Texte intégral
Jean-Pierre Elkabbach .-. Est-ce que la CGT a décidé d'être le fossoyeur des festivals d'été des villes qui les accueillent et de la culture populaire ?
Bernard Thibault .- "Non, je pense que ceux qui menacent les festivals sont ceux qui ont décidé de choisir ce calendrier pour mettre sur la table une révision des modalités d'indemnisation des intermittents du spectacle, qui aurait comme conséquence d'exclure un salarié sur trois du dispositif."
Mais est-ce que vous, aujourd'hui, vous soutenez, vous appuyez les mouvements des intermittents ? Est-ce que vous avez envie du titre de champion et de maître de l'agitation en 2003 ?
- "Il ne s'agit pas d'inverser les rôles dans ce qui fait le blocage de cette situation. Les intermittents, la CGT, n'a cessé depuis des années... Cela fait déjà plus de 10 ans que nous avons eu une crise sociale importante parmi les intermittents s'agissant du système d'indemnisation. On n'a rien fait sur une des questions fondamentales qui bloque le système. (...) Et le ministre de la Culture le sait puisque dès son arrivée, nous avons discuté de ce sujet, que les intermittents se sont saisis de toutes les occasions - les Molière, les César, le Festival de Cannes - pour dire combien ils souhaitaient rediscuter du système d'indemnisation des intermittents..."
Qu'est-ce que vous appelez les abus ?
- ..."Sans que l'on leur reproche aujourd'hui de refuser un texte qui ne porte pas sur l'essentiel des mesures qui doivent être prises par les pouvoirs publics, à savoir, oui, éliminer tous les abus qui sont de la responsabilité d'un certain nombre d'employeurs, principalement de l'audiovisuel, des sociétés de production, qui se servent du statut de l'intermittence pour faire supporter à la collectivité la précarité des emplois qu'ils génèrent par leur activité."
Quels exemples vous donnez ?
- "Des chaînes de télévision publiques, privées, des sociétés de productions. Il y a aujourd'hui un paysage de l'audiovisuel qui fonctionne par sous-traitance en cascade, avec une précarité des emplois. Ce n'est pas le seul secteur, on rencontre aussi cela dans l'industrie, dans le commerce. Mais cela a comme conséquence, dans ce secteur très particulier, d'en faire porter le préjudice à la création culturelle et aux salariés de la culture."
Il y a 100 000 intermittents ; combien sont concernés par ce que vous dites ?
- "Plusieurs milliers, voire même plusieurs dizaines de milliers. Nous avons demandé des expertises dans le domaine, des travaux ont été faits, il y a eu des évaluations. Ce que dénoncent les professionnels depuis des mois et des années, c'est que l'on fasse supporter les conséquences financières des mesures sur les plus précaires."
Mais vous qui dites ce matin, " il faut défendre les activités culturelles, etc." En France, l'été est une chance inouïe avec les festivals, - que ce soit Avignon, Montpellier, Pau, Carhaix avec " les vieilles charrues " ; on entendait ce matin à 7h00, ce que cela représentait -, vous ne pouvez pas dire aux artistes, aux techniciens, " ne cassez pas votre instrument de travail, ne vous coupez pas du public, ne tuez pas les spectacles de l'été !" ?
- "Mais vous savez qu'ils débattent aujourd'hui, la mort dans l'âme, de l'attitude qu'ils doivent avoir à la veille de l'organisation de ces manifestations, notamment du point de vue de leur investissement professionnel, parce que les festivals de l'été sont évidemment à un moment phare de leur activité professionnelle. C'est aussi un moment où va se décider leur activité pour plusieurs mois derrière. C'est donc la mort dans l'âme - je les connais bien - qu'ils décident parfois d'aller jusqu'à l'arrêt de travail, à un moment où leur activité est la plus importante..."
Dans l'intérêt de tout le monde...
