Texte intégral
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le vice Ministre
Monsieur le Président,
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Au moment où s'achève ce 3ème Forum Mondial des Sciences de la Vie, un premier constat s'impose : ce fut, comme les précédents, et en dépit d'un contexte international peu favorable, un succès.
Un succès dont je me réjouis ce soir avec vous.
Un succès qui ne me surprend pas, tant il est vrai que Biovision s'est imposé comme un événement international attendu par tous les acteurs. Lieu de dialogue, d'informations croisées, d'échanges entre scientifiques, industriels, politiques et société civile, Biovision contribue à ce que les avancées de la science s'accompagnent d'une conscience démocratique accrue des immenses progrès dont elles sont porteuses, dès lors qu'un développement maîtrisé, est assuré.
C'est bien à cette condition en effet que l'homme pourra continuer de tirer tout le profit de l'avancée des connaissances et des applications qui en résultent.
En tant que médecin, je suis évidemment au nombre de ceux qui se réjouissent du progrès scientifique.
Conformément à l'esprit de Biovision depuis sa création, vous avez célébré le 50ème anniversaire de la découverte de la double hélice en regardant vers l'avenir. Les Lauréats du Prix Nobel se sont exprimés, non sur le passé déjà riche, mais sur les conséquences à venir de cette découverte majeure. L'acquis est on le sait impressionnant, et la biologie, devenue " science d'intervention "(1) a nourri de progrès les domaines de l'agriculture, de l'environnement, de la santé.
Cet anniversaire est l'occasion de se rappeler qu'en 50 ans, l'homme a davantage progressé dans le domaine des connaissances qu'en 50 siècles.
Mais ce qui frappe aujourd'hui dans le domaine des sciences du vivant, c'est non seulement le rythme accéléré de nouvelles connaissances accumulées, mais c'est aussi l'émergence de transitions conceptuelles :
du réductionnisme à la biologie intégrative ou synthétique, de la focalisation sur le génotype à la prise en compte du phénotype dans la prévention, le diagnostic ou la thérapeutique, de la modélisation du vivant à la conception de structures nanotechnologiques ayant des caractéristiques propres au vivant qui sont porteuses de l'espoir de multiples applications en médecine, de la spécificité de la fonction des gènes à leur ambivalence fonctionnelle, la liste serait longue.
Au delà des évolutions ou révolutions conceptuelles, au delà de l'accumulation des connaissances, c'est bien la puissance des techniques qui marque les esprits et qui appelle régulation et maîtrise.
La confiance à l'égard de la science, de la technologie, de l'industrie ne s'impose pas, elle se gagne. L'établissement des règles communes donne - à la science et à la recherche l'espace de liberté dont elles ont besoin, et - à chacun, l'assurance que les principes essentiels qui fondent notre dignité sont respectés.
C'est, me semble-t-il, ce qu'en France les lois de 1994 ont apporté :
une conscience aiguë de ce que le développement des sciences biomédicales appelle des limites, faute de quoi il peut ne pas être en accord avec la dignité de chaque être humain, une pacification et une élévation des débats, une moralisation des pratiques, l'émergence dans notre société d'une conscience éthique apte à discerner entre le possible et l'interdit.
Aujourd'hui, les biotechnologies opèrent non seulement sur le monde extérieur mais sur l'homme lui même. Plus que jamais il nous faut donc distinguer - ce qui personnalise l'homme de ce qui le dépersonnalise, - ce qui le rend plus libre de ce qui le rend esclave.
Plus que jamais, nous sommes comptables de l'avenir et, ce fut l'un de vos thèmes de réflexion, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de " l'amélioration des débuts de la vie ". Paradoxalement, la médecine a progressé en remontant le fil de la vie : après s'être intéressée à l'enfant, elle s'est penchée sur le nourrisson ; s'orientant ensuite du côté du nouveau-né, elle en est venue à traiter du prématuré puis du grand prématuré. Aujourd'hui nous assistons aux balbutiements de la médecine foetale. Et probablement demain, en viendrons nous à la médecine embryonnaire : la recherche doit permettre à l'embryon d'entrer dans le champ de la médecine.
Pour autant, les recherches sur l'embryon, les techniques de clonage confrontent à de redoutables questions. L'homme devient capable de s'approprier sa propre nature, et la science qui ouvre de telles voies, se heurte aux repères de la conscience morale commune. Progressivement ces repères évoluent : hier la dissection, la transplantation d'organes, le diagnostic pré-implantatoire firent l'objet de vives oppositions, puis, s'imposèrent.
