Texte intégral
Q- H. Lauret-. La semaine qui s'ouvre était placée sous le signe du budget et des finances. Vous qui êtes chargé de réformer l'Etat avec R. Dutreil, avec quels moyens le ferez-vous et est-il encore et toujours question, quand on parle de réforme de l'Etat, d'économies et notamment d'économies de fonctionnaires ?
R- "D'abord, la réforme de l'Etat est une réforme qui doit être permanente. On ne peut pas, un jour, décider que l'Etat sera différent le lendemain de ce qu'il était la veille..."
Q- Cela ne marche pas en tout cas...
R- "Non, cela ne marche pas et puis c'est une vue de l'esprit, c'est une vue très théorique. Donc ce qui est important, c'est un processus, une évolution permanente de l'Etat, pour qu'il corresponde aux besoins des citoyens. L'Etat est au service des citoyens, c'est sa première vocation."
Q- Mais quand il coûte trop cher en termes de fonctionnement ? On parlait des dépenses de fonctionnement tout à l'heure.
R- "Oui, il y a beaucoup de dépenses de fonctionnement qui sont utiles. Il faut simplement que l'Etat maîtrise les dépenses publiques, c'est ça qui est important. C'est qu'il produise un service public comme une société de services, qu'il produise un service public au moindre coût, en tout cas avec un coût performant ou un coût adapté. Donc cela doit être mesuré, cela doit être regardé et c'est l'intérêt des uns et des autres. C'est l'intérêt du contribuable, du citoyen mais aussi de l'agent public. Donc la réforme de l'Etat, c'est aussi bien évidemment le lien avec la maîtrise des dépenses publiques, un lien étroit entre les deux. Ce n'est pas seulement ça, mais c'est aussi cela."
Q- Reconnaissez que le discours sur la productivité des - entre guillemets - "agents de la fonction publique" ne passe pas en France. C'est-à-dire qu'on ne peut pas dire demain matin : "Vous ne travaillez pas suffisamment bien compte tenu du service que vous rendez à l'opinion, à la collectivité".
R- "On ne peut, certes, pas le dire comme cela, parce que d'abord ce serait très insultant vis-à-vis de ceux qui, je pense, tous les jours travaillent avec une certaine idée du service public. J'ai une haute opinion des fonctionnaires et des agents publics. Il faut simplement leur donner les moyens et les capacités de remplir au mieux leurs tâches. Il faut que ces tâches soient très adaptées à la société. Je suis pour un Etat respecté mais aussi un Etat respectueux et respectueux des citoyens. Et cet Etat-là doit se construire au fur et à mesure du temps. L'Etat du XXIème siècle, c'est un Etat qui prend en compte et qui met au cur de ses préoccupations, les citoyens, et qui le fait en collaboration avec les agents publics. C'est une démarche probablement longue. C'est probablement une culture qu'il faut imprimer. Et j'ai tout à fait confiance pour que nous y parvenions."
Q- Mais avons-nous encore le temps, puisque tout le monde sait dans quel état sont nos finances publiques ? Je me souviens comme tout le monde que vous aviez dit, lorsque vous êtes arrivé aux affaires il y a deux ans : "Il faut réformer l'Etat, on va le faire". On a par exemple parlé d'un protocole de non-remplacement des fonctionnaires qui partaient à la retraite - et on sait qu'il y en aura beaucoup dans les années qui viennent. C'était un pour deux. Est-ce que cette simple formule algébrique est toujours d'actualité ?
R- "C'est une piste mais ce n'est vraiment qu'une partie du problème, c'est le petit bout de la lorgnette. C'est une erreur de mettre les moyens avant la stratégie. Il faut savoir ce qu'on veut faire et puis après, on en déduit les moyens. Fonder la réforme de l'Etat sur le nombre de fonctionnaires, c'est une erreur et c'est une erreur grave. Ce n'est pas un problème comptable ou un problème quantitatif, c'est d'abord un problème qualitatif. Quand on saura ce qu'on souhaite dans les différents domaines d'activité de l'Etat, on adaptera les moyens. Je vous donne quelques exemples. Il y a des secteurs dans le domaine public qui manquent cruellement de fonctionnaires. C'est vrai dans le domaine de la santé"
Q- Des infirmiers, des infirmières...