- "Mais parce qu'on les place - et c'est là que la position actuelle du Gouvernement est, de mon point de vue, irresponsable -, dans une impasse, on ne leur laisse pas le choix, puisqu'ils ne sont pas entendus sur ce qui est dénoncé. Nous avons fait une proposition très précise, hier, au Gouvernement et je veux y revenir. Le Gouvernement a le moyen de mettre un terme au mouvement très rapidement : il suffit qu'il dise prendre des mesures immédiates quant aux abus qui sont de la responsabilité d'un certain nombre d'employeurs et qui plombent le système de l'intermittence, qu'il gèle l'application de cet accord et qu'il accepte de rediscuter du système d'indemnisation une fois que ces abus auront été éliminés."
Vous savez qu'il dénonce les abus, qu'il dit que l'accord concerne aussi les abus. D'autre part, à la CGT, vous avez la manie de la renégociation, du gel et de la renégociation. Vous savez que dans certains cas - pardon de vous le rappeler -, pour les retraites, cela n'a pas marché. On sent bien que J.-J. Aillagon va recevoir aujourd'hui des directeurs de festivals - ; beaucoup le soutiennent (...) : P. Chéreau, A. Mnouchkine, H. Gall... L'opéra perd 4 millions d'euros !"
- "Mais attendez ! Tout le monde est conscient des conséquences économiques d'une crise comme celle-là, c'est la raison..."
Alors soyez responsable pour deux !
- "Le Gouvernement doit l'être aussi. C'est la raison pour laquelle tout le monde doit prendre la mesure des conséquences qu'aurait un mouvement à ce moment-là, conséquences sociales et conséquences économiques. C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas que le Gouvernement se laisse mener par le bout du nez par un Medef qui n'a absolument rien à faire de la culture. Mais ce n'est pas la raison, ce n'est pas parce que le Medef n'a rien à faire de la culture française qu'il faut que la puissance publique se laisse faire et se laisse imposer des réformes qui n'ont reçu, je le rappelle, que le soutien d'organisations syndicales minoritaires. C'est encore une nouvelle occasion qui nous permet de réaffirmer qu'on ne pourra pas réformer notre pays sur des bases de négociations où se sont les syndicats minoritaires qui décident pour tous les autres."
Puis-je vous faire deux remarques ? On est passionnés l'un et l'autre, parce que l'on voit se dégrader notre propre pays... L'an dernier, le Medef et la CFDT ne voulaient plus du statut de l'intermittence, ils le trouvaient injuste et dépensier. Cette année, ils négocient et ils signent l'accord. On peut dire peut-être que le ministre de la Culture a sauvé l'intermittence. Premier point. Et deuxièmement, l'ancien accord est tombé le 30 juin ; je pense que les intermittents ne sont plus couverts. Vous défendez maintenant cet accord mais vous ne l'avez pas signé il y a 10 ans ou 15 ans.
- "On ne défend pas cet accord, le système d'indemnisation du chômage, en général. J'entends cette position qui dit "on a sauvé le système" ; on a sauvé le système sur les retraites, mais il y aura des retraites de plus en plus basses et on a introduit le système d'épargne retraite. On n'a pas sauvé le système, on l'a modifié. On dit que l'on sauve le système d'indemnisation du chômage dans notre pays, mais il y a de moins en moins de chômeurs qui sont indemnisés. On dit que l'on sauve le système de l'intermittence, mais les conditions d'indemnisation et de prise en charge sont de plus en plus douloureuses socialement. Ce n'est pas la conception de la réforme que j'ai. Je souhaite que nous soyons aussi dans un pays qui sache réformer mais qui sache aussi prétendre à un certain progrès social."
Avec un syndicat modernisé, la CGT, et qui lui aussi négocierait, accepterait le compromis et signerait. Ce serait une révolution ça, comme à la CFDT !
- "Si la CGT a une influence de plus de 70 % dans le domaine culturel, c'est sans doute parce que les professionnels considèrent que nous avons la bonne attitude, et qui sait être aussi exigeante par rapport au contenu des négociations."
Est-ce que la CGT a prévu des actions spectaculaires à l'occasion du Tour de France ?