Est-ce à dire qu'il faudrait tout permettre au motif qu'un jour ce qui est possible sera fait ? Je ne le crois pas. Il est des frontières à ne pas transgresser, parce que rien ne justifie de les transgresser aujourd'hui. Il est des limites intangibles qu'on ne peut envisager de franchir faute de quoi serait menacée la dignité de chaque homme
Alors oui, les études et recherches indispensables pour que l'embryon puisse bénéficier demain de la médecine doivent être encouragées.
Mais déjà, s'agissant de la recherche sur les cellules souches embryonnaires dont on ne peut prétendre qu'elles laissent intact l'embryon, les questionnements légitimes surgissent. Il faut, pour les envisager, déroger au principe premier de protection de la vie humaine depuis son commencement. Et dire que ce principe est premier, c'est admettre que des atteintes ne peuvent lui être portées qu'à la seule condition qu'elles soient nécessaires à la sauvegarde de principes jugés également essentiels. Aujourd'hui, les cellules souches sont porteuses d'espoirs thérapeutiques importants. Elles pourraient demain sauver des vies. Mais demain, les cellules souches adultes auront peut-être fait leurs preuves. Demain, peut-être, seront-elles même jugées plus sûres et efficaces que les cellules souches embryonnaires. Il est trop tôt pour le dire. L'urgence est aujourd'hui de comparer les potentialités de ces différents types de cellules. C'est ce qui justifie d'ouvrir, certes, mais dans des conditions très strictes, la recherche sur les embryons surnuméraires.
En revanche, rien ne vient justifier la création d'embryons à des fins de recherche, rien ne vient justifier la mise en oeuvre des techniques de clonage et, certainement pas le seul fait d'y accoler le terme thérapeutique, alors qu'il n'est fondé sur aucune expérimentation sérieuse chez l'animal. Il n'y a donc pas là motif à déroger.
Quand au clonage reproductif, c'est à un tout autre niveau d'interdit que nous devons le situer.
Parce qu'il est porteur d'une destructuration de l'altérité naturelle qui constitue le support biologique de la personne.
Parce qu'il est porteur d'une transformation de la personne, - subtile mélange de hasard et de choix, - une et libre grâce à la part d'indétermination dont elle procède, en objet calculable et prédéterminé dans ses caractéristiques physiques,
ce serait un crime, un " crime contre l'espèce humaine ".
Nous inscrirons cette nouvelle incrimination dans nos lois nationales.
Mais à l'heure de la mondialisation, les lois nationales ne sont plus suffisantes. L'interdiction du clonage reproductif doit avoir une portée universelle. C'est pourquoi, une initiative commune a été prise à l'automne 2001 par la France et l'Allemagne afin que soit mise en chantier, dans le cadre de l'ONU, une Convention interdisant le clonage à des fins de reproduction humaine. Je souhaite que nous fassions tout pour aboutir dans ce cadre.
Plus généralement, les interrogations liées aux sciences du vivant, aux questions éthiques qu'elles font naître appellent une concertation aussi riche que possible au plan mondial. Plusieurs instruments internationaux existent :
la convention d'Oviedo sur la " Biomédecine et les Droits de l'Homme " que nous allons ratifier dès l'adoption des lois de bioéthiques en juin prochain, la déclaration universelle de l'UNESCO sur le " Génome et les Droits de l'Homme ",
la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
Ce sont des jalons importants mais, on le constate, encore insuffisants. L'adoption d'une convention mondiale de bioéthique s'impose. Elle s'impose pour prendre en compte les craintes des uns mais aussi les espoirs des autres. Elle s'impose pour que s'expriment tous les Etats. Elle s'impose pour respecter les valeurs, les interdits et les idéaux de chacun. Elle s'impose aussi et enfin, pour que le développement des sciences et les progrès utiles à l'humanité toute entière ne soient pas freinés par des obscurantismes de toute nature. Le Président de la République, Jacques Chirac a annoncé qu'il prendrait, au nom de la France, une initiative en ce sens dès l'automne.
C'est bien aussi au niveau international que se pose la question déjà largement débattue de la brevetabilité des gènes. Il faut en ce domaine lever toute ambiguïté. La France entend soutenir les biotechnologies. Le gouvernement a pris en la matière un ensemble de mesures importantes, en faveur notamment des jeunes entreprises innovantes, que le ministre chargé de la recherche, ma collègue Claudie Haigneré a déjà évoqué devant vous. Nous souhaitons engager au plus vite la transposition de la directive sur la protection juridique des inventions biotechnologiques. Mais nous souhaitons aussi réaffirmer, conformément à la déclaration des Nations Unies de 1998 qui a inscrit le génome humain au patrimoine de l'humanité, qu'un gène breveté en tant qu'il fait partie d'une technique nouvelle doit rester librement accessible pour une autre application. Et ce n'est en rien contradictoire. N'oublions pas qu'aujourd'hui de nombreux analystes s'interrogent sur les conséquences de la multiplication des brevets sur les gènes dès lors que les détenteurs de brevets sur les séquences seraient en mesure de s'en interdire mutuellement l'accès.
