Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur la défense européenne, le rôle de l'UEO et le statut d'association des pays d'Europe de l'Est, à Paris le 30 novembre 1994.

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Circonstance : Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale (UEO), Paris novembre 1994

Texte intégral

C'est pour moi un privilège de m'exprimer devant la seule Assemblée parlementaire européenne dont la vocation est de se consacrer aux sujets de la sécurité et de la défense.
Le fait que vous soyez en même temps membres de nos parlements nationaux, et souvent spécialistes des questions de défense, accroît la qualité des travaux de votre Assemblée. Il n'est que de prendre connaissance de l'ordre du jour de cette session, et des thèmes retenus par les différents rapports qui y sont présentés, pour constater que vous traitez des questions qui sont au centre des problèmes de défense de notre continent.
Dans deux domaines vous avez en particulier montré la voie, en prenant des initiatives qui ont été par la suite relayées par les décisions intergouvernementales. Je veux parler de la coopération dans le domaine spatial et de l'ouverture de l'UEO vers les pays d'Europe centrale et orientale. Depuis de longues années, l'Assemblée propose la réalisation d'un système satellitaire d'observation européen, depuis de nombreuses années elle a invité des représentants de pays d'Europe centrale à assister à ses débats. Comme vous le savez, ces deux axes d'action ont également été retenus par le Conseil de l'UEO, notamment à l'initiative de la France.
Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui d'affirmer parmi vous la priorité que constitue pour la France, dans sa politique européenne, la constitution d'une identité de défense et de sécurité à la mesure des capacités et de la puissance des pays qui forment l'Union européenne. Je suis heureux de vous dire que la Présidence française de l'Union consacrera à ce but tous ses efforts, parce que les nouvelles réalités qui existent en Europe justifient chaque jour davantage cette entreprise de longue haleine dont l'UEO doit naturellement être la pièce maîtresse.
Je souhaiterais évoquer avec vous quelques réflexions sur les prochaines échéances du calendrier de la défense européenne.
Deux questions centrales se posent aujourd'hui à nous
- Que pouvons-nous faire de plus entre nous, pays membres de l'UEO ? - Que pouvons-nous faire avec nos partenaires d'Europe centrale et orientale qui ont vocation à nous rejoindre ?
Faire plus entre nous, signataires du Traité de Bruxelles modifié, c'est oeuvrer à l'émergence future d'une défense européenne comme nous y invite le rapport de M. Baumel. C'est dire que l'objectif est ambitieux et qu'il comporte de nombreuses étapes intermédiaires, mais il est important de le désigner clairement dès le début du chemin.
C'est à mes yeux l'une des nécessités les plus impérieuses des années à venir. Cette ambition doit être partagée par tous les Européens, mais il revient à la France de mobiliser tous ses efforts pour montrer la voie. Elle le doit à son histoire qui l'a, tour à tour, placée au coeur des déchirures et des réconciliations de notre continent. Elle le doit à l'héritage du Général de Gaulle qui a redonné à notre pays son rang parmi les premiers en Europe et dans le monde.
Présidence française de l'Union européenne - défense et sécurité Europe - OTAN - Etats-Unis
A partir du premier janvier prochain, la France a décidé d'inscrire la sécurité parmi les priorités de sa présidence de l'Union européenne. Nous n'achèverons pas cette construction en six mois ; notre ambition est d'ajouter quelques pierres à un édifice dont les fondations ont été posées et qui commence à prendre tournure ; elle est aussi de progresser dans la prise de conscience de la nécessité de cette entreprise.
Au moment où l'ex-Yougoslavie s'enfonce encore davantage dans les affres de la guerre civile et dans l'application de la loi du plus fort, comment ne pas concevoir qu'un malaise profond s'empare de nos citoyens ? Comment ne pas comprendre qu'ils s'adressent à nous, leurs gouvernants, et à vous, leurs élus, pour nous dire : que vaut cette ambition européenne qui nous a apporté la paix et la prospérité depuis cinquante ans, si les valeurs qui la fondent sont bafouées à quelques kilomètres de ses frontières ?
