Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, au "Bien Public" le 31 mai 2003, sur les réactions au projet de réforme des retraites signé par la CFDT et la CFE-CGC, notamment la position des syndicats enseignants.

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Média : Le Bien Public

Texte intégral

Que pensez vous de l'intervention, mardi soir, de Jean-Pierre Raffarin sur le conflit dans l'Éducation nationale ?
"Le Premier ministre a enfin proposé un dialogue qu'il aurait dû ouvrir depuis longtemps. L'urgence, c'est de redéfinir avec les enseignants et les parents un projet pour l'école, et les évolutions du métier d'enseignant. Par contre, la décentralisation de certains personnels (TOSS), qui n'a jamais été expliquée aux intéressés, nécessite du temps pour être comprise. C'est le projet pour l'école qu'il faut traiter d'abord. D'où notre demande de geler le projet de décentralisation. Mais dans ce conflit, les élèves ne doivent pas être pris en otages : ils ont le droit aux examens" !
Que répondez-vous aux adhérents du Sgen-CFDT qui ne comprennent pas votre signature sur les retraites ?
"Je suis d'accord avec les enseignants pour dire que leur métier est souvent pénible. Mais ils sont eux aussi concernés par le papy boom et l'augmentation de l'espérance de vie. Il faut donc trouver des solutions spécifiques : rachat des années d'études, possibilité d'une deuxième partie de carrière, par exemple dans la formation pour adultes ou dans la fonction publique C'est ce que nous avons obtenu dans la réforme des retraites. Il reste à en négocier précisément les conditions d'application avec eux".
Que vous inspire l'attitude actuelle des dirigeants du parti socialiste ?
"Un peu de surprise. La réforme proposée sauve notre système par répartition et elle écarte pour longtemps tout fonds de pension. Comme le dit Michel Rocard, je ne crois pas que les socialistes auraient fait une réforme différente. Il est plus facile, pour faire l'unité d'un parti, de taper sur ceux qui réforment, plutôt que d'affronter les questions difficiles : quelle est, par exemple, la position du PS sur l'harmonisation public/privé ? Je l'ignore".
Les revendications de FO et de la FSU - 37,5 ans de cotisations pour tous- vous paraissent-elles crédibles ?
"Qui y croit vraiment ? Quand il y a moins d'actifs pour payer les pensions de retraités plus nombreux et qui vivent plus longtemps, on voit bien qu'il y a un problème ! Il n'y a que trois paramètres pour le résoudre : le taux de cotisation, la durée, et le niveau des pensions. Ceux-ci, plus la CSG qui permet de taxer aussi le capital et le patrimoine, seront de nouveau sur la table, lors de la prochaine négociation prévue en 2008. C'est à cette date que l'allongement à 41 ans sera éventuellement décidé".
Comment qualifiez-vous le rôle joué ces dernières semaines par la CGT ?
"La CGT est devant un choix difficile : retirer le projet Fillon, ce serait la porte ouverte à une réforme libérale et aux fonds de pension, que vient de proposer Alain Madelin. Alors, je dis : attention danger" !
Que diriez-vous à un futur retraité pour le convaincre que votre attitude est la bonne ?
"La réforme va d'abord bénéficier aux salariés les plus modestes : la retraite minimum sera d'au moins 85 % du Smic en 2008, au lieu des 70 % programmés par la réforme Balladur. Et 300 000 salariés qui ont commencé à travailler à 14, 15 et 16 ans vont pouvoir partir à la retraite avant 60 ans ! C'était notre priorité. Pour les fonctionnaires, nous avons obtenues de vraies contreparties aux 40 ans de cotisation : une retraite complémentaire sur les primes, le tems partiel compté temps complet, le rachat des années d'études... Au total, ils toucheront la même retraite".
Croyez-vous que le gouvernement pourra tenir le cap ?
"Il n'a pas d'autre choix, sauf à perdre toute crédibilité et à laisser l'ardoise des retraites aux jeunes générations. Pour la CFDT, il n'en est pas question. Pour sauver la répartition, nous avons fait le choix de la réforme" !
(Source http://www.cfdt.fr, le 18 juin 2003)