Déclaration de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur la nécessité aujourd'hui de relancer la question des économies d'énergie, tant par la réglementation, la technologie que par l'implication du citoyen, Strasbourg le 3 avril 2003.

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Circonstance : Allocution d'ouverture lors du débat national sur les énergies : "Energie et vie quotidienne : comment consommer mieux" au Parlement européen à Strasbourg le 3 avril 2003

Texte intégral

I. Introduction
Mesdames et messieurs, je voudrais d'abord exprimer une certaine émotion en ouvrant la deuxième Rencontre du débat national sur les énergies, en un lieu qui m'est cher. Le choix de Strasbourg et du Parlement européen manifeste bien sûr la dimension européenne du débat qui nous réunit aujourd'hui.
Les solutions que nous mettrons au point seront d'abord, bien sûr, d'envergure nationale. Il est néanmoins très important de se doter d'un regard qui sache dépasser le " pré carré " de nos
frontières. Le choix de Strasbourg a une autre signification profonde : Strasbourg est en effet la première ville de France sur le plan de la production d'énergie solaire. La région Alsace vient, quant à elle, de lancer un programme régional innovant en matière d'énergies renouvelables.
II. Les enjeux du débat
1. La nécessité des économies d'énergie
Nous nous retrouvons aujourd'hui afin d'aborder plus particulièrement la question des économies d'énergie. La place de ce thème n'est pas un hasard : toutes les formes d'énergie ont un coût et des inconvénients. La moindre consommation constitue dès lors un enjeu important. Les prévisions des experts nous invitent d'ailleurs à prendre cette direction, puisqu'il est aujourd'hui établi que l'intensité énergétique française s'est dégradée de 1,1 %, tandis que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 2,2 %. La poursuite de cette tendance nous conduirait à une double impasse. Sur le plan de l'environnement, d'abord, au rythme où vont les choses, les émissions de gaz à effet de serre seraient multipliées par trois en 2050, alors que nous devons au contraire - compte tenu des effets nuisibles clairement établis de ces émissions sur notre planète - les réduire de moitié à cet horizon ; ce qui implique, pour les pays industrialisés, de diminuer par quatre ou cinq notre consommation.
Il faut également rappeler que notre modèle de développement, fondé sur une consommation massive, n'est pas durable. L'humanité, si elle s'y entêtait, prendrait des risques considérables pour elle-même, alors qu'elle devrait compter 8 milliards d'individus d'ici trente ans. Nous savons par exemple que la consommation mondiale de pétrole va continuer de croître si rien n'est fait, alors même que ses réserves pourraient se trouver épuisées d'ici environ cinquante ans. Des mesures doivent donc être prises et sont d'autant plus nécessaires que toute infrastructure énergétique nouvelle requiert, comme nous le savons bien, une période de vingt à trente ans avant de devenir opérationnelle. Nous ne renonçons pas aux avantages modernes de notre civilisation mais nous devons prendre la mesure du contexte dans lequel elle s'inscrit. Economiser l'énergie matérielle suppose une grande dépense d'énergie immatérielle. Concevoir et mettre au point de nouveaux procédés : tel est l'immense défi qui se pose à notre société.
2. Une implication nécessaire de l'ensemble de la société
Les conditions d'une nouvelle croissance pourraient bien naître d'une société ainsi devenue sobre en énergie. En lui donnant un nouveau souffle, la maîtrise de l'énergie s'inscrit pleinement dans la marche de la société contemporaine. Elle n'est pas un idéal utopique, mais une voie d'avenir qu'il nous convient d'emprunter. L'Histoire met devant nous deux routes : celle de l'explosion énergétique et celle du développement durable. L'heure du choix est venue. En 1973, le premier choc pétrolier a donné lieu à la mise en oeuvre d'une première phase de politique d'économie d'énergie, dont les effets peuvent aujourd'hui être jugés contrastés. En effet, si de 1973 à 1989, 29 millions de tep (tonnes équivalent pétrole) ont été économisés par an, de 1986 à 1999, seuls 3 millions de tep ont été économisés annuellement, et sous l'effet de tendances contraires, les " déséconomies " (résultant principalement d'une hausse de la consommation) allant en sens inverse des améliorations (de procédé, notamment)
