Conférence de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, sur la mobilisation de la comunauté internationale pour la lutte contre les trafics de drogue, notamment contre celui de l'héroïne en provenance d'Afghanistan, la résolution du Conseil de sécurité sur l'Irak et le plan de paix au Proche-Orient, Paris le 22 mai 2003.

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Circonstance : Conférence sur les routes de la drogue de l'Asie centrale à l'Europe, à Paris le 22 mai 2003

Texte intégral

Permettez-moi de faire un point rapide au terme de cette conférence sur "Les routes de la drogue".
Avec le développement des trafics de drogue, nous sommes confrontés à une menace majeure qui affecte l'ensemble des équilibres de nos sociétés.
Cette conférence sur les routes de la drogue nous a permis de prendre la véritable mesure de ce défi. Elle a également marqué la mobilisation de toute la communauté internationale puisque nous avons reçu plus de soixante pays et organisations internationales qui ont participé à nos travaux avec les principaux objectifs suivants :
- d'abord identifier les routes empruntées par les trafiquants ;
- puis comparer les politiques de lutte contre la drogue ;
- enfin définir de nouvelles réponses au développement d'une économie parallèle qui génère plus de 25 milliards de dollars de revenus par an pour la seule héroïne produite en Afghanistan.
On le voit donc, l'enjeu est immense, près de 20 % du PNB de ce pays. Cela appelle une démarche collective et pluridisciplinaire. C'est l'objet du "Pacte de Paris" proposé par le directeur de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, M. Costa.
L'intérêt manifesté par les différents pays montre que l'enjeu de la drogue nous concerne tous :
- la France, puisque nous menons une politique déterminée contre le développement et la consommation de stupéfiants avec les dépendances qu'elle engendre. Le président de la République l'a dit ce matin : "La drogue est un chemin de souffrance" ;
- l'Europe où 90 % de l'héroïne consommée se retrouve en Europe occidentale. Elle provient de l'Afghanistan ;
- l'ensemble des pays de trafic était réuni car tous les pays traversés par les routes de la drogue deviennent les victimes des trafiquants : l'Iran, la Turquie, les pays d'Asie centrale, les Balkans ;
- l'Afghanistan, bien sûr ; en tant que pays producteur, il est directement touché. La poursuite de la culture du pavot bloque les réformes nécessaires à la modernisation du pays. Aujourd'hui, 20 % du PNB afghan dépend de la culture de l'opium. De 4 à 6 millions d'Afghans sont liés à cette économie. Le ministre des Affaires étrangères afghan, M. Abdullah, a souligné ce matin la nécessité et l'urgence d'une aide accrue de la communauté internationale.
Les travaux que nous avons menés font de cette conférence un triple laboratoire. Un laboratoire d'abord pour la stabilité intérieure des pays. La consommation de drogue est un facteur de rupture des liens sociaux. Elle affaiblit la cohésion de nos sociétés. En France, 140.000 personnes sont dépendantes de la consommation d'héroïne.
Un laboratoire ensuite pour la coopération entre les Etats. Nous ne viendrons à bout de ce fléau qu'en privilégiant une méthode fondée sur le dialogue, la coopération. Tous les instruments dont nous disposons, qu'ils soient répressifs ou préventifs, doivent être employés. Et nous devons parvenir à une véritable coordination notamment dans les domaines douaniers, policiers, judiciaires. C'est une proposition qui a été faite par de très nombreux pays.
Enfin, un laboratoire pour la lutte contre les menaces contemporaines, à la fois multiples, interdépendantes et complexes à maîtriser. N'oublions pas que les routes de la drogue croisent celles de la criminalité organisée, des trafics d'armes, des réseaux terroristes. Il y a donc beaucoup à apprendre face à ces fléaux, qu'il s'agisse du terrorisme, de la lutte contre la prolifération.
Nous devons donc tous nous mobiliser. L'organisation de cette conférence montre bien l'importance que la France attache à la lutte en amont contre les trafics de drogue. Il faut intervenir dès l'origine et tout au long du parcours suivi par l'économie de la drogue. Cela suppose une parfaite coordination sur le territoire national entre les différents services concernés. A cet égard, je me félicite, en France, de l'aide apportée par les ministères de l'Intérieur, de la Justice et de la Santé, au succès de nos travaux. La mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie a également joué, avec le Dr Gelle, un rôle essentiel.