L'Union européenne ne peut pas être isolationniste sur son propre continent. Il lui appartient, plus qu'à tout autre, d'oeuvrer à la stabilité et à la sécurité en Europe tout entière. C'est la logique qui m'a conduit à proposer dès avril 1993 l'idée d'un Pacte de stabilité qui a depuis pris corps. Il s'agit d'une démarche préventive. J'y reviendrai. Mais il faut que l'Europe ait également les moyens d'intervenir lorsque la prévention a échoué et que les armes sont fourbies. C'est regrettable, c'est plus difficile et plus périlleux, mais le courage est de dire que c'est nécessaire.
Il s'agit avant tout de volonté politique. Là encore, souvenons nous de l'exemple du Général de Gaulle, qui avec quelques hommes et une armée de l'ombre l'a emporté sur le parti du renoncement. Là où il existe une volonté, il existe une voie.
Mais cette question n'est pas uniquement posée aux Européens. Elle s'adresse également à nos alliés américains qui ont permis la libération de l'Europe il y a cinquante ans et qui depuis ont garanti sa sécurité.
Leur contribution à l'équilibre stratégique de notre continent demeure essentielle. Les valeurs communes de liberté et de démocratie que nous partageons avec eux restent le ciment le plus solide de l'Alliance qui nous réunit. Je souhaite que celle-ci reste forte et vigoureuse.
Pour autant, faut-il que les Européens soient en permanence dans l'attente d'une décision américaine pour savoir ce qu'ils peuvent faire dans le domaine de la sécurité ? Ne peut-on pas envisager un partage des rôles, une sorte de nouvelle règle du jeu ?
Crise en ex-Yougoslavie - réactions des partenaires de l'OTAN - Etats-Unis - répartition des rôles
L'exemple yougoslave montre les réticences américaines à engager des soldats au sol dans des crises en Europe. Je ne formule pas une critique mais une constatation. Serais-je américain que j'opterais peut-être pour la même attitude. Force est de constater que les conséquences n'ont jamais été tirées de cet état de fait. Les Européens, et en particulier les pays membres de l'UEO, ont, individuellement et de manière échelonnée, envoyé des hommes sur le territoire de l'ex-Yougoslavie au service des Nations unies. Leur effort mérite d'être salué, puisque c'est au total plus de quinze mille hommes qui constituent l'ossature principale des forces déployées. Pour autant ces contingents européens n'ont pas formé un tout cohérent, et l'UEO en tant que telle n'a joué qu'un rôle marginal.
Pourquoi cette inhibition européenne ? Permettez-moi d'avancer une hypothèse : lorsque ces contingents ont été déployés en 1992-1993, les Européens n'étaient-ils pas dans l'expectative d'une éventuelle intervention américaine ? N'avaient-ils pas le sentiment qu'en se regroupant et en agissant de manière autonome ils auraient lancé un signal négatif à leurs alliés d'outre-Atlantique ? N'ont-ils pas souhaité laisser une place libre à un invité qui ne s'est pas présenté ?
Imaginons aujourd'hui que ces quinze mille hommes soient intervenus unis, comme un groupe cohérent. Le poids de l'Union européenne dans le conflit aurait été plus déterminant.
Il ne sert de rien aujourd'hui de réécrire l'histoire, mais cherchons à en tirer les leçons. Il faut que les Européens aient conscience qu'ils seront seuls pour faire face à certaines choses en Europe. Il faut qu'ils s'y préparent et se montrent prêts à assumer leur responsabilité.
Que l'on me comprenne bien : je ne suggère pas de rompre le lien transatlantique de sécurité. La défense de l'Europe, notre défense commune, doit continuer de se concevoir avec nos alliés Américains.
Je veux croire que demain comme hier les Etats-Unis resteront prêts à envoyer leurs soldats défendre les frontières de leurs alliés. Non pas par simple amitié, mais parce que ce sont également les frontières de leurs propres valeurs et, en définitive, de leur propre sécurité.
