Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération et de la francophonie, sur l'enseignement du français à l'étranger, Paris le 28 octobre 2003.

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Circonstance : Intervention de Dominique de Villepin devant le Conseil économique et social à Paris le 28 octobre 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,

En m'invitant aujourd'hui à prendre la parole devant vous, à l'occasion de la publication du rapport que vous avez confié à l'un de vos membres sur le réseau des établissements scolaires français à l'étranger, vous me faites un grand honneur. Vous ne m'avez pas invité à évoquer l'une des formes, parmi d'autres, de la présence française dans le monde, mais celle à laquelle nous attachons le plus de prix.
Nombreux, en effet, sont les dispositifs mis en place au fil des années, qui contribuent à servir nos intérêts, à offrir à la communauté nationale la possibilité de dialoguer avec les cultures étrangères, à asseoir ou à enraciner notre langue ou notre culture hors de nos frontières.
Mais autant vous faire part d'emblée d'une de mes convictions les plus profondes : c'est sur le réseau historique de nos écoles, collèges et lycées que repose au premier chef la présence culturelle française à l'étranger. Si la question qui nous réunit aujourd'hui éveille en moi un écho singulier, c'est parce qu'elle touche à l'essentiel.
C'est pourquoi je me réjouis de l'intérêt particulier que porte le Conseil économique et social à ce réseau, dont il se trouve que je suis à la fois, par les hasards de ma propre vie, un ancien élève et, au titre de mes fonctions actuelles, aujourd'hui, le garant. J'ai écouté avec attention le rapport que M. Bernard Cariot vient de vous présenter. Son expérience au sein du Conseil supérieur des français de l'étranger le prédisposait à ce travail approfondi. Je suis heureux de constater que son analyse et ses recommandations rejoignent très largement les nôtres, à l'issue de la réflexion collective que nous avons menée, depuis près d'un an maintenant, avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et l'ensemble de la communauté scolaire.
L'essentiel, ai-je dit. Pour l'évoquer, c'est au plus profond de nous qu'il faut descendre, dans cette région où la mémoire individuelle rejoint la mémoire collective. Parfums d'encre sur les doigts, traces de craie sur le tableau noir : "l'école française" (comme la désignent encore aujourd'hui tant d'étrangers qui en restent à tout jamais marqués) inspire le même lyrisme que les préaux évoqués par Alphonse Daudet. A cette part d'enfance, nous continuons à nous adosser.
Les leçons de l'histoire confirment le souvenir personnel : de la présence française dans le monde, comment ne pas voir que le réseau d'enseignement français à l'étranger est la pierre angulaire ou la clef de voûte ? Des siècles de rayonnement nous ont laissé un héritage disparate : le collège français de Berlin a été fondé il y a trois siècles ; le lycée de Galatasaray résulte d'une coopération entre le Second Empire et le gouvernement ottoman. Nos lycées du Maghreb remontent parfois à un passé colonial, et nos grands établissements d'Espagne ou d'Amérique latine relèvent d'une tradition inaugurée par Jules Ferry...
Chacun d'eux, à sa manière, illustre la diversité, l'universalité de la France. Et de chacun d'eux, quel que soit son statut, en un sens nous sommes comptables.
On cite souvent la phrase vraisemblablement apocryphe de Jean Monnet : "Si c'était à refaire, je commencerais l'Europe par la culture". Au lendemain de la chute du Mur, lorsque l'empire soviétique s'est disloqué, c'est sur la création de lycées français qu'ont porté les premières propositions de nos nouveaux partenaires hongrois, tchèques ou roumains pour renouer les fils d'un dialogue interrompu depuis un demi-siècle. Et lorsque plus récemment, après la tragique table rase de l'intégrisme taliban, il a fallu reconstruire, en Afghanistan, sur quoi la France a-t-elle décidé de faire d'abord porter son effort ? Sur la réouverture des lycées franco-afghans de Kaboul, Malalaï et Estiqlal ! Quand tout est à reprendre, c'est par l'école que l'on commence. C'est la preuve que le réseau scolaire, pour l'influence française, pour le "message français", est bien premier.
Présent dans quelque 130 pays, unique au monde par son étendue, ce réseau l'est aussi par le nombre des établissements concernés - 410, dont 272 liés à l'AEFE - et par ses effectifs, 230.000 élèves, dont une grande majorité d'étrangers, 6.300 personnels enseignants et administratifs. Mais les chiffres ne suffisent pas à en mesurer l'importance.