L'Afghanistan a pris des mesures courageuses pour faire face à ce défi. Le plan d'action qui a été adopté par les autorités de Kaboul a le soutien de la communauté internationale. Les Nations unies mènent de leur côté une action remarquable à travers l'Office des Nations unies contre la drogue et contre le crime. La présence de son directeur, M. Costa, a donné à nos travaux une autorité accrue. Nous savons que chaque Etat, individuellement, conduit des politiques déterminées pour réduire la consommation de stupéfiants. Les travaux de cette conférence nous ont permis, une fois de plus, de prendre la mesure du phénomène. Pour la première fois, tous les Etats concernés se sont réunis à un niveau élevé et ont échangé leurs analyses. C'est une nouvelle façon d'envisager les enjeux de sécurité qui répond à une vision globale, volontaire et exigeante des relations internationales, des relations entre les hommes.
Q - Monsieur le Ministre, quel bilan tirez-vous de cette journée ? Vous voyez aujourd'hui M. Colin Powell pour la première fois depuis l'adoption de la résolution sur l'Irak ?
R - D'abord, vous me permettrez de dire concernant les principales conclusions que nous pouvons tirer de cette réunion, l'intérêt très soutenu qui a été celui de l'ensemble des participants puisqu'il y avait plus de trente ministres présents dont les ministre des Affaires étrangères afghan, russe, M. Fischer, M. Straw, M. Powell, M. Papandréou, M. Graham, M. Kharrazi, le commissaire Patten. Une participation donc à haut niveau qui marquait bien l'intérêt de chacun des Etats. Autre élément marquant, c'est la mobilisation très forte face au fléau de la drogue. Chacun comprend bien qu'à côté des grands fléaux de notre temps à l'image du terrorisme, de la prolifération, du crime organisé, la drogue joue un rôle essentiel. C'est une source financière, c'est un élément mafieux, c'est un élément de gangrène de nos sociétés et nous le voyons, un élément de gangrène qui relie le pays consommateur, le pays transitaire et le pays producteur. Il y a là une chaîne dont il faut bien mesurer l'importance et dont il faut apprécier tous les liens. Enfin, nous avons salué les propositions innovantes qui ont pu être faites aujourd'hui à l'occasion de cette conférence. D'abord une coopération policière et douanière qui a été renforcée, qu'il est proposé de renforcer avec des échanges de renseignements, analyse commune de données, renforcement des postes frontières, proposition aussi d'une ceinture de sécurité autour de l'Afghanistan pour prendre en compte l'ensemble des pays de la région, couper les routes dès l'origine afin d'empêcher le trafic. La participation de la Russie ainsi que des pays d'Asie Centrale à cette conférence a permis d'étudier cette initiative. Cela nous a aussi permis de réfléchir à une observation aérospatiale des champs de pavots, puisque c'est la seule façon de contrôler l'état des cultures et de leur évolution. M. Costa a évoqué un pacte de Paris qui reposerait sur trois piliers :
- un renforcement des capacités nationales,
- le développement des partenariats régionaux,
- la mise en place d'un cadre stratégique multilatéral sous l'égide des Nations unies.
Nous le voyons bien, l'une des grandes clés de cette mobilisation est la capacité que nous avons à mieux nous coordonner. Il est très important, en effet, que chacune des initiatives prises par les uns ou par les autres, que ce soient des Etats, des acteurs non étatiques, des ONG, fasse l'objet d'une coordination. Et tout l'intérêt d'une conférence comme celle-ci est de permettre à chacun de se rencontrer et de mieux préciser et coordonner les approches.
Concernant ma rencontre avec Colin Powell, vous savez que nous entretenons des relations régulières. Nous avons été en contact tout au long des derniers mois, des dernières semaines et en particulier, pour la préparation de cette résolution votée aujourd'hui - et je salue ce vote -, ce sont des relations de confiance, de travail et si vous me le permettez, je dirai même d'amitié.
Q - Maintenant que la résolution a été approuvée, la France attend-elle d'être invitée à jouer un rôle plus important en Irak par les Américains ?