Mais la gestion de crises est un autre cas de figure. Il importe que les Européens puissent se déterminer et agir par eux-mêmes, parce que l'expérience montre qu'ils sont seuls à pouvoir jouer ce rôle.
J'appelle à un dialogue étroit, à un dialogue confiant entre les Etats-Unis et l'Europe sur une plus claire répartition des responsabilités sur notre continent. Une étape importante a été franchie dans un excellent climat de confiance lors du dernier Sommet de l'OTAN en janvier dernier. Il faut poursuivre ce débat qui doit être mené, en se gardant d'avoir recours à l'unitéralisme d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique, car c'est alors la confiance elle-
même qui serait affectée. Là encore, prenons garde à ne pas créer de malheureux précédents dans l'affaire yougoslave. Chacun aura compris que je fais en particulier référence à la levée de l'embargo sur les armes.
Ayons également conscience que nous ne pourrons engager ce débat, nous, Européens, que si nous disposons des moyens nous permettant de faire face aux responsabilités qui sont les nôtres.
La constitution de ces moyens ne passe pas en priorité par des débats institutionnels. Les controverses théoriques ont trop occupé le devant de la scène dans le passé. Aujourd'hui, l'essentiel est de connaître les efforts que les Etats européens sont concrètement disposés à entreprendre ensemble.
Je suis partisan d'une approche pragmatique : certains pays européens unis par une même garantie de sécurité sont-ils prêts à développer ensemble, à titre bilatéral ou par petits groupes, des coopérations militaires effectives ? Si tel est le cas, et si leur ambition européenne est claire, il sera ensuite plus facile de résoudre les schémas institutionnels.
A cet égard, il me semble que des résultats importants ont été obtenus dans les dernières années.
Eurocorps - groupe aérien européen franco-britannique - articulation de ces forces multinationales entre elles et avec l'OTAN
Première initiative, déjà bien connue, le Corps européen. Ce projet franco-allemand est devenu une réalisation européenne. Nos partenaires belges, espagnols et luxembourgeois nous ont rejoints afin de donner une assise multilatérale à ce corps d'armée dont la crédibilité militaire est devenue aussi forte que la visibilité politique.
Par l'importance de ses contingents, par la création d'un Etat-major permanent à Strasbourg, par la force de la volonté politique qui le sous-tend, le Corps européen apporte une contribution exemplaire au projet de défense européenne. Mais il n'a jamais eu pour ambition de la résumer à lui seul.
Il fallait que cette première réalisation soit suivie d'autres initiatives de même nature.
C'est ce que nous avons fait avec l'Italie et l'Espagne, grâce à deux projets dans le domaine aéronautique et dans le domaine terrestre. Les ministres de la Défense se sont récemment rencontrés à Séville pour donner une nouvelle impulsion à ces projets en vue de les présenter à l'UEO au printemps 1995. Je souhaite que nous puissions conclure entre les trois pays avant cette échéance.
Enfin, la récente création d'un Groupe aérien européen franco-britannique complète ces projets d'un point de vue géographique et fonctionnel. Là encore, un état-major permanent sera créé afin de préparer la réalisation d'une large gamme d'opérations internationales, telles que les opérations humanitaires, de maintien ou de rétablissement de la paix.
Ces trois forces multinationales, ou projet de forces, peuvent être parfaitement complémentaires. Les trois armées y sont impliquées. Présentes sur le théâtre du centre de l'Europe, grâce au Corps européen, ces forces ont vocation grâce à leur mobilité et leur dimension méditerranéenne à intervenir sur des théâtres plus lointains, en particulier par des opérations humanitaires ou de maintien de la paix.
Chacune de ces forces a sa propre cohérence et sa propre crédibilité opérationnelle. Elles pourront développer des relations plus précises avec l'UEO ou avec l'OTAN, comme l'a fait le Corps européen.
