Texte intégral
Q - Vous vous rendez en Egypte, vous serez reçu par le président Moubarak et par M. Moussa, quel est le contexte de cette visite ?
R - Le contexte, c'est cette relation franco-égyptienne qui est remarquable et un peu exceptionnelle. Nous avons un très grand accord sur tous les sujets, je ne parle même pas de la relation bilatérale qui est excellente. Nous avons un accord très profond sur l'ensemble de la question du Proche-Orient et nous avons pris l'habitude depuis longtemps et en tout cas, entre M. Amr Moussa et moi-même, de nous consulter régulièrement pour faire le point de la situation. Nous l'avons fait très intensément lorsque le processus de paix était complètement bloqué à l'époque de M. Netanyahou et nous avions envisagé, à plusieurs reprises, une vraie relance franco-égyptienne parce qu'il était impossible de se résigner à ce blocage, dangereux pour tout le monde. Finalement, nous n'avons pas eu à avancer plus dans cette direction parce qu'il y a eu le changement et l'arrivée au pouvoir de M. Barak. Nous avions continué à rester en relations très étroites soit à Paris, soit au Caire et dans le contexte où nous sommes maintenant, c'est-à-dire le contexte où M. Barak et les Palestiniens se mettent progressivement d'accord pour appliquer tous les engagements pris antérieurement, même si les discussions sont difficiles, à chaque fois l'accord survient malgré tout.
Puis ils ont ouvert les négociations sur le fond qui sont terriblement compliquées mais elles sont ouvertes. Ensuite, il y a ce déblocage de la négociation israélo-syrienne qui sera suivie ensuite d'une négociation israélo-libanaise. Tout cela crée un contexte nouveau. Je me suis concentré avant Noël sur les volets israélo-palestiniens, israélo-syrien, israélo-libanais et je me suis rendu dans tous ces pays. Je crois que la France a joué un rôle utile pour permettre précisément le déblocage notamment entre les Israéliens et les Syriens. Maintenant, nous avons éprouvé le besoin, Amr Moussa et moi-même de faire le point, pas tant du détail des négociations aujourd'hui, nous ne sommes pas négociateurs directs, nous ne sommes pas un élément direct du problème donc la négociation n'a pas lieu entre nous. En revanche, le résultat nous intéresse. Nous allons donc faire un travail, lundi, qui n'est pas uniquement un travail de routine diplomatique mais qui est un travail de prospective en commun. Nous allons réfléchir sur ce que pourrait être un Proche-Orient en paix. Nous n'allons pas simplement parler du détail des négociations sur les différents volets, nous allons essayer d'imaginer ce que peut être un Proche-Orient où l'accord se serait fait finalement.
Cela change tout car c'est un conflit, - comme le dit M. Barak - qui est vieux de cent ans. Il ne suffit pas qu'un accord de paix soit conclu par ceux qui se sont combattus, il faut le faire vivre, il faut le construire. Il y a donc tout un contexte à imaginer en matière de développement politique, de développement économique, d'échanges humains, culturels sur ce Proche-Orient de demain.
Il ne faut pas imaginer uniquement la solution où tout est conclu, mais un certain nombre d'hypothèses intermédiaires où certains problèmes seraient résolus mais pas d'autres, nous allons en tout cas nous projeter dans l'avenir et voir, dans ce contexte, ce que la France et l'Egypte peuvent faire de plus utile ensemble.
Q - Vous vous projetez dans l'avenir, c'est-à-dire que vous estimez qu'actuellement, il y a un vent d'optimisme qui souffle sur le Moyen-Orient, notamment avec le déblocage syrien. Pensez-vous que la paix est vraiment à portée de main aujourd'hui ?
R - Non, je ne dirais pas à portée de main, mais je redirai en janvier ce que je dis depuis le mois d'août. Depuis le mois d'août, j'ai commencé à dire, à la Conférence des ambassadeurs et dans des interviews, que l'on pouvait commencer à imaginer un Proche-Orient en paix. Il y a six mois que je dis cela et ce n'est pas parce qu'il y a un vent d'optimisme depuis 15 jours, je le dis depuis plusieurs mois. Je ne sous-estime pas les problèmes, je les distingue d'ailleurs. Je crois que dans le cas israélo-syrien, le plus difficile était de trouver une formule pour recommencer et c'est là où je crois que l'action de la France était utile, entre autres, mais elle a été utile.