intervenues par ailleurs. Les délais de développement des technologies et des investissements (qui est par exemple d'une dizaine d'années dans les transports) sont très élevés et les facteurs d'inertie sont difficilement compressibles.
Les comportements des ménages sont également en jeu. Nous devons relancer la politique qualifiée autrefois de façon familière de " chasse au gaspi ". Les faits sont têtus. Une fois établie la question des principes, c'est la question des moyens qui se fait jour. C'est d'abord notre consommation quotidienne qui doit faire l'objet de toute notre attention, tant elle peut faire l'objet d'économies substantielles. Le résidentiel tertiaire (qui comprend d'abord les besoins en chauffage, auquel les deux premières tables rondes sont aujourd'hui consacrées) représente 42 % de notre consommation finale d'énergie. La bureautique, l'éclairage et l'électroménager constituent un autre enjeu majeur et la troisième table ronde leur sera consacrée. Enfin, le secteur des transports doit faire l'objet d'efforts évidents, afin de concilier, comme l'intitule la table ronde qui conclura notre journée, " mobilité et développement durable ".
3. La technologie et la réglementation
La technologie et la réglementation forment un couple où chacun encourage l'autre : les avancées de la première permettent l'adaptation de la réglementation et celle-ci peut donner des impulsions importantes à la première. Les réglementations françaises sur le chauffage et l'isolation ont par exemple permis de réduire de moitié les besoins de chauffage des constructions neuves. Il s'agit maintenant d'étendre ces progrès aux bâtiments anciens, sachant que 20 % de la consommation de chauffage peuvent sans doute être économisés si l'on y parvient. De même, les seuils minimaux de rendement pour les produits ménagers ont démontré leur potentiel d'efficacité depuis plus de dix ans.
Dans le domaine automobile, des réglementations nouvelles sont déjà à l'oeuvre. La France s'est ainsi engagée dans une politique consistant à limiter de façon significative les émissions de CO2 d'ici 2010.
Il faut également rappeler l'objectif fixé par le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin : faire de la France le pays leader, au même horizon, en matière de véhicules électriques. Il convient toutefois de ne pas sous-estimer la difficulté du sujet qui est le nôtre. Comment la réglementation peut-elle aider à réaliser des progrès ?
4. Des pistes concrètes à faire émerger
La mobilisation du public semble également indispensable et la responsabilité individuelle doit certainement être sollicitée ou rappelée de façon bien plus prégnante, sans doute dès l'école. Pourquoi par exemple ne pas mettre l'énergie plus en avant dans les programmes scolaires ? Je suis convaincue, pour ma part, que des propositions concrètes, sur tous ces sujets, émergeront. Dans un autre domaine, l'étiquetage des produits ménagers a démontré son efficacité. L'Etat, quant à lui, exerce un rôle capital par le biais de la fiscalité appliquée à l'énergie, tant à travers la TIPP qu'à travers la fiscalité positive, comme le taux de TVA préférentiel pour les dépenses d'isolation dans les bâtiments. Y a-t-il matière à une politique européenne dans ce domaine et faut-il s'inspirer de certaines initiatives de nos voisins ?
Le lien entre aménagement du territoire est également très étroit. Un habitat pavillonnaire et dispersé ne se traduit pas par la même consommation d'énergie qu'un habitat urbain. Le principe de subsidiarité doit ici s'appliquer, pour davantage d'efficacité, et les collectivités locales auront donc un rôle crucial à jouer, notamment à travers les PDU. Comment tirer parti des expériences européennes en matière de déplacements urbains ? Là aussi, votre débat doit constituer l'occasion de faire émerger des propositions constructives. Toutes les interrogations que nous nous posons nous renvoient en tout état de cause à une problématique qui dépasse le seul cadre de nos frontières. Il est donc important d'écouter et d'observer nos voisins et concitoyens de l'Union européenne.
II. Conclusion
Quelles que soient les orientations de notre politique à venir, l'efficacité énergétique sera toujours au coeur de nos préoccupations. On ne peut que constater avec satisfaction que tout le monde s'accord sur l'importance de cette question, au regard de laquelle tous se sentent et doivent se sentir concernés : collectivités locales, citoyens, Etat. Je vous remercie.
(Source http://www.debat-energie.gouv.fr, le 4 avril 2003)