Je ne voudrais pas conclure ce 3ème Forum sans évoquer devant vous ce qui constitue un engagement national majeur pour les sciences de la vie dans notre pays : lutter contre le cancer. Après avoir traité de " l'amélioration du début de la vie " vous avez abordé, au cours de ce Forum, celui de " l'espérance de vie et de la longévité ". Le cancer, deuxième cause de mortalité dans de nombreux pays dont la France, est au coeur du sujet. Traduisant la volonté du Président de la République, un plan de lutte contre le cancer, ambitieux et global, est mis en place.
Rattraper le retard en terme de prévention, déclarer la guerre au tabac, mieux organiser le dépistage et la coordination des soins, assurer un accompagnement global du patient, adapter la formation en constituent les principaux volets avec celui, non moins essentiel de la recherche. Car c'est bien dans la recherche que réside l'espoir de savoir demain mieux traiter cette terrible maladie. Confrontés à une évolution rapide des approches, il nous faut adapter nos structures et nos organisations.
Le génome humain, décrypté un demi siècle après la découverte de la structure en double hélice de l'ADN, donne accès à la carte d'identité des tumeurs. Mais déjà la génétique cède le pas à la post-génomique, tandis que se dessinent des approches thérapeutiques individualisées ; et les progrès viennent aussi d'autres secteurs disciplinaires : l'imagerie par exemple nous guide du dépistage au traitement.
Biovision 2003 s'achève. Ce fut comme les précédents un moment exceptionnel pour partager une vision de la biologie au service de l'homme. Il a permis de faire le point sur les sciences et les technologies du vivant face aux défis du futur. La lutte contre le cancer en est un, un défi international, car si rien n'est fait, le nombre de nouveaux cas annuels dans le monde pourraient passer de 10 millions en 2000 à 15 millions de morts en 2020, d'après le récent rapport de l'OMS publié par le Centre International de Recherche sur le Cancer. Un défi qui peut être relevé.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 28 avril 2003)
Monsieur le vice Ministre
Monsieur le Président,
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Au moment où s'achève ce 3ème Forum Mondial des Sciences de la Vie, un premier constat s'impose : ce fut, comme les précédents, et en dépit d'un contexte international peu favorable, un succès.
Un succès dont je me réjouis ce soir avec vous.
Un succès qui ne me surprend pas, tant il est vrai que Biovision s'est imposé comme un événement international attendu par tous les acteurs. Lieu de dialogue, d'informations croisées, d'échanges entre scientifiques, industriels, politiques et société civile, Biovision contribue à ce que les avancées de la science s'accompagnent d'une conscience démocratique accrue des immenses progrès dont elles sont porteuses, dès lors qu'un développement maîtrisé, est assuré.
C'est bien à cette condition en effet que l'homme pourra continuer de tirer tout le profit de l'avancée des connaissances et des applications qui en résultent.
En tant que médecin, je suis évidemment au nombre de ceux qui se réjouissent du progrès scientifique.
Conformément à l'esprit de Biovision depuis sa création, vous avez célébré le 50ème anniversaire de la découverte de la double hélice en regardant vers l'avenir. Les Lauréats du Prix Nobel se sont exprimés, non sur le passé déjà riche, mais sur les conséquences à venir de cette découverte majeure. L'acquis est on le sait impressionnant, et la biologie, devenue " science d'intervention "(1) a nourri de progrès les domaines de l'agriculture, de l'environnement, de la santé.
Cet anniversaire est l'occasion de se rappeler qu'en 50 ans, l'homme a davantage progressé dans le domaine des connaissances qu'en 50 siècles.
Mais ce qui frappe aujourd'hui dans le domaine des sciences du vivant, c'est non seulement le rythme accéléré de nouvelles connaissances accumulées, mais c'est aussi l'émergence de transitions conceptuelles :
du réductionnisme à la biologie intégrative ou synthétique, de la focalisation sur le génotype à la prise en compte du phénotype dans la prévention, le diagnostic ou la thérapeutique, de la modélisation du vivant à la conception de structures nanotechnologiques ayant des caractéristiques propres au vivant qui sont porteuses de l'espoir de multiples applications en médecine, de la spécificité de la fonction des gènes à leur ambivalence fonctionnelle, la liste serait longue.
