemble, que nous lancions ensemble des initiatives. Il faut le faire. Chaque fois que des camarades peuvent être impliqués dans un travail politique, ce que j'évoquais, rencontres avec les syndicats, rencontres avec les partis de gauche, travail sur les propositions, oui il faut être ensemble, parce que c'est ainsi que nous serons forts.
Je crois aussi, cela a été dit dans le Congrès, que notre diversité est un atout également, permettant des dialogues qui ne pourraient pas forcément se faire autrement mais à la condition là aussi de respecter la ligne, l'orientation générale qui est la nôtre.
Voilà l'esprit qui est le mien à travers la direction du parti, une direction qui représente la majorité mais en même temps ouverte et rassembleuse autant qu'il est possible.
L'esprit du secrétariat que je vais vous proposer c'est de constituer une équipe resserrée, une vingtaine de secrétaires nationaux disponibles, car je crois que c'est la condition, cela a été dit aussi dans le débat. On veut des responsables qui soient présents, et enfin efficaces parce qu'il va falloir faire bon nombre de propositions et en débattre ici.
J'ai proposé une structure qui n'invente rien, qui distingue les pôles fonctionnels, élus, fédérations, coordinations, élections, études internationales, communication, etc., et les grands domaines qui correspondent à nos priorités, la mondialisation, les services publics, la santé, la recherche, l'agriculture, la solidarité, les institutions, la culture.
Et puis, nous avions voulu tous qu'il y ait un secrétariat national à l'Outre-Mer, il sera présent.
À côté de ces secrétaires nationaux, il y aura des responsables nationaux, ils ne siégeront pas au bureau national s'ils ne sont pas membres et siégeront s'ils en sont membres, ils appuieront le travail des secrétaires nationaux. Il y aura aussi des missions - j'y tiens - qui seront données à un certain nombre de personnalités de notre parti sur le forum de la gauche, sur la préparation des élections, le plus vite possible parce que je crois que les conditions de campagne doivent être définies le plus rapidement possible, qu'il faut associer celles et ceux qui en ont le talent.
Il y aura aussi à désigner le président de la FNESER, j'aurai l'occasion d'en parler avec Louis BESSON, l'Université permanente de la laïcité que j'ai annoncée dans le Congrès, le Conseil des Femmes socialistes puisque c'est une femme également que nous avons prise, et à renouveler les instances du comité économique et social.
Ce que je voudrais vous dire, chers camarades, une fois que j'ai défini l'esprit, la philosophie mais également décrit la situation politique et sociale qui est devant nous, ce que je vais vous dire mes camarades et avant qu'on ouvre le débat politique général, c'est que nous sommes à un moment essentiel de la vie du parti socialiste, peut-être même ici de la législature, selon la manière avec laquelle nous allons appréhender les jours qui viennent : ou nous nous imposons comme une force, d'abord comme une force, crédible, comme une force alternative, et alors oui au-delà des échéances qui viennent, je pense à celles de 2004, tout ou beaucoup est possible.
Ou nous sommes simplement suivistes, observateurs, et alors nous serons ignorés, nous resterons dans l'indifférence, il est donc très important que nous marquions -et ce Conseil National en est une occasion- une volonté politique, une démarche politique et que nous marquions aussi notre mobilisation.
Je crois que c'est notre avenir collectif qui est en cause, nous avons beaucoup de travail à faire pendant trois ans, mais il y a sans doute beaucoup de travail à faire déjà pendant les trois semaines qui viennent.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 26 mai 2003)