Parce qu'il offre, partout dans le monde, d'irremplaçables points d'appui à notre projection extérieure, parce qu'il est le plus efficace des outils d'influence lorsqu'il s'agit de former des élites locales, parce qu'il ouvre des espaces privilégiés de dialogue entre les cultures, notre réseau scolaire constitue sans doute l'un de nos meilleurs atouts dans la mondialisation des échanges, dans la mondialisation tout court, qui est compétition de contenus, de normes, d'approches, de regards sur le monde.
C'est pourquoi nous avons une responsabilité particulière à son égard. Je voudrais aujourd'hui m'engager solennellement devant vous, non seulement à le préserver mais aussi à le développer, et le cas échéant à le faire évoluer pour l'adapter à un monde qui change, lui aussi. Naturellement, ces évolutions nécessaires suscitent des inquiétudes, des interrogations. Des restructurations peuvent s'imposer, pour suivre le déplacement de nos compatriotes sur la carte du monde ou pour épouser des priorités politiques. J'ai déjà eu l'occasion de dire que les marges de manoeuvre ainsi dégagées devront être intégralement réinvesties dans le réseau scolaire. C'est le contrat de confiance que nous voulons passer avec tous les partenaires qui en accompagnent l'évolution, parents d'élèves, enseignants, associations gestionnaires, représentants des Français de l'étranger.
A l'égard de nos compatriotes, installés pour une période plus ou moins longue dans un pays d'accueil, vous l'avez souligné tout à l'heure, ce réseau assume en effet une mission de service public en permettant à leurs enfants de suivre une scolarité conforme aux programmes français. S'il est vrai que le dynamisme de la France, c'est aussi celui de ses entrepreneurs et de ses sociétés qui s'implantent partout dans le monde, alors les hommes et les femmes qui, pour porter ou accompagner ces projets, partent vivre à l'étranger, ont besoin de savoir que leurs enfants pourront suivre un cursus identique à celui qu'ils auraient suivi sur le territoire national. Ils attendent également cette garantie pour que, de retour en France, leurs enfants puissent poursuivre des études à égalité de chances avec leurs camarades.
Sans doute cette scolarité a-t-elle un coût pour les familles, puisque notre réseau scolaire - c'est ce qui le distingue du système éducatif en France - repose sur le double engagement financier de l'Etat et de ses usagers. Mais nous continuerons à veiller scrupuleusement, comme vous le suggérez, à ce qu'aucun enfant français n'en soit rejeté en raison des ressources de ses parents : c'est tout le sens de la politique de bourses que nous voulons développer.
Si certains enfants ne font parfois dans nos établissements qu'un séjour provisoire, d'autres sont installés durablement dans le pays d'accueil : aux uns et aux autres, nos écoles et lycées doivent fournir les clés de compréhension de leur environnement culturel et social. C'est pourquoi les pédagogies retenues ne pouvant se calquer sur les méthodes mises en oeuvre en France même, doivent être adaptées. Cet objectif s'impose aussi pour l'accueil d'élèves étrangers.
Car - et c'est bien de cette ouverture qu'il tire sa richesse et sa force - ce réseau est largement ouvert aux élèves étrangers, qui y sont en général majoritaires. Le désir de nombreuses familles étrangères, de toutes origines et de tous horizons, de voir leurs enfants scolarisés dans nos établissements s'explique certes par la qualité reconnue de notre enseignement. Mais je pense également que la capacité de notre réseau à instruire sans s'imposer est l'un des moteurs de son succès.
Innombrables sont les anciens élèves des lycées français à l'étranger qui se sont par la suite illustrés dans les domaines les plus divers, de l'architecture au cinéma, de la musique à la politique. Parmi les trajectoires de tous ces anciens élèves, anonymes ou prestigieux, qui incarnent aujourd'hui une forme de modernité conquise à travers une éducation "à la française", je pourrais évoquer avec vous, par exemple, le parcours de l'architecte Ricardo Bofill, celui d'Ingmar Bergman, de Boutros Boutros Ghali ou encore de la jeune dessinatrice Marjane Satrapi, qui raconte avec talent et humour ses très jeunes années dans l'Iran de la révolution, puis son passage au lycée français de Vienne quand les événements l'ont amenée à quitter son pays.
Et comment ne pas rendre hommage ici à la mémoire de Sergio Vieira de Mello, ancien élève du lycée franco-brésilien de Rio de Janeiro et du lycée Chateaubriand de Rome, grand humaniste et serviteur de la cause de la justice internationale, homme de paix, d'esprit et d'action, dont la disparition tragique à Bagdad en août dernier hante encore les esprits ?