R- "Oui, vous savez que ce sont des gros bataillons de l'Etat, les fonctionnaires hospitaliers..."
Q- Question simple : va-t-on recruter dans ce domaine ?
R- "J'ai le sentiment qu'il faut redéployer les moyens. J'ai le sentiment que nous avons, aujourd'hui, c'est vrai, une situation financière que chacun connaît, qui est sur la table, qui est une situation préoccupante..."
Q- Qui est assez désastreuse, on peut le dire...
R- "Qui est difficile, qui est préoccupante. Il faut retrouver de la croissance et puis faire les réformes qui doivent être faites. Mais en même temps, il y a des lieux qui manquent cruellement de fonctionnaires, parce que les citoyens en ont besoin. C'est vrai dans le domaine de la sécurité, dans le domaine de la fonction publique, dans d'autres domaines. Et puis il y a des endroits probablement où il faut savoir redéployer les moyens. Donc, je crois que l'Etat doit être suffisamment souple pour parvenir à cela. S'il est cloisonné, il n'y parviendra pas."
Q- Est-ce qu'on fait d'un infirmier un pompier, ou d'un pompier un infirmier ? Pardon, cette question est un peu triviale, mais vous voyez ce que je veux dire...
R- "Oui, je vois bien. On ne fait pas homme pour homme ou femme pour femme évidemment. Mais d'une certaine manière, un Etat, c'est aussi une masse de moyens, c'est aussi une série de crédits, c'est aussi tout cela. Et d'une certaine manière, on arrive sur le temps à évidemment redéployer les compétences et les activités."
Q- Comment est-ce que vous allez procéder ? A l'heure actuelle, il y a un certain nombre de sujets qui sont très, très lourds. Votre collègue Donnedieu de Vabres commence aujourd'hui des négociations, des discussions avec les intermittents du spectacle. L'idée est quand même de "rétablir la paix entre la droite et le monde de la culture" - je mets encore tout cela entre guillemets... Mais le déficit, lui, du régime de l'intermittent, il n'a pas changé, c'est toujours 800 millions d'euros. Alors comment fait-on ?
R- "Le président de la République l'a bien dit après ces élections régionales, il y a un signe qui a été donné notamment d'inquiétude et probablement de désarroi ou de mécontentement. Il fallait, je crois, apaiser un peu la société française et puis donner des signes probablement aussi de redémarrage"
Q- De dialogue ?
R- "De dialogue, oui. Et le conflit qui nous oppose, aujourd'hui, aux intermittents est un conflit qui doit trouver des voies de règlement à la fois qui ne soient pas trop perturbateurs pour les finances de ce régime et en même temps, qui montre que le débat auquel on a eu à faire face était un débat très caricaturé et très caricatural. Donc, il faut trouver des moyens. Je suis persuadé que Renaud Donnedieu de Vabres, les intermittents et les partenaires sociaux trouveront les moyens d'y parvenir."
Q- Et qui va payer en définitive ? Parce que je veux bien qu'ils "trouvent les moyens" mais on sait très bien qu'il y a le Festival de Cannes dans très peu de temps et puis l'été des Festivals, ce n'est pas si loin de nous...
R- "Oui, cela ne peut sûrement pas être la situation de départ, mais sûrement une situation plus négociée qu'elle ne l'a été jusqu'à présent. Chacun y a intérêt, à la fois les intermittents et puis à la fois évidemment les financeurs de ce régime. La réforme doit être comprise. On l'a bien vu : si on veut vraiment réformer"
Q- Vous avez compris à l'UMP, qu'il ne faut pas imposer la réforme pour imposer la réforme ?
R- "La réforme, en soi, cela ne veut rien dire, ce n'est pas une fin en soi. Ce qui compte, c'est de dire pourquoi on a envie de réformer et pour faire quoi et en quoi cela garantit surtout le modèle français auquel on est si attaché. Ce matin, P. Douste-Blazy le dit dans un journal..."
Q- Dans Les Echos ce matin. 23.000 euros la minute, voilà ce que coûte le déficit de l'assurance maladie...
R- "Cela ne peut plus durer, cela ne peut évidemment plus durer. Cela ne peut plus durer parce que si cela dure, cela s'arrêtera, on va dans le mur."
Q- Alors ?