- "Non, il n'y a pas d'actions spectaculaires de prévues dans ce domaine-là ou dans d'autres. Il est évident que les intermittents vont continuer, je pense, à chercher les moyens de faire entendre leur désaccord. Vous avez remarqué, il y a quelques personnalités qui ne partagent pas cette mobilisation, quoique je remarque que pour beaucoup d'entre elles qui émettent des réserves, cela porte plus sur la forme de l'action que sur les critiques de cet accord..."
Oui, c'est la forme de l'action et c'est le fait de tuer des villes et des festivals.
- "Il y a quasiment l'unanimité des professionnels, des réalisateurs, des comédiens, des artistes, de toutes tendances politiques confondues, pour dire au Gouvernement qu'il doit prendre une responsabilité de bon sens et surseoir à la mise en oeuvre de cet accord, et accepter, encore une fois, de se remettre autour de la table pour s'intéresser..."
Mais qu'est-ce que vous acceptez, vous ?
- "De rediscuter dès demain, dès lors que le Gouvernement marque une volonté de mettre un terme aux abus qui plombent le dispositif."
Mais s'il vous dit "venez discutez des abus et on fait un texte", est-ce que la CGT de Bernard Thibault le signerait ?
- "Mais c'est ce que nous demandons depuis deux jours et qui nous est refusé pour l'instant !"
Vous le signeriez ?
- "Mais oui ! S'il nous est proposé un plan d'action concret sur les abus, nous nous impliquons dans cette recherche-là. C'est ce que nous..."
...Mais vous êtes tous d'accord pour dénoncer les abus ! Je ne comprends pas pourquoi vous ne vous mettez pas d'accord !
- "Mais parce qu'il faut que le Gouvernement l'accompagne d'actions concrètes."
En fait, est-ce que la CGT ne veut pas prendre une revanche politique pendant l'été sur ce qui s'est passé sur les retraites, honnêtement ?
- "Cela n'a aucun sens ! Ce n'est pas la CGT qui a décidé que cet accord, s'agissant de l'avenir des intermittents, devait être sorti des tiroirs à ce moment-là. Donc, on ne peut pas reprocher à la CGT de ne pas assumer des responsabilités à un moment où on lui impose de tenir son rang au regard de l'influence qui est la nôtre parmi les professionnels du spectacle."
Est-ce que cela veut dire - c'est la première fois que vous vous exprimez sur ce conflit et je vous en remercie - que vous auriez préféré ou vous préféreriez un été calme, en attendant la rentrée, comme on dit ?
- "On peut toujours avoir des souhaits, malheureusement nous ne sommes pas le pilote de tous les événements. Nous avons aussi dans cette période des annonces de suppressions d'emplois dans un certain nombre d'entreprises, on a le cas d'Alstom, on a le cas dans d'autres groupes. Ce n'est pas nous qui choisissons le calendrier des mesures sociales, économiques, qui ont des conséquences pour les salariés. Et même si l'activité syndicale se trouve parfois ralentie durant l'été, il est aussi de notre responsabilité de tenir notre rang dans ces moments."
Pour corriger l'erreur tactique ou stratégique contre la réforme des retraites, la CGT n'est-elle pas en train d'en commettre une autre avec les intermittents ?
- "Je n'ai ni le sentiment d'avoir commis d'erreurs sur le dossier des retraites - dont on reparlera, à l'évidence, à la rentrée, par le biais de la négociation sur les retraites complémentaires - et je n'ai non plus pas le sentiment de commettre une erreur avec notre fédération du spectacle en disant les choses aux Français, à savoir que cet accord ne résout en rien le problème sur le fond et qu'il appartient au Gouvernement de prendre de la hauteur et de prendre la décision qui s'impose pour faire en sorte que les festivals - parce que nous le souhaiterions - puissent se dérouler dans de bonnes conditions. Mais cela nécessite une décision politique qui revient au Gouvernement aujourd'hui."
Sinon, à la rentrée, ce sera la vendetta ?
