Texte intégral
Roland Sicard.- Aujourd'hui, nouvelle journée de grève dans les services publics contre la réforme des retraites. Et on a l'impression que d'une part, le mouvement s'essouffle et que d'autre part, le ras-le-bol des usagers augmente. Alors, est-ce que ce jour de grève, ce n'est pas un petit peu le jour de grève de trop ?
Bernard Thibault.- "Non, je ne crois pas. Il n'y a pas que de la grève, d'ailleurs, dans cette forme d'action. Depuis le début de l'année, où nous avons articulé manifestations, journées de grève parfois, en fonction de ce que souhaitait faire les salariés, dès lors que le Gouvernement a maintenu sa position, nous avons décidé de maintenir des initiatives nous permettant de réaffirmer combien ce projet de loi était négatif au plan social. Et nous allons, avec tous ceux qui vont souhaiter le faire encore aujourd'hui, l'exprimer dans la rue sans que les appels à la mobilisation se réduisent au seul secteur public. Je ne cesse de répéter que c'est sur l'ensemble du salariat que nous avons demander une mobilisation la plus large possible."
Ce jour de grève n'est pas, dans la plupart des cas, un jour de grève reconductible. Cela veut-il dire que c'est le dernier ?
- "Non, cela veut dire que, comme les jours précédents, ce sont les salariés qui décident de la forme d'action. Nous situons les enjeux, nous fixons des rendez-vous et, dans l'unité, ces journées ont étés programmées à plusieurs organisations syndicales, continuer à marquer notre présence. Nous organisons dans la même période une grande consultation nationale, c'est ce qui est en train de se produire dans les entreprises. Nous demandons aux salariés d'exprimer leurs opinions sur les marchés, devant les écoles et nous comptons bien recueillir plusieurs millions de signatures en quelques jours, avant la fin des travaux à l'Assemblée et au Sénat, pour confirmer auprès du Gouvernement qui va peut-être adopter cette loi, mais dans des conditions très négatives dès lors qu'elle sera très critiquée."
Mais sur la mobilisation, on voit quand même qu'il y a moins de gens dans les rues, on voit quand même que le mouvement s'essouffle. Vous êtes d'accord sur le fait que justement il y a un certain étiolement du mouvement ?
- "Ce que je retiens, c'est qu'il y a eu au total plusieurs millions de salariés qui se sont mobilisés d'une manière ou d'une autre."
Mais aujourd'hui, est-ce qu'il faiblit ?
- "Oui, mais nous sommes dans un mouvement qui n'est pas comparable aux mouvements précédents. On veut systématiquement faire des comparaisons. C'est toujours utile. Le mouvement a des caractéristiques propres cette fois-ci. Parce que le secteur privé, la précarité a progressé. Les formes d'actions ne sont pas forcément les mêmes, notamment celles du secteur public. J'entends quelques responsables syndicaux qui voudraient mettre tout le monde au diapason sur la forme d'expression du mécontentement. Non, la situation est beaucoup plus diverse que celle-là, une confédération comme la nôtre tient compte des diversités. Ce que je retiens, c'est que nous sommes parvenus, dans un pays faiblement syndiqué, à avoir une grande mobilisation sociale pour porter des exigences. C'est ce qui me fait dire que ces exigences-là ne vont pas s'éteindre avec l'été."
Pour faire malgré tout une comparaison, on a l'impression que par rapport à 1995, où vous aviez réussi à faire plier le Gouvernement, là, il n'y a pas eu un rapport de force suffisant pour faire reculer le Gouvernement ?
- "Mais les choses ne vont pas s'arrêter, encore une fois, dans les prochains jours. Ce Gouvernement sait bien d'ailleurs qu'une loi votée un temps, est toujours révisable en permanence. Il l'a fait lui-même vis-à-vis de la loi sur les 35 heures. Il a arrêté le processus des 35 heures. Donc, quelque soit le sort fait à cette loi dans les prochains jours, pour ce qui concerne la CGT, je peux vous affirmer que nous ne renoncerons pas à modifier les termes des droits qui seront contenus dans cette loi, si les principaux axes étaient maintenus par les travaux de l'Assemblée nationale."
Cela va se traduire comment, dans la mesure ou l'on voit aujourd'hui que les jours de grève ne suffisent pas pour obtenir cela ?