On peut envisager qu'elles définissent une articulation plus directe entre elles, de manière à pouvoir intervenir ensemble si nécessaire car elles sont complémentaires. Telle devrait être la prochaine étape de nos efforts de coopération.
Quel peut-être le cadre d'une telle coopération ? Il appartiendra aux pays contributeurs de ces troupes d'en débattre entre eux. Il est encore tôt pour faire des propositions précises, alors que toutes ces forces ne sont pas encore pleinement opérationnelles. Mais parmi les différents cercles de coopération européenne renforcée qui doivent, demain, permettre à l'Europe de progresser avec davantage de flexibilité, l'on voit clairement se profiler là celui des pays qui veulent créer une défense commune. Ce cercle trouve clairement sa place au sein de l'UEO ; il est naturellement ouvert à tous ceux qui souhaitent en faire partie.
La constitution de forces multinationales ne suffït pas à réaliser un tel projet. Il faut également pouvoir disposer de l'équipement, de la logistique et du renseignement, si nécessaires à la gestion des crises auxquelles nous sommes confrontés.
Programmes Hélios et OSIRIS - ATF - coopération européenne en matière d'armement
Sur ce dernier point, la coopération spatiale peut jouer un rôle déterminant comme le souligne l'excellent rapport de votre Commission technique et aérospatiale présenté par M. Valleix. C'est pourquoi la France mobilise ses efforts à cette fin depuis de nombreuses années. Avec ses partenaires espagnols et italiens, elle a lancé le programme Hélios I qui va dès l'année prochaine fournir des images de grande précision au Centre d'interprétation satellitaire de l'UEO. Un pas supplémentaire sera fait avec le programme Hélios II et avec la réalisation du programme OSIRIS.
Il s'agit d'un projet aux dimensions opérationnelles, technologiques et industrielles qui feront accéder l'Europe à un certain degré d'émancipation dans le domaine de l'observation spatiale. J'en ai longuement débattu avec le Chancelier Kohl ce matin même, lors du Sommet franco-allemand qui s'est tenu à Bonn. J'ai bon espoir que, là encore, la détermination de nos deux pays permette à l'Europe d'accomplir un pas supplémentaire pour se doter des moyens opérationnels qui lui font défaut.
Enfin je mentionnerai, sans pouvoir m'y attarder, la nécessité d'un effort supplémentaire en faveur de la coopération dans le domaine des armements. Celle-ci est portée par le mouvement de regroupements ou d'associations entre sociétés européennes qui ont leur propre logique industrielle et financière. Cette évolution doit être encouragée, car elle va de pair avec une meilleure rationalité économique et budgétaire des programmes d'armement. Il est également souhaitable que cette coopération débouche sur la création d'une véritable agence européenne d'armement dont la France et l'Allemagne ont décidé de poser les premiers jalons.
Il faut enfin que la volonté politique s'impose afin de favoriser le choix européen. C'est ce qui a été fait, il y a quelques mois lors du lancement du programme de la frégate "Horizon". Je souhaite que ce choix prévale à nouveau pour la réalisation de "l'Avion de Transport du Futur" qui devra équiper nos armées dans l'avenir.
L'autre grande question qui nous est posée, est de savoir quelle politique nous pouvons conduire vis-à-vis de nos partenaires d'Europe centrale et orientale en matière de sécurité et de défense.
Elargissement de l'UEO et de l'OTAN - Union européenne - PECO - Partenariat pour la Paix - CSCE - Livre blanc sur la sécurité en Europe
La question n'est pas sans lien avec nos projets de défense européenne pour ce qui concerne ceux qui ont vocation à nous rejoindre, mais dans l'immédiat il convient d'envisager la transition qui s'ouvre à nous.
Le thème de l'élargissement des organisations de défense occidentale, c'est-à-dire de l'UEO et de l'OTAN, est désormais inscrit à notre ordre du jour. Chacune de ces organisations à sa logique propre.
