Tribune de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, dans huit quotidiens de la presse régionale le 17 avril 2003, sur le bilan de la première année de son gouvernement.

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Média : Presse régionale

Texte intégral

Il y a un an la France vivait son " mal d'Avril " duquel allait naître " l'esprit de Mai ".
Le mal était politique. Plus ou moins confus dans tous les curs, le malaise prenait des formes très diverses : déception, résignation, abstention, exaspération, protestation
Malgré les signes, émis de ci de là, la surprise du 21 avril fut totale, brutale, frontale.
Progressivement les Républicains se sont ressaisis, mais la cicatrice est là.
Le gouvernement du 6 Mai, a reçu sa mission : travailler aux racines du mal et que la victoire s'efface devant le devoir !
Trois priorités sont apparues d'évidence, trois grandes actions urgentes et exigeantes :
redonner à la politique sa crédibilité, être capable d'écouter les gens, affirmer le besoin de France et d'intérêt général.
CONTRE L'IMPUISSANCE, L'ACTION
L'impuissance politique est la première cause du " mal d'avril ". Les Françaises et les Français ont reproché à la République de ne pas tenir ses promesses : qu'est la liberté devenue dans certains quartiers ? Où est l'égalité dans certaines parties de notre ruralité ? Où est la fraternité, même dans certaines de nos écoles. Quand la majorité des entreprises publiques est en déficit, quand l'éducation semble impuissante face à l'échec scolaire, quand les réformes sont sans cesse reportées ou que leurs effets sont opposés à leurs espoirs (baisse des salaires et 35h, par exemple) que devient l'autorité républicaine ? les doutes pénètrent ainsi la politique. Doute moral, insécurité physique.
Nous nous sommes d'abord attachés au droit à la sûreté. Mon gouvernement de mission a fait voter dans son premier semestre d'action trois lois d'autorité pour la Sécurité, la Justice et la Défense nationale. Des moyens sur 5 ans sont dégagés pour que les progrès de l'autorité républicaine soient ressentis par les Français dans leur vie quotidienne (près de 30.000 hommes seront recrutés pour ces tâches). Cette politique sait user de la fermeté face à l'immigration illégale elle sait aussi être humaine et efficace vis-à-vis de ceux qui respectent nos lois et aspirent à l'intégration républicaine. Il reste beaucoup à faire mais, sur ces sujets, la France est en mouvement.
CONTRE L'ISOLEMENT, L'ECOUTE
Le temps des certitudes, des assurances et des arrogances doit être terminé.Les responsables doivent sortir de leur isolement. Les Français ne supportent plus les " en haut je sais, en bas je me tais ". Mon gouvernement a fait le pari de la confiance des Français. Il a multiplié les présences sur le terrain. Cette confiance est à la base de notre choix en faveur de la décentralisation et de la nouvelle " organisation décentralisée " de notre République, tel que le dit maintenant notre Constitution.
Ainsi, pour décider de l'avenir de la Corse je préfère un référendum populaire plutôt qu'une réunion de quarante personnes à Matignon : " l'esprit de mai " fait confiance au citoyen.
J'ai confiance dans les citoyens parce qu'ils comprennent le langage de la vérité. Les Français ont entendu qu'il dépendait d'eux que l'on sauve des milliers de vies humaines sur nos routes. Les Français ont compris que la croissance ne se décrète pas. Ils savent, en revanche, que c'est au gouvernement de prendre en charge l'effort collectif quand il est nécessaire, comme pour les retraites par exemple, et qu'il doit veiller à ce qu'il soit justement réparti.
Le dialogue républicain peut être vivant dans la société française à condition que chacun se sente respecté. " L'esprit de Mai ", c'est le respect de l'autre notamment du plus faible. C'est aussi le choix de la clarté et de la vérité. N'hésitons pas à dénoncer les mensonges, n'hésitons pas à rappeler que ce n'est pas la décentralisation qui fait augmenter la fiscalité des départements mais le transfert non financé par l'Etat des dépenses de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA). N'hésitons pas à dire, de la même manière, que la croissance en 2003 sera moitié moindre que celle que nous espérions et que cela imposera des économies à l'Etat.
Je souhaite une expression gouvernementale franche et directe, je souhaite surtout un gouvernement qui reste à l'écoute des français.
CONTRE LES DIVISIONS , LA FRANCE
La cohabitation a divisé la France qui pourtant souhaite être rassemblée et nos concitoyens étaient las de la politisation des affaires et de l'esprit partisan .Ils ont souhaité le retour de l'esprit public et de l'intérêt général. Contre les divisions, il existe un vrai besoin de France. On ne gouverne pas durablement la France en opposant les Français. Chaque Français porte sur ses épaules une part de l'intérêt national. La France, en métropole et Outre-mer, est pour chacun une force d'identité et une cause de dépassement. Certains dossiers très difficiles et trop douloureux doivent être traités, sans attendre et avec courage car sans réforme, c'est la France qui serait affaiblie. La solidarité doit accompagner l'action pas la paralyser. Il est illusoire de croire que l'on peut tirer profit des faiblesses de la France. Quand mon gouvernement baisse l'impôt des Français c'est pour donner des forces à la France et c'est pour cette raison que je continuerai dans le même esprit.
Nous préparons actuellement des initiatives pour l'innovation, la recherche et le mécénat. Pour conserver sa force notre République devra réformer son Etat en recentrant ses missions, en simplifiant ses procédures, en anticipant mieux l'avenir et en gérant mieux ses ressources humaines. Grâce à des institutions aujourd'hui apaisées la France, par l'action personnelle du Chef de l'Etat, fait entendre sa voix, propose sa vision, gagne la confiance de nombreux peuples du monde. La France est à la hauteur de sa présidence du G8. La France est fidèle à l'humanisme qui a fondé sa " pensée universelle ". " L'esprit de Mai " nous habite toujours.
Depuis cette période pour moi l'élection n'est plus une victoire mais une mission. Devant moi s'affichent les chantiers de l'avenir : conférence de la Famille, réforme des retraites, de l'assurance maladie, rénovation de l'Etat, pacte de stabilité et de croissance, nouvelles institutions européennes, gouvernance mondiale, rénovation des villes, réforme de la PAC, renaissance de l'éducation, création d'un million d'entreprises en 5ans les difficultés sont nombreuses. Chaque jour, tout reste fragile.
Pour tenir bon je n'ai qu'une raison : les Français aiment la France
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 17 avril 2003)