- "Mais nous pouvons continuer à articuler des mobilisations sous différentes formes que la manifestation de rue. Le 25 mai, nous avons eu pratiquement 600.000 participants à une manifestation nationale à Paris. Cela ne s'était pas produit depuis plus de vingt ans, je crois, sur un sujet social de cette importance. Ce qui montre le degré d'exigence. Et je pense que nous serons dans la capacité d'avoir d'autres rendez-vous, peut-être sous d'autres formes."
Quels genres de rendez-vous ? Ce ne sera pas la grève, ce sera quoi ?
- "Demain, nous rediscutons de l'avenir des retraites complémentaires. On en parle peu pour l'instant, mais avec le Medef notamment, nous allons nous retrouver pour discuter de l'avenir des retraites complémentaires, l'autre pilier s'agissant des retraites. Et il y a fort à craindre que le Medef, sur cet aspect aussi, nous fasse un chantage, n'accepte pas de s'inscrire dans des financements supplémentaires. Si c'était le cas, nous serions dans une situation de blocage d'ici quelques mois. C'est dire que la question des retraites va revenir à l'ordre du jour, de fait, dès la rentrée, comme d'autres sujets sociaux. Vous le savez bien, nous seront amenés à discuter de l'avenir de la Sécurité sociale et quelque chose me dit que nous aurons besoin d'autres mobilisations, dont nous définirons les formes avec les salariés concernés. Ce sont les salariés qui sont déterminants quant à notre capacité d'être entendus dans ces discussions."
Certains syndicats vous critiquent et disent que si le rapport de forces n'a pas été suffisant, c'est parce que la CGT n'a jamais appelé à la grève générale ?
- "Oui, mais cela vient de la bouche de responsables syndicaux qui pensent, alors qu'ils ne peuvent pas y croire..."
Ils disent en substance qu'il y a des occasions qui ont étés ratées ?
- "Oui, mais ce que je retiens, c'est que la CGT est sans doute l'organisation qui a le plus fédéré de participations. Nous avons vu des centaines de milliers de personnes qui se sont inscrit dans la démarche proposée par la CGT, avec d'autres organisations syndicales, pour réclamer des négociations, qui n'ont pas contesté le fait qu'il y ait un vrai défi sur l'avenir des retraites. Mais ces responsables syndicaux savent aussi qu'une grève générale, dans l'histoire du syndicalisme français, c'est le résultat d'un processus et cela ne se décrète pas par quelque responsable syndical que ce soit. Je ne crois pas qu'on puisse faire porter par l'organisation qui a fait le plus pour élever le rapport de force ces dernières semaines et qui a un engagement sur l'avenir, le fait que le Gouvernement fasse preuve de l'intransigeance qui le caractérise, y compris s'agissant, on l'a évoqué ces derniers jours, de la manière de retenir les jours de grève. Il y a là, une attitude des plus intransigeantes."
Justement, parlons des jours de grève : le Gouvernement est très ferme sur ce point, il dit non seulement que les jours de grève ne seront pas payés, mais que surtout il n'y aura pas d'étalement, ou alors très court, des retenues sur les salaires ?
- "C'est là qu'il y a une attitude nouvelle. Les jours de grève ne sont pas payés. J'ai entendu le président du MEDEF, certains députés de la majorité s'offusquer de cette hypothèse. Il n'a jamais été question de payer les jours de grève..."
C'est arrivé !
- "Non, il y eu des négociations, parfois, sur le type de décompte, voire de compensations, mettre des jours de congés ou de RTT... Le choix qui est fait par le Gouvernement, c'est de prendre en quelque sorte ces grévistes de mai et juin, c'est "l'esprit de mai" qui ressort, en otage et prend date pour le futur. J'ai l'impression qu'il y a l'esprit de Madame Thatcher qui est en train de rôder dans les couloirs de Matignon, ce qui est inquiétant quant à la conception qui semble être celle du Gouvernement sur le dialogue social."
Mais ce que dit le Gouvernement, c'est que lorsqu'on fait grève, on prends des risques, et que le risque, c'est de ne pas être payé tout simplement.