R- "Eh bien, il faut évoluer. Il faut changer mais il faut trouver les moyens de cette évolution, à la fois dans le dialogue et puis, en même temps, en montrant que l'évolution, ce n'est pas nécessairement de faire plus mal demain ce qu'on faisait aujourd'hui. C'est que, à partir du moment où on garantit ce modèle français dans plein de domaines, finalement le citoyen s'y retrouvera avec probablement plus de bonheur."
Q- Vous êtes le député maire de Chantilly, vous êtes un jeune ministre, puisque vous venez d'arriver "aux affaires", comme on dit. Vous savez bien qu'il y a une grande plaie dans le pays, ce sont les déficits et vous savez aussi qu'il y a un handicap majeur, c'est cette réticence, cette résistance au changement et à la réforme. Alors un homme jeune, nouveau comme vous, neuf dans le métier, quelles sont vos idées ?
R- "Je crois profondément, évidemment, que l'immobilisme est la pire des choses et que, on l'a bien vu, dès qu'on ne fait plus rien, les choses s'aggravent. Donc, il faut évidemment montrer à nos concitoyens, et puis aussi se montrer à soi-même, que l'évolution est une chose nécessaire dans une société comme la nôtre. Il ne faut simplement pas braquer l'opinion et pas considérer que la réforme, ce ne sont que des sacrifices. Ce n'est pas uniquement ça..."
Q- C'est quand même souvent le cas, non ?
R- "R. Dutreil le disait hier : il peut y avoir une réforme de nature heureuse, c'est-à-dire une réforme douce, partagée par les uns et par les autres. Il faut aussi que l'intérêt public, l'intérêt national, que cette communauté nationale à laquelle on fait partie, de temps en temps, domine uniquement et domine, de temps en temps, et peut-être plus souvent sur les intérêts particuliers."
Q- Alors allez-vous changer de discours ? Allez-vous changer de méthode ? Allez-vous faire les deux ?
R- "Il faut évidemment mieux expliquer. La Nation française, nous citoyens français, on est aujourd'hui extrêmement mûrs, on est prêt à accepter un certain nombre de choses si on nous explique. Si on ne nous explique pas, on n'est pas prêt à faire."
Q- Vous avez déjà rencontré les syndicats. Vous n'avez pas eu le temps de beaucoup converser avec eux, mais vous les avez déjà rencontrés. Est-ce que vous avez le sentiment qu'ils sont ouverts, aujourd'hui, à ce processus d'évolution à l'intérieur du système de la fonction publique, auquel vous faisiez allusion tout à l'heure. C'est-à-dire : regardons là où il y a des besoins et, là où il y a des besoins, essayons de les pourvoir ?
R- "J'ai eu le sentiment en tout cas que les syndicats de la fonction publique, comme d'autres d'ailleurs, sont des syndicats aujourd'hui qui sont prêts à discuter, qui ont évolué sur un certain nombre de choses. Il ne faut pas caricaturer non plus les positions syndicales, sinon, d'ailleurs, on brutalise et on brusque dès le début toute négociation, et il n'en sort rien. Le principe d'une négociation, c'est quand même d'être face à face et puis de regarder ce qu'on peut faire ensemble. Si évidemment, on part sur une idée d'imposer les choses, on ne peut pas y arriver."
Q- Là-dessus, il y a une nette évolution de Raffarin III par rapport à Raffarin I, voire Raffarin II quand même...
R- "Il faut discuter mais il faut faire aussi. La discussion ne peut évidemment pas conduire à l'immobilisme."
Q- La loi de mobilisation pour l'emploi est morte et enterrée. Elle sera remplacée par une loi sur la cohésion sociale. Quant à l'assurance maladie, vous l'avez dit vous-même, il faut réformer. Mais est-ce qu'on aura le temps de faire ça à l'été, comme l'avait promis J.-P. Raffarin ?
R- "Oui, je suis persuadé qu'on aura le temps de le faire. D'ailleurs, le ministre de la Santé travaille activement à cela et je crois que le Premier ministre a annoncé que cette réforme serait derrière nous, au mois d'août"
Q- Elle sera forcément douloureuse ?