R - La discussion qui a permis de conduire à cette résolution a bien marqué quels étaient les temps qu'il était important de respecter. Bien sûr, dans cette phase de sécurisation qui est difficile, un rôle prioritaire, des responsabilités particulières sont conférés aux pays présents sur le terrain. La force de la coalition, la force de stabilisation, c'est en somme la force de la coalition élargie. Nous sommes heureux de constater, à travers ce projet de résolution que les Nations unies sont de retour. C'est dire que la responsabilité, la capacité d'action des Nations unies, tout ce que les Nations unies savent faire, leur expérience, leur capacité, leur légitimité, va pouvoir être mis au service de la reconstruction politique économique et sociale de l'Irak. C'est donc pour nous un élément majeur. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous aurions souhaité, sur un certain nombre de points aller plus vite pour conférer un véritable rôle central à l'ONU mais nous sommes heureux de constater que les Nations unies sont de retour dans ce cadre. C'est bien toute la communauté internationale qui doit prendre toutes ses responsabilités et la France sera bien sûr au rendez-vous. Il ne vous a pas échappé, dans l'ensemble des éléments de cette résolution, qu'il s'agisse du désarmement, qu'il s'agisse de la levée des sanctions et de la nécessité de mettre en place un système de transparence pour les ressources pétrolières de l'Irak, qu'il s'agisse du processus politique, il y a bien des mécanismes qui permettent à la communauté internationale de suivre de près et d'assumer leurs responsabilités. C'est essentiel pour la réussite du processus engagé en Irak. Dans ce contexte-là, la France, non seulement fait preuve d'un esprit d'ouverture constructif mais elle est prête à prendre toutes ses responsabilités.
Q - En bilatéral, vous avez rencontré M. Halazi, l'Iran était aujourd'hui dans le collimateur des Américains, avez-vous abordé le sujet d'Al Qaïda en Iran, le nucléaire ? Et quel est votre commentaire sur l'abstention de la Syrie aujourd'hui ?
R - Concernant les relations que nous entretenons avec l'Iran, nous abordons, par définition, l'ensemble des questions d'intérêt commun. Je l'avais fait lors de ma visite à Téhéran il y a quelques semaines. Nous avons refait un tour d'horizon avec mon collègue iranien et nous avons donc évoqué la question du terrorisme international, la nécessité de mobiliser à la fois, face aux réseaux qui existent à travers le monde, face aux mouvements qui sont actifs en particulier au Proche-Orient, la nécessité de faire preuve de toute l'influence dont nous sommes capables face à ces réseaux, coordonner ces éléments d'information. Et, de la même façon, sur la prolifération, nous avons un dialogue approfondi. Nous souhaitons que l'Iran puisse s'associer au PA93+2, signer donc le protocole additionnel de l'AIEA. Nous sommes dans un dialogue soutenu avec les Iraniens de façon à ce que, dans ces grandes questions, le terrorisme, la prolifération, les progrès indispensables puissent être faits sur la scène internationale.
Sur la Syrie, j'attendrai d'avoir les premiers commentaires de nos amis syriens pour savoir ce qui a motivé ce vote. A ce stade, je n'ai pas d'indication.
Q - Colin Powell vient de dire que l'adoption de cette résolution va dans le bon sens pour restaurer les rapports franco-américains mais il reste du travail à faire pour l'avenir. Comment commenteriez-vous l'avenir et quel travail faut-il faire pour améliorer la situation ?
R - Vous savez, les défis du monde sont immenses, le souci, tant des Etats-Unis que de la France, c'est d'uvrer ensemble pour essayer de réduire ces difficultés. Nous voyons bien les risques qui sont liés au regain de terrorisme, les menaces liées à la prolifération, les dangers liés aux crises régionales, - je pense en particulier à la situation au Proche-Orient -, nous voyons bien les dangers liés au crime organisé et à la drogue. Aujourd'hui, sur tous ces terrains, croyez-le bien, la concertation avec les Etats-Unis est quotidienne, pleine et entière. C'est donc par l'action qu'il faut traiter les choses. Les relations entre la France et les Etats-Unis sont des relations anciennes de pays mais de pays alliés. Elles prennent parfois un caractère passionnel et la meilleure thérapie c'est évidemment l'action et je peux dire que la France est animée d'une volonté absolue de se tourner vers l'avenir pour agir. Je crois qu'il faut se consacrer aux véritables dangers du monde d'aujourd'hui, et de ce point de vue, entre Colin Powell et moi-même, il y a la même conviction. Sur ce point, je précise que le président de la République s'est une nouvelle fois entretenu, cet après-midi, avec le président Bush sur l'ensemble des sujets d'actualité et en particulier sur la préparation du G8. C'est dire que la concertation entre les Etats-Unis et la France est une concertation entre pays amis et pays alliés, c'est ainsi que cela doit être.