- "Oui, mais la tradition a toujours été de faire en sorte d'avoir un certain étalement pour permettre à des grévistes d'avoir des moyens de vivre normalement. Ce que le Gouvernement veut faire à cette occasion, c'est d'étrangler par le porte-monnaie et de dissuader tout mouvement à l'avenir. Je ne pense pas, encore une fois, que ce soit de nature à calmer le jeu. Au contraire, je pense que c'est une attitude qui ne va que renforcer le besoin de trouver des formes pour contester des projets sociaux, dès lors qu'ils sont contestés par une grande majorité de notre population."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 juin 2003)
Bernard Thibault.- "Non, je ne crois pas. Il n'y a pas que de la grève, d'ailleurs, dans cette forme d'action. Depuis le début de l'année, où nous avons articulé manifestations, journées de grève parfois, en fonction de ce que souhaitait faire les salariés, dès lors que le Gouvernement a maintenu sa position, nous avons décidé de maintenir des initiatives nous permettant de réaffirmer combien ce projet de loi était négatif au plan social. Et nous allons, avec tous ceux qui vont souhaiter le faire encore aujourd'hui, l'exprimer dans la rue sans que les appels à la mobilisation se réduisent au seul secteur public. Je ne cesse de répéter que c'est sur l'ensemble du salariat que nous avons demander une mobilisation la plus large possible."
Ce jour de grève n'est pas, dans la plupart des cas, un jour de grève reconductible. Cela veut-il dire que c'est le dernier ?
- "Non, cela veut dire que, comme les jours précédents, ce sont les salariés qui décident de la forme d'action. Nous situons les enjeux, nous fixons des rendez-vous et, dans l'unité, ces journées ont étés programmées à plusieurs organisations syndicales, continuer à marquer notre présence. Nous organisons dans la même période une grande consultation nationale, c'est ce qui est en train de se produire dans les entreprises. Nous demandons aux salariés d'exprimer leurs opinions sur les marchés, devant les écoles et nous comptons bien recueillir plusieurs millions de signatures en quelques jours, avant la fin des travaux à l'Assemblée et au Sénat, pour confirmer auprès du Gouvernement qui va peut-être adopter cette loi, mais dans des conditions très négatives dès lors qu'elle sera très critiquée."
Mais sur la mobilisation, on voit quand même qu'il y a moins de gens dans les rues, on voit quand même que le mouvement s'essouffle. Vous êtes d'accord sur le fait que justement il y a un certain étiolement du mouvement ?
- "Ce que je retiens, c'est qu'il y a eu au total plusieurs millions de salariés qui se sont mobilisés d'une manière ou d'une autre."
Mais aujourd'hui, est-ce qu'il faiblit ?
- "Oui, mais nous sommes dans un mouvement qui n'est pas comparable aux mouvements précédents. On veut systématiquement faire des comparaisons. C'est toujours utile. Le mouvement a des caractéristiques propres cette fois-ci. Parce que le secteur privé, la précarité a progressé. Les formes d'actions ne sont pas forcément les mêmes, notamment celles du secteur public. J'entends quelques responsables syndicaux qui voudraient mettre tout le monde au diapason sur la forme d'expression du mécontentement. Non, la situation est beaucoup plus diverse que celle-là, une confédération comme la nôtre tient compte des diversités. Ce que je retiens, c'est que nous sommes parvenus, dans un pays faiblement syndiqué, à avoir une grande mobilisation sociale pour porter des exigences. C'est ce qui me fait dire que ces exigences-là ne vont pas s'éteindre avec l'été."
Pour faire malgré tout une comparaison, on a l'impression que par rapport à 1995, où vous aviez réussi à faire plier le Gouvernement, là, il n'y a pas eu un rapport de force suffisant pour faire reculer le Gouvernement ?
- "Mais les choses ne vont pas s'arrêter, encore une fois, dans les prochains jours. Ce Gouvernement sait bien d'ailleurs qu'une loi votée un temps, est toujours révisable en permanence. Il l'a fait lui-même vis-à-vis de la loi sur les 35 heures. Il a arrêté le processus des 35 heures. Donc, quelque soit le sort fait à cette loi dans les prochains jours, pour ce qui concerne la CGT, je peux vous affirmer que nous ne renoncerons pas à modifier les termes des droits qui seront contenus dans cette loi, si les principaux axes étaient maintenus par les travaux de l'Assemblée nationale."
Cela va se traduire comment, dans la mesure ou l'on voit aujourd'hui que les jours de grève ne suffisent pas pour obtenir cela ?
- "Mais nous pouvons continuer à articuler des mobilisations sous différentes formes que la manifestation de rue. Le 25 mai, nous avons eu pratiquement 600.000 participants à une manifestation nationale à Paris. Cela ne s'était pas produit depuis plus de vingt ans, je crois, sur un sujet social de cette importance. Ce qui montre le degré d'exigence. Et je pense que nous serons dans la capacité d'avoir d'autres rendez-vous, peut-être sous d'autres formes."