Les problèmes à régler restent compliqués, c'est vrai, ce sont des problèmes sérieux mais je crois qu'ils sont solubles.
Q - Les problèmes de sécurité notamment ?
R - De sécurité, de délimitation de la frontière exacte, de l'eau ; c'est peut-être la limite exacte qui est la plus difficile à trancher. Mais enfin, je crois malgré tout une solution possible.
De l'autre côté, c'est plus compliqué. Nous n'avons pas eu de mal à recommencer à discuter puisque les Palestiniens étaient tout à fait prêts à cela, mais les problèmes sont objectivement très difficiles. Tout le monde cherche une solution, tout le monde veut la paix. Mais, les solutions des uns et des autres sont encore assez éloignées ; donc, il y a là un contexte dans lequel je ne sous-estime pas les difficultés et c'est pour cela que je pense qu'il n'est pas trop tôt pour les responsables politiques et diplomatiques, pour commencer à réfléchir à ce que serait le Proche-Orient en paix, mais on ne peut pas non plus tomber dans une sorte d'optimisme béat, en croyant que tout est réglé. Il y a devant nous, encore toutes sortes de péripéties avant d'atteindre l'objectif. Mais notre devoir, c'est d'essayer d'anticiper sur tout cela.
Q - Ce règlement aura besoin d'arrangements sur le terrain, des arrangements de sécurité notamment mais aussi d'autres arrangements. La France est-elle prête à participer à ces arrangements et comment ?
R - Il y a plusieurs volets distincts. En ce qui concerne la Syrie et le Liban, la France a déjà fait savoir qu'elle serait disposée à examiner, dans un esprit positif, toutes demandes qui lui seraient faites de participer à des arrangements de sécurité et à fournir elle-même des garanties. Je pense d'ailleurs que c'est une demande qui sera adressée à d'autres pays aussi. Ce qui est important pour nous, c'est que cette demande n'émane pas simplement d'un des protagonistes mais qu'elle s'inscrive dans un cadre général et lorsque nous serons réellement saisis, nous examinerons. Je confirme notre disponibilité.
Q - Seriez-vous disposés à envoyer des forces ?
R - C'est trop tôt pour dire cela. Non pas que je veuille cacher des choses, mais c'est trop tôt tout simplement parce que la négociation elle-même n'est pas assez avancée pour que les uns et les autres puissent dire avec précision ce qu'ils attendent de nous. Mais la négociation va avancer et un moment viendra où ils pourront le demander. Nous examinerons ces demandes dans un esprit positif parce que, participer à la solution des problèmes israélo-arabes et contribuer à la stabilité du Proche-Orient après, c'est un objectif de la diplomatie française depuis très longtemps et donc le moment va sans doute venir et nous serons bien entendu prêts pour ce rendez-vous. Sous quelle forme exacte, je ne peux pas le dire, c'est trop tôt.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2000)
Q - Le Moyen-Orient, Monsieur le Ministre, vit depuis un demi-siècle sous le signe de la guerre, de la confrontation avec Israël. Aujourd'hui, un nouveau Moyen-Orient se prépare. Comment voyez-vous l'Egypte dans ce contexte d'un nouveau Moyen-Orient en paix ?
R - Je pense que l'Egypte aura d'autant plus de rayonnement et se retrouvera d'autant plus naturellement dans son rôle de très grand pays de la région, de pays carrefour, de pays phare sur le plan humain et culturel que le Proche-Orient sera en paix précisément. Je pense que l'Egypte sera naturellement portée par cette évolution.
Q - Depuis 20 ans, excusez-moi de cette digression, malheureusement, la diplomatie française a écarté l'Egypte, a mis l'Egypte à un degré de priorité bas. Vous êtes le Premier ministre des Affaires étrangères, qui a remis l'Egypte, à mon avis, à la place qui lui convient.
R - Oui, mais on ne peut pas dire cela des présidents parce que les relations entre le président Moubarak et le président Mitterrand ont été extraordinairement bonnes, amicales et étroites, et entre le président Moubarak et le président Chirac également. Je complète quand même, je ne contredis pas ce que vous avez dit, mais je complète.
Q - Si on élargit un peu la vue de la France, comment voyez-vous le Moyen-Orient en paix ? Pensez-vous qu'il y aura plus de possibilités de coopération notamment dans le domaine euro-méditerranéen ?