Q - 110 pays s'étaient réunis à Vienne il y a un mois concernant les problèmes de coopération internationale en matière de lutte contre les stupéfiants, qu'est-ce qui fait l'originalité de la réunion d'aujourd'hui, ?
R - Ce qui en fait l'originalité, c'est l'approche même que nous avons retenue, une approche géographique, une approche qui vise à centrer la conférence sur les mécanismes, sur l'itinéraire de la drogue, de l'Asie centrale jusqu'en Europe. Etre capable de se pencher sur ce qui fait qu'un phénomène prend de l'ampleur, corrompt, corrode des sociétés, ce qui fait la gravité de choses. C'est différent de traiter un problème dans l'absolu. Je crois que la volonté de la France de prendre un exemple particulièrement patent, - nous aurions pu et nous nous pencherons sans doute sur d'autres situations géographiques de grande ampleur, la situation de la Colombie par exemple - est extrêmement importante si l'on veut aller vraiment jusqu'au bout des choses. Une chose est de constater une situation, de constater le drame et l'importance des enjeux, autre chose est d'essayer de comprendre l'ensemble des rouages qui font que les choses, non seulement se perpétuent, mais s'aggravent.
Pour véritablement aller jusqu'au bout de la situation afghane, il était essentiel que nous essayions d'en voir tous les prolongements. Je l'ai dit, 80 % de la consommation d'héroïne en Europe provient de cette région, il fallait donc comprendre par quel chemin et comment donc nous pouvions agir ensemble.
Au cur de cette conférence, il y a donc cette idée de la concertation, de la coordination à partir d'un fléau, qu'il s'agisse de pays producteurs, de pays transitaires, qu'il s'agisse de pays destinataires et consommateurs, c'est le même combat. Nous avons donc constaté ce phénomène très inquiétant qui est que chacun des pays vit le même drame au bout du compte, avec le risque de voir l'engrenage de la consommation après le passage et la production de drogue et l'on voit bien le problème particulier qui se pose aujourd'hui en Afghanistan.
Cela permet donc de chasser, de balayer un certain nombre d'idées reçues, d'aller plus loin et de vérifier ce qui est au cur de ce type de problème. C'est dire à quel point nous avons tous intérêt à travailler ensemble et qu'il faut donc trouver les moyens. L'idée d'associer l'ensemble des organisations internationales concernées, tous ceux qui sont mobilisés sur ce front en liaison avec les Etats nous permet par ailleurs d'avoir l'expérience concrète de ceux qui sont sur le terrain pour tenter de faire face à ce fléau. Ce fut donc particulièrement précieux et je crois que chacun des participants a pu saluer la capacité, l'occasion qui nous a été donnée de démonter, une fois de plus, ces routes de la drogue.
Q - Concernant l'Irak, la France est-elle inquiète de l'état du pays par rapport au manque d'eau potable, d'électricité, la vie difficile que subissent les Irakiens en ce moment ?
R - Nous l'avons dit hier, dans une conférence de presse commune avec Igor Ivanov et M. Fischer, il y a bien sûr une inquiétude devant la situation qui se développe en Irak, la confusion, l'incertitude, les difficultés, qu'il s'agisse du plan humanitaire, qu'il s'agisse de la difficulté à mettre en place un processus politique qu'il s'agisse de la reconstruction économique ou sociale au sens plus large.
Face à cette situation, il est impératif que la communauté internationale fasse à la fois preuve d'unité, puisque l'unité est la clef de l'efficacité, nous le savons tous, et de responsabilité.
Au terme d'un travail long et difficile, nous avons d'ailleurs tous constaté le chemin parcouru entre le premier projet et le projet voté finalement. Il y a de grandes différences entre les deux projets et il nous a paru essentiel de faire preuve, à cette occasion, de responsabilité.
L'objectif est bien d'essayer de répondre aux difficultés, aux inquiétudes de la population irakienne. Nous avons le devoir d'assurer la stabilité, la sécurité de l'Irak. C'est important pour l'Irak, c'est important pour la région et c'est important pour la région du monde puisque nous le voyons tous, parmi les grands défis, il y a celui du terrorisme, et le regain de terrorisme que nous constatons depuis plusieurs semaines, le regain d'inquiétude sur les questions de prolifération, les difficultés liées aux crises régionales et en particulier ce qui nous conduit à vouloir relancer très fortement, à nous mobiliser sur le processus de paix.
