Déclaration de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur l'économie de la presse, notamment sa diffusion et la distribution et les droits d'auteur, Paris le 20 juin 2003.

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Circonstance : Assemblée générale de la Fédération nationale de la presse spécialisée à Paris le 20 juin 2003

Texte intégral

Monsieur le président,
Chers amis,
Je suis heureux de vous rencontrer à l'issue de l'assemblée générale de votre Fédération. Je suis heureux de vous rencontrer, car la presse spécialisée est dans notre pays un secteur essentiel à la circulation et à la communication des idées, des analyses, des informations. Elle donne à ses lecteurs un recul précieux, elle leur permet de s'informer plus sereinement, plus précisément, plus conformément à leur activité professionnelle, plus près de leur passion. Elle contribue à faire vivre - vous l'avez rappelé, Monsieur le Président - le débat public.
Je connais et j'ai bien entendu vos préoccupations. Elles touchent aux rapports entre la presse d'information spécialisée et la Poste tout d'abord. A la situation difficile des diffuseurs de presse. Au délicat problème des droits d'auteurs enfin. Je puis vous dire qu'elles font l'objet de toute mon attention, et que j'agirai avec détermination pour faire entendre et comprendre nos positions communes et les traduire dans des mesures concrètes.
S'agissant des rapports entre la Presse et la Poste, je sais que vous craignez qu'un nouveau " choc postal " mette en danger l'économie de la presse spécialisée. Je sais au prix de quels efforts vous avez dû faire face aux conséquences de l'accord Galmot.
Le cadre des relations entre la presse et la poste constitue, pour toutes les parties concernées, un enjeu essentiel. Une mise en perspective des évolutions récentes me paraît utile.
A l'échéance du cycle d'application des accords Galmot, le besoin de reprendre le dossier des rapports presse poste n'a pas été satisfait par le Gouvernement précédent. C'est à l'automne 2002 que la poste a exposé sa vision du problème, en abordant notamment le volet relatif à ses charges d'exploitation. Cette approche a suscité la réaction de la presse, pointant quant à elle les problèmes de qualité et de productivité du service postal.
Les divergences portant sur le constat ont fait apparaître la nécessité d'une approche dépassionnée, objective et neutre. Les ministres concernés ont confié à Henri Paul le soin de la mettre en uvre. Henri Paul a permis au dialogue de se renouer et, très concrètement, d'identifier les pistes d'amélioration de la distribution postale de la presse.
La question tarifaire n'entrait pas dans la mission et n'est d'ailleurs pas sur la table. Pourtant, vous avez souligné, Monsieur le Président, que votre fédération, avec tous ses éditeurs, est préoccupée par les conséquences de cette question, sur les équilibres de vos entreprises d'une part et les équilibres entre familles de presse d'autre part.
Ces spéculations me paraissent prématurées.
C'est l'achèvement de la mission Paul qui constitue l'actualité, avec les conclusions des groupes de travail sur la modernisation de la réglementation, sur le tableau de bord économique et financier du transport postal de la presse et les évaluations des expérimentations. Ces conclusions lui permettront de proposer des évolutions qui feront en tout état de cause l'objet des consultations et des discussions nécessaires.
A ce stade, la position exprimée par le Premier Ministre, comme les échanges que j'ai eu moi-même à cet égard avec Francis Mer, ne laissent aucun doute sur la volonté du Gouvernement de n'engager, en temps utile, que des évolutions qui seront soutenables pour la presse dans son ensemble et pour ses composantes. Je veillerai pour ce qui me concerne à expliquer et faire valoir les contraintes de la presse spécialisée, comme des autres familles, dans ce dossier postal.
Vous avez évoqué la situation difficile du réseau des diffuseurs de presse. Je partage votre point de vue sur la nécessité de revaloriser leur rémunération et relève que l'initiative en revient à la profession.
Pour ce qui concerne les pouvoirs publics, la question de la taxe professionnelle des diffuseurs fait l'objet d'une concertation entre l'UNDP et les services d'Alain Lambert et les miens. Les options possibles nécessiteront quoi qu'il en soit d'être proposées dans le respect de l'autonomie financière des collectivités locales. Ce dossier pose donc des difficultés techniques, relatives à la cohérence fiscale et à l'équilibre institutionnel. Les progrès constatés permettent néanmoins d'espérer la reconnaissance de la spécificité des diffuseurs au regard de la taxe professionnelle.