"Non, il ne s'agit pas de vendetta, il s'agit tout simplement, dans notre rôle d'organisation syndicale, de faire valoir les droits des salariés."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 juillet 2003)
Bernard Thibault .- "Non, je pense que ceux qui menacent les festivals sont ceux qui ont décidé de choisir ce calendrier pour mettre sur la table une révision des modalités d'indemnisation des intermittents du spectacle, qui aurait comme conséquence d'exclure un salarié sur trois du dispositif."
Mais est-ce que vous, aujourd'hui, vous soutenez, vous appuyez les mouvements des intermittents ? Est-ce que vous avez envie du titre de champion et de maître de l'agitation en 2003 ?
- "Il ne s'agit pas d'inverser les rôles dans ce qui fait le blocage de cette situation. Les intermittents, la CGT, n'a cessé depuis des années... Cela fait déjà plus de 10 ans que nous avons eu une crise sociale importante parmi les intermittents s'agissant du système d'indemnisation. On n'a rien fait sur une des questions fondamentales qui bloque le système. (...) Et le ministre de la Culture le sait puisque dès son arrivée, nous avons discuté de ce sujet, que les intermittents se sont saisis de toutes les occasions - les Molière, les César, le Festival de Cannes - pour dire combien ils souhaitaient rediscuter du système d'indemnisation des intermittents..."
Qu'est-ce que vous appelez les abus ?
- ..."Sans que l'on leur reproche aujourd'hui de refuser un texte qui ne porte pas sur l'essentiel des mesures qui doivent être prises par les pouvoirs publics, à savoir, oui, éliminer tous les abus qui sont de la responsabilité d'un certain nombre d'employeurs, principalement de l'audiovisuel, des sociétés de production, qui se servent du statut de l'intermittence pour faire supporter à la collectivité la précarité des emplois qu'ils génèrent par leur activité."
Quels exemples vous donnez ?
- "Des chaînes de télévision publiques, privées, des sociétés de productions. Il y a aujourd'hui un paysage de l'audiovisuel qui fonctionne par sous-traitance en cascade, avec une précarité des emplois. Ce n'est pas le seul secteur, on rencontre aussi cela dans l'industrie, dans le commerce. Mais cela a comme conséquence, dans ce secteur très particulier, d'en faire porter le préjudice à la création culturelle et aux salariés de la culture."
Il y a 100 000 intermittents ; combien sont concernés par ce que vous dites ?
- "Plusieurs milliers, voire même plusieurs dizaines de milliers. Nous avons demandé des expertises dans le domaine, des travaux ont été faits, il y a eu des évaluations. Ce que dénoncent les professionnels depuis des mois et des années, c'est que l'on fasse supporter les conséquences financières des mesures sur les plus précaires."
Mais vous qui dites ce matin, " il faut défendre les activités culturelles, etc." En France, l'été est une chance inouïe avec les festivals, - que ce soit Avignon, Montpellier, Pau, Carhaix avec " les vieilles charrues " ; on entendait ce matin à 7h00, ce que cela représentait -, vous ne pouvez pas dire aux artistes, aux techniciens, " ne cassez pas votre instrument de travail, ne vous coupez pas du public, ne tuez pas les spectacles de l'été !" ?
- "Mais vous savez qu'ils débattent aujourd'hui, la mort dans l'âme, de l'attitude qu'ils doivent avoir à la veille de l'organisation de ces manifestations, notamment du point de vue de leur investissement professionnel, parce que les festivals de l'été sont évidemment à un moment phare de leur activité professionnelle. C'est aussi un moment où va se décider leur activité pour plusieurs mois derrière. C'est donc la mort dans l'âme - je les connais bien - qu'ils décident parfois d'aller jusqu'à l'arrêt de travail, à un moment où leur activité est la plus importante..."
Dans l'intérêt de tout le monde...