R- "Non, pas nécessairement. Pourquoi toujours de la douleur et du sacrifice ? On est dans un monde qui évolue constamment et il est naturel que tout ce qui nous régit, que ce qui nous entoure, évolue aussi mais évolue avec l'assentiment des Français."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 avril 2004)
R- "D'abord, la réforme de l'Etat est une réforme qui doit être permanente. On ne peut pas, un jour, décider que l'Etat sera différent le lendemain de ce qu'il était la veille..."
Q- Cela ne marche pas en tout cas...
R- "Non, cela ne marche pas et puis c'est une vue de l'esprit, c'est une vue très théorique. Donc ce qui est important, c'est un processus, une évolution permanente de l'Etat, pour qu'il corresponde aux besoins des citoyens. L'Etat est au service des citoyens, c'est sa première vocation."
Q- Mais quand il coûte trop cher en termes de fonctionnement ? On parlait des dépenses de fonctionnement tout à l'heure.
R- "Oui, il y a beaucoup de dépenses de fonctionnement qui sont utiles. Il faut simplement que l'Etat maîtrise les dépenses publiques, c'est ça qui est important. C'est qu'il produise un service public comme une société de services, qu'il produise un service public au moindre coût, en tout cas avec un coût performant ou un coût adapté. Donc cela doit être mesuré, cela doit être regardé et c'est l'intérêt des uns et des autres. C'est l'intérêt du contribuable, du citoyen mais aussi de l'agent public. Donc la réforme de l'Etat, c'est aussi bien évidemment le lien avec la maîtrise des dépenses publiques, un lien étroit entre les deux. Ce n'est pas seulement ça, mais c'est aussi cela."
Q- Reconnaissez que le discours sur la productivité des - entre guillemets - "agents de la fonction publique" ne passe pas en France. C'est-à-dire qu'on ne peut pas dire demain matin : "Vous ne travaillez pas suffisamment bien compte tenu du service que vous rendez à l'opinion, à la collectivité".
R- "On ne peut, certes, pas le dire comme cela, parce que d'abord ce serait très insultant vis-à-vis de ceux qui, je pense, tous les jours travaillent avec une certaine idée du service public. J'ai une haute opinion des fonctionnaires et des agents publics. Il faut simplement leur donner les moyens et les capacités de remplir au mieux leurs tâches. Il faut que ces tâches soient très adaptées à la société. Je suis pour un Etat respecté mais aussi un Etat respectueux et respectueux des citoyens. Et cet Etat-là doit se construire au fur et à mesure du temps. L'Etat du XXIème siècle, c'est un Etat qui prend en compte et qui met au cur de ses préoccupations, les citoyens, et qui le fait en collaboration avec les agents publics. C'est une démarche probablement longue. C'est probablement une culture qu'il faut imprimer. Et j'ai tout à fait confiance pour que nous y parvenions."
Q- Mais avons-nous encore le temps, puisque tout le monde sait dans quel état sont nos finances publiques ? Je me souviens comme tout le monde que vous aviez dit, lorsque vous êtes arrivé aux affaires il y a deux ans : "Il faut réformer l'Etat, on va le faire". On a par exemple parlé d'un protocole de non-remplacement des fonctionnaires qui partaient à la retraite - et on sait qu'il y en aura beaucoup dans les années qui viennent. C'était un pour deux. Est-ce que cette simple formule algébrique est toujours d'actualité ?
R- "C'est une piste mais ce n'est vraiment qu'une partie du problème, c'est le petit bout de la lorgnette. C'est une erreur de mettre les moyens avant la stratégie. Il faut savoir ce qu'on veut faire et puis après, on en déduit les moyens. Fonder la réforme de l'Etat sur le nombre de fonctionnaires, c'est une erreur et c'est une erreur grave. Ce n'est pas un problème comptable ou un problème quantitatif, c'est d'abord un problème qualitatif. Quand on saura ce qu'on souhaite dans les différents domaines d'activité de l'Etat, on adaptera les moyens. Je vous donne quelques exemples. Il y a des secteurs dans le domaine public qui manquent cruellement de fonctionnaires. C'est vrai dans le domaine de la santé"
Q- Des infirmiers, des infirmières...
R- "Oui, vous savez que ce sont des gros bataillons de l'Etat, les fonctionnaires hospitaliers..."
Q- Question simple : va-t-on recruter dans ce domaine ?
