Interview de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, dans "Nord Eclair" du 18 novembre 2003, sur la promotion de l'Union européenne auprès des citoyens, la ratification de la Constitution européenne, la coopération transfrontalière, les relations franco-allemandes dans le cadre européen et le mouvement altermondialiste.

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Média : Nord éclair

Texte intégral

Q - Que venez-vous faire aujourd'hui à Lille ?
R - Durant plus d'un an, j'ai organisé des rencontres pour l'Europe à travers la France. Je suis allée voir des élus locaux mais aussi des salariés, des agriculteurs... Aujourd'hui, à Lille, ce sera le lancement de la deuxième phase de mon action. Une fois par semaine, j'irai expliquer à des étudiants comment l'Europe fonctionne concrètement. Lille, ville de la solidarité, des valeurs sociales et transfrontalière, m'est apparue comme un bon choix pour commencer.
Q - Quelles sont les autres actions concrètes que vous menez pour mieux faire connaître l'Europe ?
R - Il faut faire sortir l'Europe du cercle des initiés. On ne peut pas continuer à négocier des accords européens sans que les Français sachent de quoi il s'agit. Pour cela, l'Europe va d'abord faire son entrée de façon plus marquée à l'école. Des cartes géographiques de l'Europe seront installées dans les établissements. On va développer au maximum l'apprentissage des langues étrangères dès le plus jeune âge et développer également les sections européennes, en particulier dans les lycées techniques où elles sont encore peu présentes. Des cours d'histoire de l'Europe, mais aussi des cours sur les modes de vie de nos voisins européens, vont être instaurés. Pour rendre l'Europe plus populaire, nous avons également décidé qu'elle devait être plus visible dans les manifestations sportives. Cela a déjà été le cas avec le Tour de France cet été et d'autres accords sont en négociation. Je souhaiterais notamment que nos équipes nationales arborent aussi les couleurs européennes. Enfin, je souhaite solenniser l'accès à la citoyenneté européenne. Tout jeune qui se rendra à la journée d'appel à la Défense se verra remettre à son nom un livret du citoyen européen.
Q - Un référendum sur la future Constitution de l'Union européenne ne serait-il pas aussi l'occasion de mieux faire connaître l'Europe ?
R - Pour ratifier la Constitution, la voie parlementaire est, à mes yeux, aussi légitime que la voie référendaire. Ce sera au président de la République de prendre cette décision le moment venu.
Q - Pour développer l'aspect transfrontalier, question qui nous intéresse au plus haut point ici dans la région, que préconisez-vous ?
R - Nous souhaitions qu'un statut de la coopération transfrontalière soit inscrit dans la Constitution européenne. Ce ne sera malheureusement pas le cas, cette fois-ci. Mais, il faut que des collectivités françaises et belges qui souhaitent par exemple se grouper pour avoir un hôpital en commun puissent le faire. En plus des possibilités actuelles, il faut donc développer des formes juridiques qui le permettent.
Q - Le ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, a récemment évoqué la possibilité d'une "union franco-allemande" en cas de paralysie de l'Europe élargie à 25. De quoi s'agirait-il ?
R - A mes yeux, il ne peut s'agir en aucun cas d'une fusion de deux Etats en un. Par contre, aller plus loin dans l'institutionnalisation des rapports franco-allemands me paraît souhaitable. Le 40ème anniversaire du Traité de l'Elysée, que l'on a fêté au mois de janvier, a d'ailleurs permis de bien avancer sur ce point avec notamment la mise en place d'un Conseil des ministres franco-allemands semestriel. Sur des dossiers comme la Politique agricole commune ou le financement de l'élargissement de l'Union européenne, nos deux pays ont d'ailleurs réussi à se mettre d'accord et entraîner leurs partenaires dans leur sillage.
Q - Le week-end dernier, les altermondialistes ont une nouvelle fois fait la démonstration de la popularité de leurs idées. Ils reprochent au projet européen son caractère libéral et l'insuffisance des droits sociaux. Qu'en pensez-vous ?
R - Dans altermondialistes, il y a alter. J'attends donc de voir leur projet alternatif. Moi, ce que je constate, c'est que l'Union européenne a permis à ce continent d'être prospère et que la dimension sociale y est forte. Aux Etats-Unis, il y a 40 millions de personnes qui vivent sans couverture sociale : la comparaison est vite faite
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 novembre 2003)