Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, à La Chaîne Info LCI le 20 octobre 2003, sur les choix budgétaires notamment la création du revenu minimum d'activité (RMA) et sur les relations entre le gouvernement et l'UDF.

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Média : Emission Journal de 8h - La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser-. Y a-t-il un "mystère Chirac", comme le prétend notre confrère du Parisien ? Le président de la République qu'on entend et qu'on voit peu sur la scène nationale...
- "C'est une thématique qui revient assez régulièrement. D'ailleurs, de temps en temps, on dit que le Président intervient trop ; à d'autres moments, on dit qu'il n'intervient pas assez. Ce que je peux constater, c'est que, de manière régulière, toutes les cinq à six semaines, le président de la République intervient sur les sujets du moment, qu'ils soient internationaux ou nationaux. Et c'est une manière pour lui de rappeler les grandes lignes des engagements qu'il a pris vis-à-vis des Français."
Et là, le sujet du moment, sur lequel on l'attend, c'est bien sûr le port du foulard à l'école et dans la vie publique...
- "Le sujet sur lequel on l'attend aujourd'hui beaucoup, c'est tout ce qui touche à la situation économique, à l'emploi. Et vous le savez, lorsqu'il va se rendre à Valenciennes, ce sera aussi pour évoquer la politique que nous conduisons depuis plusieurs mois maintenant à l'initiative de J.-L. Borloo, en ce qui concerne les quartiers difficiles, pour ce qui concerne le surendettement ; bref, tout un pan de notre politique économique et sociale dont il faut rappeler l'importance."
La politique économique et sociale fait débat en ce moment à l'Assemblée, puisque c'est le vote et la discussion budgétaire. La partie recettes du Budget doit être adoptée demain après-midi et il y a un suspense entretenu par l'UDF, qui est contre un certain nombre de mesures : l'augmentation du gazole, la baisse des impôts de 3 % et aussi la réduction de l'allocation spécifique pour chômeurs en fin de droits. On dit que le Gouvernement pourrait faire un geste et transformer cette allocation en revenu minimum d'activité. Est-ce exact ?
- "D'abord, Ce n'est pas tout à fait un geste au sens où vous l'entendez."
Si, parce qu'il devait y avoir une période de latence, et finalement, il n'y en aurait pas...
- "C'est une réflexion sur laquelle le Gouvernement travaille, mais je crois que chacun doit bien comprendre qu'il y a une cohérence à toutes ces mesures. Un Budget, ce n'est pas un puzzle dans lequel on ajoute des pièces au hasard. Il y a une volonté très forte qui est la nôtre, qui est de ne pas manquer le rendez-vous de la croissance. C'est pour cela qu'on a mis l'accent sur la baisse des impôts, la baisse des charges sociales et le cap sur le fait de réhabiliter le travail, et donc de tout faire pour inciter un certain nombre de nos concitoyens, qui aujourd'hui sont exclusivement dans des logiques d'assistance, de pouvoir retrouver un travail. Et ce sont donc toutes ces mesures qui vont dans le même sens, y compris le revenu minimum d'activité, dont vous parliez."
Vous dites "sortir d'une logique d'assistance" ; en l'occurrence, on n'en sortirait pas...
- "Si. Le revenu minimum d'activité répond exactement à cette logique. C'est pour cela que nous l'avons créé."
Mais le revenu minimum d'insertion devait y répondre également...
- "Oui, mais chacun a vu que cette mesure, qui avait été créée il y a une quinzaine d'années sous le gouvernement Rocard, a montré ses limites. On s'est beaucoup plus intéressé à la notion de revenu qu'à la notion d'insertion. Et donc on voit bien que tel qu'il existe aujourd'hui, le mécanisme peut inciter à rester dans la logique d'assistance. Et donc la création du revenu minimum d'activité, qui était d'ailleurs un des engagements de J. Chirac, vise justement à inciter au retour au travail par des moyens budgétaires qui le permettent. C'est cela qui fait la différence."
Et c'est cette allocation qui pourrait remplacer l'allocation spécifique de solidarité ?
- "La réflexion sur ce point est en cours, mais l'objectif - je le répète encore une fois -, c'est d'inciter ceux qui, aujourd'hui, ne sont pas en situation d'emploi, à avoir toutes les possibilités de retrouver un emploi, parce qu'il y a des mécanismes qui sont ainsi faits, c'est paradoxal, mais que parfois, quand on est dans une situation de chômage ou d'assistance, on gagne plus d'argent quand on travaille (sic). Il y a quelque chose qui n'est pas normal et qu'il faut réorganiser dans l'autre sens."
Ce mécanisme, l'UDF ne le comprend pas ?
- "Ce n'est pas à moi qu'il faut poser la question. La seule chose que je peux dire, c'est que l'agressivité est toujours mauvaise conseillère. Quel est le sujet de fond ? Le sujet de fond, il est de savoir si, lorsque l'on partage les mêmes valeurs, lorsque l'on partage les mêmes idées, lorsque l'on poursuit le même objectif de faire des réformes, on peut en même temps se placer dans une logique, sur certains points, d'opposition ou pas. Et le vrai problème, ce n'est pas tellement vis-à-vis de nous, vis-à-vis du Gouvernement - encore qu'on préfèrerait que tout le monde soit dans une même logique de cohésion - ; c'est surtout vis-à-vis des électeurs. Car après tout, les électeurs, qu'ils aient voté pour des candidats de l'UDF ou de l'UMP, se plaçaient dans une logique de la majorité, sur des idées qui étaient comparables. Le candidat Chirac et le candidat Bayrou avaient des propositions très proches sur tous ces sujets - je peux en témoigner. Je crois que la vraie question qui est posée, c'est surtout vis-à-vis des électeurs qui considèrent que l'UMP et l'UDF forment la même majorité."
