Discours de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur l'incidence de la variation des prix du gazole pour les pêcheurs et les missions des organisations de producteurs dans le secteur de la pêche, Les Sables d'Olonne le 10 avril 2003.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération des organisations des producteurs de la pêche artisanale (FEDOPA) aux Sables d'Olonne le 10 avril 2003

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Jean GARNIER
Monsieur le Président, cher Luc BLIN,
Monsieur le Sénateur, cher Jacques OUDIN,
Monsieur le Député, cher Louis GUEDON,
Monsieur le Secrétaire Général, cher Loïk JAGOT,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je vous retrouve aujourd'hui aux Sables d'Olonne pour participer, pour la deuxième fois, à votre assemblée générale. Je vous remercie, Monsieur le Président, de l'accueil, certes exigeant mais aussi confiant, que vous m'avez réservé, et veux vous dire combien j'y ai été sensible.
En étant aujourd'hui présent aux Sables d'Olonne, je ne peux m'empêcher de penser d'abord au combat que nous devons tous mener pour une meilleure sécurité à la mer.
La succession d'accidents dramatiques qui se sont produits récemment avec les naufrages des navires " Cistude ", " La Paloma " et tout dernièrement " Pépé Roro " a, en effet, tristement endeuillé votre port. Vous comprendrez que j'aie avec vous une pensée particulière pour ces hommes qui ont payé de leur vie la pratique de leur métier.
Votre intervention, Messieurs les parlementaires, Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire général, me confortent dans le sentiment de partager une même vision de l'avenir du secteur de la pêche et des missions que doivent remplir les organisations de producteurs.
Avant de partager avec vous les priorités que nous poursuivons je voudrais vous dire un mot de l'évolution du prix du gazole, car je sais que cette question vous préoccupe.
A la pêche, le coût du gazole est - vous l'avez rappelé, Monsieur le Président - l'un des postes les plus importants de vos charges d'exploitation et surtout celui sur lequel vous avez le moins de prise.
En bénéficiant d'un gazole totalement détaxé, vous subissez, en effet très directement toutes les variations tant du cours du baril que du cours du dollar.
A la veille du conflit en Irak, marqué par une hausse spectaculaire des cours du pétrole, le litre de gazole a ainsi atteint des niveaux très élevés, entre 31 et 34 centimes d'euros à la mi-mars dans les principaux ports de métropole. Cette situation, très volatile, ne reflète toutefois que des anticipations spéculatives et non un déséquilibre durable entre l'offre et la demande sur le marché mondial. C'est pourquoi nous assistons depuis trois semaines à un repli sur des prix plus normaux, autour de 22 à 25 centimes d'euros par litre.
Pour autant, et même si la situation semble aujourd'hui s'apaiser aujourd'hui sur le front du gazole, nous devons continuer à réduire l'impact de ces aléas économiques sur les résultats d'exploitation de vos entreprises. Je sais que des idées existent, notamment celles visant à transférer une partie des risques en faisant appel aux marchés dérivés. Vous pouvez compter sur moi pour soutenir vos démarches en ce sens. Car elles correspondent à la modernisation économique de votre secteur que je veux promouvoir.
En juillet dernier, lors de votre assemblée générale au Guilvinec, je vous avais fait part de mes positions sur la réforme de la Politique Commune de la Pêche (PCP) que nous proposait la Commission. Les convictions que j'avais alors exprimées n'ont pas varié depuis lors. Elles sont même sorties renforcées d'une négociation difficile, et je considère toujours que l'avenir de la pêche européenne est assuré pour autant qu'un juste équilibre sera trouvé entre une gestion durable de la ressource - plus que jamais nécessaire - et la prise en compte des dimensions sociale, économique et territoriale, - j'ajouterai culturelle - de la pêche.
Les textes adoptés par le Conseil des ministres en décembre dernier dressent, certes, le cadre général de notre politique commune mais ils nous laissent également des marges de manuvre que nous devons mobiliser au service d'une politique nationale ambitieuse.
L'activité de pêche, c'est d'abord l'exploitation d'une ressource halieutique. Or, si la situation biologique de l'ensemble des stocks n'est pas aussi catastrophique que d'aucuns voudraient le faire accroire, il est vrai que certains d'entre eux connaissent, depuis plusieurs années, une dégradation inquiétante.
La gestion de la ressource est une contrainte légitime, pour autant que deux conditions, auxquelles je suis attaché, soient respectées :
- Nous devons, tout d'abord, disposer d'une évaluation scientifique des stocks aussi fiable que possible ;
A cet égard, la récente communication de la Commission sur l'amélioration des avis scientifiques qui nous a été présentée par Franz FISCHLER, avant-hier à Luxembourg, pose une critique à la fois pertinente et constructive des expertises qui fondent la Politique Commune de la Pêche.