R - Je voudrais réserver mes réflexions justement à la séance de travail que je vais avoir avec M. Moussa lundi. Nous avons quand même un peu de temps pour y réfléchir et ce qui est important, c'est que nous puissions commencer à dire aujourd'hui que le sujet se pose, ce n'est plus de la politique fiction. C'est encore un peu de l'anticipation mais ce n'est plus de la politique fiction. Je me bornerai donc à deux ou trois commentaires très simples : le Proche-Orient en paix, le sera si la paix est complète et si nous n'avons pas laissé derrière des problèmes mal réglés qui peuvent resurgir. Il y a des questions compliquées, qui sont d'ailleurs transversales aux différents volets, auxquelles il faut réfléchir sérieusement comme la question des réfugiés. Ensuite, le Proche-Orient en paix conduit tout naturellement à imaginer des coopérations économiques à grande échelle, y compris sur le problème de la gestion des ressources en eau. C'est dans ce cadre que la question de l'eau peut trouver sa solution. Qui dit Proche-Orient en paix et espace économique proche-oriental commun, pose automatiquement la question des relations avec l'Europe et mon pronostic est que l'Europe, à la fois en tant qu'entité économique et en tant qu'entité politique, va voir son rôle se développer au Proche-Orient dès que l'on sera sorti de la solution des problèmes actuels.
Q - Pour quelle raison ?
R - Parce que c'est le partenaire normal, si vous regardez les chiffres du Proche-Orient, si vous additionnez l'ensemble des flux économiques commerciaux et financiers entre l'ensemble des pays du Proche-Orient et l'ensemble des pays d'Europe, auxquels il faut ajouter l'action de l'Union européenne en tant que telle et des programmes de coopération et d'association de l'Union européenne, plus le mécanisme euro-méditerranéen qui est très ambitieux, très intéressant. Il a eu beaucoup de mal à démarrer parce qu'il a fallu beaucoup de temps pour bâtir des projets qui soient sérieux et finançables et d'autre part parce que le blocage du processus de paix s'est mis en travers. Si vous additionnez ces éléments, le grand partenaire de demain sur tous les plans pour le Proche-Orient en paix, c'est l'Europe. Cela coule de source et cela fait partie de la réflexion que je voudrais avoir avec M. Moussa.
Q - Du temps du conflit, nous avions besoin du partenaire américain ?
R - Nous en avions absolument besoin. Cela fait plusieurs dizaines d'années que les Etats-Unis, en termes de gestion du conflit, sont au centre de la situation, à cause des problèmes de la sécurité d'Israël, à cause des négociations menées antérieurement dont les Etats-Unis ont été les arbitres et les notaires en quelque sorte. Ce sont eux qui ont les éléments pour faire repartir les choses, c'est un fait, ce n'est pas nouveau. Il faut aussi se rappeler de l'engagement de Jimmy Carter. Mais, il me semble que dans le Proche-Orient en paix, il y aura un rééquilibrage naturel, que les Etats-Unis resteront évidemment un partenaire très important et pour le Proche-Orient et pour l'Europe d'ailleurs sur un autre plan. Je ne dis pas cela de façon antagoniste ou contradictoire mais l'Europe en tant que telle trouvera un rôle qu'elle n'aura pas eu au même niveau dans la période des négociations proprement dites.
Q - Sur la coopération euro-méditerranéenne dont vous n'avez pas parlé ?