Votre préoccupation à l'égard de la transposition de la directive sur le droit d'auteur et plus particulièrement sur la revendication d'une exception en faveur de l'enseignement et de la recherche a été entendue. Le projet de loi de transposition a écarté l'exception revendiquée. Une concertation s'est engagée au mois d'avril dans le cadre de groupes de travail. Elle se poursuivra avec l'ouverture d'une négociation en vue de parvenir dans les prochains mois à la conclusion d'accords cadres entre le ministère de l'éducation nationale et les ayant droit, pour les utilisations pédagogiques de la presse. Je serais naturellement à vos côtés, avec mes collaborateurs, dans cette négociation que je sais essentielle pour l'avenir de la presse spécialisée.
Ce dialogue me paraît fondamental, dans la mesure où les conséquences dramatiques d'une exception pédagogique non compensée pourront ainsi être mises en évidence. Or personne ne souhaite l'affaiblissement de la presse spécialisée. Sceller la disparition de nombreuses publications en raison d'une incompréhension des contraintes économiques du secteur porterait atteinte à l'excellence et au rayonnement de l'intelligence française. J'ai donc confiance dans la possibilité de trouver une solution négociée équilibrée pour la compensation.
Vous avez également évoqué l'adaptation de la notion de droit d'auteur des salariés. Après le rapport de M. Raphaël Hadas-Lebel, nous sommes désormais entrés dans une phase d'analyse des accords mis en place dans les entreprises et d'évaluation des résultats. Elle est conduite par la direction du développement des médias. Les éventuelles modifications à apporter au droit positif pourront être identifiées à l'issue de ces travaux.
De même, la question de la qualification des rémunérations des collaborateurs extérieurs à vos rédactions en droits d'auteur ou en salaires, fait l'objet de contacts entre les services du ministère des affaires sociales et les miens. Je serais attentif à leur conclusion, qui ne peut de mon point de vue que constater la qualité d'auteur de vos collaborateurs occasionnels.
Je voudrais conclure, au-delà de cet échange sur les dossiers d'actualité qui vous tiennent, qui nous tiennent, très justement à cur, sur le renforcement du rôle et de la place de la presse dans notre pays.
La France a besoin d'une presse forte. La presse spécialisée est un vecteur essentiel de la diffusion du savoir, des compétences techniques, professionnelles et scientifiques, de l'excellence dans les domaines les plus variés. Elle est le reflet de la vitalité intellectuelle d'une nation. Elle contribue aussi, avec les autres formes de presse bien sûr, au débat démocratique, à la diffusion des idées, au développement culturel.
Or la presse traverse une période difficile ou voit certains équilibres menacés ou susceptibles d'être remis en cause. Le Premier Ministre l'a souligné dans son intervention devant les éditeurs réunis le 16 mai dernier pour le déjeuner des papiers de presse. Il avait à cette occasion appelé à une réflexion stratégique sur les conditions qui permettraient de donner un nouvel élan à la presse française.
J'ai initié dans ce cadre un premier cycle de consultations informelles avec les fédérations et syndicats de presse, qui se déroule à mon cabinet, avec le directeur du développement des médias, Alain Seban. Naturellement, la FNPS participe à cet exercice, qui constitue une opportunité de chercher, dans la concertation, les réponses aux défis de votre secteur et comment les pouvoirs publics peuvent y contribuer au mieux. Je souhaite pouvoir en retirer des conclusions opérationnelles à proposer dans des délais rapides.
Mais au-delà du soutien de l'Etat, qui peut toujours faire mieux sinon davantage, la presse, et votre famille tout particulièrement, dispose en elle-même, j'en suis convaincu, des ressources pour surmonter les difficultés actuelles, grâce à ses qualités et parce qu'elle est indispensable. Cette confiance, les entrepreneurs que vous êtes doivent l'entretenir, et ne manquera pas de se rétablir avec l'amélioration des perspectives économiques qui se dessine. Puisse notre prochaine rencontre se dérouler avec un dossier postal réglé et un moral retrouvé. Quoi qu'il en soit, ce sera pour moi avec un plaisir renouvelé.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 25 juin 2003)