R- "J'ai le sentiment qu'il faut redéployer les moyens. J'ai le sentiment que nous avons, aujourd'hui, c'est vrai, une situation financière que chacun connaît, qui est sur la table, qui est une situation préoccupante..."
Q- Qui est assez désastreuse, on peut le dire...
R- "Qui est difficile, qui est préoccupante. Il faut retrouver de la croissance et puis faire les réformes qui doivent être faites. Mais en même temps, il y a des lieux qui manquent cruellement de fonctionnaires, parce que les citoyens en ont besoin. C'est vrai dans le domaine de la sécurité, dans le domaine de la fonction publique, dans d'autres domaines. Et puis il y a des endroits probablement où il faut savoir redéployer les moyens. Donc, je crois que l'Etat doit être suffisamment souple pour parvenir à cela. S'il est cloisonné, il n'y parviendra pas."
Q- Est-ce qu'on fait d'un infirmier un pompier, ou d'un pompier un infirmier ? Pardon, cette question est un peu triviale, mais vous voyez ce que je veux dire...
R- "Oui, je vois bien. On ne fait pas homme pour homme ou femme pour femme évidemment. Mais d'une certaine manière, un Etat, c'est aussi une masse de moyens, c'est aussi une série de crédits, c'est aussi tout cela. Et d'une certaine manière, on arrive sur le temps à évidemment redéployer les compétences et les activités."
Q- Comment est-ce que vous allez procéder ? A l'heure actuelle, il y a un certain nombre de sujets qui sont très, très lourds. Votre collègue Donnedieu de Vabres commence aujourd'hui des négociations, des discussions avec les intermittents du spectacle. L'idée est quand même de "rétablir la paix entre la droite et le monde de la culture" - je mets encore tout cela entre guillemets... Mais le déficit, lui, du régime de l'intermittent, il n'a pas changé, c'est toujours 800 millions d'euros. Alors comment fait-on ?
R- "Le président de la République l'a bien dit après ces élections régionales, il y a un signe qui a été donné notamment d'inquiétude et probablement de désarroi ou de mécontentement. Il fallait, je crois, apaiser un peu la société française et puis donner des signes probablement aussi de redémarrage"
Q- De dialogue ?
R- "De dialogue, oui. Et le conflit qui nous oppose, aujourd'hui, aux intermittents est un conflit qui doit trouver des voies de règlement à la fois qui ne soient pas trop perturbateurs pour les finances de ce régime et en même temps, qui montre que le débat auquel on a eu à faire face était un débat très caricaturé et très caricatural. Donc, il faut trouver des moyens. Je suis persuadé que Renaud Donnedieu de Vabres, les intermittents et les partenaires sociaux trouveront les moyens d'y parvenir."
Q- Et qui va payer en définitive ? Parce que je veux bien qu'ils "trouvent les moyens" mais on sait très bien qu'il y a le Festival de Cannes dans très peu de temps et puis l'été des Festivals, ce n'est pas si loin de nous...
R- "Oui, cela ne peut sûrement pas être la situation de départ, mais sûrement une situation plus négociée qu'elle ne l'a été jusqu'à présent. Chacun y a intérêt, à la fois les intermittents et puis à la fois évidemment les financeurs de ce régime. La réforme doit être comprise. On l'a bien vu : si on veut vraiment réformer"
Q- Vous avez compris à l'UMP, qu'il ne faut pas imposer la réforme pour imposer la réforme ?
R- "La réforme, en soi, cela ne veut rien dire, ce n'est pas une fin en soi. Ce qui compte, c'est de dire pourquoi on a envie de réformer et pour faire quoi et en quoi cela garantit surtout le modèle français auquel on est si attaché. Ce matin, P. Douste-Blazy le dit dans un journal..."
Q- Dans Les Echos ce matin. 23.000 euros la minute, voilà ce que coûte le déficit de l'assurance maladie...
R- "Cela ne peut plus durer, cela ne peut évidemment plus durer. Cela ne peut plus durer parce que si cela dure, cela s'arrêtera, on va dans le mur."
Q- Alors ?