- "Mais parce qu'on les place - et c'est là que la position actuelle du Gouvernement est, de mon point de vue, irresponsable -, dans une impasse, on ne leur laisse pas le choix, puisqu'ils ne sont pas entendus sur ce qui est dénoncé. Nous avons fait une proposition très précise, hier, au Gouvernement et je veux y revenir. Le Gouvernement a le moyen de mettre un terme au mouvement très rapidement : il suffit qu'il dise prendre des mesures immédiates quant aux abus qui sont de la responsabilité d'un certain nombre d'employeurs et qui plombent le système de l'intermittence, qu'il gèle l'application de cet accord et qu'il accepte de rediscuter du système d'indemnisation une fois que ces abus auront été éliminés."
Vous savez qu'il dénonce les abus, qu'il dit que l'accord concerne aussi les abus. D'autre part, à la CGT, vous avez la manie de la renégociation, du gel et de la renégociation. Vous savez que dans certains cas - pardon de vous le rappeler -, pour les retraites, cela n'a pas marché. On sent bien que J.-J. Aillagon va recevoir aujourd'hui des directeurs de festivals - ; beaucoup le soutiennent (...) : P. Chéreau, A. Mnouchkine, H. Gall... L'opéra perd 4 millions d'euros !"
- "Mais attendez ! Tout le monde est conscient des conséquences économiques d'une crise comme celle-là, c'est la raison..."
Alors soyez responsable pour deux !
- "Le Gouvernement doit l'être aussi. C'est la raison pour laquelle tout le monde doit prendre la mesure des conséquences qu'aurait un mouvement à ce moment-là, conséquences sociales et conséquences économiques. C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas que le Gouvernement se laisse mener par le bout du nez par un Medef qui n'a absolument rien à faire de la culture. Mais ce n'est pas la raison, ce n'est pas parce que le Medef n'a rien à faire de la culture française qu'il faut que la puissance publique se laisse faire et se laisse imposer des réformes qui n'ont reçu, je le rappelle, que le soutien d'organisations syndicales minoritaires. C'est encore une nouvelle occasion qui nous permet de réaffirmer qu'on ne pourra pas réformer notre pays sur des bases de négociations où se sont les syndicats minoritaires qui décident pour tous les autres."
Puis-je vous faire deux remarques ? On est passionnés l'un et l'autre, parce que l'on voit se dégrader notre propre pays... L'an dernier, le Medef et la CFDT ne voulaient plus du statut de l'intermittence, ils le trouvaient injuste et dépensier. Cette année, ils négocient et ils signent l'accord. On peut dire peut-être que le ministre de la Culture a sauvé l'intermittence. Premier point. Et deuxièmement, l'ancien accord est tombé le 30 juin ; je pense que les intermittents ne sont plus couverts. Vous défendez maintenant cet accord mais vous ne l'avez pas signé il y a 10 ans ou 15 ans.
- "On ne défend pas cet accord, le système d'indemnisation du chômage, en général. J'entends cette position qui dit "on a sauvé le système" ; on a sauvé le système sur les retraites, mais il y aura des retraites de plus en plus basses et on a introduit le système d'épargne retraite. On n'a pas sauvé le système, on l'a modifié. On dit que l'on sauve le système d'indemnisation du chômage dans notre pays, mais il y a de moins en moins de chômeurs qui sont indemnisés. On dit que l'on sauve le système de l'intermittence, mais les conditions d'indemnisation et de prise en charge sont de plus en plus douloureuses socialement. Ce n'est pas la conception de la réforme que j'ai. Je souhaite que nous soyons aussi dans un pays qui sache réformer mais qui sache aussi prétendre à un certain progrès social."
Avec un syndicat modernisé, la CGT, et qui lui aussi négocierait, accepterait le compromis et signerait. Ce serait une révolution ça, comme à la CFDT !
- "Si la CGT a une influence de plus de 70 % dans le domaine culturel, c'est sans doute parce que les professionnels considèrent que nous avons la bonne attitude, et qui sait être aussi exigeante par rapport au contenu des négociations."
Est-ce que la CGT a prévu des actions spectaculaires à l'occasion du Tour de France ?