Tout cela justifie donc que chacun d'entre nous fasse sa part du chemin. C'est ce que la France a fait. Nous sommes heureux de constater que les Nations unies sont de retour. C'est pour nous, la grande leçon de cette résolution et nous sommes donc désireux, chacun pour notre part, d'apporter notre soutien.
Q - Peut-on s'attendre de votre part à une nouvelle initiative concernant la situation entre Israël et l'Autorité palestinienne puisque c'est encore l'une des causes principales des frustrations dans la région et de la colère ? Pensez-vous que M. Sharon puisse être amené à agir différemment ?
R - C'est une question difficile. Ce que je constate, c'est que nous sommes tous mobilisés pour essayer d'avancer dans cette direction. Cela a été l'un des principaux sujets du Conseil Affaires générales qui s'est tenu à Bruxelles en début de semaine. Ce sera l'un des principaux sujets qui va nous réunir à l'occasion du G8 ministériel qui débute ce soir à Paris et c'est au cur de chacune de nos préoccupations. Je serai moi-même en Israël dimanche, dans les Territoires occupés lundi. C'est donc bien ce but-là : il faut relancer les négociations de paix, trouver le moyen d'appliquer la feuille de route. Cette feuille de route a été publiée, nous devons tout faire pour qu'elle devienne une réalité. Mais nous sommes en même temps lucides et conscients des difficultés, à un moment où il y a ce regain de terrorisme. Nous devons nous convaincre et convaincre qu'une politique de sécurité seule n'est pas à la mesure de la situation et que si l'on veut plus de sécurité, il ne faut pas seulement mettre en place des politiques sécuritaires, il faut une stratégie politique, il faut une perspective de paix.
Nous sommes très conscients de la douleur, de l'émotion, de la peur, de l'inquiétude qui règnent aujourd'hui en Israël, face à ce drame qui est celui du terrorisme. Nous sommes conscients aussi de l'inquiétude, du désarroi qui est celui des Palestiniens devant ce drame que représente l'injustice de l'absence de création d'un Etat palestinien. Il faut dépasser cela pour pouvoir mettre en uvre une stratégie de développement car nous sommes convaincus qu'il y a la nécessité de libérer des initiatives, des énergies qui pourront dépasser le cadre des Etats pour mobiliser chacun des peuples. C'est le sens, vous le savez, de l'effort que fait l'Union européenne dans le cadre euro-méditerranéen : 13 milliards d'euros pour la période 2000-2006. C'est le sens de l'annonce faite par le président Bush récemment sur un plan destiné à créer une zone de libre échange avec la région.
Nous avons là des objectifs communs, alors coordonnons-nous, agissons ensemble et n'oublions pas de nous mobiliser sur la nécessité d'un véritable dialogue entre les hommes, entre les cultures, qui est si important si l'on veut éviter ce fossé, ce risque de guerre entre les religions, entre les cultures. Il y a donc la nécessité d'une approche, d'une stratégie globales. Là encore, nous sommes convaincus que dans les cadres qui sont les nôtres, l'Union européenne, les Nations unies, le Quartet, la Ligue arabe, il y a la nécessité de se mobiliser.
Ma conviction est qu'il ne convient certainement pas aujourd'hui de baisser notre effort mais bien au contraire, de l'intensifier. Si cette feuille de route devenait vaine, devenait lettre morte, nous nous retrouverions face à un très grand vide et chacun sait bien les conséquences que cela signifierait pour cette région.
Q - Allez-vous rencontrer M. Arafat ? On dit aussi que la Maison Blanche aurait accepté 12 des 15 points proposés par M. Sharon concernant des modifications de la feuille de route. Quel commentaire pouvez-vous faire ?
R - Je n'ai pas les dernières informations dont vous disposez. Ce que je peux vous dire, concernant la France et l'Union européenne, c'est que la feuille de route doit être appliquée telle qu'elle est. Elle doit être appliquée par les parties et ne rentrons pas une fois de plus dans une nouvelle négociation, dans une logique de préalable.
Vous évoquez la situation de Yasser Arafat. Je le rencontrerai dans les Territoires, c'est important car il est le chef élu du peuple palestinien. Nous sommes respectueux de la démocratie, désireux de parler avec l'ensemble des responsables, et de la même façon, je rencontrerai le Premier ministre palestinien M. Abou Mazen. Notre conviction est que c'est en parlant avec tout le monde, en faisant avancer la juste cause de la paix que nous aurons le plus de chances de pouvoir ensemble, avancer dans cette direction.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 mai 2003)