Déclaration de Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, sur l'intégration des handicapés, notamment dans le domaine de la culture, Paris le 5 mai 2003.

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Circonstance : Réunion de la Commission "Culture et handicap" à Paris le 5 mai 2003

Texte intégral

. L'intégration des personnes handicapées : un leitmotiv
- du Président de la République
- de l'année européenne des personnes handicapées
. L'intégration ne se cantonne pas au triptyque " ressources, éducation, emploi " mais englobe la vie sociale donc la culture.
. C'est pourquoi nous nous sommes rencontrés très vite avec M. Jean-Jacques AILLAGON pour définir des axes de travail en commun.
. C'est pourquoi je suis heureuse d'être parmi vous car il est essentiel que cette commission "culture et handicap" poursuive son travail.
Quand on parle de culture, il y a l'accès à et la pratique de.
Ma première préoccupation est bien sûr celle de l'accessibilité à tous types de manifestations culturelles, quel que soit le handicap physique , sensoriel, mental ou psychique.
Je veux saluer la sensibilité du ministère de la culture et de la communication aux publics spécifiques.
La charte d'accueil des personnes handicapées à l'art et à la culture qui va être validée en est une preuve parmi d'autres. Elle aidera à la connaissance du handicap.
Je suis par ailleurs très sensible à la présence de Messieurs Nouvel, Martin et Hebert. Ils vont pouvoir nous faire profiter de leur expérience d'architecte et de président d'établissements publics qui ont intégré dans leurs projets l'exigence d'accessibilité dans toutes les dimensions.
Je suis assez impressionnée par les efforts de la cité des sciences pour accueillir depuis des années non seulement les personnes en fauteuil roulant (ce n'est pas le plus difficile) mais aussi les aveugles et les mal voyants qui bénéficient parfois de plus d'explications que les personnes valides, les sourds et aussi les handicapés mentaux que certaines démonstrations remarquables arrivent à sortir de leur monde.
De telles réalisations doivent avoir valeur d'exemple
Elles doivent encourager d'autres musées, expositions, établissements culturels et les convaincre qu'ils doivent aller vers les personnes handicapés et s'adapter à leur handicap pour que des échanges se fassent.
Un autre point me tient à coeur, c'est celui de l'accès aux médias et plus spécialement à la télévision. On pourrait parler des handicapés mentaux, je m'en tiendrait aux mal entendants. Ils sont plusieurs millions dans notre pays dont 95 % sont des devenus sourds qui ne pratiqueront jamais la langue des signes et qui ont besoin tout simplement de sous-titrages.
Nous avons dans ce domaine un déficit important :
- de quantité :
moins de 10 % des émissions sont sous titrés dans notre pays quand on en est à près de 80 % en Angleterre
- de qualité je n'en dirai pas plus.
La participation à cette commission de M. Tessier, Président de France Télévision et de Mme Vincent, membre du CSA me font espérer une évolution favorable de la situation dans ce domaine. D'avance je les remercie de ce qu'ils pourront nous dire.
Si on veut montrer, enseigner, sensibiliser, convaincre, séduire, il faut se mettre à la portée de tous les publics.
Le texte de 1975 avait déjà fait des l'accessibilité des personnes handicapées, aux sports, aux loisirs, à la culture une obligation nationale. Cette obligation sera précisée, affinée dans la nouvelle loi.
Espérons surtout que grâce à l'évolution des mentalités et aux efforts de chacun, les personnes handicapées seront de moins en moins conduites à faire des choix de spectacles par défaut.
Mais la personne handicapée ne doit pas être réduite au seul rôle de consommateur. Il faut lui permettre, l'encourager à la pratique artistique, ce sera mon second point.
Cette pratique sous une forme ou sous une autre est bénéfique pour chacun de nous, elle l'est particulièrement pour les personnes handicapées, permettez-moi d'insister et de dire particulièrement pour les personnes mentales.
Les exemples dans ce domaine sont légion
Je pense à ce jeune autiste qui a réalisé de superbes aquarelles de sa ville et qui dit " le dessin est pour moi un mode d'expression. Quand je vaque à mes dessins, je peux un moment oublier ma différence ".
Je pense à ces acteurs sublimant totalement leur handicap mental dans une répétition de Phèdre.
Je pense à cette classe spéciale au sein d'une école de musique municipale et à ces concerts mixtes en fin d'année où on ne sait pas qui est qui.
Ces réussites sont hélas à ce jour le fruit d'initiatives isolées.
Pourtant, plus de la moitié des projets retenus dans le cadre de l'année européenne concerne la culture. Mais ceux-ci ont du mal, pour des raisons qu'il convient d'identifier, à sortir de la confidentialité.
Il me paraît par ailleurs nécessaire de développer une authentique pratique artistique dans les institutions accueillant des personnes handicapées, de mieux intégrer la dimension culturelle dans leur projet de vie, à l'image de ce qui se fait dans un certain nombre d'établissements de santé.
Ce ne sont là que quelques pistes et comme Jean-Jacques AILLAGON, j'attends beaucoup de votre expérience et des propositions que vous ferez au sein de cette commission, convaincue que je suis que " plus est en nous ".
Plus de générosité, d'initiatives pour aller à la rencontre des personnes différentes et chez elles plus de dons, de potentialités que nous ne voulons leur en prêter. A nous de les découvrir, de les mettre en valeur. Je pense en disant cela à l'échange célèbre entre Jules II et Michel Ange.
" J'en ai assez de te voir cogner sur un caillou " dit le pape et Michel Ange de répondre " tu n'as rien compris, tu ne vois pas que je suis en train de libérer l'ange qui est prisonnier à l'intérieur ".
C'est à nous maintenant de jouer, pardon de vivre et d'aider à vivre dignement.




(source http://www.sante.gouv.fr, le 12 mai 2003)