R - C'est une très grande idée, pour nous, Français, c'est un élément qui complète la politique extérieure de l'Union qui ne peut pas concerner, à notre sens, que les voisins de l'est et du sud-est, car il y a aussi toute la dimension Méditerranée. Simplement, le démarrage de ce processus a été difficile parce qu'il a fallu mettre en place le programme Méda, et pour utiliser ce programme, il fallait bâtir des projets, de vrais projets. Mais, il fallait aussi que tous les pays concernés s'organisent, se mettent en place, bâtissent des projets et au moment où les choses auraient vraiment pu démarrer, nous sommes retombés tout de suite dans une phase de blocage du processus de paix. Maintenant, cela va mieux, il y a ce programme Méda, les pays sont prêts à présenter des projets et nous avons un bon contexte pour la relance du processus de Barcelone dans toutes ses composantes. Ce qui fait que nous pouvons espérer que, sous notre présidence, nous pourrons transformer la réunion ministérielle qui est déjà programmée en un vrai sommet qui marquerait un moment spectaculaire dans ce processus./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2000)
R - Le contexte, c'est cette relation franco-égyptienne qui est remarquable et un peu exceptionnelle. Nous avons un très grand accord sur tous les sujets, je ne parle même pas de la relation bilatérale qui est excellente. Nous avons un accord très profond sur l'ensemble de la question du Proche-Orient et nous avons pris l'habitude depuis longtemps et en tout cas, entre M. Amr Moussa et moi-même, de nous consulter régulièrement pour faire le point de la situation. Nous l'avons fait très intensément lorsque le processus de paix était complètement bloqué à l'époque de M. Netanyahou et nous avions envisagé, à plusieurs reprises, une vraie relance franco-égyptienne parce qu'il était impossible de se résigner à ce blocage, dangereux pour tout le monde. Finalement, nous n'avons pas eu à avancer plus dans cette direction parce qu'il y a eu le changement et l'arrivée au pouvoir de M. Barak. Nous avions continué à rester en relations très étroites soit à Paris, soit au Caire et dans le contexte où nous sommes maintenant, c'est-à-dire le contexte où M. Barak et les Palestiniens se mettent progressivement d'accord pour appliquer tous les engagements pris antérieurement, même si les discussions sont difficiles, à chaque fois l'accord survient malgré tout.
Puis ils ont ouvert les négociations sur le fond qui sont terriblement compliquées mais elles sont ouvertes. Ensuite, il y a ce déblocage de la négociation israélo-syrienne qui sera suivie ensuite d'une négociation israélo-libanaise. Tout cela crée un contexte nouveau. Je me suis concentré avant Noël sur les volets israélo-palestiniens, israélo-syrien, israélo-libanais et je me suis rendu dans tous ces pays. Je crois que la France a joué un rôle utile pour permettre précisément le déblocage notamment entre les Israéliens et les Syriens. Maintenant, nous avons éprouvé le besoin, Amr Moussa et moi-même de faire le point, pas tant du détail des négociations aujourd'hui, nous ne sommes pas négociateurs directs, nous ne sommes pas un élément direct du problème donc la négociation n'a pas lieu entre nous. En revanche, le résultat nous intéresse. Nous allons donc faire un travail, lundi, qui n'est pas uniquement un travail de routine diplomatique mais qui est un travail de prospective en commun. Nous allons réfléchir sur ce que pourrait être un Proche-Orient en paix. Nous n'allons pas simplement parler du détail des négociations sur les différents volets, nous allons essayer d'imaginer ce que peut être un Proche-Orient où l'accord se serait fait finalement.
Cela change tout car c'est un conflit, - comme le dit M. Barak - qui est vieux de cent ans. Il ne suffit pas qu'un accord de paix soit conclu par ceux qui se sont combattus, il faut le faire vivre, il faut le construire. Il y a donc tout un contexte à imaginer en matière de développement politique, de développement économique, d'échanges humains, culturels sur ce Proche-Orient de demain.
Il ne faut pas imaginer uniquement la solution où tout est conclu, mais un certain nombre d'hypothèses intermédiaires où certains problèmes seraient résolus mais pas d'autres, nous allons en tout cas nous projeter dans l'avenir et voir, dans ce contexte, ce que la France et l'Egypte peuvent faire de plus utile ensemble.
Q - Vous vous projetez dans l'avenir, c'est-à-dire que vous estimez qu'actuellement, il y a un vent d'optimisme qui souffle sur le Moyen-Orient, notamment avec le déblocage syrien. Pensez-vous que la paix est vraiment à portée de main aujourd'hui ?
R - Non, je ne dirais pas à portée de main, mais je redirai en janvier ce que je dis depuis le mois d'août. Depuis le mois d'août, j'ai commencé à dire, à la Conférence des ambassadeurs et dans des interviews, que l'on pouvait commencer à imaginer un Proche-Orient en paix. Il y a six mois que je dis cela et ce n'est pas parce qu'il y a un vent d'optimisme depuis 15 jours, je le dis depuis plusieurs mois. Je ne sous-estime pas les problèmes, je les distingue d'ailleurs. Je crois que dans le cas israélo-syrien, le plus difficile était de trouver une formule pour recommencer et c'est là où je crois que l'action de la France était utile, entre autres, mais elle a été utile.