Au delà des évolutions ou révolutions conceptuelles, au delà de l'accumulation des connaissances, c'est bien la puissance des techniques qui marque les esprits et qui appelle régulation et maîtrise.
La confiance à l'égard de la science, de la technologie, de l'industrie ne s'impose pas, elle se gagne. L'établissement des règles communes donne - à la science et à la recherche l'espace de liberté dont elles ont besoin, et - à chacun, l'assurance que les principes essentiels qui fondent notre dignité sont respectés.
C'est, me semble-t-il, ce qu'en France les lois de 1994 ont apporté :
une conscience aiguë de ce que le développement des sciences biomédicales appelle des limites, faute de quoi il peut ne pas être en accord avec la dignité de chaque être humain, une pacification et une élévation des débats, une moralisation des pratiques, l'émergence dans notre société d'une conscience éthique apte à discerner entre le possible et l'interdit.
Aujourd'hui, les biotechnologies opèrent non seulement sur le monde extérieur mais sur l'homme lui même. Plus que jamais il nous faut donc distinguer - ce qui personnalise l'homme de ce qui le dépersonnalise, - ce qui le rend plus libre de ce qui le rend esclave.
Plus que jamais, nous sommes comptables de l'avenir et, ce fut l'un de vos thèmes de réflexion, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de " l'amélioration des débuts de la vie ". Paradoxalement, la médecine a progressé en remontant le fil de la vie : après s'être intéressée à l'enfant, elle s'est penchée sur le nourrisson ; s'orientant ensuite du côté du nouveau-né, elle en est venue à traiter du prématuré puis du grand prématuré. Aujourd'hui nous assistons aux balbutiements de la médecine foetale. Et probablement demain, en viendrons nous à la médecine embryonnaire : la recherche doit permettre à l'embryon d'entrer dans le champ de la médecine.
Pour autant, les recherches sur l'embryon, les techniques de clonage confrontent à de redoutables questions. L'homme devient capable de s'approprier sa propre nature, et la science qui ouvre de telles voies, se heurte aux repères de la conscience morale commune. Progressivement ces repères évoluent : hier la dissection, la transplantation d'organes, le diagnostic pré-implantatoire firent l'objet de vives oppositions, puis, s'imposèrent.
Est-ce à dire qu'il faudrait tout permettre au motif qu'un jour ce qui est possible sera fait ? Je ne le crois pas. Il est des frontières à ne pas transgresser, parce que rien ne justifie de les transgresser aujourd'hui. Il est des limites intangibles qu'on ne peut envisager de franchir faute de quoi serait menacée la dignité de chaque homme
Alors oui, les études et recherches indispensables pour que l'embryon puisse bénéficier demain de la médecine doivent être encouragées.
Mais déjà, s'agissant de la recherche sur les cellules souches embryonnaires dont on ne peut prétendre qu'elles laissent intact l'embryon, les questionnements légitimes surgissent. Il faut, pour les envisager, déroger au principe premier de protection de la vie humaine depuis son commencement. Et dire que ce principe est premier, c'est admettre que des atteintes ne peuvent lui être portées qu'à la seule condition qu'elles soient nécessaires à la sauvegarde de principes jugés également essentiels. Aujourd'hui, les cellules souches sont porteuses d'espoirs thérapeutiques importants. Elles pourraient demain sauver des vies. Mais demain, les cellules souches adultes auront peut-être fait leurs preuves. Demain, peut-être, seront-elles même jugées plus sûres et efficaces que les cellules souches embryonnaires. Il est trop tôt pour le dire. L'urgence est aujourd'hui de comparer les potentialités de ces différents types de cellules. C'est ce qui justifie d'ouvrir, certes, mais dans des conditions très strictes, la recherche sur les embryons surnuméraires.
En revanche, rien ne vient justifier la création d'embryons à des fins de recherche, rien ne vient justifier la mise en oeuvre des techniques de clonage et, certainement pas le seul fait d'y accoler le terme thérapeutique, alors qu'il n'est fondé sur aucune expérimentation sérieuse chez l'animal. Il n'y a donc pas là motif à déroger.
Quand au clonage reproductif, c'est à un tout autre niveau d'interdit que nous devons le situer.
Parce qu'il est porteur d'une destructuration de l'altérité naturelle qui constitue le support biologique de la personne.
Parce qu'il est porteur d'une transformation de la personne, - subtile mélange de hasard et de choix, - une et libre grâce à la part d'indétermination dont elle procède, en objet calculable et prédéterminé dans ses caractéristiques physiques,
ce serait un crime, un " crime contre l'espèce humaine ".
Nous inscrirons cette nouvelle incrimination dans nos lois nationales.
