Déclaration de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, sur les dispositifs de prévention de l'enfance maltraitée, notamment les objectifs de l'Observatoire national de l'enfance en danger, Paris le 15 septembre 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Colloque "Pour un observatoire national de l'enfance en danger : repérer pour mieux traiter" à Paris le 15 septembre 2003

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,

J'ai grand plaisir à vous accueillir avec Dominique PERBEN dans ce lieu historique.
Vous connaissez comme moi les grandes étapes de l'histoire de la protection de l'enfance. Le projet de loi portant création d'un observatoire de l'enfance maltraitée répond à une attente exprimée depuis plus de 30 ans.
En effet, de nombreux rapports émanant :
- de l'inspection générale des affaires sociales ;
- des services judiciaires ;
- et de groupes de travail ;
préconisent une observation partagée et la conception d'un lieu fédérateur.
La création d'un observatoire a déjà été plusieurs fois annoncée mais jamais réalisée. Aujourd'hui le Gouvernement s'engage.
Certes, le domaine est difficile compte tenu de :
- la multiplicité des sources d'information,
- la pluralité des acteurs concernés : services sociaux du département ; services de police et de gendarmerie ; les magistrats ; les personnels de l'éducation nationale ; le monde médical
et la complexité des procédures sont de nature à faire obstacle à une bonne connaissance des problèmes.
Au-delà de la protection administrative et de la protection judiciaire, de nombreux services produisent également des données chiffrées : police, gendarmerie, hôpitaux, éducation nationale.
Mais comment imaginer qu'un phénomène qui touche émotionnellement chaque français, qui atteint les plus faibles dans leur intégrité et qui constitue le poste essentiel des dépenses sociales des départements ne bénéficie pas de statistiques précises, ainsi que d'études et de recherches adaptées à la connaissance des mauvais traitements subis par les mineurs que pour l'évaluation de la qualité du dispositif de protection mis en place.

I. / Certes, il existe des dispositifs de qualité


Je tiens ici à rendre hommage aux précurseurs qu'ont été Marceline GABEL et Jean-Louis SANCHEZ : dès 1992, ils ont créé au sein de l'ODAS une commission chargée d'élaborer une méthodologie d'observation de l'enfance en danger. C'est grâce à cette méthodologie et aux données recueillies par les conseils généraux que nous pouvons désormais mesurer l'évolution annuelle du nombre de signalements en provenance des services de l'aide sociale à l'enfance.
Je tiens aussi à souligner la qualité des bilans d'activité du Service National d'Accueil Téléphonique pour l'Enfance Maltraitée (SNATEM / 119) qui constitue une source statistique majeure bien que partielle.
Parallèlement de riches partenariats ont été créés localement entre les services de l'Etat et ceux des départements : nous en présenterons des exemples cet après-midi.
Mais globalement, les éléments d'analyse de la protection de l'enfance restent insuffisants.

II. / Des insuffisances demeurent


On ne peut manquer d'être étonné du contraste entre l'importance des enjeux et la pauvreté et l'opacité du système d'information de la protection de l'enfance.
Reconnaissons le, l'Etat n'a pas suffisamment accompagné les premières mesures de décentralisation au niveau informatique et statistique. La remontée statistique des signalements faite par l'Etat a été abandonnée. Les départements ont été obligés de créer, à grands frais, leur propre logiciel sans disposer d'un cadre statistique national.
L'importance des enjeux réclame un effort particulier dans le but d'aboutir à une mise en cohérence des concepts et des statistiques établis à partir de définitions partagées par l'ensemble des acteurs.
Un observatoire de l'enfance maltraitée permettra de veiller à l'harmonisation et à la complémentarité des données produites par les différents organismes qui contribuent à lutter contre les mauvais traitements envers les mineurs, dans le plein respect de leurs prérogatives et de leurs domaines de compétence.
A la suite de la réunion interministérielle du 6 décembre 2002 qui a validé cette analyse, j'ai installé le 14 janvier dernier un groupe de travail constitué des membres du groupe permanent interministériel pour l'enfance maltraitée et des représentants des institutions et organismes qui concourent à la protection de l'enfance afin d'étudier les modalités de création de cet observatoire.
Le groupe permanent interministériel de l'enfance maltraitée (GPIEM) s'est donc réuni dans une composition élargie à des représentants d'autres institutions (ADF, ODAS, SNATEM, ANDASS, chercheurs de l'université Paris X et de l'INSERM) afin d'élaborer des propositions.

III. / Les objectifs de l'observatoire

Je ne veux pas aborder maintenant le détail de ce projet qui vous sera présenté tout à l'heure par le directeur général de l'action sociale mais je tiens à vous faire connaître son objectif essentiel.
Il ne s'agit pas de compter pour compter mais de pouvoir disposer de données fiables concernant la violence subie par les enfants et adolescents pour fixer :
- des priorités ;
- orienter la conception des programmes de prévention ;
- suivre les progrès accomplis ;
- et organiser les campagnes de sensibilisation de l'opinion publique.
Il serait également, tout aussi important, à terme, d'adopter des normes européennes de collectes de données, afin de disposer d'informations comparatives entre les pays.
Par ailleurs, notre pays manque cruellement d'enquêtes épidémiologiques.
L'organisation mondiale de la santé propose pour la France une projection de 300 à 600 décès d'enfants à la suite de maltraitance mais aucune analyse objective ne permet à ce jour de préciser ce chiffre ni de diminuer l'écart entre les chiffres minimum et maximum proposés par cet organisme. A ce jour, la France n'a toujours pas réalisé d'enquête générale qui repère les violences subies par les enfants. Nous ne disposons pas de suivi de trajectoire pour les enfants signalés qui permettrait d'évaluer les effets des dispositifs de protection de l'enfance.
Cette absence d'étude rend particulièrement difficile l'élaboration des schémas départementaux de protection de l'enfance qui décrivent l'existant mais ne peuvent pas réellement se projeter dans l'avenir pour organiser les services en fonction des besoins réels de la population.
Nous devons encourager la recherche sur les causes, les conséquences, les coûts,
et la prévention de la violence.
Il s'agit de :
- mieux repérer pour mieux traiter,
- disposer de statistiques fiables pour promouvoir des mesures de prévention prioritaires ;
- mieux prendre en charge les victimes ;
- évaluer les dispositifs de protection.
Le développement de la prévention contribuerait à réduire la maltraitance et les coûts sociaux induits.
L'enquête réalisée par la Fédération Nationale des Associations d'Accueil et de Réinsertion Sociale auprès de personnes s'adressant aux services d'accueil et d'hébergement révèle qu'une proportion très élevée des personnes interrogées a connu des difficultés dans leur jeunesse liées soit à des mauvais traitements physiques soit à des abus sexuels. De l'avis des personnes interrogées, les mauvais traitements subis dans l'enfance contribuent à marquer profondément leur existence.
Mieux repérer les violences, c'est aussi pour :
- mieux prendre en charge les enfants victimes de maltraitance,
- développer les prises en charge psychologiques tant auprès des victimes qu'auprès des agresseurs pour limiter les risques de reproduction et de récidive.
L'éducation des générations futures est pour toute société un enjeu majeur.
Par conviction et par obligation, elle s'impose à nous.
Elle passe d'abord par la protection de l'enfance.
Le temps est désormais venu de passer à l'action pour la rendre plus opérationnelle et plus efficace.
Je vous remercie.

(Source http://www.famille.gouv.fr, le 1e octobre 2003)