Quels genres de rendez-vous ? Ce ne sera pas la grève, ce sera quoi ?
- "Demain, nous rediscutons de l'avenir des retraites complémentaires. On en parle peu pour l'instant, mais avec le Medef notamment, nous allons nous retrouver pour discuter de l'avenir des retraites complémentaires, l'autre pilier s'agissant des retraites. Et il y a fort à craindre que le Medef, sur cet aspect aussi, nous fasse un chantage, n'accepte pas de s'inscrire dans des financements supplémentaires. Si c'était le cas, nous serions dans une situation de blocage d'ici quelques mois. C'est dire que la question des retraites va revenir à l'ordre du jour, de fait, dès la rentrée, comme d'autres sujets sociaux. Vous le savez bien, nous seront amenés à discuter de l'avenir de la Sécurité sociale et quelque chose me dit que nous aurons besoin d'autres mobilisations, dont nous définirons les formes avec les salariés concernés. Ce sont les salariés qui sont déterminants quant à notre capacité d'être entendus dans ces discussions."
Certains syndicats vous critiquent et disent que si le rapport de forces n'a pas été suffisant, c'est parce que la CGT n'a jamais appelé à la grève générale ?
- "Oui, mais cela vient de la bouche de responsables syndicaux qui pensent, alors qu'ils ne peuvent pas y croire..."
Ils disent en substance qu'il y a des occasions qui ont étés ratées ?
- "Oui, mais ce que je retiens, c'est que la CGT est sans doute l'organisation qui a le plus fédéré de participations. Nous avons vu des centaines de milliers de personnes qui se sont inscrit dans la démarche proposée par la CGT, avec d'autres organisations syndicales, pour réclamer des négociations, qui n'ont pas contesté le fait qu'il y ait un vrai défi sur l'avenir des retraites. Mais ces responsables syndicaux savent aussi qu'une grève générale, dans l'histoire du syndicalisme français, c'est le résultat d'un processus et cela ne se décrète pas par quelque responsable syndical que ce soit. Je ne crois pas qu'on puisse faire porter par l'organisation qui a fait le plus pour élever le rapport de force ces dernières semaines et qui a un engagement sur l'avenir, le fait que le Gouvernement fasse preuve de l'intransigeance qui le caractérise, y compris s'agissant, on l'a évoqué ces derniers jours, de la manière de retenir les jours de grève. Il y a là, une attitude des plus intransigeantes."
Justement, parlons des jours de grève : le Gouvernement est très ferme sur ce point, il dit non seulement que les jours de grève ne seront pas payés, mais que surtout il n'y aura pas d'étalement, ou alors très court, des retenues sur les salaires ?
- "C'est là qu'il y a une attitude nouvelle. Les jours de grève ne sont pas payés. J'ai entendu le président du MEDEF, certains députés de la majorité s'offusquer de cette hypothèse. Il n'a jamais été question de payer les jours de grève..."
C'est arrivé !
- "Non, il y eu des négociations, parfois, sur le type de décompte, voire de compensations, mettre des jours de congés ou de RTT... Le choix qui est fait par le Gouvernement, c'est de prendre en quelque sorte ces grévistes de mai et juin, c'est "l'esprit de mai" qui ressort, en otage et prend date pour le futur. J'ai l'impression qu'il y a l'esprit de Madame Thatcher qui est en train de rôder dans les couloirs de Matignon, ce qui est inquiétant quant à la conception qui semble être celle du Gouvernement sur le dialogue social."
Mais ce que dit le Gouvernement, c'est que lorsqu'on fait grève, on prends des risques, et que le risque, c'est de ne pas être payé tout simplement.
- "Oui, mais la tradition a toujours été de faire en sorte d'avoir un certain étalement pour permettre à des grévistes d'avoir des moyens de vivre normalement. Ce que le Gouvernement veut faire à cette occasion, c'est d'étrangler par le porte-monnaie et de dissuader tout mouvement à l'avenir. Je ne pense pas, encore une fois, que ce soit de nature à calmer le jeu. Au contraire, je pense que c'est une attitude qui ne va que renforcer le besoin de trouver des formes pour contester des projets sociaux, dès lors qu'ils sont contestés par une grande majorité de notre population."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 juin 2003)