Ainsi, je suis convaincu que les évaluations seront plus crédibles si nous savons améliorer la coopération entre scientifiques et professionnels de la pêche, mettre en place une certification qualité des avis rendus et accroître les moyens financiers et humains dédiés à la collecte des statistiques de base.
Sans attendre les prolongements réglementaires de cette communication de la Commission, je note avec satisfaction que nous avons su prendre des initiatives nationales en ce domaine. Ainsi, la charte qui sera signée très prochainement entre le Comité National des Pêches, l'Institut Français pour la Recherche et l'Exploitation de la Mer (IFREMER) et la Direction des Pêches Maritimes et de l'Aquaculture (DPMA) jette les bases d'une meilleure coordination en matière de gestion des pêches maritimes. Cette démarche doit se concrétiser, au quotidien, au niveau des scientifiques et des pêcheurs, afin d'organiser la collecte des données et l'élaboration des scénarios de gestion, notamment pour les espèces les plus sensibles de nos pêcheries.
- En second lieu, la contrainte de la ressource n'est légitime que si l'on est capable de mettre en place une gestion pluriannuelle de celle-ci dans le respect des équilibres socio-économiques.
Pour la plupart des espèces que vous pêchez, il est en effet possible - et je le considère comme nécessaire - de fixer des Totaux Admissibles de Captures (TAC) et des quotas pour plusieurs années, de façon à assurer aux pêcheurs une certaine sécurité quant au niveau de capture, et de mieux répondre au souci des halieutes dans l'élaboration de leur plan de gestion à moyen terme des stocks. A mon sens, la pluriannualité permet une stabilisation des possibilités de captures à moyen terme ou, à tout le moins, des variations raisonnables. C'est en outre un élément de sécurisation des approvisionnements du marché des produits de la mer.
Même si nous avons dû concéder l'introduction de l'effort de pêche, comme instrument complémentaire de régulation des captures pour les stocks soumis à des plans de reconstitution, le système des TAC et des quotas a été confirmé comme l'instrument principal de gestion de la ressource, et je m'emploierai à ce qu'il demeure la base de notre Politique Commune de la Pêche.
Dans un contexte où la ressource est souvent fragilisée, la gestion des TAC et des quotas doit être toujours plus rigoureuse et leur consommation optimale. Ceci est un impératif qui s'impose à la conservation de la ressource et à la valorisation de vos productions.
Votre rôle est essentiel à cet égard.

Grâce à une alliance solide avec nos partenaires du " Groupe des Amis de la Pêche ", nous avons par ailleurs obtenu, contre l'avis de la Commission, le maintien des aides publiques au renouvellement et à la modernisation des navires de pêche dans le cadre de l'actuelle période de programmation du fonds IFOP 2000/2006. Les engagements financiers relatifs à ces projets devront intervenir avant le 31 décembre 2004 et les opérations physiques de construction et de modernisation être achevées avant le 31 décembre 2006.
Afin de tirer parti de ces résultats obtenus de haute lutte, lors du Conseil de décembre 2002 et donner un " coup d'arrêt " au vieillissement continu de nos flottilles, j'ai décidé de promouvoir un programme de renouvellement et de modernisation des navires de pêche.
Pour ce faire, et malgré un contexte budgétaire national très difficile, le Gouvernement mobilisera les crédits nécessaires pour financer ce plan. Nous travaillons à son calibrage et à d'ultimes ajustements communautaires, s'agissant notamment de nos niveaux de référence.
Naturellement, vous serez largement associé à son élaboration.
J'ai l'intention de vous en annoncer les grandes lignes lors d'une prochaine réunion du Conseil Supérieur d'Orientation (CSO) qui se tiendra au courant du mois de juin.
Pour ma part, et sans préjuger des résultats de la concertation qui doit s'engager, je souhaite que ce programme de renouvellement et de modernisation de la flotte de pêche prenne pleinement en compte les objectifs suivants :
- tout d'abord, privilégier les investissements liés à la sécurité, aux conditions de travail, à l'habitabilité et à la valorisation des produits traités à bord ;
- respecter également les équilibres socio-économiques et territoriaux de la pêche, en préservant notamment la diversité de nos différentes flottilles et leur rôle structurant dans les économies littorales ;
- enfin, conforter la gestion durable de la ressource en prenant soin que les investissements qui feront l'objet d'un financement public soient compatibles avec la disponibilité des ressources halieutiques.
Parallèlement à ce programme de modernisation et de renouvellement des navires, nous engagerons un plan de sortie de flotte. Celui-ci devra être conduit de façon extrêmement efficace, car c'est de son succès que dépendra - conformément à la réglementation communautaire - la possibilité d'octroyer des aides publiques à la modernisation et à la construction de nouvelles unités.
A mon sens, les sorties de flotte devront concerner en priorité les navires qui pêchent sur les stocks les plus pleinement exploités.
C'est de cette façon que nous redonnerons des marges de manuvre à notre pêche et tout particulièrement aux organismes qui sont au cur de la gestion de la ressource, je veux bien sûr parler des organisations de producteurs.