L'élargissement de l'UEO sera une conséquence de celui de l'Union européenne. Il s'agit de favoriser la cohérence entre l'Union européenne et l'organisation destinée à en devenir le bras armé. Il s'agit de parachever la démarche européenne dont la dimension de sécurité fait partie intégrante.
Ce sujet devra être considéré en liaison avec le grand débat de 1996 sur la réforme des institutions européennes. L'échéance nous est fixée par la déclaration des pays de l'UEO, annexée au traité sur l'Union européenne. Elle nous est également fixée par la date de 1998 à laquelle nous devrons revoir le Traité de Bruxelles modifié.
Tout en ayant sa logique propre, l'élargissement de l'UEO devra être considéré en liaison avec celui de l'OTAN. La question qui se pose en effet aux Européens sera de savoir s'ils sont disposés à partager une garantie de sécurité avec l'un de leur voisin, c'est-à-dire garantir ses frontières, sans doubler cette garantie d'une garantie américaine. Une réponse positive constituerait une rupture majeure dans l'équilibre de sécurité euro-Atlantique. Le souhaitons-
nous ? Nos citoyens y sont-ils prêts ?
Pour l'heure, ne cherchons pas à créer de liens rigides entre l'élargissement de l'UEO et celui de l'OTAN, mais ayons bien conscience des répercussions de l'un sur l'autre.
Quelles seront nos lignes directrices dans ce débat sur l'élargissement des organisations de défense ?
En premier lieu, nous comprenons et nous partageons l'aspiration de nos partenaires d'Europe centrale et orientale à vivre dans un même espace de sécurité. Il est clair que la sécurité des pays d'Europe centrale n'est pas indépendante de la sécurité de la France : il ne s'agit pas seulement d'une solidarité morale, mais d'une perception réaliste de nos propres intérêts. La perspective de l'élargissement de l'Alliance atlantique comme celle de l'UEO s'inscrit bien sur l'horizon des prochaines années. Nous l'avons clairement affiché tant au Sommet de Bruxelles de janvier 1994 de l'Alliance atlantique, qu'à celui de Copenhague de juin 1993 pour ce qui concerne l'Union européenne.
Un tel élargissement devra renforcer ces alliances et en aucun cas les diluer, ce qui signifie que chacun des membres de ces alliances devra contribuer à la force de l'ensemble. La garantie de sécurité devra valoir entre tous les membres de l'Alliance. Il ne s'agira pas d'une alliance entre les pays de l'Ouest et les pays d'Europe centrale, mais entre l'ensemble des pays membres, et notamment entre les pays d'Europe centrale eux-mêmes, lorsqu'ils auront intégré ces organisations.
Il faut également garder présent à l'esprit l'objectif essentiel de ces élargissements : il s'agit d'accroître la stabilité et la sécurité en Europe. L'élargissement des instances de sécurité devra apparaître comme une évolution naturelle aux yeux de tous sur le continent à l'instar de l'élargissement de l'Union européenne qui apparaît d'ores et déjà comme une évolution naturelle. Il ne faut pas repousser cette échéance de manière artificielle, mais il pourrait être également maladroit de lui fixer un calendrier arbitraire. Sachons adapter notre pas aux évolutions de ce débat et aux évolutions de l'ensemble de notre continent.
Enfin, dernier principe qui peut paraître une évidence : le jour venu, l'élargissement devra être un plein succès et perçu comme tel par l'ensemble des pays membres et de leurs peuples. La sécurité, garante de notre liberté, est ce que nous avons de plus précieux. Nous ne pouvons pas nous permettre d'engager un processus qui n'ait pas l'adhésion pleine et entière de nos pays et des représentants de nos peuples. Nous avons trop connu dans le passé d'engagements de sécurité qui n'ont pas été tenus parce qu'ils ne reposaient pas sur les réalités du moment.
