Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France, à La Chaîne Info LCI le 2 juillet 2003, sur le référendum en Corse, le conflit des intermittents du spectacle, le soutien au gouvernement pour les réformes des retraites, le statut du Chef de l'Etat et la laïcité.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Journal de 8h - La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser : On ne peut pas ne pas parler de la petite phrase de J.-P. Raffarin ce matin, qui disait hier à Strasbourg que la France est au "purgatoire" puisqu'il reste encore des socialistes. Il a provoqué une indignation dans les rangs du PS. Vous pensez qu'il va devoir s'excuser ?
- "Je trouve que cela fait partie de la controverse politique. On a un débat qui est très émasculé aujourd'hui en France, alors on sursaute dès qu'il y a un mot qui sort de la langue de bois traditionnelle. Je trouve que les socialistes manquent d'humour, et c'est important d'avoir de l'humour, quitte à faire des bons mots ; et qu'ils manquent aussi de mémoire, parce que c'est vrai qu'on a parlé à une époque de "l'enfer socialiste" avec le goulag."
Ce n'est quand même pas la même école...
- "C'est une boutade en réponse à une autre boutade d'un Slovaque. A un moment, J.-P. Raffarin a dû penser à ce qui s'est passé à l'Est à une époque ; il a parlé d'enfer, de purgatoire, de paradis. Vraiment, il n'y a pas de quoi fouetter un chat."
Vous lui donnez l'absolution...
- "Tout à fait."
Il y a un référendum, une consultation - on ne sait pas très bien - en Corse dimanche prochain. Vous appelez à voter "non" ; pourquoi ?
- "Parce que ce projet me paraît inutile et dangereux. La suppression des départements et la collectivité unique, c'est la préfiguration d'un gouvernement corse, avec des pouvoirs très importants, quasi législatifs accordés à cette Assemblée. Donc cela me paraît une voie dangereuse. Il fallait maintenir les départements pour maintenir l'enracinement. Elle est d'autant plus dangereuse que le mode de scrutin qui est choisi, c'est un mode de scrutin qui favorise les indépendantistes."
Vous parlez d'enracinement. Vous pensez que le fait de voter "oui" ne marquera pas l'enracinement dans la République, comme le disait le Président ?
- "Je crois que c'est assez bizarre d'appeler à voter "oui" pour marquer son attachement à la République, au moment où monsieur Talamoni et les nationalistes appellent à voter "oui" pour faire un pas vers l'indépendance. Il y a là quelque chose de très troublant. Et pour moi, le seul fait que ceux qu'on appelle à tort les nationalistes, qui sont en fait des terroristes, et qui sont allés témoigner pour les assassins du préfet Erignac, appellent à voter "oui", moi, si j'étais corse, cela m'inciterait à voter "non"."
Donc, vous ne comprenez pas une solution de compromis qui pourrait être un statut d'autonomie, comme il en existe en Sardaigne et dans les îles Baléares ?
- "Je pense que ce n'est pas la bonne méthode et qu'on a cédé aux nationalistes en Corse, depuis longtemps d'ailleurs, que Monsieur Sarkozy a mis ses pas dans ceux de monsieur Jospin - le processus de Matignon - et qu'il faut, en Corse comme ailleurs, imposer la fermeté et l'attachement à l'unité de l'Etat et de la Nation."
Pourquoi n'êtes-vous pas allé faire campagne ?
- "Parce que je n'ai pas très bien compris ce qu'était ce référendum. On nous explique que c'est une consultation pour avis. Je n'ai pas cru utile d'y aller. Et puis j'avoue que je ne me suis pas intéressé directement à ce projet. Mais aujourd'hui, quand je lis le texte, quand je vois ce qu'est ce projet... En France, ce qui impose la stabilité politique, c'est le scrutin uninominal. Là, on a donné aux nationalistes la proportionnelle. Donc ils vont se trouver très largement représentés, et peut-être un jour seront-ils majoritaires pour pouvoir négocier l'indépendance avec ce qu'ils appellent "l'Etat français"."
Il y a aussi la proportionnelle pour les élections régionales en France...