Les problèmes à régler restent compliqués, c'est vrai, ce sont des problèmes sérieux mais je crois qu'ils sont solubles.
Q - Les problèmes de sécurité notamment ?
R - De sécurité, de délimitation de la frontière exacte, de l'eau ; c'est peut-être la limite exacte qui est la plus difficile à trancher. Mais enfin, je crois malgré tout une solution possible.
De l'autre côté, c'est plus compliqué. Nous n'avons pas eu de mal à recommencer à discuter puisque les Palestiniens étaient tout à fait prêts à cela, mais les problèmes sont objectivement très difficiles. Tout le monde cherche une solution, tout le monde veut la paix. Mais, les solutions des uns et des autres sont encore assez éloignées ; donc, il y a là un contexte dans lequel je ne sous-estime pas les difficultés et c'est pour cela que je pense qu'il n'est pas trop tôt pour les responsables politiques et diplomatiques, pour commencer à réfléchir à ce que serait le Proche-Orient en paix, mais on ne peut pas non plus tomber dans une sorte d'optimisme béat, en croyant que tout est réglé. Il y a devant nous, encore toutes sortes de péripéties avant d'atteindre l'objectif. Mais notre devoir, c'est d'essayer d'anticiper sur tout cela.
Q - Ce règlement aura besoin d'arrangements sur le terrain, des arrangements de sécurité notamment mais aussi d'autres arrangements. La France est-elle prête à participer à ces arrangements et comment ?
R - Il y a plusieurs volets distincts. En ce qui concerne la Syrie et le Liban, la France a déjà fait savoir qu'elle serait disposée à examiner, dans un esprit positif, toutes demandes qui lui seraient faites de participer à des arrangements de sécurité et à fournir elle-même des garanties. Je pense d'ailleurs que c'est une demande qui sera adressée à d'autres pays aussi. Ce qui est important pour nous, c'est que cette demande n'émane pas simplement d'un des protagonistes mais qu'elle s'inscrive dans un cadre général et lorsque nous serons réellement saisis, nous examinerons. Je confirme notre disponibilité.
Q - Seriez-vous disposés à envoyer des forces ?
R - C'est trop tôt pour dire cela. Non pas que je veuille cacher des choses, mais c'est trop tôt tout simplement parce que la négociation elle-même n'est pas assez avancée pour que les uns et les autres puissent dire avec précision ce qu'ils attendent de nous. Mais la négociation va avancer et un moment viendra où ils pourront le demander. Nous examinerons ces demandes dans un esprit positif parce que, participer à la solution des problèmes israélo-arabes et contribuer à la stabilité du Proche-Orient après, c'est un objectif de la diplomatie française depuis très longtemps et donc le moment va sans doute venir et nous serons bien entendu prêts pour ce rendez-vous. Sous quelle forme exacte, je ne peux pas le dire, c'est trop tôt.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2000)
Q - Le Moyen-Orient, Monsieur le Ministre, vit depuis un demi-siècle sous le signe de la guerre, de la confrontation avec Israël. Aujourd'hui, un nouveau Moyen-Orient se prépare. Comment voyez-vous l'Egypte dans ce contexte d'un nouveau Moyen-Orient en paix ?
R - Je pense que l'Egypte aura d'autant plus de rayonnement et se retrouvera d'autant plus naturellement dans son rôle de très grand pays de la région, de pays carrefour, de pays phare sur le plan humain et culturel que le Proche-Orient sera en paix précisément. Je pense que l'Egypte sera naturellement portée par cette évolution.
Q - Depuis 20 ans, excusez-moi de cette digression, malheureusement, la diplomatie française a écarté l'Egypte, a mis l'Egypte à un degré de priorité bas. Vous êtes le Premier ministre des Affaires étrangères, qui a remis l'Egypte, à mon avis, à la place qui lui convient.
R - Oui, mais on ne peut pas dire cela des présidents parce que les relations entre le président Moubarak et le président Mitterrand ont été extraordinairement bonnes, amicales et étroites, et entre le président Moubarak et le président Chirac également. Je complète quand même, je ne contredis pas ce que vous avez dit, mais je complète.
Q - Si on élargit un peu la vue de la France, comment voyez-vous le Moyen-Orient en paix ? Pensez-vous qu'il y aura plus de possibilités de coopération notamment dans le domaine euro-méditerranéen ?