S'agissant de l'OTAN, ce principe vaut en Europe mais également aux Etats-Unis. Je serais tenté de dire : surtout aux Etats-Unis, car la responsabilité spécifique des Etats-Unis dans l'élargissement de l'Alliance est évidente. Le pire serait de précipiter un débat pour se rendre compte que son aboutissement ne recueille pas l'approbation du Congrès américain.
Pour peu que nous sachions conduire ce débat avec lucidité et raison, je suis optimiste quant à son issue. Dans les conditions que j'ai esquissées, l'élargissement des alliances fera accéder notre continent à un nouvel état de la paix, plus profond et plus solide.
Quelle que soit la date de cette échéance, nous pouvons d'ores et déjà resserrer nos coopérations avec les pays d'Europe centrale et orientale. Outre, les relations bilatérales, plusieurs voies s'offrent à nous.
Le Partenariat pour la paix, qui n'a pas même un an, peut être développé. S'agissant de la dimension pan-européenne, la CSCE peut également être renforcée et transformée en une véritable organisation internationale de plein exercice. Je souhaite que le Sommet du 6 décembre prochain donne un nouveau souffle à la CSCE qui est la seule enceinte où l'Union européenne, avec les Etats-Unis et la Russie, peuvent bâtir l'unité de toute l'Europe et y créer les conditions de dialogue et de confiance nécessaires à une paix durable.
Puisque je me trouve à l'Assemblée de l'UEO, permettez-moi d'insister davantage sur deux projets spécifiquement européens :
Le Pacte de stabilité tout d'abord. Vous en connaissez la philosophie : il s'agit de tisser un réseau d'accords de bon voisinage entre pays d'Europe centrale afin de garantir leur stabilité et de tarir toutes sources de conflits futurs.
Cet exercice de diplomatie préventive a bien progressé depuis un an. Il est essentiellement lié à l'élargissement de l'Union européenne, mais il aura a fortiori une incidence sur le processus d'élargissement des instances de sécurité qu'il contribuera à favoriser. Une réunion intérimaire des ministres doit se tenir la semaine prochaine à Budapest, en marge du Sommet de la CSCE. La France propose d'organiser la réunion de clôture à la fin du mois de mars. Je souhaite que d'ici là les projets d'accord de bon voisinage encore en suspens aboutissent, et que le Pacte consacre une nouvelle aire de stabilité sur notre continent. J'appelle les pays concernés à un nouvel effort à cette fin.
Mais nous pouvons aller au delà vis-à-vis des pays d'Europe centrale qui ont vocation à rejoindre l'Union européenne. Nous pouvons comparer nos idées sur les enjeux de la sécurité européenne, car nous avons à y faire face ensemble, bien que nous n'appartenions pas encore à une même alliance. Un premier objectif serait de parvenir à une analyse commune de ces enjeux.
Tel est l'objet du Livre blanc sur la sécurité européenne que j'ai proposé d'élaborer à l'UEO avec la participation des pays qui y sont associés ou observateurs.
Quelles sont nos perceptions des nouvelles menaces ou des nouveaux risques de sécurité ?
Quels sont les meilleurs moyens pour y faire face ?
Quels sont les principes sur lesquels nous entendons assurer la sécurité future de l'Europe ?
Nous pouvons chercher ensemble des réponses à ces questions. Les pays de l'UEO ont repris à leur compte cette proposition lors de la récente session ministérielle de l'UEO. Je suis heureux de constater que nos partenaires d'Europe centrale et orientale ont réagi favorablement à cette initiative. Celle-ci constitue dans mon esprit une marque concrète des solidarités nouvelles qui doivent nous unir.
Messieurs les Parlementaires,
Résoudre la question de la sécurité européenne est l'un des principaux défis qui nous est lancé aujourd'hui.
La crise yougoslave nous rappelle malheureusement que la paix et la sécurité n'appartiennent pas au cours naturel de l'histoire, y compris dans l'Europe qui approche du troisième millénaire. Il revient aux hommes politiques et aux parlementaires de faire prendre conscience à nos opinions publiques de l'impérieuse nécessité d'un effort supplémentaire en ce sens.