R- "Eh bien, il faut évoluer. Il faut changer mais il faut trouver les moyens de cette évolution, à la fois dans le dialogue et puis, en même temps, en montrant que l'évolution, ce n'est pas nécessairement de faire plus mal demain ce qu'on faisait aujourd'hui. C'est que, à partir du moment où on garantit ce modèle français dans plein de domaines, finalement le citoyen s'y retrouvera avec probablement plus de bonheur."
Q- Vous êtes le député maire de Chantilly, vous êtes un jeune ministre, puisque vous venez d'arriver "aux affaires", comme on dit. Vous savez bien qu'il y a une grande plaie dans le pays, ce sont les déficits et vous savez aussi qu'il y a un handicap majeur, c'est cette réticence, cette résistance au changement et à la réforme. Alors un homme jeune, nouveau comme vous, neuf dans le métier, quelles sont vos idées ?
R- "Je crois profondément, évidemment, que l'immobilisme est la pire des choses et que, on l'a bien vu, dès qu'on ne fait plus rien, les choses s'aggravent. Donc, il faut évidemment montrer à nos concitoyens, et puis aussi se montrer à soi-même, que l'évolution est une chose nécessaire dans une société comme la nôtre. Il ne faut simplement pas braquer l'opinion et pas considérer que la réforme, ce ne sont que des sacrifices. Ce n'est pas uniquement ça..."
Q- C'est quand même souvent le cas, non ?
R- "R. Dutreil le disait hier : il peut y avoir une réforme de nature heureuse, c'est-à-dire une réforme douce, partagée par les uns et par les autres. Il faut aussi que l'intérêt public, l'intérêt national, que cette communauté nationale à laquelle on fait partie, de temps en temps, domine uniquement et domine, de temps en temps, et peut-être plus souvent sur les intérêts particuliers."
Q- Alors allez-vous changer de discours ? Allez-vous changer de méthode ? Allez-vous faire les deux ?
R- "Il faut évidemment mieux expliquer. La Nation française, nous citoyens français, on est aujourd'hui extrêmement mûrs, on est prêt à accepter un certain nombre de choses si on nous explique. Si on ne nous explique pas, on n'est pas prêt à faire."
Q- Vous avez déjà rencontré les syndicats. Vous n'avez pas eu le temps de beaucoup converser avec eux, mais vous les avez déjà rencontrés. Est-ce que vous avez le sentiment qu'ils sont ouverts, aujourd'hui, à ce processus d'évolution à l'intérieur du système de la fonction publique, auquel vous faisiez allusion tout à l'heure. C'est-à-dire : regardons là où il y a des besoins et, là où il y a des besoins, essayons de les pourvoir ?
R- "J'ai eu le sentiment en tout cas que les syndicats de la fonction publique, comme d'autres d'ailleurs, sont des syndicats aujourd'hui qui sont prêts à discuter, qui ont évolué sur un certain nombre de choses. Il ne faut pas caricaturer non plus les positions syndicales, sinon, d'ailleurs, on brutalise et on brusque dès le début toute négociation, et il n'en sort rien. Le principe d'une négociation, c'est quand même d'être face à face et puis de regarder ce qu'on peut faire ensemble. Si évidemment, on part sur une idée d'imposer les choses, on ne peut pas y arriver."
Q- Là-dessus, il y a une nette évolution de Raffarin III par rapport à Raffarin I, voire Raffarin II quand même...
R- "Il faut discuter mais il faut faire aussi. La discussion ne peut évidemment pas conduire à l'immobilisme."
Q- La loi de mobilisation pour l'emploi est morte et enterrée. Elle sera remplacée par une loi sur la cohésion sociale. Quant à l'assurance maladie, vous l'avez dit vous-même, il faut réformer. Mais est-ce qu'on aura le temps de faire ça à l'été, comme l'avait promis J.-P. Raffarin ?
R- "Oui, je suis persuadé qu'on aura le temps de le faire. D'ailleurs, le ministre de la Santé travaille activement à cela et je crois que le Premier ministre a annoncé que cette réforme serait derrière nous, au mois d'août"
Q- Elle sera forcément douloureuse ?
R- "Non, pas nécessairement. Pourquoi toujours de la douleur et du sacrifice ? On est dans un monde qui évolue constamment et il est naturel que tout ce qui nous régit, que ce qui nous entoure, évolue aussi mais évolue avec l'assentiment des Français."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 avril 2004)