Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe parlementaire du PS, sur la position du parti socialiste sur la réforme des retraites proposée par le gouvernement, Assemblée nationale le 7 mai 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Point de presse du groupe socialiste sur la réforme des retraites le 7 mai 2003

Texte intégral


Nous sommes au moins d'accord sur un point avec la lettre que le Premier ministre a adressée ce matin aux Français, la réforme des retraites est indispensable. Je vous rassure, c'est le seul point de convergence que nous aurons au cours de cette discussion. Le gouvernement précédent a jeté les bases de cette réforme en instituant le conseil d'orientation des retraites, en créant le fond de garantie des retraites, en instituant des mécanismes pour l'abonder, en apaisant un climat tendu par le plan Juppé. L'allongement de l'espérance de vie imposait d'aller plus loin et nous avions présenté nos propositions durant la campagne présidentielle. Aujourd'hui M.Raffarin, nous présente ce que j'appelle non pas une réforme, mais une contre-réforme cathodique (au vu des moyens de communication mis en uvre), tant elle porte atteinte aux principes de notre protection sociale. Elle rompt le pacte entre les générations.
M. Raffarin nous dit que son projet va permettre plus de sécurité pour l'avenir de nos retraites. Observons d'abord que le gouvernement n'a jamais chiffré exactement son plan. Le déficit prévisionnel varie d'un jour à l'autre selon les ministres. Quant aux économies que la réforme va engendrer, le gouvernement reste muet. Le projet est financé par d'hypothétiques transferts des cotisations chômage vers les retraites. Pari hasardeux quand on connaît le bilan du gouvernement en matière de lutte contre le chômage.
D'après les études réalisées par le COR, si l'on joue sur la seule variable qu'est la durée de cotisation comme le fait le gouvernement, il ne faut pas prolonger d'un ou deux ans mais de neuf ans pour atteindre l'équilibre en 2020. Par dogmatisme libéral, M.Raffarin refuse de toucher au montant des cotisations. Or l'augmentation d'un point de la CSG représente l'équivalent de deux années de cotisations.
Insécurité grandissante ensuite pour les retraités. Le gouvernement a refusé de garantir le niveau des pensions comme le lui le demandaient unanimement l'opposition et les organisations syndicales. La combinaison de la réforme Balladur et de la réforme Raffarin vont provoquer une baisse des pensions pour le public comme pour le privé.
C'est la première fois depuis 30 ans que la situation des retraités va se dégrader.
Insécurité enfin pour les salariés. La retraite à 60 ans sera dorénavant une fiction. Avec l'allongement de la durée des études, la précarisation grandissante du travail, les périodes de chômage, les salariés ne sauront plus à quel âge ils pourront partir en retraite à taux plein. Un étudiant chômeur de 25 ans a calculé devant moi qu'entre les CDD et les deux ou trois ruptures d'activité que connaissent en moyenne aujourd'hui les salariés, il ne pourra pas arrêter de travailler avant 70 ans.
M. Raffarin nous dit ensuite que son projet va donner plus de liberté. Est-ce une liberté pour les salariés que d'être obligés de travailler plus longtemps pour toucher des pensions de retraites inférieures ?
Monsieur Raffarin nous dit encore que son projet va renforcer la solidarité. C'est une contre-vérité. La réforme sera uniquement supportée par les salariés, les retraités et les fonctionnaires. Elle épargne (c'est le cas de le dire) les rentiers, les détenteurs de patrimoine et les entreprises. De même la question pourtant cruciale de la pénibilité du travail n'est jamais prise en compte comme nous le demandons. Or aujourd'hui la première des injustices est l'inégalité devant l'espérance de vie. Quant à la mesure concernant la possibilité de partir en retraite quand on a commencé à travailler très jeune, elle ne touchera que 75 000 personnes sur les 800 000 personnes qui sont concernées. Ce projet est un choix politique, celui de l'hyperlibéralisme.
M.Raffarin nous dit enfin qu'il n'y avait pas d'autre choix possible. Drôle de conception du dialogue social qui réduit le choix à une solution unique. Je remarque que le Premier ministre a essentiellement retenu les propositions du Medef et ignoré toutes celles des organisations syndicales.
Il existe bien évidemment d'autres chemins. Nous en ferons la preuve en présentant nos contrepropositions détaillées quand le texte du gouvernement sera présenté à l'Assemblée nationale. Elles reposeront sur quelques grands principes :
- Préservation du système par répartition
- Maintien de la retraite à 60 ans
- Garantie du niveau des pensions.
- Prise en compte de la pénibilité du travail
- Equité entre les régimes
- Relance d'une véritable politique publique de l'emploi avec notamment le maintien en activité des plus de cinquante ans
- Financement plus juste en jouant sur les niveaux de cotisations et de prélèvements et en élargissant leur assiette aux revenus du capital.
Les Français pourront ainsi constater que ce qui continue de différencier fondamentalement la droite de la gauche c'est le partage des efforts et des gains. Nous voulons répartir l'effort de solidarité à hauteur des moyens de chacun. M.Raffarin le fait peser uniquement sur le monde du travail et la France d'en bas. C'est une politique du pauvre pour de pauvres retraites
L'attitude du groupe PS à l'Assemblée
Nous attendons de connaître le texte définitif pour arrêter notre stratégie. Il est évident que nous combattrons ce texte avec la plus grande détermination. Et je veux d'ores et déjà mettre en garde le Premier ministre. S'il veut passer en force en comptant sur l'arrivée de l'été, s'il refuse que la représentation nationale débatte et amende son projet de loi, il rencontrera un mur d'amendements. On ne touche pas aux principes fondateurs du pacte social au débotté. Le groupe socialiste en sera le gardien.
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 3 juin 2003)