Des générations, des cultures, des parcours individuels très différents, pourtant marqués les uns et les autres par cette même rencontre, précoce et sans doute déterminante, avec notre pays ! Tous ne sont pas célèbres, mais d'une intimité durable avec la France tous ont gardé l'empreinte. Cette influence-là, aussi impalpable sans doute qu'indéniable, a également un coût. Nous l'assumons, lucidement. Cet "effet France", cette marque de fabrique ou cette influence, comme on voudra, à jamais irréductible aux "ratios" économiques, et profondément humaine, je veux la préserver et l'épanouir, car elle offre le meilleur exemple de ce dialogue des cultures que nous entendons promouvoir.
Vecteurs d'un partage des langues et des cultures, nos établissements le sont aussi parce qu'ils proposent des programmes où la culture et la langue du pays d'accueil sont enseignées au bénéfice de tous, et qu'ils amènent les maîtres, les enseignants de langues et les autorités éducatives à imaginer des pédagogies ou des examens innovants susceptibles de prendre en compte la diversité culturelle des élèves dont ils ont la charge. Là où d'autres sont tentés d'imposer un modèle unique, nous voulons continuer à faire de nos établissements des lieux ouverts à l'autre, dans le strict respect de nos valeurs.
Les Etats qui accueillent nos écoles sont d'ailleurs très conscients de cette réalité. Un grand nombre d'entre eux participent à la vie de ce réseau, en mettant à disposition des locaux et des personnels, en subventionnant parfois les établissements ou certaines de leurs activités. Cette orientation capitale doit être approfondie, notamment en Europe. Dans la grande aventure européenne, nos établissements ont un rôle à jouer, qui leur est propre. Déjà, l'harmonisation des cursus universitaires préfigure ces rapprochements que la construction européenne induit sur les structures et les systèmes. Je voudrais que les lycées français en Europe deviennent des laboratoires pour l'intégration de nos systèmes éducatifs. Il faut qu'un enfant européen qui a choisi notre réseau pour ses études puisse, à différents moments de son parcours scolaire, rejoindre le système national. Cela passe par des adaptations de programmes concertées avec les autorités locales, des diplômes reconnus par tous. J'ai demandé que soit étudiée en toute priorité, en liaison avec l'inspection générale du ministère de l'Education nationale, la mise au point d'un nouveau baccalauréat qui aurait, à la différence de l'actuel, un caractère international très marqué, et qui pourrait être considéré comme un passeport pour tous les systèmes universitaires de l'Union.
En un mot, nos écoles de l'étranger sont, par nature, des lieux de formation pour ces futurs "passeurs de culture" dont notre époque en quête de sens a tant besoin, pour ces citoyens du monde qui pratiquent avec naturel le multilinguisme et écrivent notre avenir commun en nous apprenant à échapper aux enfermements nationalistes. En ce sens, le réseau scolaire français à l'étranger est la forme la plus aboutie de l'école de la République et il est légitime que nous en tirions quelque fierté.
Pour que le réseau d'enseignement français à l'étranger conserve le niveau d'exigence et d'excellence qui est le sien, pour qu'il reste un élément moteur de notre politique de coopération et qu'il garantisse notre influence à long terme à l'extérieur, il est indispensable que l'Etat joue pleinement son rôle de garant, et c'est la mission qu'il a donnée au ministère dont j'ai la charge en lui confiant la tutelle de l'AEFE, créée il y a treize ans, mais qu'il est indispensable aujourd'hui de redynamiser autour d'un projet, d'un contrat, pour en faire le nécessaire outil de notre présence, de notre influence à l'étranger.
Avec une conscience aiguë de la valeur de ce dispositif, le ministère des Affaires étrangères alloue environ 8 % de son budget propre au fonctionnement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Les quelque 340 millions d'euros, principalement consacrés à la rémunération des personnels expatriés, représentent tout à la fois une somme considérable en soi, et fort modique au regard des immenses bénéfices que l'on peut attendre à moyen terme d'une présence constante, proche et respectueuse de nos partenaires.
Vous savez l'attention que porte le ministère des Affaires étrangères à la capacité d'intervention financière de l'Agence, dans un contexte de réduction de la dépense publique que nous ne saurions éluder. Dans le système de cofinancement du réseau scolaire qui est le nôtre, les familles peuvent parfois redouter que l'Etat ne seconde pas leur effort. Je voudrais les rassurer pleinement : l'Etat continuera à assumer sa part, sans se dérober à aucune de ses responsabilités.