Leur rôle dans la mise en oeuvre de notre politique des pêches me semble essentiel si nous voulons agir plutôt que subir !
- La régulation du marché
L'une de vos premières missions est, bien entendu, la régulation du marché en vue d'une valorisation optimale de vos productions.
Le marché est aujourd'hui très ouvert, structurellement demandeur mais la rareté mondiale, n'est pas à elle seule, garante du maintien des prix à des niveaux élevés et donc, du revenu des entreprises.
Pour vous aider à mieux réguler les marchés, plusieurs instruments sont à votre disposition.
Tout d'abord, l'Office National Interprofessionnel des Produits de la Mer et de l'Aquaculture (OFIMER) dispose de moyens financiers substantiels, pour faciliter la commercialisation des apports.
Vous avez observé, Monsieur le Président, que ces moyens financiers avaient été quelque peu érodés ces dernières années. J'en conviens. Mais vous savez également que la conjoncture économique limite fortement les marges de manuvre budgétaires du Gouvernement.
En outre, les interventions de l'OFIMER sont strictement encadrées par des règles communautaires qui visent à éviter au sein de l'Union européenne toute distorsion de concurrence entre producteurs.
Comme vous le savez, la Commission européenne veille plus que jamais à ce que les Etats membres ne s'écartent pas des dispositifs agréés et est prompte à condamner financièrement toute dérive, en ce domaine.
Au-delà des instruments d'intervention conjoncturelle, il existe pourtant, tant au sein de l'Organisation Commune des Marchés (OCM) que dans le règlement définissant le champ d'intervention de l'IFOP, de nombreuses dispositions permettant d'accompagner des actions structurantes, de moyen et de long terme, et propres à répondre à vos préoccupations et à vos besoins.
Vous avez déjà mobilisé ces possibilités dans un certain nombre de domaines. Je pense notamment à l'agrément, au titre de la qualité, dont a bénéficié l'organisation de producteurs ARPEVIE, dont je veux saluer ici les représentants.
Je reste, toutefois, convaincu que de nombreux dispositifs communautaires, qui peuvent concourir au soutien du marché et à la valorisation de vos productions, n'ont pas encore été suffisamment sollicités. Il vous revient de formaliser vos attentes et de définir vos projets dans ces domaines.
Les services de la Direction des Pêches sont à votre disposition pour vous aider à élaborer des dossiers en ce sens. Je sais que ce travail en commun entre mes services et vos organisations a déjà été engagé de manière fructueuse. Je ne peux que vous encourager à le poursuivre et à concrétiser dans les prochaines semaines.
- La gestion des sous-quotas
Si le premier chantier qui doit être lancé est celui des actions structurantes pour la régulation du marché et la valorisation des productions, il en existe un second, tout aussi important, et qui concerne la gestion des quotas et plus précisément la gestion des sous-quotas qui vous sont confiés.
Dans l'administration de ses quotas de pêche, la France, refusant toute patrimonialisation, a fait le choix d'une gestion mutualisée dans le cadre des organisations de producteurs.
Je reste convaincu que ce choix est pertinent et souhaite le conforter, avec vous.
Mais je dis : le conforter, parce que j'ai le sentiment que les organisations de producteurs ne bénéficient pas des instruments adéquats pour gérer de façon optimale les sous-quotas qui leur sont alloués.
Les dispositifs actuels que vous mettez en uvre, afin notamment de mieux réguler les apports, optimiser leur valorisation et préserver les droits de chacun de vos adhérents, ne sont pas suffisamment sécurisés sur les plans réglementaire, voire législatif.
Tant qu'un pêcheur pourra considérer que le statut d'" inorganisé " présente pour lui plus d'avantages que d'inconvénients, nous n'aurons pas, collectivement, rempli notre objectif d'une meilleure organisation de la profession.
Ce souci d'organisation est plus que jamais nécessaire dans un contexte où la ressource halieutique est limitée et où des comportements individuels " anarchiques " nuisent à la profession toute entière.
Comme pour la politique de régulation des marchés, je souhaite que s'engage, avec mes services, une réflexion approfondie sur ce thème de la gestion des quotas par les organisations de producteurs, dans le respect du rôle et des compétences de chacun. Car il ne doit pas s'agir pour l'Etat de se décharger de ses responsabilités sur les organisations de producteurs.
Une telle orientation démontrera que le système des TAC et quotas permet une gestion durable de la ressource et que les organisations de producteurs constituent l'une des pièces maîtresses de ce dispositif.
Monsieur le Président,
Comme vous le voyez, je partage totalement votre souci de renforcer le rôle et les missions des organisations de producteurs. Je sais que des organisations de producteurs fortes, modernes et prêtes à relever les défis d'aujourd'hui sont nécessaires à l'avenir de la pêche française, et vous me trouverez toujours à vos côtés pour agir en ce sens.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 11 avril 2003)