En l'occurrence, c'est plutôt vis-à-vis du Gouvernement à l'heure actuelle... Si l'UDF s'abstenait dans le vote de ce Budget ou du moins de la première partie, elle se placerait en dehors de la majorité ?
- "Ce n'est vraiment pas à moi de le dire."
Ce n'est pas à vous de le dire, mais le vice-président du groupe UMP a parlé de "ligne jaune" ...
- "Chacun s'exprime comme il l'entend. En ce qui me concerne, je considère qu'à partir du moment où on ne vote pas un texte, alors qu'en même temps, on s'inscrit dans la logique majoritaire, on a quelques questions à se poser en responsabilité, par rapport au fait de savoir si on veut finalement se placer dans la majorité ou dans l'opposition. On l'a vu pour le texte "Santé publique" qui est un texte que tous les Français attendent ; il concerne en particulier le plan de lutte contre le cancer. Il me semble difficile de se positionner contre. Mais en même temps, ce n'est pas à moi d'en juger, chacun doit agir en responsabilité au regard de ses électeurs. Et pour ce qui nous concerne, nous présentons des textes qui sont conformes aux engagements que nous avons pris vis-à-vis de nos électeurs sur tous ces sujets. Chacun, ensuite, agit en responsabilité."
Justement, les électeurs vont être appelés aux urnes au printemps prochain pour les régionales. Et on pourrait considérer que dans cette logique, l'UDF présente des listes autonomes... Vous êtes candidat en Ile-de-France ; une liste UDF compromettrait gravement votre combat ?
- "Merci de vos encouragements... La seule chose que je peux vous dire, c'est que là encore, la balle n'est pas dans mon camp, elle est plutôt dans le camp de celles pou ceux qui, là encore, partageant les mêmes idées que nous, voudraient malgré tout marquer leurs différences. Je crois qu'il y a un moment où chacun doit, là encore, prendre ses responsabilités. Pour ce qui me concerne, en Ile-de-France - mais je sais que c'est le cas de tous mes amis qui sont candidats dans d'autres régions -, la porte est grande ouverte à discuter, puisque nous partageons les mêmes idées, les mêmes valeurs. La seule chose que je veux rappeler, c'est que les élections ont lieu en mars, et que si on se parle après le mois de mars, cela ne servira plus à rien ; mieux vaut se parler avant."
L'invitation est lancée ?
- "Elle l'a été depuis plusieurs semaines, puisque dès le lendemain du jour où j'ai été proposé comme candidat pour l'UMP, j'ai immédiatement contacté mes amis de l'UDF. Pour le reste, soyons tout à fait clairs : je suis parti en campagne ; une campagne électorale, c'est une machine lourde. Donc pour ce qui me concerne, je suis maintenant depuis un mois dans une logique de réflexion sur le projet, sur les candidats, et donc ma campagne est lancée."
Je voudrais revenir à une affaire qui perturbe beaucoup le débat politique en ce moment, qui est l'affaire du port du foulard. A titre personnel, est-ce que vous êtes favorable à un texte de loi ?
- "Non, à titre personnel, je considère qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs - si je peux me permettre cette expression. Le sujet n'est pas posé en ces termes. Ce qui compte, c'est l'efficacité. Rien n'a jamais pu démontrer que rajouter une loi à une loi réglait tous les problèmes. Sinon, ça se saurait. Il y a aujourd'hui toute une série de dispositions qui existent ; je peux en témoigner en tant qu'élu. A Meaux, je vois bien comment nos chefs d'établissement scolaire réagissent sur des problèmes comme ceux-là. Il y a aujourd'hui des dispositions qui permettent de veiller à ce que la laïcité soit appliquée à l'école. En revanche, là où elle ne l'est pas, il faut, au cas par cas, prendre les décisions qui s'imposent - on l'a vu la semaine dernière à Aubervilliers. Il y a donc toute une série de choses qui peuvent être prises. Veillons aujourd'hui à débattre au fond sur ce que c'est que la laïcité et à veiller à ce que chacun puisse, effectivement, aujourd'hui, exercer son culte librement, dans le respect de celui des autres."
L'élu local, que dit-il quand les buralistes se plaignent de la contrebande et du marché noir ?
- "Il dit, comme les buralistes, qu'il faut lutter contre la contrebande. Mais il dit, comme tous les Français, que quand il y a un tel nombre de cancers dans les familles liés au tabac, il est normal qu'un gouvernement s'en occupe, car les Français sont très nombreux à considérer que la lutte contre le cancer, notamment dans sa partie prévention, est indispensable. Le tabac est la première cause de mortalité avec le cancer du poumon ; il est temps que chacun comprenne cela. Ce n'est pas un combat évidemment contre les buralistes, cela n'aurait aucun sens. C'est un combat contre l'hyperconsommation de tabac qui fait des ravages chez les jeunes comme chez les moins jeunes."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 octobre 2003)