Mais les modalités d'intervention de l'Agence sont nombreuses, elles se transforment. Je sais les contraintes qui sont les siennes, je connais le travail mené pour accompagner le développement du réseau des établissements, au plus près des besoins. Les réflexions récemment engagées par l'Agence sur ses missions, ses modalités d'action et des sujets aussi importants que l'évolution des droits de scolarité ou les questions immobilières illustrent sa volonté de faire vivre ce réseau et de le rendre plus dynamique encore, de le faire en quelque sorte "respirer".
Sur les droits de scolarité, l'audit que vient de me rendre l'Inspection générale des Finances nous incite à combattre quelques idées reçues : si les écolages ont, en euros, continûment et rapidement augmenté au cours de ces dernières années, cette augmentation ne se vérifie pas toujours en monnaie locale. Et lorsque les droits de scolarité doivent augmenter - et comment pourrions-nous l'éviter, puisque les salaires ont eux-mêmes tendance à augmenter -, il est indispensable que ces augmentations soient prévues, expliquées, acceptées par les familles ; bref, il faut en maîtriser l'évolution.
Quant aux investissements immobiliers, c'est, vous l'avez souligné, la principale faiblesse de notre réseau. Ici ou là, ses bâtiments ont vieilli ; les conditions de sécurité doivent y être mieux respectées. L'AEFE doit pouvoir mener dans ce domaine une action énergique, et vous nous en proposez les grandes lignes : le transfert à l'Agence des compétences actuellement dévolues au Département pour les établissements en gestion directe ; la possibilité, comme le prévoit d'ailleurs la loi, de recourir à l'emprunt ; la mise en place d'un fonds d'investissement alimenté par les loyers versés ; la création enfin d'un fonds mutualisé pour les établissements conventionnés, qui pourrait être augmenté des participations financières d'entreprises intéressées ou de collectivités territoriales partenaires.
Notre enseignement ne doit pas seulement être attractif par son coût, son "rapport qualité-prix" ou par ses infrastructures, il doit l'être d'abord par la qualité de l'enseignement dispensé pas ses maîtres. Ceux-ci doivent pouvoir bénéficier de formations tout au long de leur carrière, comme ce serait le cas en France : l'Agence continuera de donner la priorité à leur formation continue. Mais il faut d'abord identifier les candidats au départ, les recruter : nos enseignants doivent être affectés en nombre suffisant dans les établissements, et leur appartenance à la fonction publique française restera longtemps encore le gage de leur qualité. Ce serait une erreur de croire que, pour des raisons d'économie, notre réseau pourrait se contenter de recourir à des recrutés locaux. Il est vrai que la limitation du nombre de supports budgétaires, qui permettent l'affectation de titulaires, même lorsque les établissements seraient susceptibles de financer eux-mêmes la totalité de ces emplois, peut porter atteinte au développement du réseau. Les propositions que vous formulez pour surmonter cette difficulté seront soigneusement étudiées par l'Agence.
Etre un point de référence pour l'ensemble des établissements sans être un carcan pour aucun d'eux, veiller au respect des obligations qui sont celles de l'enseignement français à l'étranger sans jamais entraver les initiatives locales porteuses d'avenir et de nouveautés, laisser se développer le réseau et aider ce développement quand cela apparaît nécessaire et pertinent, tels sont les objectifs qui ont été donnés à l'Agence. Je suis certain que, grâce à l'expérience accumulée depuis maintenant près de quinze ans, elle saura relever ces défis.
Comme tous les sujets d'une certaine importance, pour ne pas dire comme tous les sujets universels, l'école inspire de nombreuses métaphores, comme si une question, quand elle est vaste et chargée de sens, ne pouvait être perçue dans sa globalité que par une image. Pour moi, les écoles françaises à l'étranger sont sans conteste un maillon essentiel, le premier même dans cette chaîne de relations et d'échanges que constitue la présence culturelle de la France à l'étranger. Les liens qui se tissent au moment de l'enfance ne sont-ils pas les plus solides, les rencontres que l'on fait à cette période de la vie ne sont-elles pas les plus importantes, les auteurs que l'on découvre à ce moment n'occupent-ils pas une place privilégiée dans l'esprit de chacun de nous ?