Mais à l'heure de la mondialisation, les lois nationales ne sont plus suffisantes. L'interdiction du clonage reproductif doit avoir une portée universelle. C'est pourquoi, une initiative commune a été prise à l'automne 2001 par la France et l'Allemagne afin que soit mise en chantier, dans le cadre de l'ONU, une Convention interdisant le clonage à des fins de reproduction humaine. Je souhaite que nous fassions tout pour aboutir dans ce cadre.
Plus généralement, les interrogations liées aux sciences du vivant, aux questions éthiques qu'elles font naître appellent une concertation aussi riche que possible au plan mondial. Plusieurs instruments internationaux existent :
la convention d'Oviedo sur la " Biomédecine et les Droits de l'Homme " que nous allons ratifier dès l'adoption des lois de bioéthiques en juin prochain, la déclaration universelle de l'UNESCO sur le " Génome et les Droits de l'Homme ",
la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
Ce sont des jalons importants mais, on le constate, encore insuffisants. L'adoption d'une convention mondiale de bioéthique s'impose. Elle s'impose pour prendre en compte les craintes des uns mais aussi les espoirs des autres. Elle s'impose pour que s'expriment tous les Etats. Elle s'impose pour respecter les valeurs, les interdits et les idéaux de chacun. Elle s'impose aussi et enfin, pour que le développement des sciences et les progrès utiles à l'humanité toute entière ne soient pas freinés par des obscurantismes de toute nature. Le Président de la République, Jacques Chirac a annoncé qu'il prendrait, au nom de la France, une initiative en ce sens dès l'automne.
C'est bien aussi au niveau international que se pose la question déjà largement débattue de la brevetabilité des gènes. Il faut en ce domaine lever toute ambiguïté. La France entend soutenir les biotechnologies. Le gouvernement a pris en la matière un ensemble de mesures importantes, en faveur notamment des jeunes entreprises innovantes, que le ministre chargé de la recherche, ma collègue Claudie Haigneré a déjà évoqué devant vous. Nous souhaitons engager au plus vite la transposition de la directive sur la protection juridique des inventions biotechnologiques. Mais nous souhaitons aussi réaffirmer, conformément à la déclaration des Nations Unies de 1998 qui a inscrit le génome humain au patrimoine de l'humanité, qu'un gène breveté en tant qu'il fait partie d'une technique nouvelle doit rester librement accessible pour une autre application. Et ce n'est en rien contradictoire. N'oublions pas qu'aujourd'hui de nombreux analystes s'interrogent sur les conséquences de la multiplication des brevets sur les gènes dès lors que les détenteurs de brevets sur les séquences seraient en mesure de s'en interdire mutuellement l'accès.
Je ne voudrais pas conclure ce 3ème Forum sans évoquer devant vous ce qui constitue un engagement national majeur pour les sciences de la vie dans notre pays : lutter contre le cancer. Après avoir traité de " l'amélioration du début de la vie " vous avez abordé, au cours de ce Forum, celui de " l'espérance de vie et de la longévité ". Le cancer, deuxième cause de mortalité dans de nombreux pays dont la France, est au coeur du sujet. Traduisant la volonté du Président de la République, un plan de lutte contre le cancer, ambitieux et global, est mis en place.
Rattraper le retard en terme de prévention, déclarer la guerre au tabac, mieux organiser le dépistage et la coordination des soins, assurer un accompagnement global du patient, adapter la formation en constituent les principaux volets avec celui, non moins essentiel de la recherche. Car c'est bien dans la recherche que réside l'espoir de savoir demain mieux traiter cette terrible maladie. Confrontés à une évolution rapide des approches, il nous faut adapter nos structures et nos organisations.
Le génome humain, décrypté un demi siècle après la découverte de la structure en double hélice de l'ADN, donne accès à la carte d'identité des tumeurs. Mais déjà la génétique cède le pas à la post-génomique, tandis que se dessinent des approches thérapeutiques individualisées ; et les progrès viennent aussi d'autres secteurs disciplinaires : l'imagerie par exemple nous guide du dépistage au traitement.
Biovision 2003 s'achève. Ce fut comme les précédents un moment exceptionnel pour partager une vision de la biologie au service de l'homme. Il a permis de faire le point sur les sciences et les technologies du vivant face aux défis du futur. La lutte contre le cancer en est un, un défi international, car si rien n'est fait, le nombre de nouveaux cas annuels dans le monde pourraient passer de 10 millions en 2000 à 15 millions de morts en 2020, d'après le récent rapport de l'OMS publié par le Centre International de Recherche sur le Cancer. Un défi qui peut être relevé.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 28 avril 2003)