R - Je voudrais réserver mes réflexions justement à la séance de travail que je vais avoir avec M. Moussa lundi. Nous avons quand même un peu de temps pour y réfléchir et ce qui est important, c'est que nous puissions commencer à dire aujourd'hui que le sujet se pose, ce n'est plus de la politique fiction. C'est encore un peu de l'anticipation mais ce n'est plus de la politique fiction. Je me bornerai donc à deux ou trois commentaires très simples : le Proche-Orient en paix, le sera si la paix est complète et si nous n'avons pas laissé derrière des problèmes mal réglés qui peuvent resurgir. Il y a des questions compliquées, qui sont d'ailleurs transversales aux différents volets, auxquelles il faut réfléchir sérieusement comme la question des réfugiés. Ensuite, le Proche-Orient en paix conduit tout naturellement à imaginer des coopérations économiques à grande échelle, y compris sur le problème de la gestion des ressources en eau. C'est dans ce cadre que la question de l'eau peut trouver sa solution. Qui dit Proche-Orient en paix et espace économique proche-oriental commun, pose automatiquement la question des relations avec l'Europe et mon pronostic est que l'Europe, à la fois en tant qu'entité économique et en tant qu'entité politique, va voir son rôle se développer au Proche-Orient dès que l'on sera sorti de la solution des problèmes actuels.
Q - Pour quelle raison ?
R - Parce que c'est le partenaire normal, si vous regardez les chiffres du Proche-Orient, si vous additionnez l'ensemble des flux économiques commerciaux et financiers entre l'ensemble des pays du Proche-Orient et l'ensemble des pays d'Europe, auxquels il faut ajouter l'action de l'Union européenne en tant que telle et des programmes de coopération et d'association de l'Union européenne, plus le mécanisme euro-méditerranéen qui est très ambitieux, très intéressant. Il a eu beaucoup de mal à démarrer parce qu'il a fallu beaucoup de temps pour bâtir des projets qui soient sérieux et finançables et d'autre part parce que le blocage du processus de paix s'est mis en travers. Si vous additionnez ces éléments, le grand partenaire de demain sur tous les plans pour le Proche-Orient en paix, c'est l'Europe. Cela coule de source et cela fait partie de la réflexion que je voudrais avoir avec M. Moussa.
Q - Du temps du conflit, nous avions besoin du partenaire américain ?
R - Nous en avions absolument besoin. Cela fait plusieurs dizaines d'années que les Etats-Unis, en termes de gestion du conflit, sont au centre de la situation, à cause des problèmes de la sécurité d'Israël, à cause des négociations menées antérieurement dont les Etats-Unis ont été les arbitres et les notaires en quelque sorte. Ce sont eux qui ont les éléments pour faire repartir les choses, c'est un fait, ce n'est pas nouveau. Il faut aussi se rappeler de l'engagement de Jimmy Carter. Mais, il me semble que dans le Proche-Orient en paix, il y aura un rééquilibrage naturel, que les Etats-Unis resteront évidemment un partenaire très important et pour le Proche-Orient et pour l'Europe d'ailleurs sur un autre plan. Je ne dis pas cela de façon antagoniste ou contradictoire mais l'Europe en tant que telle trouvera un rôle qu'elle n'aura pas eu au même niveau dans la période des négociations proprement dites.
Q - Sur la coopération euro-méditerranéenne dont vous n'avez pas parlé ?
R - C'est une très grande idée, pour nous, Français, c'est un élément qui complète la politique extérieure de l'Union qui ne peut pas concerner, à notre sens, que les voisins de l'est et du sud-est, car il y a aussi toute la dimension Méditerranée. Simplement, le démarrage de ce processus a été difficile parce qu'il a fallu mettre en place le programme Méda, et pour utiliser ce programme, il fallait bâtir des projets, de vrais projets. Mais, il fallait aussi que tous les pays concernés s'organisent, se mettent en place, bâtissent des projets et au moment où les choses auraient vraiment pu démarrer, nous sommes retombés tout de suite dans une phase de blocage du processus de paix. Maintenant, cela va mieux, il y a ce programme Méda, les pays sont prêts à présenter des projets et nous avons un bon contexte pour la relance du processus de Barcelone dans toutes ses composantes. Ce qui fait que nous pouvons espérer que, sous notre présidence, nous pourrons transformer la réunion ministérielle qui est déjà programmée en un vrai sommet qui marquerait un moment spectaculaire dans ce processus./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2000)