Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, à "La Dépèche du Midi" le 16 septembre 2003, sur l'action du gouvernement de Jean-Pierrre Raffarin concernant le processus de réforme de l'assurance-maladie et la mise en place de l'accord sur les départs anticipés à la retraite.

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Média : La Dépêche du Midi

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La Dépèche du Midi .- Le gouvernement n'a pas tenu tous ses engagements concernant les longues carrières. N'avez-vous pas l'impression de vous être fait berner ?
François Chérèque .- " 200 000 salariés vont pouvoir partir à la retraite avant 60 ans, dès 2004. Et davantage les années suivantes. Voilà ce qui est déjà acquis, grâce à la CFDT. Nous exigeons encore du gouvernement qu'il prenne en compte les périodes de chômage indemnisées et les périodes de maladie dans le calcul de la retraite des carrières longues, ce qui aboutirait à 50 000 bénéficiaires supplémentaires. Si le gouvernement ne les intègre pas, il n'appliquera pas totalement les engagements qu'il a pris, ce qui posera un vrai problème de confiance avec la CFDT.
D'autres réformes sont à venir. Si le gouvernement veut que des partenaires s'engagent sur celles-ci, il faut qu'il tienne ses engagements sur les retraites ".
Monsieur Delevoye propose des rémunérations au mérite pour les fonctionnaires. Vous y êtes prêts ?
" Avant de parler de mérite, il faut d'abord garantir le pouvoir d'achat de tous les fonctionnaires, aujourd'hui entamé. Il faut ensuite déterminer des objectifs, à partir d'un projet de service, ou d'administration. Or, on attend toujours une réforme de l'État pour redéfinir les missions de services publics ".
Nicole Notat avait soutenu le plan Juppé, vous avez signé un accord avec Raffarin sur les retraites. La CFDT n'est-elle pas devenue l'auxiliaire de la droite ?
" Non. Nous négocions avec les gouvernements qui acceptent de négocier et de faire des réformes nécessaires. On oublie trop facilement que la CFDT est le syndicat qui a soutenu la démarche de la réduction du temps de travail du gouvernement Jospin. L'important n'est pas l'étiquette politique de l'équipe au pouvoir mais le résultat obtenu ".
On attendait une rentrée sociale chaude. Elle est plutôt paisible. Êtes-vous étonné ou déçu ?
" Depuis plus de deux ans le chômage augmente. Dans ces conditions les salariés sont inquiets et ne sont pas disposés à manifester. Lorsque l'emploi devient le problème numéro un, le rôle des syndicats est de se battre dans les entreprises touchées et de proposer des solutions ".
Vous avez rencontré Bernard Thibault vendredi. Mais l'épisode des retraites ne montre-t-il pas que le front syndical est une illusion ?
" Ce n'est pas parce qu'on est en désaccord sur les retraites, qu'on doit être éternellement en désaccord sur tout le reste. Dans la négociation sur le formation continue, les syndicats parlent d'une seule voix. Le diagnostic qu'on fait sur l'emploi est globalement commun. Cela montre qu'on peut faire des propositions ensemble ".
Vous critiquez le gouvernement sur l'emploi mais a-t-il des marges de manoeuvre ?
" l les aurait s'il se les donnait. Le gouvernement s'entête à baisser des impôts, ce qui ne fait que favoriser l'épargne et ne relance pas la consommation. Il se prive ainsi de marges de manoeuvre financières qu'il aurait pu mettre dans la politique de l'emploi pour développer la formation, soutenir le traitement social du chômage, favoriser la reconversion de sites en difficulté, et proposer une relance européenne. En arrivant au pouvoir, le gouvernement n'a pas dressé le bon diagnostic en refusant de voir que le chômage augmentait depuis un an. Il attend tout d'une relance extérieure pour pouvoir faire redémarrer l'économie française. Or rien ne dit qu'elle arrivera. Le gouvernement est en échec sur l'emploi ".
Le gouvernement prend son temps pour la réforme de l'assurance-maladie. Mais peut-on encore attendre ?
" Si on regarde le niveau des déficits, il y a de quoi être inquiet car les déficits qui se creusent sont des dettes qu'on laisse aux générations futures. Il faut donc rapidement trouver de nouvelles ressources. Mais lorsqu'on voit la désorganisation du système de santé, une année de concertation est vraiment nécessaire pour aboutir à une bonne réformes. Il faut réorganiser notre système de soins pour que chacun soit bien soigné, sans aller aux urgences, et mieux remboursé, grâce à la Sécu et à une mutuelle, à laquelle près de 20 % de salariés n'ont pas accès ".
Au final, les salariés devront accepter des sacrifices ?
" Les Français sont attachés à leur système de santé. Il n'est donc pas question de baisser la qualité de nos prestations. Cela passera inévitablement par l'augmentation des recettes, qui doit être financée par l'ensemble des revenus y compris ceux du capital et du patrimoine, grâce à la CSG ".
(Source http://www.cfdt.fr, le 17 septembre 2003)