- "Non, il n'y a pas d'actions spectaculaires de prévues dans ce domaine-là ou dans d'autres. Il est évident que les intermittents vont continuer, je pense, à chercher les moyens de faire entendre leur désaccord. Vous avez remarqué, il y a quelques personnalités qui ne partagent pas cette mobilisation, quoique je remarque que pour beaucoup d'entre elles qui émettent des réserves, cela porte plus sur la forme de l'action que sur les critiques de cet accord..."
Oui, c'est la forme de l'action et c'est le fait de tuer des villes et des festivals.
- "Il y a quasiment l'unanimité des professionnels, des réalisateurs, des comédiens, des artistes, de toutes tendances politiques confondues, pour dire au Gouvernement qu'il doit prendre une responsabilité de bon sens et surseoir à la mise en oeuvre de cet accord, et accepter, encore une fois, de se remettre autour de la table pour s'intéresser..."
Mais qu'est-ce que vous acceptez, vous ?
- "De rediscuter dès demain, dès lors que le Gouvernement marque une volonté de mettre un terme aux abus qui plombent le dispositif."
Mais s'il vous dit "venez discutez des abus et on fait un texte", est-ce que la CGT de Bernard Thibault le signerait ?
- "Mais c'est ce que nous demandons depuis deux jours et qui nous est refusé pour l'instant !"
Vous le signeriez ?
- "Mais oui ! S'il nous est proposé un plan d'action concret sur les abus, nous nous impliquons dans cette recherche-là. C'est ce que nous..."
...Mais vous êtes tous d'accord pour dénoncer les abus ! Je ne comprends pas pourquoi vous ne vous mettez pas d'accord !
- "Mais parce qu'il faut que le Gouvernement l'accompagne d'actions concrètes."
En fait, est-ce que la CGT ne veut pas prendre une revanche politique pendant l'été sur ce qui s'est passé sur les retraites, honnêtement ?
- "Cela n'a aucun sens ! Ce n'est pas la CGT qui a décidé que cet accord, s'agissant de l'avenir des intermittents, devait être sorti des tiroirs à ce moment-là. Donc, on ne peut pas reprocher à la CGT de ne pas assumer des responsabilités à un moment où on lui impose de tenir son rang au regard de l'influence qui est la nôtre parmi les professionnels du spectacle."
Est-ce que cela veut dire - c'est la première fois que vous vous exprimez sur ce conflit et je vous en remercie - que vous auriez préféré ou vous préféreriez un été calme, en attendant la rentrée, comme on dit ?
- "On peut toujours avoir des souhaits, malheureusement nous ne sommes pas le pilote de tous les événements. Nous avons aussi dans cette période des annonces de suppressions d'emplois dans un certain nombre d'entreprises, on a le cas d'Alstom, on a le cas dans d'autres groupes. Ce n'est pas nous qui choisissons le calendrier des mesures sociales, économiques, qui ont des conséquences pour les salariés. Et même si l'activité syndicale se trouve parfois ralentie durant l'été, il est aussi de notre responsabilité de tenir notre rang dans ces moments."
Pour corriger l'erreur tactique ou stratégique contre la réforme des retraites, la CGT n'est-elle pas en train d'en commettre une autre avec les intermittents ?
- "Je n'ai ni le sentiment d'avoir commis d'erreurs sur le dossier des retraites - dont on reparlera, à l'évidence, à la rentrée, par le biais de la négociation sur les retraites complémentaires - et je n'ai non plus pas le sentiment de commettre une erreur avec notre fédération du spectacle en disant les choses aux Français, à savoir que cet accord ne résout en rien le problème sur le fond et qu'il appartient au Gouvernement de prendre de la hauteur et de prendre la décision qui s'impose pour faire en sorte que les festivals - parce que nous le souhaiterions - puissent se dérouler dans de bonnes conditions. Mais cela nécessite une décision politique qui revient au Gouvernement aujourd'hui."
Sinon, à la rentrée, ce sera la vendetta ?
"Non, il ne s'agit pas de vendetta, il s'agit tout simplement, dans notre rôle d'organisation syndicale, de faire valoir les droits des salariés."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 juillet 2003)