Il faut bien entendu que ce maillon s'enchaîne à d'autres, à tous les autres, dans un parcours qui débouche naturellement sur l'enseignement supérieur. C'est tout un état d'esprit qu'il faut créer pour que les élèves de nos établissements français à l'étranger se sentent à l'aise dans nos universités, nos grandes écoles. Et il nous incombe de leur en donner les moyens. L'Agence et le ministère des Affaires étrangères disposent d'un programme de bourses d'excellence Major, d'un montant de six millions d'euros annuels. Ce programme constitue une priorité pour nous et tous les efforts seront faits pour le maintenir au niveau suffisant. Mais il faut qu'au-delà des systèmes de bourses, qui ne touchent qu'une petite partie de nos élèves, nous réussissions à mettre en place des dispositifs d'accueil plus rassurants, plus incitatifs. Il convient que nos établissements scolaires soient le lieu éminent d'information puis de découverte de notre enseignement supérieur, de notre recherche.
Mais, bien qu'elle reste le principal opérateur en la matière, l'Agence n'est pas seule impliquée dans la vie de notre réseau d'enseignement à l'étranger, comme en témoignent les nombreux partenariats qu'elle entretient avec l'ensemble des acteurs de la vie scolaire française à l'étranger ou des échanges éducatifs - et d'abord, comme il est naturel, avec le département ministériel qui en a la responsabilité éminente sur le territoire national, le ministère de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche.
L'action de ce ministère, qui valide et certifie les enseignements dispensés, garantissant ainsi leur niveau, qui permet aux enseignants expatriés de conserver, par des missions d'inspections fréquentes et des plans de formation adaptés, un contact étroit avec les innovations pédagogiques, est évidemment déterminante pour garantir le caractère "français" du projet éducatif. Faut-il aller, comme vous le suggérez, jusqu'à une cotutelle ? J'y suis pour ma part évidemment ouvert, et prêt à engager une réflexion en ce sens avec mon collègue et ami Luc Ferry, étant entendu qu'un tel partenariat ne saurait être une fin en soi et reposer sur le partage de la seule charge financière. Il faut lui donner un sens, et des objectifs, autour d'un véritable projet éducatif international.
Les partenariats avec la société civile sont multiples, et je voudrais évoquer tout particulièrement dans cette enceinte le rôle des entreprises, très attachées au développement de notre réseau scolaire, tout à la fois par tradition et par intérêt, au point de contribuer à certains investissements. La reconnaissance d'un tel partenariat par la possibilité donnée à nos établissements de l'étranger de figurer dans la récente loi sur le mécénat ne peut qu'encourager ces contributions, et je remercie le Conseil économique et social d'y avoir veillé.
J'ai parlé des établissements, forts d'une longue tradition, du réseau dont ils font partie, riche de ses diversités, des institutions qui les gèrent, mais je ne veux pas oublier les familles, françaises et étrangères, partenaires essentiels de cette entreprise et qui oeuvrent à la pérennité de son action.
Leur participation est également déterminante. Associées financièrement au fonctionnement des établissements mais aussi actives et impliquées, elles sont pour beaucoup dans le dynamisme de ce réseau et dans la qualité que tous nos partenaires s'accordent à lui reconnaître.
N'oublions pas que la plupart de ces établissements ont vu et voient encore le jour grâce à la volonté et à l'engagement de familles françaises expatriées. Qu'elles ne soient que de passage dans un pays ou qu'elles se soient définitivement établies à l'étranger, elles sont toujours soucieuses de conserver un lien fort avec leur pays, avec une partie de ce qui fait leur identité. Que l'Etat soutienne ces initiatives, preuves de l'attachement fort de nos compatriotes à leur origine, n'est que justice.
Tels sont pour moi les enjeux de l'enseignement français à l'étranger. Leur importance n'échappe à aucun d'entre nous. Je sais qu'avec l'aide de tous, de l'AEFE et des établissements, des familles françaises et étrangères, grâce à la force de proposition et au regard singulier des membres du Conseil économique et social, grâce à l'engagement renouvelé du ministère des Affaires étrangères, nous saurons préserver et faire évoluer ce réseau tout en respectant cette personnalité forte qui fait toute sa richesse. Ce n'est pas seulement à nous-mêmes, à notre ambition extérieure, que nous devons de travailler ensemble à la réussite de ce grand projet : nous le devons aussi à tous ces élèves qui fréquentent aujourd'hui nos établissements et qui, adultes demain, sauront porter haut la culture et les valeurs que nous leur aurons transmises.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 octobre 2003)