- "Bien sûr, mais il y a une grande différence entre les régions et les départements : c'est que justement, les départements sont ancrés dans la réalité politique, alors que les régions en France n'arrivent pas à s'imposer à cause d'un scrutin qui dépersonnalise le lien entre le représentant du peuple et le peuple lui-même."
Vous apportez votre soutien au Gouvernement en revanche pour la question des intermittents. Il y a des intermittents au Puy-du-Fou ?
- "Sur le grand parc du Puy-du-Fou oui, mais pas à la Cinéscénie, parce qu'il y a 3 000 bénévoles."
Uniquement des bénévoles ? Et donc ce n'est pas lié à vos intérêts et les spectacles vont continuer ? Il n'y a pas de menaces ?
- "J'espère. Mais de toute façon, s'ils étaient perturbés, je peux vous dire que les 3 000 bénévoles qui présentent le spectacle du Puy-du-Fou se mettraient en pétard. Et je trouve que cet accord - le ministre de la Culture l'a dit - est un accord raisonnable. Il y a un déficit de 800 millions d'euros, c'est considérable. Et E. Izraelewicz, dans Les Echos, disait très bien hier : Est-il normal que ce soient les ouvrières du textile choletais ou les textiles du Nord ou les métallos lorrains, qui financent les festivaliers d'Aix-en-Provence ? C'est une vraie question. Je pense qu'ils sont arrivés à un accord assez raisonnable qui sauve le système. Et je trouve que la fermeté du Gouvernement s'impose."
Soutien également pour la réforme des retraites ?
- "Oui, bien sûr. C'est la première fois qu'un gouvernement tient devant la rue depuis quinze ans. Je crois que c'est un élément important. [Avec] le Premier ministre, Dieu sait si en ce moment j'ai des éléments de divergence - la participation de l'UMP à la Gay Pride, la Corse, le parjure sur la PAC, la Constitution européenne, pour laquelle j'exprime un désaccord profond - mais sur les retraites et sur le sauvetage du système des intermittents, je pense que le Gouvernement a raison d'être ferme."
Est-ce que vous voteriez "oui" au projet de nouveau statut pour le chef de l'Etat ?
- "Non. Je ne comprends pas pourquoi... En plus, d'un côté, avec la Constitution européenne, on nous dit que la Constitution européenne s'impose à toutes les autres Constitutions et à toutes les autres sources de droit. Cela veut dire en fait que la Constitution de la France n'est plus que règlement intérieur d'un conseil général. Et on nous parle de changer encore deux nouvelles fois la Constitution pour la charte de l'environnement et le statut pénal du chef de l'Etat. Il y a vraiment d'autres sujets de préoccupation. En ce moment, la France est en train de perdre sa souveraineté, son identité, sa vitalité, et ce n'est vraiment pas le moment de s'occuper du statut pénal du chef de l'Etat."
Il est temps en revanche de s'occuper de la laïcité ? Vous dites "bravo" à la création de la commission Stasi ?
- "C'est un nouveau comité Théodule, qui est une manière de repousser le problème. Ce que j'attends du président de la République, c'est la fermeté. On est dans un processus incroyable, une déferlante migratoire. Le ministre de l'Intérieur a fait faire un rapport sur les chiffres de l'immigration clandestine, le rapport Escoffier ; il n'a pas osé le publier. Je le mets au défi de publier ce rapport. Les chiffres sont incroyables. Et de plus, on est devant un processus - osons le dire - de communautarisme, de colonisation à rebours de la France. Je regardais hier soir l'affaire des piscines, avec des véritables hammams, des horaires dans les piscines françaises pour les femmes musulmanes - dans quatre villes, mais cela va faire contagion. Là, on est dans un processus de discrimination à rebours. Et moi, j'estime que le président de la République doit imposer - il n'y pas besoin d'un comité Théodule avec monsieur le médiateur pour cela - à tout le monde les règles de vie de notre société, de notre civilisation, de notre droit."
Si c'était si simple, ce serait déjà fait. Merci, P. de Villiers....
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 juillet 2003)